406 (Convention nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j «J frimaire an II 1 J f 13 décembre 1793 tements coalisés, étouffer la rébellion de Mar¬ seille et de Lyon, où nous venons de voir le plus grand exemple de justice populaire qui ait jamais été donné. Tout cela est l’ouvrage du peuple; mais, si le comité de Salut publie n’eut pas dirigé son énergie, elle eût avorté. H fait remarquer combien il serait impolitique de changer ce comité au moment où l’aristocra¬ tie qu’on n’avait point encore atteinte, l’aristo¬ cratie qui, il n’y a qu’un moment, disposait encore de nos armées, de nos trésors, de l’opinion pu¬ blique, l’aristocratie, étonnée des fers dont elle a été accablée, tout à coup se débat et rugit; au moment où les puissances étrangères perdent toute espérance, réunissent leurs derniers efforts pour nous perdre, et nous placent entre deux écueils également dangereux, le patriotisme exa¬ géré et le modérantisme, au moment où les plus grandes opérations sont entamées, où le Midi de la France veut expier son égarement, en sou¬ mettant l’infâme Toulon; au moment où toutes nos armées sont en présence de l’ennemi, et où les plus grandes expéditions se préparent. Il fait remarquer encore qu’en changeant ac¬ tuellement le comité de Salut public, on dispense de toute responsabilité les membres qui le com¬ posent et ceux qui leur succéderont; car, si l’on se plaignait de quelques mesures du nouveau comité, il répondrait qu’il a suivi les opérations du premier, si l’on se plaignait de l’ancien, il répondrait que ses mesures étaient bonnes, mais qu’elles ont été mal exécutées par ses succes¬ seurs. La Convention n’en a pas moins pour cela le pouvoir de le renouveler; car, en le pro¬ rogeant, elle le renouvelle. Ce membre termine en demandant le rapport du décret rendu hier qui ordonne le renouvelle¬ ment du comité de Salut public, et que les pou¬ voirs des membres qui le composent actuelle¬ ment soient prorogés pendant un mois. Ces propositions sont adoptées (1). Compte rendu du Moniteur universel (2). On demande qu’il soit procédé à l’appel nominal pour le renouvellement du comité de Salut public. Jay Sainte-Foy. La motion faite hier à la fin de la séance, pour renouveler le comité de Salut publie, est trop importante pour n’être pas dis¬ cutée avant d’être résolue. Il s’agit de changer le centre du gouvernement révolutionnaire. Je ne crois pas que ce soit ici le moment de prendre une pareille mesure. Ce n’est que depuis l’exis¬ tence du comité actuel que nous avons vu mar¬ cher la Révolution. L’égide de l’inviolabilité brisée sur la tête des députés prévaricateurs, la contre-révolution étouffée à Marseille, écrasée à Lyon, des victoires à toutes nos armées ; voilà la suite du mouvement que ce comité a imprimé à la chose publique. (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 166. (2) Moniteur universel [n° 85 du 25 frimaire an II (dimanche 15 décembre 1793), p. 343, col. 1]. Voy. d’autre part, ci-après, annexe n° 2, p. 420, le compte rendu de la même discussion d’après divers jour¬ naux. Nous voyons les puissances étrangères perdre toute espérance. Et comment ne la perdraient-elles pas? Elles n’ont rien pu contre nous, lors¬ qu’elles avaient opéré le discrédit des assignats; lorsque tous nos généraux, corrompus par elles, trahissaient la République; lorsqu’elles avaient un parti dans la Convention même. Est-ce lors¬ que ces puissances jouent de leur reste, est-ce lorsque de grandes négociations ont été entamées, est-oe lorsque Toulon est sur le point de rentrer dans le sein de la République, est-ce au moment où le Midi de la France va expier ses erreurs est -ce au moment où les armées sont en présence de l’ennemi, où les défenseurs de la liberté vont écraser les satellites de Pitt et de Cobourg, qu’il faut changer le centre de gravité de la Répu¬ blique? Ne croira-t-on pas qu’il a perdu la con¬ fiance de la Convention? Ne dispensez -vous pas et l’ancien et le nouveau de toute responsabilité? Car si vous vous plaignez du nouveau, il vous dira : « Les plans étaient mauvais, nous sommes arrivés trop tard pour les corriger. » Si vous accusez l’ancien, il répondra : « Les mesures étaient bonnes, elles ont été mal exécutées. » D’ailleurs, ce comité n’a qu’une existence pré¬ caire; en le conservant, la Convention le crée perpétuellement. Je demande le rapport du décret d’hier, et la prolongation du comité actuel. Ces deux propositions sont unanimement décrétées. Le ministre de la guerre vient rendre le compte qui lui avait été demandé. Il a dit que longtemps avant le décret qui avait mis des fonds à sa disposition pour l’acquit des dettes contractées à Mayence, il avait, le 31 août, ordonné un fonds de 215,000 livres pour les hôpitaux de cette place; qu’il avait écrit au général de l’armée du Rhin, pour qu’il fit passer cet argent, et que le 26 bru¬ maire ayant été instruit que ces fonds n’étaient pas arrivés, il avait écrit aux représentants du peuple Saint-Just et Lebas, commissaires près l’armée du Rhin, pour les inviter à lever la dé¬ fense de communiquer avec l’ennemi, afin que ces fonds pussent passer. Un membre [Bourdon (de VOise ) (1)], observe que l’arrêté qui défend de communiquer avec l’ennemi ne subsiste que depuis quinze jours, et qu’il y a quatre mois que nos frères sont dans les fers. Il représente d’ailleurs un passeport donné par le Duc de Brunswick le 19 octobre pour transporter l’argent à Mayence. Il demande que le ministre envoie un agent sûr, et que, dans quinze jours, il rende compte de la terminaison de cette affaire. Un autre membre observe que les commissaires à l’armée du Rhin, instruits que cette négocia¬ tion ne pouvait se terminer, parce qu’on ne pou¬ vait parler à l’ennemi, avaient pour cela seule¬ ment suspendu l’arrêté qui défendait de commu¬ niquer avec lui; que, d’ailleurs, lorsque cet arrêté subsistait, il était encore possible de communiquer avec Mayence par Bâle. Un autre membre demande que le comité de Salut public soit chargé de terminer cette affaire. (1) D’après les divers journaux de l’époque. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j g Cette proposition est adoptée (1). Compte rendu du Moniteur universel (2). Bouchotte, ministre de la guerre. Je viens rendre à l’Assemblée le compte qu’elle m’a demandé au commencement de cette séance (3). J’espère qu’après avoir entendu les détails que je vais lui donner, elle sera convaincue que j’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour exécuter la loi qui ordonnait un envoi de fonds pour délivrer nos frères de Mayence. L’Assemblée me renvoya, le 17 brumaire (4), une pétition semblable à celle qui a été faite ce matin; mais longtemps avant cette époque, j’avais donné des ordres à la trésorerie nationale de faire passer à Mayence une somme de 616,000 livres en numéraire. Informé le 25 bru¬ maire, que les fonds n’étaient pas encore par¬ venus à leur destination, j’écrivis aux représen¬ tants du peuple Saint-Just et Lebas, pour les inviter à lever les difficultés qui s’opposaient à leur passage. Ces difficultés, citoyen Président, naissaient d’un arrêté pris par ces deux repré¬ sentants, qui défendaient toute communication entre nos généraux et les ennemis. Le payeur général de l’armée du Rhin, à qui j’avais pareil¬ lement écrit pour le même objet, adressa une pétition aux commissaires de la Convention, pour obtenir d’eux la permission qu’il désirait. Le ministre lit à l’appui de ce qu’il avance, une lettre de la trésorerie nationale, et une autre de Yilmanzy, payeur à l’armée du Rhin, qui font toutes deux mention d’accélérer les moyens d’exécution; il ajoute que l’examen des pièces dont il vient de faire lecture, prouvera à la Con¬ vention qu’il n’a rien négligé, et que, s’il y a du retard, il ne provient pas de sa faute. Bourdon (de VOise). Je ne vois pas que le ministre ait fait tout ce qu’il devait faire; il se rejette sur l’arrêté pris par Saint-Just et Lebas, mais chacun sait que cet arrêté date au plus de quinze jours, et qu’avant on aurait pu exécuter une loi qui aurait retiré de la captivité 1,000 de nos frères ; ainsi cette excuse est vaine. L’arrêté pris par nos collègues était devenu très nécessaire pour empêcher la correspondance journalière qui avait lieu entre les agents nom¬ més par le ministre ou par ses bureaux et les ennemis. Citoyens, si depuis quatre mois le ministre eût mis à exécuter la loi, la surveillance et l’activité nécessaires, il y a longtemps que nos malheureux frères, loin de gémir chez l’ennemi, déploieraient leur courage pour la défense de la liberté ; il y a longtemps que ceux des officiers de santé qui sont retenus à Mayence avec eux, donneraient leurs soins aux défenseurs de la patrie, et que nous ne verrions plus nos frères blessés à la merci de chirurgiens et méde-(1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 168. (2) Moniteur universel [n° 85 du 25 frimaire an II (dimanche 15 décembre 1793), p. 343, col. 2]. Voy. d’autre part ci-après, annexe n° 3, p. 423, le compte rendu de la même discussion d’après divers jour¬ naux (3) Voy ci-dessus, même séance, p. 399, le décret mandant Bouchotte à la barre. (4) Voy. Archives parlementaires, lre série, t. LXXVIII, séance du 17 brumaire an II, p. 533, la pétition en question. 407 cins qui ne feraient pas même de bons palefre¬ niers, et que les bureaux de la guerre ont placés dans nos hôpitaux. Ce retard ne peut provenir que du ministre ou de ses adjoints. Un membre. J’ai déjà dit à l’Assemblée que les représentants du peuple près l’armée du Rhin avaient pris un arrêté pour empêcher nos géné¬ raux de communiquer avec les ennemis; mais je m’étonne que le ministre veuille tirer son excuse de cet arrêté, car il savait bien que l’on pouvait toujours communiquer par Bâle; cepen¬ dant, comme nous vîmes que le ministre ne voulait point profiter de cette voie, nous levâmes la défense pour cet objet seulement; j’ignore pourquoi l’on n’en a pas profité. Bourdon (de VOise). Il est encore bon que le ministre réponde à la lettre de Brunswick qui accorde passage pour ces fonds. La voilà : Bourdon fait lecture de cette lettre; elle ren¬ ferme le laissez-passer dont il a parlé, et quelques détails sur l’échange des prisonniers. Bouchotte. J’observe que mon devoir consis¬ tait à donner ordre à la trésorerie de délivrer les fonds; que cet ordre a été donné le 31 août dernier, que j’en ai pressé l’envoi, et que le reste était du devoir de la trésorerie nationale. Quant aux officiers de santé, j’observe encore qu’ils sont nommés par des gens de l’art, et non par le ministre ou par les bureaux de la guerre. Au reste, le surplus dépendait des agents qui sont sur les lieux; quant à moi, je n’ai cessé de les presser d’exécuter la loi. Bourdou (de VOise). Mais comment se fait-il, quand le général prussien donne lui-même une permission pour laisser passer des fonds, que nos frères ne sont pas encore libres? Par quelle malveillance abominable les agents du ministre ont-ils vu tous les obstacles, et ne se sont-ils pas servis des moyens qui les levaient ? Pour moi, je m’en prends au ministre : c’est lui qui nomme les agents, c’est donc à lui de les surveiller et de les dénoncer lorsqu’ils ne font pas leur devoir; il n’y a point de juges dans un tribunal qui ne s’empressera de condamner l’agent qui, par sa négligence, retient depuis quatre mois nos frères à Mayence. Mais enfin, il n’est pas possible que ce qui est fait ne le soit pas; je demande, pour éviter de plus long retards, que le ministre prenne des mesures promptes pour opérer la délivrance de nos frères, et en rende compte dans huit jours. On demande le renvoi de cette proposition au comité de Salut public. Dubois-Crancé. J’appuie cette proposition et je demande que le comité de Salut public ouvre les yeux sur Vilmanzy, agent vil et bas des Lameth pendant l’Assemblée constituante, et qui depuis est parvenu à se faire employer auprès de l’armée du Rhin. Cette proposition est adoptée. , On reprend la discussion sur l’instruction pu¬ blique (1). (1) Voy. ci-dessus, séance du 22 frimaire an II* p. 326, la discussion sur l’instruction publique. _j