[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 juin 1790.] es secours de la municipalité, dont le devoir est de veiller à l’ordre public et à la sûreté des citoyens qui ne peuvent être arrêtés ni détenus sans observer les formes prescrites par la loi ; les officiers de la garnison ne sont pas moins citoyens que les autres, les soldats le sont aussi. La municipalité doit protection et secours à tous, contre les entreprises de quiconque attente à leur liberté civile -, c’est ce qu’a fait et dû faire la municipalité envers M. d’Espenan. Les députés du régiment de Touraine n’auraient pas dû supposer que la municipalité eût voulu favoriser une évasion ; elle voit avec peine qu’ils se soient permis une supposition si peu conforme à sa dignité et à ses sentiments ; et elle ne peut, en finissant, que renouveler son vif désir de voir rétablir et cimenter à jamais dans le régiment de Touraine, la discipline et la subordination si nécessaires au maintien de l’ordre et de la sûreté publique, dont l’infraction ne peut par conséquent se concilier avec l’amour de la patrie, et qui seules peuvent donner un nouveau prix à la réputation de courage et d’bonneur que ce régiment a si bien méritée. Collationnée sur l’original. Signé : Jaume. Du mémoire présenté par M. le vicomte de Mirabeau , colonel du régiment de Touraine, à la municipalité de Perpignan , a été extrait ce qui suit : Je vous ordonne, soldats, au nom du serment que vous avez fait à la nation, à la loi et au roi, de vous rendre à votre quartier, vous y recevrez mes ordres ; ce n’est pas au milieu d’une rue et par une insurrection que vous obtiendrez de moi une réponse : obéissez. Des cris presque unanimes dirent non. Toujours calme, je répétai une seconde fois le même ordre, on me répondit encore non. J’eus beau dire que je n’étais pas accoutumé à obéir à mes subordonnés, qu’ils pouvaient me casser, mais pas me faire plier ; les non furent toujours répétés. Un appointé de la compagnie de Vaubercey sortit du rang, s’avança vers moi et me dit : Nous savons que vous voulez faire rentrer au régiment les gens qui ont voulu nous faire du mal, mais f...., ils n’y rentreront pas. Ces propos étaient accompagnés de gestes dangereux et menaçants; un des officiers qui étaient près de moi, m’avertit que d’autres ramassaient des pierres, alors je fis un pas en arrière, je dis : A moi MM. les officiers. Je tirai mon épée, et la portant en l’air, je criai : Obéissez, soldats, à la voix de votre chef. Au mouvement que nous fimes pour mettre l’épée à la main, les soldats se jetèrent les uns sur les autres des deux côtés de la rue, plusieurs tombèrent et d’autres crièrent : Aux armes ! ils coururent à leur quartier où ils furent prendre les armes. Nous, Jacques Gavit, Pouilhari, maître perruquier; Antoine Commellan, négociant ; Joseph Lobes, bourgeois; Vincent Gamuzat, passera , ntier; Jean Tornades, sellier; Jacques-Philippe Neger, garçon perruquier; Paul Ris, tailleur; Dominique Cazal, avocat; Jean Ghepe, tailleur et Pierre La Forest; tous domiciliés dans cette ville de Perpignan, après avoir pris lecture de l’écrit ci-dessus, attestons et affirmons le contenu en celui véritable, pour l’avoir vu et entendu : et nous dits Chepe et Commellan, attester s de plus avoir entendu que plusieurs grenadiers criaient (en parlant de M. le vicomte de Mirabeau) point de vive, il est f.... pour venir ici, ajoutant : il faut qu’il 274 vienne, c’est ici la tête, et il est f.... pour cela ; ce qu’ils ont répété plusieurs fois. Nous tous susdits attestons, en outre, que lorsque M. le vicomte de Mirabeau tira son épée, ainsi que MM. les officiers qui étaient avec lui, ils ne blessèrent, ni ne la portèrent contre personne; en témoins de quoi avons donné la présente attestation que nous avons signée, à Perpignan, le douze juin 1790, — Chepe. Commellan. Torreilles. G. -J. Pouilharie. Paul Rio. Philippe Meger. V. Ca-muzat. Laforest. Joseph Lobet, Cazal . Signé à l’original qui est au pouvoir de M. le vicomte de Mirabeau. Nous, maire et officiers municipaux delà ville de Perpignan, certifions à tous ceux qu’il appartiendra, que les seings ci-desus apposés sont véritables, et que les personnes qui ont donné et signé le certificat sont connues de nous, et que foi peut y être ajoutée, en témoins de quoi, nous avons donné ces présentes auxquelles nous avons fait apposer les sceau et armes de la ville , et fait contre-signer par le secrétaire-greffier de la commune. À Perpignan, le 12 juin 1790. Signé : d’Aguilard, maire; Cuit, Vaudricourt, Cagasiga, Mapottq, Pons. — Par la municipalité ; Jaume, secrétaire. Ainsi est à l’original duquel le présent a été extrait, par nous secrétaire-greffier de la municipalité de Castelnau-dary, à la réquisition de M. le vicomte de Mirabeau, membre de l’Assmblée nationale, lequel a de suite retiré ledit original, en foi de quoi nous sommes soussignés, à Castel-naudary, le 14 juin 1790 ; et nous avons apposé les sceau et armes de la vile. Signé : Boyer, secrétaire-greffier. Paris, ce 31 mai 1790. Copie de la lettre de M. la Tour-du-Pin , à M. le vicomte de Mirabeau* En mettant sous les yeux du roi, Monsieur, le compte qui m’a été rendu de l’insurrection à laquelle s’est livré le régiment de Touraine, je n’ai pas laissé ignorer à Sa Majesté l’intention où vous êtes de demander à l’Assemblée nationale, dont vous êtes membre, la permission de vous absenter, afin de vous rendre à votre régiment, et d’y employer vos efforts pour y rétablir l’ordre et la subordination. Le roi a vu avec satisfaction la preuve du zèle que vous vous disposez à donner, et Sa Majesté approuve que vous vous rendiez au régiment de Touraine aussitôt que vous aurez obtenu l’agrément de l’Assemblée nationale. Il est sans doute inutile de vous recommander, Monsieur, d’apporter la plus grande prudence, pour connaître, avant tout, les causes d’une insurrection aussi extraordinaire dans un corps distingué autant par sa bonne conduite que par sa valeur contre les ennemis de la patrie ; vous pourrez à cet égard, s’il est nécessaire, vous concerter avec MM. les officiers municipaux, pour en obtenir les renseignements qu’ils pourrout vous procurer, et vous aviserez, avec le commandant de la place, à tous les moyens que la raison, la patience, et cependant la fermeté, indiqueront de mettre en usage pour ramener ce régiment à la discipline, d’après la connaissance que vous aurez pu prendre des véritables causes de son insurrection. Je ne puis penser que le régiment de Touraine ne s’empresse de revenir aux principes de subordination, qui seuls font la force et la gloire des corps militaires, et sont la vraie sauvegarde de 272 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (18 juin 1790.] la sûreté des citoyens. Sans doute, que ce corps déjà rougi d’avoir pu s’en écarter, au mépris du serment solennel qu’il a prêté de rester fidèle à la nation, au roi, à la loi et aux règles de la discipline militaire. Mais quelques heureux effets qu’aient pu produire son repentir, le roi ne pourra le croire durable que lorsque les officiers que l’effervescence a forcés de s’absenter, seront rentrés à leurs compagnies, et que J’adjudant et les bas-officiers du régiment, qui ont été injustement destitués par les soldats, seront remis à leur place; c’est à obtenir cette marque d’un retour sincère que Sa Majesté vous ordonne d’employer tous vos soins. J’écris à M. de Chollet, pour qu’il vous seconde de tous les moyens que l’autorité de sa place pourra lui faire employer. J’ai l’honneur d’être très parfaitement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. Signé : La Tour-du-Pin. M. de Folleville. Les pièces importantes qui viennent de vous être communiquées ne peuvent être jugées sur une simple lecture ; je demande donc qu'on ajourne à jour fixe pour statuer sur la proposition faite hier par M. de Cazalès, concernant les faits particuliers à M. le vicomte de Mirabeau. Plusieurs membres réclament l’impression des pièces et le renvoi aux comités des rapports et militaire. M. l’abbé Maury, On demande le renvoi au comité des rapports : cette mesure est insuffisante. Si l’Assemhlée était plus instruite, je réclamerais de sa justice ce que j’attends de sa seule humanité. Existe-il un seul représentant delà nation qui puisse consentir à laisser un de ses collègues dans les plus grands dangers? Il en est deux auxquels M. le vicomte de Mirabeau est exposé. L’Assemblée peut y pourvoir. L’opinion publique de la capitale est égarée par des libelles qu’on proclame de toutes parts, et que voilà. En ce moment même, ils disent que M. le vicomte de Mirabeau adonné ordre de faire feusur le peuple ; c’est une calomnie infâme. Ils disent qu’il y a eu a Perpignan un combat de cinq heures, et que douze cents personnes y ont perdu la vie ; rien n’est plus faux. Ces libelles se sont répandus dans tout le royaume, et sont destinés à faire assassiner M. le vicomte de Mirabeau sur la route. Vous connaissez l’esprit du peuple, et si vous aimez le peuple, vous devez lui épargner des erreurs et des crimes qui déshonoreraient la nation... (On entend ces mots partir du côté gauche : Allons donc ! Tout le côté droit se lè ve, et demande que celui qui a prononcé ces paroles soit rappelé à l’ordre.) M. l’abbé Maury. Les représentants de la nation sont les arbitres suprêmes de l’opinion publique, et l’opinion publique est en ce moment la seule force qui puisse contenir le peuple. Ces libelles qui, dans Paris, sont à peine dignes du mépris des honnêtes gens, sont à cent lieues de la capitale des arrêts de mort. Laisseriez-vous en paix ces misérables libellistes, qui calculent le fruit de leurs crimes par les maux qu’ils doivent produire? Je demande un décret qui démente ces calomnies; je ne demande pas que vous préjugiez de rien, mais que la fausseté des faits soit démontrée, soit certifiée par vous. Il faut dire qu il est faux que M. le vicomte de Mirabeau ait fait tirer sur le peuple; qu’il est faux qu’il ait soutenu un combat; que des citoyens de Perpignan aient été tués. Je ne vous dirai pas qu’il s’agit d’un Français, d’un représentant de la nation ; quand il s’agirait d’un étranger, d’un coupable, vous ne devez pas le livrer à la fureur du peuple. Je dirai que je plaide la cause de mon ami ; c’est au moment où il est calomnié de la manière la plus odieuse, c’est au moment où ses ennemis se préparent à lui susciter des assassins à chaque pas, que je déclare que M. le vicomte de Mirabeau est mon ami. Ce sentiment, que les âmes honnêtes apprécient toujours, suffit pour justifier ma demande. Mais je ne réclame que votre justice. Rendez un décret qui fasse connaître les faits, qui certifie la fausseté de ceux qu’on proclame de toutes parts, qui mette M. le vicomte de Mirabeau sous la sauvegarde de l’Assemblée nationale. Par là vous imposerez aux calomniateurs, vous sauverez un de vos collègues ; mais si ma demande est mal reçue, je me reprocherai d’avoir involontairement contribué à un grand crime qui se prépare ; vous livrerez volontairement M. le vicomte de Mirabeau au peuple, vous l’abandonnerez volontairement aux poignards. M. d’André. Le parti que l’Assemblée doit prendre est infiniment simple. Il faut mettre M. le vicomte de Mirabeau sous la sauvegarde de l’Assemblée nationale ; ce point n’est contesté par personne. Il y a un autre moyen très simple, c’est de faire imprimer la lettre de la municipalité de Perpignan : on verra qu’il n’y a eu personne de tué, et qu’il n’y a pas eu de combat. M. Muguet de JVanthou. Nous partageons tous la sollicitude qu’inspire la situation de M. le vicomte de Mirabeau : s’il y a quelque incertitude, c’est seulement sur les moyens de pourvoir à sa sûreté. Le premier est d’arrêter les libelles dans lesquels, comme l’a très bien observé M. l’abbé Maury, la vérité est altérée, les calomnies les plus infâmes insérées. On les arrêtera en imprimant la lettre de la municipalité de Perpignan. Quant à la sûreté de M. le vicomte de Mirabeau, nous ne pouvons la mettre sous la sauvegarde de l’Assemblée; tous les citoyens sont sous la sauvegarde de la loi ; mais nous pouvons inviter les mucipalités à employer tous les moyens pour empêcher qu’il n’arrive rien, en quelque manière que ce soit, à M. le vicomte de Mirabeau; il faut en même temps dire que toutes les pièces sont renvoyées au comité des rapports, pour qu’il en soit incessamment rendu compte à l’Assemblée. M. Goupil de Préfeln. J’entre dans les vues de M. l’abbé Maury, et je vous supplie de désavouer par le même décret les odieuses calomnies publiées contre la religion de l’Assemblée, pour bouleverser le royaume. (On demande la question préalable et l’ajournement sur cette proposition. — M. Goupil consent à cet ajournement.) M. Moreau. Il est dangereux d’adopter la question préalable et l’ajournement quand les libelles les plus affreux sont répandus avec profusion.— M. Moreau fait lecture de quelques fragments d’un de ces libelles. M. Malouet. Non seulement il est dangereux