14 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 mars 1790.] et aïeux nobles, et les partages inégaux, à raison de la qualité des personnes, sont abolis. « En conséquence, l’Assemblée ordonne que toutes les successions, tant directes que collatérales, tant mobilières qu’immobilières, qui écherront à compter du jour de la publication du présent décret, seront, sans égard à l’ancienne qualité noble des biens et des personnes, partagées entre les héritiers suivant les lois, statuts et coutumes qui règlent les partages entre tous les citoyens; abroge et détruit toutes les lois et coutumes à ce contraire. « Excepte du présent décret ceux qui sont actuellement mariés, ou veufs avant des enfants, lesquels partageront entre eux et leurs co-héritiers, conformément aux anciennes lois, les successions mobilières et immobilières, directes ou collatérales, qui pourront leur échoir. « Déclare, en outre, que les puînés et les filles, dans les coutumes où ils ont eu jusqu’à présent sur les biens tenus en fiefs plus d’avantages que surlesbiens non féodaux, continueront deprendre, dans les ci-devant fiefs, les parts à eux assignées par lesdites coutumes, jusqu’à ce qu’il ait été déterminé par l’Assemblée nationale un mode définitif et uniforme de succession pour tout le royaume ». M. le comte de Crécy propose de décréter qu’à l’avenir chaque individu ne portera plus que son nom de famille, accompagné d’un nom de baptême, pour le distinguer de tous les parents du même nom. M. Lanjainais observe que les principes de la déclaration des droits et la suppression de toute distinction d’ordres et de tous privilèges, qui ont depuis longtemps été décrétés, emportent la suppression absolue de la noblesse qui n’exista jamais qu’en raison de ses privilèges et de ses distinctions : il. rappelle ces mots de l’adresse de l’Assemblée nationale aux Français : Tout a disparu devant la qualité de citoyen. La motion de M. de Crécy est ajournée. M. le Président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion sur le projet de décret du comité féodal. M. Merlin donne lecture de l’article IG. Art. 16. Lorsque les propriétaires des droits réservés par les articles 9, 10, 11 et 15 ne seront pas en état d’en représenter le titre primitif, ils pourront y suppléer par deux connaissances conformes, énonciatives d’une plus ancienne donnée par la communauté d’habitants pour un droit généra], ou par les individus intéressés lorsqu’elle concerne des droits particuliers, pourvu qu’elles soient soutenues par une possession de quarante ans, et qu’elles rappellent, soit les conventions, soit les concessions des droits mentionnés dans lesdits articles. M. Buzot A mon sens, il ne peut y avoir de reconnaissance qui supplée le titre primitif; je ne fais pas cette observation sur le décret, mais elle me conduira à l’amendement que j’ai l’intention de proposer. Je demande si ces reconnaissances ne seront pas détruites par deux reconnaissances antérieures dans lesquelles le droit ne serait point énoncé. Puisqu’on a été obligé de recourir à des . probabilités, cette non énonciation n’en est-elle pas une?... Je propose en amendement ces mots : « Excepté dans le cas où l’on représenterait des reconnaissances antérieures aux nouvelles reconnaissances et à la possession de quarante ans. » Après quelques contestations sur cet amendement, l’article est adopté dans les termes suivants : « Art. 16. Lorsque les possesseurs des droits réservés par les articles 9, 10, 11 et 15 ne seront pas en état d’en représenter le titre primitif, ils pourront y suppléer par deux reconnaissances conformes, énonciatives d’une plus ancienne et non contraires à une reconnaissance antérieure donnée par les individus intéressés lorsqu’elles concerneront des droits particuliers, pourvu qu’elles soient soutenues par une possession actuelle qui remonte sans interruption à quarante ans, et qu’elles rappellent, soit les conventions, soit les concessions mentionnées dans lesdits articles.» M. Merlin. Il n’y a qu’un devoir rigoureux et pressant qui ait pu déterminer votre comité À vous présenter l’article 17 : il est conforme aux principes; mais nous ne pouvons vous dissimuler, . et le comité m’a expressément chargé de vous représenter que cette disposition va anéantir la fortune de plusieurs familles, et notamment celle d’un membre de l’Assemblée nationale (T Assemblée désapprouve cette observation par un murmure général), qui, après s'être dévoué, dans le cours d’une longue carrière, au service de la patrie... (De nouveaux murmures ne permettent pas à l’opinant d’achever.) M. Populos. L’Assemblée demande à passer à l’article; de semblables réflexions ne doivent pas lui être présentées. " M. Merlin. C’est à la justice générale à nous absoudre des maux particuliers. — II fait lecture de l’article. Art. 17. Toute redevance ci-devant payée par les habitants, à titre d’abonnement des banalités, de la nature de celles ci-dessus supprimées sans indemnité, et qui n’étaient point dans le cas des exceptions portées par l’article 15, est abolie et supprimée sans indemnité. » (Cet article est adopté.) M. Merlin. Nous avons à vous présenter un article additionnel pour remédier à un abus qui s’est introduit dans diverses provinces et qu’on a dénoncé à votre comité. On fait croire aux paysans que la destruction, des banalités emporte, pour le seigneur, la perte des moulins, pressoirs et fours banaux: les paysans secroient propriétaires. Voici cet article, qui formerait l’article 18. Art. 18. L’Assemblée nationale fait défense aux ci-devant baniers d’attenter à la propriété des moulins, fours, pressoirs et autres objets de là banalité dont ils ont été affranchis par l’article 14; met cette propriété sous la sauvegarde de la loi, et enjoint aux municipalités de tenir la main .à ce qu’elles soient respectées. M. de Hefville des Essarts propose, en amendement, que les propriétaires de moulins,; fours et pressoirs banaux ne puissent les supprimer que six mois après la publication du présent décret. Pendant ce temps les baniers se soumettraient à la banalité aux mêmes conditions que ci-devant. " ~ . L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur cet amendement. L’article est adopté.