SÉANCE DU 11 FRIMAIRE AN III (1er DÉCEMBRE 1794) - N°8 54-55 363 ont renversé les bastilles des 14 juillet et 9 thermidor. Mention honorable, insertion de l’adresse au bulletin, et de la réponse du président (88). L’ORATEUR (89): Elle n’existe donc plus cette société féconde en conspirateurs et en tyrans ! Vous avez dit un mot, et elle a disparu. Nous applaudissons à cet acte de justice. Les lions et les tigres dont la société des Jacobins étoit le repaire, ont en vain menacé de porter une dent meurtrière sur la représentation nationale; vous avez bravé leur fureur. Conservez cette énergie; que tous les conspirateurs tremblent, et périsse quiconque oseroit rivaliser avec la Convention nationale ! Maintenez la justice et l’humanité à l’ordre du jour et tous les Français répéteront avec nous : Vive la République! Vive la Convention nationale. 54 La section du Contrat-Social [Paris] vient en masse applaudir aux décrets qui, après avoir abattu la tyrannie, renvoient la terreur dans l’âme de ceux qui en faisoient l’instrument de leurs crimes. Elle dénonce une adresse de la société populaire de Mâcon [Saône-et-Loire], comme contenant des principes contraires à l’ordre et à la tranquillité publique; elle fait part d’un arrêté par lequel elle a unanimement improuvé cette adresse, et l’a envoyée au comité de Sûreté générale. Mention honorable, insertion au Bulletin, renvoi au comité de Sûreté générale (90). L’ORATEUR (91): La section du Contrat-Social vient en masse applaudir à vos glorieux décrets. Après avoir abattu le tyran, vous avez détruit la tyrannie ; vous avez renvoyé la terreur dans l’âme de ceux qui en faisaient l’instrument de leurs crimes ; le grand caractère que vous avez déployé est digne de la haute mission que la nation vous a confiée. Le faible est maintenant assuré d’un appui, l’homme de bien de la protection des lois, et le coupable saisi de crainte éprouve enfin que le règne de la justice est arrivé. La section du Contrat-Social, ferme dans les principes, ayant entendu la lecture d’une adresse de la société populaire de Mâcon dont les principes sont contraires à l’ordre et à la tranquillité publique, l’a improuvée, et a arrêté à l’unanimité qu’elle serait renvoyée au comité de Sûreté générale. (88) P.-V., L, 230. (89) J. Perlet, n° 799. J. Fr., n° 797. (90) P.-V., L, 230. (91) Moniteur, XXII, 642. J. Fr., n° 797 ; Gazette Fr., n° 1064 ; Mess. Soir, n° 835. 55 Une députation de la section des Piques [Paris] succède à la barre. Elle demande que les assassins qui ont rempli la France de deuil et de carnage, trouvent enfin la punition de leurs crimes; elle annonce que, si elle a été induite en erreur en prenant, il y a environ deux mois, un arrêté pour aller aux Jacobins, elle a reconnu dans cet acte l’influence maligne de certains individus, et qu’elle vient de les rayer de ses registres. Elle applaudit en conséquence, aujourd’hui qu’elle est dégagée des intrigues de ces factieux, à la suppression de la société des Jacobins. Mention honorable, insertion au Bulletin (92). L’ORATEUR (93) : Législateurs, nous venons vous offrir notre obéissance aux lois, nos bras pour les défendre, notre constance à les exécuter. Nous ne pourrions point présenter à la Convention un hommage plus digne d’elle. Voila bientôt six ans que nous combattons pour la liberté ; ce bien précieux nous est commun à tous. Nous l’avons achetée par nos sacrifices, nous l’avons méritée par notre courage, et nous la défendrons jusqu’à la mort. Mais que le glaive de la justice nationale s’appesantisse sur les scélérats qui ont voulu nous la ravir ! que les assassins qui ont rempli la France de deuil et de carnage trouvent enfin la punition de leurs crimes : voila le vœu des citoyens de la section des Piques. Si la section des Piques a été induire en erreur en prenant, il y a environ deux mois, un arrêté pour aller aux Jacobins, elle vient vous annoncer qu’ayant reconnu qu’elle avait été influencée par certains individus, elle a pris une délibération dans son assemblée générale de décadi 10 frimaire, pour que ledit arrêté fut rayé de ses registres, afin qu’il fût regardé comme nul et non avenu. Nous venons cette fois conduits par nous-mêmes ; c’est l’amour de la patrie qui seul nous amène, c’est la vérité qui nous ouvre la bouche. Ils ne nous abuseront plus ces pervers qui voulaient nous faire accroire que le peuple n’est pas le public, et que le public n’est pas le peuple. Ils ne nous égareront plus ces factieux qui semblaient ne vouloir de la liberté que pour nous réduire à l’esclavage. Ils ne nous tromperont plus ces faux patriotes dont les sophismes corrompaient la raison publique, dont les mains hardies cherchaient à usurper l’autorité suprême ; tantôt invoquant la Déclaration des Droits quand il s’agissait de réprimer leur tyrannie, tantôt substituant aux lois légitimes leurs féroces caprices lorsqu’il était question de persécuter. Nous les connaissons enfin ces monstres exécrables qui ont assassiné l’innocence dans les (92) P.-V., L, 230. (93) Moniteur, XXII, 656. Ann. Patr., n° 700 ; C. Eg., n° 835 ; J. Perlet, n° 799 ; J. Fr., n° 797 ; Gazette Fr., n° 1064 ; Mess. Soir, n° 835. 364 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE bras de la patrie ; ce n’est pas la France seule, mais l’humanité toute entière qui vous demande vengeance. Nous ne connaissons ni le lion endormi, ni le tigre qui se réveille, ni ces expressions gigantesques dont se sont servis certains membres de la ci-devant Société des Jacobins que vous avez si justement anéantie. Nous n’aimons, nous ne voulons, nous ne respirons que la justice ; sans justice il n’est point de vertu, et sans vertu point de république. 56 La section de l’Unité [Paris] félicite la Convention nationale d’avoir fermé l’antre où, sous le nom de Jacobins qu’ils ont souillé, des hommes féroces vinrent concerter l’anéantissement de la république, par la dévastation, par la protection du crime et par la destruction des plus purs patriotes, et l’invite à conserver son attitude imposante, sa fierté révolutionnaire et toute la majesté de la justice. Elle ajoute : voici notre acte de foi politique et révolutionnaire; union entre les sections du peuple; union du peuple à la Convention et de la Convention au peuple ; la mort aux tyrans de toutes les espèces et à leurs sectaires; amour, respect, obéissance aux lois. Mention honorable et insertion au Bulletin de l’adresse et de la réponse du président (94). Un second orateur rend compte de la lutte qui existe dans cette section [de l’Unité, Paris] entre les bons et les mauvais citoyens ; il annonce qu’il se retirera devers le comité de Sûreté générale pour lui donner des renseignements à cet égard (95). L’ORATEUR (96) : Courbés longtemps sous le joug de l’oppression et de l’intrigue, les citoyens de la section de l’Unité, vétérans de la Révolution, viennent applaudir à vos travaux; ils viennent vous féliciter d’avoir abattu la dernière et la plus redoutable de toutes les tyrannies, d’avoir fermé cet antre où sous le nom de Jacobins qu’ils ont souillé, des hommes féroces vinrent concerter l’anéantissement de la République par la dévastation, par la protection du crime, et par la destruction des plus purs patriotes. Oui, citoyens-représentans, vous avez conservé la liberté, qui a été un moment en péril ; vous avez réduit au silence les ennemis du peuple; vous avez confondu les projets perfides de ceux qui vou-loient se servir des débris du vieux trône pour rétablir une nouvelle servitude : vous avez remporté la plus signalée des victoires sur les partisans de l’étranger, sur ces hommes qui, oubliant (94) P.-V., L, 230. (95) P.- V., L, 231. (96) Bull., 12 Mm. Ann. Patr., n° 700 ; C. Eg., n° 835 ; F. de la Républ., n° 72 ; J. Perlet, n° 799 ; J. Fr., n° 797 ; Gazette Fr., n° 1064 ; M.U., n° 1359 ; Mess. Soir, n° 835. tous les principes de la sublime raison, osoient la disputer de puissance avec vous, qui exercez légitimement la puissance du peuple; vous avez conservé dans vos mains cet immense pouvoir, et de toutes parts le peuple vous dit : La liberté reste, elle restera, et cette conservation sera votre ouvrage. Les temps de révolution ne ressemblent point aux temps ordinaires ; les politiques factieux en calculent avec précaution tous les événemens; mais les vrais patriotes savent en rapporter tous les résultats au maintien des vertus publiques et du courage : c’est au milieu d’une grande révolution que le cœur humain le déploie, et que la nation qui agit se montre ce qu’elle est. Dans les différentes situations où elle se trouve, elle ne sait souvent ni où elle est, ni où elle va, ni ce qu’elle veut, ni ce qu’elle doit vouloir : mais rarement le peuple fait des méprises ; des partis se forment ; et sans le savoir ils tendent tous à la sécurité publique ; ils s’ébranlent et se détruisent réciproquement eux-mêmes; ils peuvent bien être injustes ; mais ils ne pourront plus être pernicieux sur le territoire de la liberté que nous avons reconquis; ils se balancent, et par leur propre pesanteur ils nous défendent de tout précipice. La tactique de tous leurs froissemens, l’application des exemples, l’hypocrisie du zèle, les moyens des divers partis deviennent tous inhabiles et incapables de prévaloir sur l’autorité légitime. Ainsi, les divisions, les haines, l’ambition, la rivalité, les intrigues, les factions, oui les factions, rien de tout cela n’étendra plus sa puissance sur le peuple, parce que le peuple instruit ne veut plus aujourd’hui ni de Marius, ni d’Oc-tave, surtout devant lequel (à la honte de la liberté de Rome) tous les pouvoirs vinrent se courber. Le peuple portera désormais son attention à peser sur toutes les volontés particulières pour faire rehausser la volonté générale. Citoyens-représentans, vengez les lois et frappez les coupables, réduisez à un impuissant désespoir ces hommes de sang qui bâtissoient leur trône sur nos cadavres, et qui soudoyoient leurs satellites avec la fortune publique. Qu’étions-nous devenus ? Le jouet des intrigues et des fureurs; et tandis que les bras de nos frères et de nos enfans repoussoient l’ennemi étranger, l’ennemi intérieur s’entouroit de passions féroces ; il nous opprimoit avec la cruauté la plus barbare, et la lumière vivifiante du soleil étoit devenue pour nous la nuit des tombeaux.... Hommes de sang, éloignez-vous, vous nous avez souillés..., et lorsque l’opinion publique cherchoit à se rassurer, à inspirer du courage, à ranimer la confiance de citoyen à citoyen, d’autorité à autorité, de la Convention au peuple, du peuple à la Convention; ces hommes ont encore vociféré contre le retour aux éternels principes, et ils ont appelé contre-révolution le dégoût.... Hommes de sang, répétons-nous avec nos frères de Dijon, hommes de sang, éloignez-vous..., vous nous avez souillés... Reportons promptement nos regards sur d’autres tableaux ; déjà, depuis longtemps, les despotes sont ruinés, et leur coalition ne présente plus que faiblesse, découragement et misère; leurs