730 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 décembre 1790.] [Assemblée nationale.] jusqu’au moment où elles auront, soit séparées, soit réunies, pré-ef té une seule découverte qui remplisse les conditions prescrites pour obtenir un encouragement, un privilège temporaire ou une récompense quelconque méritée de la nation. Un membre demande l’ordre du jour sur cette motion. L'Assemblée prononce l’ordre du jour et adopte le projet de décret du comité dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, considérant que toute idée nouvelle dont la manifestation ou le développement peut devenir utile à la société, appartient primitivement à celui qui l’a conçue, et que ce serait attaquer L s droits de l’homme dans leur essence, une de ne pas regarder une découverte industrielle comme la propriété de son auteur; considérant, en même temps, combien le défaut d’une déclaration positive et authentique de cette Vérité peut avoir comr bué jusqu’à présent à décourager l’industrie française, en occasionnant l’émigration de plusieurs* artistes distingués, et en faisant | asser à l’étranger un grand nombre d’inventions nouvelles dont cet Empire aurait dû tirer les premiers avantages; considérant enfin que tous les principes de justice, d’ordre public et d’intérêt national, lui commandent imnécieu-seme"t de fixer désormais l’opinion des citoyens français sur ce genre de propriété, par une loi qui la consacre et qui la protège, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Toute découverte ou nouvelle invention, dans tous les genres d’industrie, est la propriété de son auteur. En conséquence, la loi lui en garantit la pleine et entière jouissance, suivant le mode et pour le temps qui seront ci-après déterminés. Art. 2. « Tout moyen d’ajouter à quelque fabrication que ce puisse être, un nouveau genre de perfection (1), sera regardé comme une invention. (1) L’obscurilé que plusieurs personnes ont cru trouver dans cet article, me paraît venir de ce qu’on a pu confondre un degré de perfection avec un genre de perfection. Le degré de la perfection d’un ouvrage peut tenir au choix de la matière, à la forme, a la grâce, à la proportion, à l’accord, au Uni de toutes les parties, enfin à tout ce qui dépend du goût de l’artiste, du soin du maitre et de l’adresse de l’ouvrier; c’est alors l’espèce de perfection dont l’ouvrage est susceptible; c’est un degré de perfection de plus, mais ce n’est point un nouveau genre de perfection. Le qu’on entend par un nouveau genre de perfection lient à une nouvelle pensée que les autres agents de l’induslrie, que l’inventeur même de la chose n’avait point conçue, et qui procure ou une facilitation de travail, ou une extension d’utilité : or, ce moyen inconnu do perfection, souvent d’une grande minutie eu apparence, mais d’une grande utilité reelle, devient nécessairement la propriété de son inventeur. Ici quelques personnes sont encore tombées dans une méprisé dont il est aisé de les faire revenir. On a cru que le titre accordé à l’auteur de la perfection enlevait au premier auteur de la découverte, l’exercice privatit de sou titre d’inventeur; mais il n’en est pas ainsi, l’invention est le sujet, la perfection est une addiiion : ces deux clmses différentes appartiennent à leurs ailleurs respcciifs ; l’une est l’arbre et l’autre est la greffe. Si le premier inventeur veut présenter sa découverte perfectionnée, d doit s’adresser au second, et réciproquement le second inventeur ne peut tenir que du premier le sujet auquel il veut appliquer son nouveau genre de perfection; ils se verront désormais obligés, quoi qu’ils fassent, do tra-Art. 3. où Pi ive iteur ayant jugé que des taisons politiques ou commerciales exigent le secret de sa decouverte, il se serait présenté au Corps législatif pour lui exposer ses motifs, et en aurait obtenu un décret particulier sur cet objet. « Dans le cas où il sera déclaré qu’une description demeurera secrète, il sera nommé des commissaires pour vedler à l’exactitude de la description d'après la vue des moyens et procédés, sans que l’auteur cesse, pour cela, d’être responsable, par la suite de cette exaetiude. Art. 12. « Le propriétaire d’une patente jouira privati-vement de l’exercice et des fruits des découvertes, invention ou perfection pour lesquelles ladite patente aura été obtenue : en conséquence, il pourra, en donnant bonne et suffisante caution, requérir la saisie des objets contrefaits et traduire les contrefacteurs devant les tribunaux; lorsque les co ntrefacteurs seront convaincus, ils seront condamnés, en sus de la confiscation, à payer à l’inventeur des dommages-intérêts proportionnés à l’importance de la contrefaçon, et en outre, à verser dans la caisse des pauvres du district, une amende fixée au quart du montant desdits dommages-iutéi êts, sans, toutefois, ue ladite amende puisse exceder la somme de ,000 livres ; et au double, eu cas de récidive. Art. 13. « Dans le cas où la dénonciation pour contrefaçon, d’après laquelle la saisie aurait eu lieu, se trouverait dénuée de preuves, l’iuventeur sera condamné, envers sa partie adverse, à des dommages et intérêts proportionnés au trouble et au piéjudice qu’elle aura pu en éprouver, et en outre, à verser, dans la caisse des pauvres du district, une amende fixée au quart du montant desdits dommages et intérêts, sans, toutefois que ladite amende puisse exceder la somme de 3,000 livres, et au double, eu cas de récidive. Art. 14. « Tout propriétaire de patente aura droit de former des établissements dans toute l’étendue du royaume, et même d’autoriser d'autres particuliers à faire l'application et l’usage de ses moyens et procédés; et, dans tous les cas, il pourra disposer de sa patente comme d’une propriété mobilière. Art. 15. « A l’expiration de chaque patente, la découverte ou invention devant appartenir à la société, la description en sera rendue publique, et Dusage en deviendra permis dans tout le royaume, afin que tout citoyen puisse librement l’exercer et en jouir, à moins qu’un décret du Cor, s législatif n’ait p oroüé IVxer ice de la patente, ou n’en ait ordonné le secret, dans les cas prévus article 2. Art. 16. « La description de la découverte énoncée dans unij patente sera de même rendue publique, et l’usage des moyens et procédés relatifs à cette découverte sera aussi déclaré libre dans tout le royaume, lorsque le propriétaire de la patente en s Va déchu ; ce qui n’aura lieu que dans les cas ci-après déterminés : « 1° Tout inventeur convaincu d’avoir, eu donnant sa docription, recèle ses véritables moyens d’exécution, sera déchu de sa patente; « 2° Tout inventeur convaincu de s’être servi, dans ses fabrications, de moyens secrets qui n’auraient point été détaillés dans sa description, ou dont il n’aurait pas donné sa déclaration, pour les faire ajouter à ceux énoncés dans sa description, sera déclin de sa patent; « 3° Tout inventeur ou se disant tel, qui sera convaincu d’avoir obtenu une pas ente pour des découvertes déjà consignées et décrites dans des ouvrages imprimés et publiés, sera déchu de sa patente ; « 49 Tout inventeur qui, dans l’espace de deux an«, à compter de la date de la patente, n’aura point mis sa découverte en activité, et qui n’aura point justifié les raisons de son inaction, sera déchu de sa patente ; « 5° Tout inventeur qui, après avoir obtenu une patente en France, sera convaincu d’en avoir pris une pour le même objet eu pays étranger, sera déchu de sa patente ; « 6° Enfin tout acquéreur du droit d’exercer une découverte é toncée dans une patente, sera soumis aux mêmes obligaiions que l’inventeur, et s’il y contrevient, la patente sera révoquée, la découverte publiée, et l’usage en deviendra libre duus tout le royaume. Art. 17. « N’entend, l’Assemblée nationale, porter aucune atteinte aux privilèges exclusifs, ci-devant accordés pour inventions et découvertes, lorsque toutes les formes légales auront ete observées pour ces privilèges, lesquels auront leur plein et entier effet; et seront, au surplus, les possesseurs de ces anciens privilèges assujettis aux dispositions du prése t décret. « Les autres privilèges fondés sur de simples arrêts du conseil, ou sur des lettres patentes non enregistrées, seront convertis, sans frais, en patentes; mais seulement pour le temps qui leur reste a courir, en justifiant que lesdits privilèges ont été obtenus pour découverts et inventions du genre de celles énoncées aux précédents articles. « Pourront les propriétaires desdits anciens privilèges enregistrés et de ceux convertis eu paternes, en disposer à leur gre, conformément à l’article 14. Art. 18. « Le comité d’agriculture et de commerce, réuni au comité des impositions, présentera à l’Assemblée nationale un projet de règlement, 732 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 décembre 1790.] qui fixera les taxes des patentes d’inventeurs, suivant la durée de leur exercice, et qui embrassera tous les détails relatifs à l’exécution des divers articles contenus au présent décret. » (L’Assemblée décrète l’impression du rapport de M. de Boufflers.) M. I-<‘ Couteulx dépose les procès-verbaux des dépôts faits aux Archives nationales des objets qui ont servi à la fabrication des 400,000,000 d’assignats de la première création. L’Assembléeordonnel’impressionde ces procès-verbaux dont le t'�xte suit : Nous, soussignés, commissaires du roi, chargés de suivre la fabrication du papier destiné aux assignats, et leur impression, tant en caractères qu’en taille-douce, voulant remettre à MM. les commissaires de l’Assemblée nationale les cinq formes qui ont servi à Buges à la fabrication du papier dont il s’agit, et qui ont été déposées avec le dernier envoi de papier par ordre de M. le premier ministre des finances, dans une salle de l’imprimerie du Louvre; nous nous sommes rendus en ladite imprimerie pour recon-naître la caisse dans laquelle sont renfermées les cinq formes ci-dessus énoncées. L’ayant examinée, nous avons trouvé sain et entier le cachet dont nous avions, le 23 juin dernier, revêtu la corde sous laquelle tient l’emballage de la caisse. Après avoir enlevé ce cachet, nous avons fait voir qu’en effet cette caisse contenait les cinq formes analogues aux trois sortes de papier fabriqué à Buges sous notre surveillance. Et comme MM. La Blache et Anson, commissaires de l’Assemblée nationale, ont demandé que ces cinq formes fussent portées dans ses Archives pour y rester en dépôt en conformité du décret du premier juin dernier, article 10 , elles y ont sur-le-champ été transportées. Et pour constater les détails de cette opération, nous avons du tout dressé procès-verbal en présence de MM. les commissaires et de M. Anisson, directeur de ladite imprimerie, qui ont tous signé le présent, soit pour servir de décharge à ce dernier, et à nous, soit pour attester le dépôt desdites formes aux archives de l’Assemblée nationale, en rapportant à la suite de cet acte le reçu de l’archiviste. Fait à Paris, à l’imprimerie du Louvre, ce samedi 16 octobre 1790, à midi. Signé à V original : ANISSON -DuperrON, DE SURGY, Desmarets, commissaires du roi ; La Blaciie et Anson, commissaires de V Assemblée nationale. A la suite est écrit : Je soussigné, député à l’Assemblée nationale, l’un de ses ex-présidents, et garde de ses archives, reconnais avoir reçu, aujourd’hui 16 octobre 1790, une caisse contenant cinq formes servant à la fabrication du papier désigné dans le procès-verbal de l’autre part, sur ciiacune desquelles M. de Surgy a apposé son cachet. Aux Archives ledit jour, 16 octobre 1790, une heure après-midi. Signé: Camus. Pour ampliation conforme à l’original. Signé : Desmarets et de Surgy. Le dix-sept décembre mil sept cent quatre-vingt-dix, nous commissaires du roi, en présence de MM. Montesquieu et Anson, avons remis à M. Camus, garde des Archives nationales: 1° vingt-cinq poinçons et autant de matrices en cuivre, d’où sont provenues les lettres majuscules, les encadrements et ornements des quatre cents millions d’assignats, 2° quatorze poinçons faits par le sieur Lorthior ; 3° cent planches de cuivre gravées, dont deux coupées, lesquels effets M. Camus reconnaît avoir reçus et s’en charge. Fait aux Archives les jour et an que dessus. Signé : de Surgy, Anson, Montesquiou, Camus. Aujourd’hui seize décembre mil sept cent quatre-vingt-dix, nous commissaires du roi soussignés, procédant au compte définitif des assignats fabriqués en papier, ensuite imprimés, tant en lettres qu’en taille-douce, et livrés à la caisse de l’Extraordinaire, conformément aux décrets des 17 et 30 avril, et premier juin dernier, nous avons d’abord constaté, en présence de MM. La Blache, Montesquiou, Anson et Le Cou-teulx, commissaires de l’Assemblée nationale, nommés par le comité des finances, eu vertu du décret du 30 avril dernier, pour surveiller tout ce qui a rapport à la confection desdits assignats, la quantité de papier envoyé de la manufacture de Buges, où nous avons été délégués. Il est résulté de nos procès-verbaux d’envoi des 19 et 29 mai, 15 et 23 juin derniers, dont copie a été remise à MM. les commissaires de l’Assemblée, qu’il a été entreposé provisoirement à l’Imprimerie royale six cent cinquante-cinq rames de papier destiné à la formation des assignats, savoir : cent cinq rames pour assignats de mille livres ; et en composant deux cent dix mille ; deux cent douze rames de papier rose pour les assignats de trois cents livres, et en composant quatre cent vingt-quatre mille; enfin trois cent trente huit rames pour les assignats de deux cents livres, et en composant six cent soixante-seize mille. Et comme pour le compte fait à ladite imprimerie des feuilles de papier qui lui ont été délivrées pour l’impression et la gravure des douze cent mille assignats, ainsi qu’ils sont divisés par sortes et par séries, suivant quatorze récépissés de M. Anisson, directeur de ladite imprimerie, il a été trouvé quarante-et-une feuilles et demie, comprenant cent soixante-six assignats d’excédant sur ceux de mille livres. Il s’ensuit qu’il en a été entreposé deux cent dix mille cent soixante-six ; que dans ceux de trois cents livres, s’étant trouvé deux cent six feuillt s et demie de moins, composant huit cent vingt-six assignats, il n’en avait été réellement entreposé que quatre cent vingt-trois mille cent soixante-quatorze; qu’enfin sur les assignats de deux cents livres, ayant été trouvé trois cent sept feuilles trois quarts, comprenant douze cent trente-un assignats, il en avait été réellement entreposés six cent soixante-dix-sept mille deux cent trente-un; qu’en conséquence, en rapprochant ces trois quantités d’assignats primitivement entreposés, comme dit est, du nombre des assignats imprimés, gravés et livrés à la caisse de l’Extraordi-naire, ou représentés défectueux et hors d’état d’ètre mis en circulation, il a été établi par les récépissés de la caisse de l’Extraordmaire, qu’il lui a été remis cent cinquante mille neuf cent cinquante assignats de mille livres; quatre cent mille de trois cents livres, et six cent cinquante mille de deux cents livres. Et M. Anisson, directeur de l’imprimerie, ayant reçu, pour être imprimés, cent cinquante-quatre mille cent soixante-six assignats de mille livres, il nous en a rendu neuf cent quarante-huit en nature, mais gâtés, défectueux; et de plus deux mille deux cent soixante-huit en papier blanc ; en sorte que ces