[Assemblé* nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 avril 1790.] nuera à diminuer ensuite, par l’ordre et l’économie qui régnèrent dans toutes les parties de l’administration (1); de manière que les législatures prochaines pourront réduire, chaque année, la partie des revenus de la oîme, que les assemblées des départements verseront, comme on l’a dit plus haut, dans le Trésor national, et ces assemblées administratives, ainsi déchargées, se verront elles-mêmes en état de diminuer la quotité de la dîme qu’elles percevront du cultivateur; elles leur en feront la remise, non seulement à proportion de ce que le Trésor national les aura déchargés, mais encore en raison de l'extinction des pensions des individus, à la charge de leur caisse ecclésiastique. Chaque année, par conséquent, améliorera le sort du propriétaire, par la diminution successive de la dime. Ce sera vers cette époque, et même auparavant, que les biens-fonds au clergé, déchargés du paiement de toutes pensions, pourront être répartis proportionnellement entre tous ses membres employés au service du culte, pour que leur état soit constitutionnel et indépendant des variations des finances; et s’il se trouvait cependant des départements dans lesquels les biens-fonds ecclésiastiques ne suffiraient point pour doter toutes les cures des campagnes, on proposerait que ces villages, dont la population serait jugée demander des curés, leur paieraient pour leur traitement, et par forme de contribution locale, une gerbe, ou d< ux au cent ; et ceux peu riches et d’une médiocre population, pourraient, d’un commun accord, réunir la contribution de deux ou trois d’entre eux, pour avoir un curé et des vicaires communs. Mais comme il est probable que les biens en fonds de terre suffiront généralement à leur dotation, les assemblées des dépariements pourront réduire ainsi, chaque année, et à mesure que les charges s’éteiudront, la quotité du paiement de la dîme, qui, sans effort et sans crainte, se trouvera totalement suppiimée dans quelques années; et par conséquent, le décret du 4 août exécuté dans son entier. Ce sera alors un des beaux présents que la Constitution aura fait à la nation. Car, en déchargeant les terres de cet impôt très onéreux, il ne faut point croire que les seuls propriétaires en profiteront, puisqu’il est reconnu qu’eu fait d’impôt de quelque manière qu’ils soient assis, c’est toujours, en dernière analyse, les fonds de terre qui les acquittent, parce que c’est la terre qui produit la seule et vraie richesse, et que plus les propriétaires sont opulents et dans l’aisance, plus les autr es classes de citoyens qui alimentent leurs besoins et leur luxe, trouvent de ressources pour leurs travaux et leur industrie. Ainsi, en rendant la dîme aux propriétaires, c’est àla natioD, c’est à toutes les classes de citoyens que ses représentants en ont fait la remise, soit directement, soit indirectement. C’est un bieu général, et l’Assemblée nationale, constante dans ses principes comme dans ses travaux, ne fût jamais animée que de ce seul sentiment, celui du bonheur de tous les Français. (!) Les réductions et les suppressions que l’Assemblée nationale vient de décréter provisoirement le 26 février, pour 60 millions annuellement, doivent nous donner les plus grandes espérances pour les finances. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE BARON DE MENOU. Séance du samedi 10 avril 1790, au matin (1). La séance est ouverte à 9 heures du matin. M. IVouglns de Roquefort, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier qui est adopté. Il fait ensuite lecture des adresses suivantes : Adresse des citoyens et de la municipalité de Bois-Redon, par laquelle elle demande la distraction de ce lieu du département auquel il a été annexé, pour être uni à celui de la paroisse de Vitrezay, de laquelle elle sollicite de n’être pas séparée. Elle fait en même temps le don patriotique de la contribution des privilégiés pour les six derniers mois de 1789. Adresse de la ville de Billom, contenant le don patriotique de la même contribution. Adresse des volontaires de la marine, par laquelle ils demandent que 1 Assemblée nationale leur fasse partager les privilèges accordés aux élèves. Adresse de la municipalité de la Chapelle de Launay, par laquelle elle fait part à l’Assemblée des élections de ses membres, et des applaudissements qu’ils ont obtenus. Adresse de la municipalité de Sully, par laquelle elle renouvelle ses hommages à l’Assemblée nationale, et adhère à ses décrets. Adresse de la municipalité de Saint-Mexin-de-Tournon en Berry, avec instance et supplique de la protéger dans la jouissance de ses marchés, contre lés prétentions usurpatrices de la ville de Preuilly en Touraine. Adresse de la municipalité de Saint-Jean-de-Lôrie, par laquelle elle renouvelle à l’Assemblée sa satisfaction que cette ville soit la première qui ait renoncé à ses privilèges. Adresse de la société des amis des noirs , établie à Paris, ainsi conçue : Messieurs, la société des amis de3 noirs croirait manquer au respect qu’elle doit aux décrets de l’Assemblée nationale, et à la cause de l’humanité qu’elle défend, sj elle ne vous dénonçait pas l’abus qu’on prétend faire d’un article de votre décret du 8 mars, pour l’arrêter dans ses travaux. Vous en connaissez le respectable but, ce but si perfidement calomnié. Cette société, qui possède plusieurs membres de l’Assemblée nationale, a étudié sous tous les rapports la traite et l’esclavage; elle a rassemblé et discuté tous les faits; elle a recueilli et analysé tous les plans de réforme; elle en a projeté de nouveaux. Sans cesse occupée de concilier tous les intérêts, elle a également admis dans sou sein les philosophe-et les armateurs, les gens de couleur et les colons. N’attendant son triomphe que de la propagation des lumières et de l’esprit de liberté, elle s’est interdit l’enthousiasme à l’égard des noirs, et elle s’est commandé le sang-froid avec les blancs. La société des amis des noirs ne pouvait espérer aucun succès tant que l’ancieune conslitu-(1) Cette séance est incomplète an Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 avril 1790.] 628 tion a subsisté; car, lorsqu’il s’agit de rompre des chaînes, le despotisme est inexorable. Aussi avec quels transports de joie la société des amis des noirs a-t-elle vu convoquer ces Etats généraux, que le génie de la France a transformés en Convention nationale! Avec quels ravissements, vous a-t-elle vus, Messieurs, poser pour fondement de la Constitution, cette vérité sainte, que tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ! Dès lors elle a senti que vous étiez appelés à réaliser les espérances des amis de l’humanité. Elle a prévu que vos principes philantropiques vous donneraient partout des admirateurs et des appuis et que vous auriez tout à la fois le pouvoir et le droit de faire ce que dix Etats des Etats-Unis ont eu déjà la gloire d’exécuter. Mais plus heureuse que ces Etats, dont les relations commerciales et politiques ne sont ni assez fortes, ni assez étendues, pour entraîner sur leurs pas aucune des puissances de l’Europe, l’Assemblée nationale ne peut pratiquer l’humanité, sans l’inspirer, sans la commander partout. Elle peut donc exercer sur le bonheur du genre humain plus d’influence que nul mortel, nul corps législatif, n’en a obtenu dans les plus belles époques de l’histoire. Eh! à qui se présentera jamais un plus bel avenir? Le résultat infaillible des mesures fermes et modérées par lesquelles vous pourrez préparer sans troubles et sans convulsions, d’abord l’abolition de la traite, puis celle de l’esclavage, cet infaillible et précieux résultat, c’est d’arracher des millions d’hommes à l’ignominie, à la mort; c’est de régénérer les deux mondes; c’est de perfectionner l’espèce humaine; c’est, enfin, de provoquer cette confraternité universelle, saule capable de changer en un lieu de délices cette terre de douleurs et de crimes. La société des amis des noirs avait nommé, dès le mots d'avril 1789, des députés pour défendre la cause de ces infortunés qui nous ressemblent par les mêmes besoins, les mêmes misères, les mêmes facultés, et qui, perpétuellement victimes de nos faux calculs, sans représentants, parce qu’on ne leur suppose ni intelligence, ni volonté, ne peuvent avoir pour défenseurs que des hommes désintéressés, courageux, et libres de toutes sortes de préjugés. Nous aurions pu profiter de plus d’une circonstance pour obtenir de vous la faveur d’être entendus. Sensibles aux hommages de sociétés étrangères, vous n’auriez pas sans doute reçu d’un œil indifférent ceux d’une société française. Celle de Londres n’a qu’à défendre des hommes heureux et une constitution existante; et nous avions à vous présenter des milliers de malheureux, à vous dénoncer uu commerce de crimes, qui, sous le nom français, ensanglante chaque jour une terre étrangère. Mais tandis que iajustice et la pitié nous sollicitaient de défendre les noirs, le patriotisme nous attachait invinciblement à vos nobles travaux, à vos alarmes, à vos espérances, à vos triomphes. Nous n’avons pas cessé, nous ne cesserons pas de regarder comme des ennemis delà patrie, tous ceux qui ont interrompu ou tous ceux qui interrompront, sans la plus évidente nécessité, cette constitution, digne objet de vos travaux et de nos sollicitudes. Nous ne voulons avoir à nous reprocher ni précipitation, ni faiblesse, et voilà pourquoi nous ne nous sommes point présentés, lorsque vous nommâtes un comité pour examiner les pétitions du commerce et les pièces arrivées des colonies. Pénétrés de respect pour les motifs de patriotisme qui vous ont dicté l’article sur la conservation du commerce indirect des colonies, attendant, des circonstances plus favorables, ce décret que sollicitait l’humanité, qui sans doute était dans tous les cœurs, lorsque les lèvres refusaient de le prononcer, nous ne réclamons aujourd’hui que contre une extension donnée à l’article par lequel l’Assemblée nationale a déclaré criminel envers la nation quiconque travaillerait à exciter des soulèvements contre les colons. Des hommes qui n’ont vu qu’avec effroi, qui n’ont attaqué qu’avec fureur et démence, les écrits publiés en faveur de l’humanité souffrante, ont insinué que l’Assemblée avait entendu, par cet article, mettre un terme aux travaux de cette société. Us ont dit qu’écrire en faveur des noirs, c'était travailler à les soulever, c’était se rendre criminel de lèse-nation; et le décret était à peine rendu, que la persécution marquait déjà des victimes. Loin de nous l’idée de prêter à l'Assemblée, qui nous entend, ces arrière-pensées du despotisme, ces explications sanguinaires de lois énigmatiques, avec lesquelles on égorgerait les défenseurs de l’humanité et de la vérité ! Les législateurs qui ont gravé dans un monumeut immortel le droit de la liberté d’écrire, ne peuvent commander le silence, surtout à des hommes de bien qui n’écrivent que pour sécher des pleurs, que pour épargner des crimes. Ils ne peuvent nous défendre de prouver que la traite et l’esclavage ne sont pas seulement des attentats à tous les droits, mais d’inutiles et fatales barbaries, mais de grossières erreurs de calcul. La mission sainte embrassée par la société, leur eût interdit toute espèce d’alarme, même sous le despotisme : que doit-ce être sous une Constitution libre? Non, les amis des noirs n’ont pas bravé le despotisme, pour trembler sous la liberté. En vous annonçant leur tranquillité et le vœu qu’ils ont fait de continuer leurs travaux jusqu’à l’abolition des deux crimes qu’ils poursuivent, ils croient vous rendre un hommage cligne de vos principes; ils acquittent un double devoir, celui de venger la liberté d’écrire, et la gloire de cette Assemblée, que le seul soupçon d’une pareille interprétation de son décret pourrait flétrir. Signé : Pétion de ’Willeneuve, président. Brissot de Warville, secrétaire. M. Il ou gins de Roquefort. Dans plusieurs villes et lieux du royaume il existe deux titres de bénéfices-cures dans la même paroisse. II est indispensable de s’occuper du cas non prévu de la vacance de l’un de ces litres et je propose de décréter qu’en cas de vacance par mort, démission ou autrement, d’un desdits bénéfices-cures, il sera provisoirement sursis à toute nomination, le tout en conformité de l’esprit du décret rendu le 9 novembre dernier. M. Camus. En Normandie, j’ai vu trois curés dans une même église; la motion est pressante; elle ne peut éprouver aucune difficulté et j’en demande l’adoption immédiate. (L’Assemblée consultée renvoie la motion au comité ecclésiastique qui donnera incessamment son avis.) Un de MM. les secrétaires rappelle la demande de la municipalité de la paroisse de Bois-Redon,