SÉANCE DU 28 VENDÉMIAIRE AN III (19 OCTOBRE 1794) - N08 19-22 273 Citoyens représentants, Nous applaudissons à la victoire que vous venez de remporter sur des monstres qui ne fei-gnoient de servir la patrie que pour la perdre plus sûrement. Vous avez dans la nuit du 9 au 10 thermidor, sauvé la république. Votre invincible fermeté en jettant la terreur dans l’âme sanguinaire du tyran a précipité la perte des triumvirs et avancé le salut du peuple, de ce peuple généreux et trop confiant auquel votre sagesse et votre courage doivent apprendre à ne jamais idolâtrer un homme. Pour nous, éloignés de tout temps de l’empire des factions, la liberté et l’égalité furent et seront toujours l’unique objet de notre culte sur la terre et la Convention en masse jouira constamment de notre amour et de notre vénération. Non aucun individu ne s’élèverq impunément au-dessus des loix de notre patrie. L’univers nous contemple et il ne nous verra jamais après cinq années de sacrifices, de vertus et des efforts inouïs de courage, tomber dans le plus indigne avilissement aux pieds d’un tyran, ni devenir la proye de ses odieux satellites; c’est sous votre direction, législateurs, républicains, que le peuple français a juré d’anéantir la tyrannie et d’être libre à jamais. Vous aurez la gloire immortelle de la conduire à de si glorieuses destinées. Vous la partagerez tous également cette gloire : que celui d’entre vous qui auroit l’audace de s’en vouloir faire une à part soit à l’instant moissonné par la faux de l’égalité. Déjà nous avons senti par votre décret du dix-huit thermidor, les heureux effets de la chute du tyran; de toutes parts les patriotes persécutés et victimes des scélérats, sont rendus à la liberté, de toutes parts, la joie publique applaudit à la punition des vrais coupables et à l’élargissement des patriotes opprimés. Nous sommes cependant persuadés que votre sagesse ne veut point faire tourner au profit des aristocrates l’heureuse révolution qui vient de s’opérer. Les ennemis nés de la liberté ne doivent pas espérer de jouir de ses bienfaits, les amis de la république veilleront toujours avec le même soin à l’anéantissement de tout ce qui composoit les castes privilégiées et ils scauront bien aussi réprimer les entreprises téméraires des factieux, ils ne se laisseront jamais abuser par l’astucieux langage d’un patriotisme tyrannique, ils confondront aussi le discours mielleux des aristocrates qui voudroient profiter de cette crise salutaire pour écraser les patriotes. Ceux-ci ont beau être calomniés, ils scavent que la sévérité de la justice s’allie avec la bonté du coeur chez tout bon républicain. C’est aussi la justice et la bonté qui ont présidé à vos derniers décrets, nous vous en félicitons parce qu’une pareille conduite doit sauver la patrie. Notre département étoit en proye aux vengeances personnelles et aux ravages de l’intrigue. Nous vous remercions d’avoir envoyé parmi nous votre digne collègue Boisset pour faire exécuter les mesures de salut public que vous avez décrétées et qui doivent ramener dans le dépt de l’Ain et dans toute la république, la liberté, la confiance et la paix. Restez au poste que la patrie vous a confié, exterminez les tyrans, abbattez les factions et faites jouir les françois du bonheur qui est fondé sur la vertu, tel est le voeu des sans-culottes du canton d’Hauteville. Vive la République, vive la Convention. Dumarest, président, Viogret, Sublet, maires et une page de signatures. 19 La municipalité de Libreville [ci-devant Charleville], département des Ardennes, expose à la Convention les sentimens qu’elle a toujours professés; elle dément les assertions avancées le 23 fructidor aux Jacobins de Paris contre le département des Ardennes, et elle déclare que le représentant du peuple Charles Delacroix ne cesse de mériter la confiance de la Convention nationale et de tous les vrais républicains. Insertion au bulletin, renvoi au comité de Sûreté générale (35). 20 L’agent national près le district de Ver-neuil [Eure] annonce que plusieurs petits lots de mauvaise terre, provenant d’émigrés, estimés 11310 livres, ont été vendus 47610 livres. Insertion au bulletin, renvoi au comité de Sûreté générale (36). 21 Un secrétaire fait lecture du procès-verbal de la séance du 19 vendémiaire; la rédaction en est adoptée (37). 22 Il est temps enfin, s’écrie Romme, que le comité d’instruction publique ouvre ses cartons, et qu’il présente le travail dont il est chargé. La France a plus que jamais besoin de lumières ; car, sans les lumières point de liberté. Il y a plus d’un an que l’on nous berce d’espérances; il est iin terme à tout. Veut-on nous faire rentrer dans la barbarie du 14e siècle. Je (35) P.-V., XLVII, 257-258. J. Fr., n 754; M. U., XLIV, 443-444. (36) P.-V., XLVII, 258. Bull., 5 brum. (suppl.). (37) P.-V., XLVII, 258. 274 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE demande que le rapport soit fait sans plus de retard. Pour les écoles primaires, dit un membre, il faut trois choses ; des maisons, des instituteurs, et des livres élémentaires. Les presbytères rempliront le premier objet; nous allons avoir à Paris une école centrale, pour former les instituteurs. Enfin il existe un concours ouvert pour les ouvrages élémentaires; mais il me semble qu’on auroit dû faire entrer dans ce concours, les Offices de Cicéron, et tel autre excellent ouvrage de Daguesseau. Au reste, je demande que le rapport du comité soit fait sous trois jours (38). Au nom du comité [d’instruction publique], Lakanal instruit ensuite l’assemblée que dans trois jours il fera son rapport sur les écoles primaires, et que le travail sur l’établissement de l’école normale est terminé, et qu’il sera incessamment soumis à la discussion (39). La Convention nationale décrète que le premier brumaire le comité d’instruction publique fera son rapport sur l’organisation des écoles primaires et fêtes décadaires (40). 23 Les administrateurs du département de l’Indre félicitent la Convention d’avoir enfin saisi le flambeau de l’opinion trop longtemps égarée, et de l’avoir enfin fixé par sa déclaration des vrais principes; ils l’assurent que leur plus chère ambition, à la fin de leurs travaux révolutionnaires, sera de partager avec elle le titre glorieux d’amis du peuple, qui sera leur plus douce récompense. Mention honorable, insertion au bulletin (41). [ Les administrateurs du département de l’Indre à la Convention nationale, d’Indre-Lïbre, le 23 vendémiaire an III] (42) Citoyens représentans, Saississant d’une main ferme le flambeau de l’opinion trop longtems égaré, vous la fixez enfin par votre immortelle déclaration de principes. C’est le phare salutaire qui nous dirigera à travers les derniers écueils de la Révolution. Sa lumière dissipe sans retour les ombres étendues par la perfidie sur cette mer (38) Gazette Fr., n” 1022. (39) M. U., XLIV, 444; Gazette Fr., n 1022;; J. Fr., n” 754; J. Perlet, n° 756; J. Univ., n° 1789; Mess. Soir, n” 792; Rép., n° 29. (40) P.-V., XLVII, 258. C 321, pl. 1337, p. 29, minute signée de Pelet, secrétaire. Décret attribué à Lakanal par C* II 21, p. 13. (41) P.-V., XLVII, 258. Bull., 29 vend. (42) C 321, pl. 1348, p. 11. orageuse. Les pirates qui l’infestaient arboreront en vain les couleurs patriotiques; l’oeil du peuple, éclairé par vos soins, percera jusque dans la sentine de leur conscience, ils n’ont plus de succès à espérer et la vertu seule sera désormais à l’abbry des naufrages ; pour nous, guidés par ces voeux propices, nous suivrons invariablement la routte que vous nous tracez : ni la tourmente des passions que vous avez enchainées, ni le calme du modérantisme que votre énergie sçaura dissiper, rien ne pourra nous faire dévier. Les yeux constamment attachés sur le port de salut que vous nous présentez, le coeur rempli des sentimens que votre exemple ranime dans celui de tous vos coopérateurs, nous nous presserons sur vos traces ; et notre plus chère ambition, à la fin de nos travaux révolutionnaires, sera de partager avec vous le titre que vous nous faites espérer; ce titre glorieux qui seul serait déjà la plus douce des récompenses, celui de véritable ami du peuple. Les administrateurs du département de l’Indre, Robert, président, Coret, secrétaire général et cinq autres signatures. 24 La Convention renvoie à son comité des Finances la pétition de Treuttel, libraire à Strasbourg [Bas-Rhin], qui réclame contre la taxe de 100000 livres qui lui a été imposée par les traîtres Saint-Just et Le Bas (43). 25 Les administrateurs du district de Chaumont [Haute-Marne] annoncent à la Convention qu’ils éprouvent chaque jour des émotions délicieuses à la lecture des principes de justice et de vertu qu’elle a donnés pour le signal constant de ralliement à tous les Français; ils la félicitent d’avoir raffermi l’opinion publique; ils l’invitent à rester à son poste jusqu’à ce que la patrie soit devenue réellement heureuse et respectable sous tous les rapports. Mention honorable, insertion au bulletin (44). [Les administrateurs et l’agent national du district de Chaumont à la Convention nationale, du 25 vendémiaire an III] (45) (43) P.-V., XLVII, 258. (44) P.-V., XLVII, 258-259. (45) C 321, pl. 1348, p. 13.