588 [Assemblée nationale.] L’avis mis en discussion, plusieurs amendements ont été proposés. D’autres membres craignant que le décret de l’Assemblée, étant encore imparfait, ne fût modifié par le pouvoir exécutif, ont voulu qu’il fût sursis à délibérer jusqu’à ce que le comité eût fait le règlement dont l’Assemblée l’a chargé pour le développement de son décret. Un membre du comité a dit alors que le travail était fait. Il a demandé et obtenu d’en faire la lecture. Cette lecture finie, et le règlement discuté, on en a renvoyé le plus ample' examen à une autre séance. Puis revenant au premier objet, l’Assemblée a décrété de renvoyer la demande delà ville de Paris au pouvoir exécutif. M. le Président a levé la séance qu'il a remise au lundi matin à l’heure ordinaire. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE LA LUZERNE, ÉVÊQUE, DUC DE LANGRES. Séance du lundi 7 septembre au matin (1). Lun de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du 5 septembre. M. le Président annonce que plusieurs citoyennes de la ville de Pans, femmes ou filles d’artistes, animées par le patriotisme et par le désir de propager leur exemple, ont réuni les ornements et bijoux dont elles s’étaient jusqu’à présent parées ; qu’elles désirent en faire hommage à la nation pour contribuer au payement de la dette publique, et que si l’Assemblée consent à recevoir leur députation, elles se présenteront pendant le cours de la séance. Il est unanimement arrêté que la députation sera admise. M.Ie Président annonce que la discussion va être reprise sur la permanence et l' organisation du Corps législatif et sur la sanction royale. M. lianjuinais (2). Messieurs, quanta la division des Chambres, elles sont égales en puissance si elles sont composées avec égalité, sans distinction et au scrutin. Dans cet ordre de choses, proposé déjà par M. l’abbé Sieyès, j’entrevois l’avantage d’une grande maturité. Mais si l’on admettait une Chambre haute, le petit nombre commanderait au plus grand ; les intérêts particuliers seraient mis à la place des intérêts généraux. L’Assemblée nationale serait paralysée ; et sur les ruines de cette noblesse, qui maintenant n’est que ce qu’elle peut et ce qu’elle doit être, vous élèveriez le plus mons-treux monument d’aristocratie qui puisse exister ; aristocratie aussi funeste au Roi qu’au peuple. Ceux qui veulent que ces deux Chambres exis-(1) Celte séance est incomplète au Moniteur. (2) Le Moniteur attribue le discours à M. Dangevil-lers : il n’y avait pas de député de Ge nom. — Le Point-du-Jour l’attribue à M. Lanjuinais. Du reste, l’erreur est rectifiée dans ce sens à la table du Moniteur, qui restitue ce discours à M. Lanjuinais. (7 septembre 1789.] tent s’égarent avec les auteurs dont ils invoquent le suffrage. Loin d’ici le sentiment de l’inconséquent Delolme, de ce Montesquieu qui n’a pu se soustraire aux préjugés de sa robe. Loin d’ici le suffrage de l’Anglo-Américain, M. Adams, de ce Don Quichotte de noblesse, le précepteur corrompu d’un grand seigneur ; ils ne nous imposent plus. On sait que l’Anglelerre, livrée à l’inertie du veto, manque de bonnes lois, et que ses bonnes lois sont mal exécutées ; qu’en Angleterre tout est si mal, que les ministres gouvernent plus par l’or, l’argent et la faveur, qu’avec les talents. L’on nous parle du sénat américain -, là il peut y être nécessaire, puisqu’il n’y a pas d’influence royale. Ge ne sont au surplus que des sénateurs à rubans et à médailles. Point de distinction de rang, point de nomination royale. 11 suffit que les députés, divisés eu deux Chambres, puissent mettre une grande et sage maturité dans leurs délibérations. Je croirais même cette division inutile dans le cas où le Roi exercerait le veto suspensif d’une session à l’autre. Car, pour le veto absolu, je n’en parle pas : l’histoire le réprouve, la politique le fait voir comme un moyen dangereux. Mais quel est cet acte que l’on décore du nom de sanction ? Le Roi est le suprême dépositaire du pouvoir exécutif ; et étant chargé de faire exécuter les lois, l’acte par lequel il ordonne son exécution s’appelle sanction royale. Libre ou forcée, la sanction est l’acte qui ordonne, soit implicitement, soit explicitement, l’exécution de vos décrets. Vous en avez eu vous-mêmes deux exemples dernièrement. Le Roi a publié deux déclarations qui ne contenaient autre chose que vos décrets, et qui n’ordonnaient rien autre que leur exécution. Telle est la véritable sanction du Roi ; et ce serait l’anéantir que d’accorder au roi un liberum veto , un droit négatif. S’il y a deux pouvoirs séparés qui se détruisent mutuellement, il n’y a plus de liberté, puisque le pouvoir législatif sera sans cesse usurpé ou paralysé par le pouvoir exécutif. C’est une grande erreur que de croire que le Roi ait en France le droit absolu. Sous les deux premières races, croit-on que la loi ripuaire et la loi salique ont paru sous le nom du prince ? Comment se faisait cette sanction? Quelle était-elle ? Un ancien historien nous l’apprend : Scele-bat rex in scella regia, circumstante omni exerci-tu , quidquid decrctum erat à Francis . On dira peut-être que l’armée n’était pas la nation : mais je ne réfuterai pas cette objection ; on sait ce qu’était alors la nation, puisque les citoyens n’étaient que des soldats. Dans la seconde race, qu’est-ce que ces capitulaires qui ont paru ? C’était le résultat des assemblées nationales ; c’était ce que le peuple ordonnait, quidquid à Francis decretum erat. Ces remarques expliquent parfaitement l’édit de Pistes, et maintenant l’on comprend facilement ce que veulent dire ces mots : lex sit con-sensû populi et constitutione regià. Le temps de la confusion des ordres est enfin arrivé, et alors tous les principes se sont également confondus. Nous venons aujourd’hui pour y remédier, et l’on ne dira pas que nos cahiers soient des obstacles à cette réforme salutaire. Dans les cahiers de la noblesse et du clergé, l’on voit que ces deux ordres admettent le principe du veto, qu’ils ne veulent pas de loi sans sanction. Mais c’est par une raison bien simple : ARCHIVES PARLEMENTAIRES.