SÉANCE DU 20 VENDÉMIAIRE AN III (11 OCTOBRE 1794) - N° 14 63 aux sentimens énoncés dans l’Adresse aux Français publiée par la Convention (33). a Une députation du département de Paris est admise à la barre. [L’orateur lit l’adresse suivante ] (34) Représentants du peuple français, Lorsque par votre énergie vous terrassâtes le despote insolent qui s’était assis sur les ruines du trône ; lorsque vous brisâtes dans sa main perfide le sceptre de fer qu’il étendait sur le peuple français, le département de Paris, dégagé du poids de l’oppression générale, s’empresse de venir vous témoigner sa reconnaissance et sa joie. Il savait bien que, non content d’écraser le tyran, vous écraseriez aussi la tyrannie; il savait bien que, détestant son affreux système, vous le détruiriez jusque dans ses fondements. Aujourd’hui que, par votre adresse au peuple français, vous annoncez solennellement ce dessein; aujourd’hui que vous appelez autour de vous la confiance de ce peuple généreux, au nom de la justice et de la vertu, et que lui signalant tous ses ennemis, vous lui montrez encore entrouvert l’abîme dans lequel ils voudraient le replonger, le département de Paris, animé d’une nouvelle confiance, accourt auprès de vous pour se rallier aux sages principes que vous manifestez, et vous jurer de concourir de tout son pouvoir à leur établissement et à leur triomphe. Après la crise épouvantable à laquelle vous venez d’arracher le peuple français, vous annoncés que le règne instable et vacillant des passions doit cesser pour jamais, que l’autorité seule des lois va conduire la nation, que ces lois ne seront destinées qu’à garantir l’exercice de ses droits; vous manifestez de nouveau votre horreur pour le système de sang et de fureur dont le peuple vient d’être victime ; vous annoncés le règne de la justice et de la vertu. Législateurs, n’en doutez point, votre voix a retenti dans l’âme de tous les Français : aux mots sacrés de justice et de vertu, le peuple entier va se rallier autour de vous par l’impulsion naturelle de son coeur. Il sent que, dans votre bouche, ces mots ne sont point, comme dans celle des derniers triumvirs, rm leure perfide pour l’amener sur le bord du précipice; il a pour garant de votre foi la tyrannie que vous venez d’abattre, les sages mesures que vous avez prises pour (33) P.-V., XLVII, 109. Ann. Patr., n° 650 ; Ann. R.F., n° 20 ; C. Eg., n” 785; J. Fr., n” 746; J. Mont., n° 1 ; J. Paris, n° 22; J. Perlet, n° 748; Mess. Soir, n' 784; M.U., XLIV, 318; Rép., n" 21. (34) C 321, pl. 1346, p. 5. Moniteur, XXII, 210; Débats, n” 750, 310-311; Bull., 20 vend.; J. Mont., n 1, M.U., XLIV, 324, 339-340. l’empêcher de se relever jamais, celles que vous préparés chaque jour encore ; il a pour garant de votre foi cent mille familles dont vous venez de sécher les larmes, d’éteindre ou de calmer les cruelles douleurs. Eh! quel est le Français qui pourrait refuser aujourd’hui d’accourir à votre voix, de vous entourer de toute sa confiance pour l’achèvement du grand oeuvre de la constitution auquel le peuple vous a appelés? S’il s’en trouvait un seul, il oserait donc dire, en présence de tous ses concitoyens, à la face de l’humanité tout entière : Je préfère le crime à la vertu, le brigandage à la justice, la fureur des passions féroces aux délices de la fraternité, l’assassinat du peuple à son bonheur. Non, aucun Français, aucun homme, à moins que son coeur n’ait été corrompu dans les repaires de la tyrannie, aucun homme n’avouera ces horribles blasphèmes. Législateurs, exécutés avec courage le noble dessein que vous venés d’annoncer au peuple français, et soyés sûrs de son amour et de sa confiance. Maintenez ce gouvernement ferme et rigoureux auquel toutes les républiques ont recours dans les grands dangers, et qui les fait triompher de ces dangers. Que la terreur dévore sans cesse le coeur du méchant ; que la confiance et la sécurité accompagnent l’homme vertueux, et lui laissent la faculté de développer toute son énergie pour le bonheur de ses semblables. La Révolution est le passage du crime à la vertu, de l’erreur à la vérité, de l’injustice à la justice, de l’esclavage à la liberté, du malheur du peuple au bonheur du peuple : tout ce qui nous approche donc de la vertu, de la vérité, de la justice, de la liberté, du bonheur, voilà ce qui est vraiment révolutionnaire ; tout ce qui nous en éloigne tend à la contre-révolution. Législateurs, tels sont les principes, tels sont les sentimens qui animent avec vous les membres du département de Paris ; ils les soutiendront de tout leur pouvoir; ils les défendront avec vous jusqu’à la mort; et s’il était possible que le seul exercice de ces principes sacrés ne fût pas suffisant pour vous faire triompher des méchants, vous nous verriés combattre à vos côtés et mourir avec vous pour la justice et le bonheur du peuple. Nous vous le jurons, nous le jurons à tout le peuple français, sur les dépouilles respectables du philosophe de la nature, auquel vous avez décerné les honneurs du Panthéon, pour nous prouver sans doute que les droits sacrés de l’humanité seront toujours le but de vos travaux et le résultat de toutes nos victoires. J.-B. Maillard, président, J.-C. Lavau, agent nat., Dupre, secrétaire et six autres signatures. LE PRÉSIDENT : Lorsque la Convention nationale a fait tomber la tête du dernier des tyrans, elle a pris l’engagement solennel de dégager le peuple français de toute espèce de tyrannie. Fidèle à ses serments, elle ne souf- 64 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE frira point que l’autorité de la loi éprouve la plus légère atteinte. Là où la loi ne règne pas, il n’y a ni gouvernement, ni organisation sociale, ni sûreté personnelle; les principes que la Convention nationale a proclamés dans l’Adresse au peuple qu’elle vient de décréter doivent être chers à tous les bons citoyens. Elle voit avec satisfaction que la première autorité constituée du département de Paris s’empresse de leur rendre hommage. Je vous admets, en son nom, aux honneurs de la séance (35). THURIOT : Je demande que l’Adresse présentée par les administrateurs du département de Paris soit insérée au Bulletin, qu’il soit fait mention honorable au procès-verbal de la démarche des administrateurs, et qu’ils accompagnent le cortège qui doit, dans le jour, déposer au Panthéon les cendres de l’ami de l’humanité. Je demande en outre l’impression de la réponse du président, et l’insertion au Bulletin. Ces propositions sont décrétées (36). b Les juges composant le tribunal révolutionnaire sont ensuite admis. [L’orateur lit l’adresse suivante ] (37) Vous venez de nouveau de proclamer les principes de justice et de vertu qui vous animent, et de prouver au peuple que son bonheur seul vous occupe. Quelques hommes ambitieux voudroient-ils ramener le système odieux de la terreur? Leurs efforts seront vains, vous avez juré de maintenir le gouvernement révolutionnaire dégagé des vexations qui pouvoient le rendre odieux, vous avez juré de faire respecter la volonté nationale dont vous êtes les seuls dépositaires, et d’anéantir tous ceux qui porteroient une main sacrilège sur l’arche sainte de la liberté. Le 10 août fonda la république, le dix thermidor l’a sauvée. Quand le nouveau tyran, écrasé par la puissance nationale fut précipité du Capitole, vous avez vu la masse du peuple se rallier autour de vous; sa chute a ébranlé de nouveau les trônes des tyrans coalisés. Le tribunal révolutionnaire, organe de la loi, impassible comme elle, fidèle aux fonctions sévères qui lui sont confiées, frappera de son glaive les restes impurs du moderne Catilina. Redoutable pour le conspirateur, il n’oubliera jamais que l’humanité est le plus bel appanage (35) Moniteur, XXII, 210; Débats, n° 750, 312; Bull., 20 vend.; J. Mont., n° 1; M.U., XLIV, 340.. (36) Moniteur, XXII, 210; Débats, n° 750, 312; J. Fr., n” 746; J. Mont., n” 1. (37) C 321, pl. 1346. Moniteur, XXII, 210-211; Bull., 20 vend. ; Débats, n 750, 312-313; M.U., XLIV, 340-341. de la justice, et que si son sanctuaire doit être le tombeau du crime, il sera toujours l’azile de l’innocence. Législateurs, au nom du peuple qui vous a investi de sa confiance, continuez vos travaux, affermissez la république ; consolidez le bonheur de la france, et vous verrez ce même peuple, vous proclamer de nouveau les pères et les sauveurs de la patrie. Dobsent, président. LE PRÉSIDENT : Nous avons rempli le plus saint de nos devoirs en proclamant, au nom du peuple français, les vérités auxquelles vous venez de rendre hommage. Oui, la liberté est tout à la fois et dans la force du peuple et dans le gouvernement qui a mérité sa confiance. Le tribunal révolutionnaire a été institué pour assurer l’action de ce gouvernement; le premier de ses devoirs est de poursuivre et de punir tous les conspirateurs. Justice, sévérité, rapidité; voilà les caractères auxquels on doit reconnaître les actes émanés de ce tribunal. En recevant l’expression de votre attachement aux véritables principes, la Convention nationale vous rappelle des vérités qui sont gravées dans vos coeurs. Citoyens, n’oubliez pas que le peuple français ne vous pardonnerait ni erreur ni injustice, mais qu’il attend de vous la punition la plus prompte de tous ses ennemis. La Convention vous invite à sa séance et à la cérémonie qui en est la suite (38). c Le tribunal criminel du département de Paris est admis à la barre. [L’orateur lit l’adresse suivante ] (39) Le tribunal criminel du département de Paris vient présenter de nouvelles assurances de son attachement et de son dévouement à la Convention nationale. Il a lu avec la plus grande satisfaction l’adresse au peuple français, il applaudit aux principes sacrés qu’elle contient et aux intentions que vous y manifestez pour le bonheur et la gloire de la république. Déjà vous avez brisé l’arme de la tirannie en proscrivant le sistème de terreur. Les cachots ont été ouverts à une foule de victimes innocentes. Vous avez rappelé la justice et l’humanité, étonnées de se voir bannies du territoire français. (38) Moniteur, XXII, 211; Bull., 20 vend.; Débats, n° 750, 313. (39) C 321, pl. 1333, p. 31. Moniteur, XXII, 211; Bull., 20 vend.; Débats, n° 750, 314-315.