[Assemblée nationale*] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 octobre 1790.] prendre en considération des réclamations respectueuses (la partie gauche applaudit), dirigées contre un petit nombre d’articles de peu d’importance, puisque la loi n’en prescrit pas l’observation rigoureuse; des réclamations d’ailleurs fondées sur des sentimen ts de délicatesse et d’honneur, toujours précieux à des Français. Sur la proposition de M. Nompère, et sur les observations de plusieurs autres membres, les dispositions suivantes sont décrétées : « 1° L’Assemblée autorise son comité de la marine à lui présenter demain un projet de décret sur la réformation des articles du code pénal qui ont occasionné les réclamations de l’escadre; 2° le roi sera prié de surseoir à l’exécution du décret portant adjonction de deux commissaires civils aux commissaires actuellement à Brest; 3° M. le président écrira à la Société des amis de la Constitution à Brest, aux commissaires du roi et aux corporations qui ont contribué au rétablissement de l’ordre, pour leur témoigner la satisfaction de l’Assemblée. » M. Paul Nairac. Je demande l’impression des deux pièces qui ont été lues; on ne saurait trop faire connaître un si bon exemple. Une insurrection commence à se manifester parmi les matelots de Bordeaux... (L’impression de ces pièces est décrétée.) (La séance est levée à quatre heures.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BARNAVE. Séance du mardi 26 octobre 1790, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. M. Durand-lf aillane, secrétaire, donne lecture des adresses ci-après : Adresse en langue allemande de 13 municipalités du Bas-Rhin, portant hommage d’admiration, de reconnaissance et d’adhésion aux décrets de rAssemblée nationale, et le serment d’en soutenir l’exécution de toutes leurs forces contre tous ceux qui s’efforcent de les séduire et de les égarer. Adresse de dévouement des chasseurs du régiment de Bourgogne, composant le détachement de Bram; ils portent plainte conlre le lieutenant commandant ledit détachement, et présentent un certificat de bonne conduite, qui leur a été délivré par les ofüciers municipaux de cette communauté. Protestation des hommes de loi, membres de la Société des amis de la Constitution, séante à Àix, contre le discours du sieur Pascalis et adhérents, prononcé par devant la chambre des vacations le 27 septembre dernier, et dénoncé à l’Assemblée nationale. Délibération de la section de l’Oratoire, portant qu’elle ne peut plus accorder sa confiance aux ministres actuels , excepté néanmoins M. de Montmorin, dont le patriotisme est connu. Adresse des employés de la régie de la direction de Nantes, qui supplient l’Assemblée de les rendre utiles, chacun selon leurs facultés, leur mérite et l’ancienneté de leurs services. Adresse de M. Duquesny, avocat, qui fait hommage à l’Assemblée d’un quatrain pour servir d’inscription au monument qui sera élevé sur la place de la Bastille. Adresse c(e M. Lacroix, officier municipal de Bourgoin, qui présente à l’Assemblée un ouvrage qu’il a composé sur les ordres religieux, suivi de quelques observations sur les curés. Adresse des gardes nationales de Saint-Amand, département du Cher, qui ont fait célébrer un service solennel pour honorer la mémoire de leurs frères d’armes morts à Nancy. Elles ont juré sur leur tombeau de s’ensevelir sous les ruines de la France plutôt que de souffrir qu’elle retombe sous l’empire du despotisme. Adresse des électeurs du district deBeaune, pour la nomination des juges, qui, avant de se séparer, renouvellent à l’Assemblée l’adhésion la plus entière à ses décrets, et lui offrent le tribut de reconnaissance que tous les Français ne cessent de lui rendre pour des travaux dont le résultat fera bientôt leur bonheur. Adresse des membres du directoire du département de la Haute-Garonne, du district, de la municipalité et de la garde nationale de Toulouse, qui, instruits des troubles qui pouvaient faire craindre que la ville de Pamiers ne devînt le théâtre de quelque scène désastreuse, annoncent qu’ils ont envoyé un député de chacun des quatre corps pour apaiser ces troubles. Ils ajoutent que cette démarche a été couronnée d’un heureux succès. Plainte faite par devant un officier municipal de Marseille, par les sieurs Fraisse, Dedille, Paren, Pairol et Merle, tous originaires Français, ci-devant établis à Naples, et contenant l’exposé des vexations atroces qu’ils ont éprouvées de la part du gouvernement de Naples, depuis le 10 du mois de juillet dernier, jusqu’à la fin du même mois, sous le seul prétexte qu’ils sont nés en France. Ils observent que n’étant prévenus d'aucun crime, ils sont surpris que l’Ambassadeur de la cour de Naples n’ait pas réclamé contre les vexations qui les ont forcés de se réfugier à Marseille, dépouillés de leur fortune et de leur état. Délibération de la section de la Croix-Rouge, portant que l’Assemblée nationale serait de nouveau suppliée par une adresse, au nom de la commune de Paris, de solliciter près du roi le renvoi de ses ministres, M. le ministre des Affaires étrangères excepté. Adresse des juges du tribunal du district de Saint-Florentin, par laquelle ils supplient l’Assemblée nationale d’agréer la réduction de six cents livres, qu’ils offrent sur le traitement de dix-huit, qui leur est accordé par le décret de l’Assemblée ; ils désirent prouver par ce sacrifice l’envie qu’ils ont d’être utiles à leur patrie, et de concourir particulièrement au soulagement de leurs justiciables. M. Bouche observe, au sujet de la déclaration faite par devant la municipalité de Marseille, par des Français maltraités et chassés du royaume de Naples, qu’il est à propos de venir au secours des Français domiciliés sur les terres des puissances étrangères; il propose, en conséquence, un projet de décret tendant à faire prêter le serment civique aux agents du pouvoir exécutif employés hors du royaume, sous quelque dénomination que ce puisse être, et à faire examiner si (1) Cette séance est ineomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 octobre 1790.] les plaintes de quelques Français, actuellement à Naples, sont fondées. M. Prieur demande que ce projet de décret soit renvoyé aux comités diplomatique et de Constitution. Un autre membre propose de le renvoyer au comité des rapports. M. d’André propose, enfin, qu’on décrète sur-le-champ le fond du projet de décret pour le principe, et qu’il soit renvoyé au comité de Constitution pour le surplus. La priorité mise aux voix est accordée à cette dernière motion. Voici le projet de décret tel qu’il est proposé : « L’Assemblée nationale décrète : Art. 1er. Tous les ministres plénipotentiaires, ambassadeurs, envoyés, consuls, vice-consuls, gérants et résidents auprès des puissances étrangères, leurs secrétaires, commis et employés français prêteront le serment civique, en feront parvenir à l’Assemblée nationale ou à la législature suivante un extrait par eux signé et scellé du sceau de leur chancellerie ou secrétariat, savoir : « Ceux qui sont en Europe, dans un mois, à compter du jour de la notification du présent dé-cert; ceux qui sont dans les échelles de Barbarie et du Levant, dans trois mois ; « Ceux qui sont dans les colonies de l’Amérique, dans cinq mois ; « Ceux qui sont dans les différentes contrées des Indes, dans 14 mois, et tous à compter de l’époque susdite. « Art. 2. Le serment qu’ils prêteront sera conçu en ces termes : Je jure d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi; de maintenir de tout mon pouvoir, dans l’exercice des fonctions qui me sont confiées, la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le roi, et de protéger auprès de.... ses ministres et agents, les Français domiciliés sur leurs terres. « Art. 3. Ce serment sera désormais prêté par tous les agents du pouvoir exécutif, hors du royaume, dans les mains des officiers municipaux du lieu de leur départ. « Art. 4. L’Assemblée nationale déclare coupables de crime de lèse-nation tous les ministres plénipotentiaires, ambassadeurs, envoyés, consuls, vice-consuls, gérants et résidents auprès des puissances étrangères, qui refuseraient de prêter ce serment, ou qui, après l’avoir prêté, seraient infidèles ou négligems à l’observer. « Art. 5. L’Assemblée nationale charge les ministres du roi, chacun dans leur département, de lui faire savoir le jour auquel le présent décret sera envoyé aux agents du pouvoir exécutif hors du royaume; elle renvoie à son comité diplomatique la déclaration de sieurs Fraisse, üedille, Paren, Pairol et Merle, orginaires français, et le charge de lui proposer le plus tôt possible ses vues à ce sujet ». Un membre présente quelques réflexions générales sur la nature du serment et sur le peu de confiance que l’on doit avoir sur ceux que la crainte a déterminés. M. le Président. Monsieur l’opinant, je vous rappelle à l’ordre pour l’expression indécente que vous venez de tenir. 45 f M. l’abbé Gouttes. Si le préopinant avai écouté la lecture du projet de décret, il ne serait pas tombé dans l’étrange erreur qu’il vient de commettre. On ne veut pas exiger un serment par crainte, mais on veut que tout homme à qui on confie des fonctions publiques soit obligé de prêter et de tenir le serment que ses commettants sont en droit d’exiger de lui. M. de Foucault. Le décret étant constitutionnel doit être discuté dans une séance du matin. (Quelques orateurs sont encore entendus. Le décret est ensuite renvoyé au comité de Constitution.) M. Vieillard, député de Coutances , au nom du comité des rapports. Au mois de mai dernier des troubles eurent lieu à Castres, comme à Montau-ban et à Nîmes. Deux tailleurs, les frères Gisard, parcoururent à cette époque les cabarets, engagèrent à prendre la cocarde blanche et à fouler aux pieds la cocarde nationale. La municipalité les fit arrêter; ils subirent des interrogatoires, et toutes leurs réponses annoncèrent le fanatisme de la religion ; des témoins chargèrent les accusés que le sénéchal décréta de prise de corps. Sur l’appel, le parlement de Toulouse cassa la procédure, mit les frères Gisard hors de cour, et condamna la municipalité et le procureur de la commune aux dépens. Cette municipalité réclame contre la disposition qui la concerne, et, pour apprécier cette réclamation, il suffit d’observer que les officiers municipaux de Castres ont agi comme fonctionnaires publics, et qu'en cette occasion, comme en toutes les autres, ils ont montré leur sagesse et leur zèle pour le maintien de l’ordre public. Le comité m’a chargé de vous présenter le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, sur la réclamation des officiers municipaux de la ville de Castres, «Charge son président d’écrire à la municipalité de ladite ville, pour lui témoigner la satisfaction de l’Assemblée sur la conduite sage et patriotique qu’elle a tenue à l’occasion des troubles qui se sont manifestés, au commencement du mois de mai dernier, dans ladite ville ; « Déclare l’arrêt rendu par la chambre des vacations du ci-devant parlement de Toulouse, le 24 septembre dernier, en ce qui touche les officiers municipaux et le procureur delà commune de Castres, nul et comme non-avenu. » (Ce projet de décret est adopté.) M. Voidel, au nom du comité des recherches. Vous nous avez demandé des détails sur l’affaire deM. de Bussi, arrêté près Mâcon. Il nous manque encore des pièces qui seraient nécessaires à notre rapport : ce que nous allons vous exposer suffira pour justifier la nécessité de la translation de M. de Bussi et autres particuliers dans les prisons de l’Abbaye. Le 12 octobre, les officiers municipaux de Valence apprirent que deux jeunes gens avaient fait faire des uniformes différents de ceux des gardes nationales. Ils demandèrent M. Dupuis tailleur, qui déclara avoir lait des habits verts, ayant un passe-poil rouge, et auxquels on s’était réservé de mettre les boutons. La municipalité apprit ensuite que MM. Blin et Borry, anciens gendarmes, qui avaient fait faire ces habits, étaient partis de nuit pour se rendre au château de Vil-