330 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 juillet 1701. j ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CHARLES DE LAMETII. Séance du dimanche 17 juillet 1791 (1). La séance est ouverie à onze h* ures du malin. M. ©upos't, ex-président , occupe le fauteuil. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier au matin qui est adopté. M. le Président. Le commis du sceau paraît douter si les décrets que vous avez or sonné hier devoir être envoyés seront expédiés. Gomme ordinairement on les envoie séparément, il voudrait que l’Assemblée l’autorisât à les réunir. (Assentiment.) Un membre : La nouvelle se répand en ce moment que deux bons citoyens viennent d'être victimes de leur zèle. Ils étaient au champ de la fédération, et disaient au peuple rassemblé qu’il fallait exécuter la loi. lis ont été pendus sur-le-champ. (Mouvement dd indignation.) Plusieurs membres : Gela n’est pas vrai ! M. Ic curé IMIEon. Le fait n’est point tel que vous l’avez rapporté. Je demande si vous avez été témoin. M. Rcgnand (de Saint-Jean-d' Angély). J’ai aussi entendu dire à beaucoup de personnes que deux citoyens avaient en effet été pendus au Champ-de-Mars pour avoir seulement engagé àlVxécution de la loi; ruai', quelle que soit la cause de ce crime, il est certain que c’en est un ; que rien n’a pu autoriser une atrocité de ce genre. Je dis que, dans un moment d’eff, rvescence tel que celui-ci, il est important de s’assurer de la vérité des faits, afin qu’après les avoir bien connus on puisse prendre des mesures sévères et rigoureuses pour réprimer les attentats dont nous sommes menacés, et je demande en conséquence que M. le maire de Paris et M.le président de l’Assemblée soient autorisés à s’informer de ces circonstances, pour ensuite être pris par l’Assemblée nationale tels moyens qu’elle avisera. Il est temps qu’on déploie la sévérité de la loi, 1je déclare que, dussé-je être victime comme les citoyens qui viennent de périr, je demanderai la proclamation d1 la loi martiale! (Applaudissements de la majorité de l'Assemblée; murmures à l'extrême gauche.) (La motion de M. Rcgnaud (de Saint-Jean-d.' An-gèly) est adoptée.) M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une lettre du maire de Paris, ainsi conçue : « Monsieur le Président, « Le corps municipal, instruit qu’il a été dit dans l’Assemblée nationale que c’était un officier municipal qui, vendredi 15, a lait fermer le théâtre de la tue Feydeau, me charge d’assurer l’Assembhe qu’aucun officier municipal n’a donné 11) Cette séance est incomplète au Moniteur. un pareil ordre : c’est un commissaire de police qui se l’est permis. On a été trompé par le chaperon que plusieurs commissaires portent comme une écharpe. « Le corps municipal se fait rendre compte de ce qui s’est passé vendredi à ce théâtre pour prendre les mesures que les circonstances et les faits pourront exiger. « Je sui-, etc. « Signé : Bailly. » Un membre : Il faut mander le commissaire. M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une lettre de M. Lcipou-rielle, accusateur public auprès du tribunal du 3e arrondissement . Cette letire est ainsi conçue : « Monsieur le Président « A l’instant où l’on m’a remis hier la lettre de M. le garde des sceaux, avec le décret qui arrête que les accusateurs publics seront mandés à la barre, je partais avec un juge et plusieurs officiers du tribunal, auprès duquel je remplis les fonctions d’accu-ateur public, pour constater et prendre connaissance de la mort n’un soldat et des blessures de deux autres, qui tous trois ont été pour se tuer avec leurs pistolets qu’ils se sont mis dans la bouche. Gette opération ne pouvait se remettre, parce que ces deux soldats encore vivants, desquels il fallait avoir les déclarations, sont en danger à l’hôpital, à Samt-Denis. Je n’ai pu attendre l’h -ure qui serait indiquée pour me rendre à la barre de l’Assemblée nationale. « Je vous supplie, Monsieur le Président, d’assurer l’Assemblée nationale, que je suis disposé à faire tout ce qui dépendra de moi pour l’exécution du décret d’hier, et que rien ne pourra m’empêcher de poursuivre avec la plus grande rigueur ceux oui me seront dénoncés comme perturbateurs du repos public. « Je suis etc. « Signé : LapoüRIELLE. » M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angély). Messieurs, vous avez ordonné hier au département, à li municipalité, aux ministres, de prendre toutes les mesures pour assurer la tranquillité publique; vous avez ordonné aux accusateurs publics de sévir contre ceux qui pourraient la troubler de quelque manière que ce fut. Il est un délit qui se reproduit trop souvent depuis quelque temps, et qui, plus que tout autre, a peut-être concouru aux troubles et aux violences dont nous avons été presque les témoins : c’est celui de ces hommes qui en séduisent et en trompent d’autres pour s’opposer à la volonté générale ; c’est celui de ces hommes qui provoquent l’opposition à la loi, qui contactent l’engagement de ne pas l’exécuter avant même qu’elle soit rendue ! Vous n’avez pas encore rangé ce délit dans le nombre de ceux qui doivent être punis, et je crois que c’est le moment de vous expliquer. Je dis que tout homme qui s’oppose à la volonté générale, manifestée parles autorités constituées, est coupable d’un crime de lèse-na-tion, et je crois que votre devoir est de le déclarer ; c’est l’objet d’un projet de décret que j’ai l’honneur de vous proposer : « Tout individu qui, dans un écrit, quelle que soit sa forme, aura, soit individuellement, soit conjointement avec d’autres, manifesté la résolution d’empêcher l’exécution de la loi, pro- [Assemblée nationale. j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 juillet 381 voqué la désobéissance, ou porté le peuple à résister aux autorités constituées, fera regardé comme séditieux, comme perturbateur du repos public. En conséquence, b s olficiers de police sont autorisés à le faire arrêter sur-le-champ et à le remettre aux tribunaux, pour être puni par les peines portées rar la loi contre les criminels de lè. e-nation. » (Applaudissements. — Aux voix! aux voix!) Cependant, pour ne mettre aucune précipitation dans une aussi importante mesure, je demande le renvoi de ma proposition à vos comités de Constitution et de jurisprudence criminelle, pour qu’ils en rédigent, séance tenante, un projet de décret. (Ce renvoi est décrété.) M. ïe Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une lettre du sieur Gérin, soldat de la garde nationale, qui exprime le regret qu’il a de ne pouvoir suivre ses frères d’armes aux frontières; il offre à la patrie, pour concourir à sa défense, une somme de 300 livres en un assignat qu’il a joiut à sa lettre. Le sieur Rousseau, maitre en pharmacie , Enclos clu Temple, est admis à la barre: il témoigne à l’Assemblée le regret de ne pouvoir se rendre à la frontière, et la prie d’agréer, pour ce glorieux emploi, un assignat de 100 livres, qu’il dépose sur le bureau. M. Martin d'inch, député du département de l'Aude, absent par congé du 11 juin dernier, se présente au bureau pour prévenir l’Assemblée de son retour. M. le Président fait donner lecture des adresses du directoire du district et de la municipalité du Mur-de-Barrès, au département de l'Aveyron, et du tribunal du district de Castel-scirraün, qui expriment des sentiments de zèle et de fidélité envers les décrets de l’Assemblée nationale, et le serment de mourir, s’il le faut, pour en maintenir l’exécution. M. Treiihard, ex-président, remplace M. Duport au fauteuil. M. Lebrun, au nom du comité des finances. Messieurs, le c mi lé des finances vous propose de décréter que, sur les ordonnances et sous la responsabilité du ministre de l’intérieur, il sera fourni par la Trésorerie nationale, au département des ponts et chaussées, la somme de 3 millions de livras. D’un autre côté, vous awz ordonné que l’arriéré de 1790 serait acquitté par la caisse de l’extraordinaire. Dans le département des ponts et chaussées, comme dans tous les autres, il y avait un arriéré de 1790. Sur les 2 millions que vous avez déjà décrétés pour 1791, quelques déparlements, Ignorant encore votre décret, en ont appliqué une" partie aux dépenses de 1790. Le comité des ünances vous propose d’oruonner que la cais. e de l’extraordinaire reversera à la Trésorerie nationale les sommes employées par les départements sur les fonds de 1791 au payement de l’arriéré des ponts et chaussées de 1790. Voici, à cct égard, notre projet de décret : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : Art. 1er. « Sur les ordonnances et sous la responsabilité du ministre de l’intérieur, il sera fourni, par la Trésorerie nationale, au département des ponts et chaussées, aux époques successives qui seront déterminées entre le ministre et les commissaires de la Trésorerie, la somme de 3 millions pour les travaux publics, appointements, salaires et frais de conduite qui sont à la charge de la nation. Art. 2. « La caisse de l’extraordinaire remplacera à la Trésorerie naiionale les som nés qui, sur les ordres du département, ont été prises sur les fonds de 1791, pour être employées au payement de ce qui était dû aux divers entrepreneurs des travaux publics, pour les ouvrages exécutés en 1790, après toutefois que le montant desdits payements aura été vérifié par le commissaire général de la liquidation, et fixé par un décret de l’Assemblée nationale. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Defermon, au nom du comité delà marine , présente un projet de décret sur T administration de La marine, ainsi conçu : « Art. 1er. Le ministre sera seul chargé de i’exé-culion des ordres du roi, relatifs à son département, et responsable de son administration. « Art. 2. L’adminislration des ports rera civile; elle sera incompatible avec toutes fonctions militaires. « Art. 3. La direction générale do tous les travaux et approvisionnements, de la comptabiliié, de toutes les dépenses de la police générale et des classes du ressort, sera confiée, dans chique grand port, à un administrateur unique, sous le titre d’ordonnab ur. « Art. 4. L’administration de chacun de ces ports sera divisée en 6 détails principaux, qui seront contiés comme suit, à des chefs d’administration : « 1° Les constructions, travaux et mouvements de port, à un chef; « 2° L’arsenal et la comptabilité de l’arsenal, en journées d’ouvriers et matières, à un chef; « 3° Le magasin général et approvisionnements, à un chef; « 4° La comptabilité des armements, les vivres et classes, à un chef ; « 5° Les fonds et revu s, à un chef; « 6° Les hôpitaux ei b ignés, à un chrf. « Art. 5. Les travaux de l’ai tillerie seront dirigé', sous les ordres du chef des travaux, par un sous-chef ayant les connaissances relatives à ces travaux, et qui pourra être choisi parmi les sujets attachés ou non au département de la marine. « Art. 6. Les mouvements des ports seront dirigés par un sous-chef, sous les ordres du chef des travaux. « Art. 7. Le commandant des armes dans chaque port nommera, tous ies 3 mois, les enseignes au nombre qui lui seront demandés par le chef des travaux, pour être employés à l’exécution des mouvements des ports, sous les ordres du chef et du sous-chef des tra aux. Garde-magasin. « Art. 8. La garde et conservalion des matières et munitions sera confiée à un garde-magasin, qui sera directement responsable et comptable envers l’ordonnateur et sous la surveillance du chef des approvisionnements. Il aura sous son