606 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENT AIRES. |10 septembre 17S9.] On fait lecture d’une lettre deM. le comte d’Es-taing, commandant de la milice nationale de Versailles, dans laquelle il avertit M. le président qu’il a pris toutes les mesures pour prévenir les désordres dont la ville était menacée par des placards. M. de Clermont-Tonnerre lui répond ainsi : « J’ai rendu compte à l’Assemblée nationale, M. le comte, de vos soins vigilants et des dispositions sages que vous avez faites pour assurer invariablement le repos de la ville de Versailles et le respect dû au lieu où se tiennent ses séances. < L’Assemblée nationale, M. le comte, me charge de vous témoigner son approbation et sa sensibilité; je me trouve heureux d’en être l’organe. Accoutumé dès longtemps aux triomphes militaires, vous avez trouvé un nouveau moyen d’ajouter à votre gloire, en consacrant à vos concitoyens devenus libres des jours souvent exposés pour la patrie. 11 est beau et heureux, M. le comte, d’être craint des ennemis de l’Etat, et d’être loué par l’Assemblée nationale. « J’ai l’honneur d’être, etc. « Signé de Clermont-Tonnerre. » Il a été fait lecture de différentes adresses et du procès-verbal du jour d’hier. Au nombre de ces adresses et délibérations sont celles de Pi-gnans en Provence, Tourves, Ginasservis, Saint-Nazaire, Manosque, Signes, Riez, Cuers, Callas; de la ville de Toulon, de Saint-Jean-d’Angély, et des officiers de justicede la même ville, de la ville des Martigues, des trois ordres de Draguignan, de Barjols, de Carcès, de la communauté duBeausset, de Valensole en Provence, de la communauté de la Capelle-Biron, des officiers municipaux et comité permanent de la ville de Lizieux, des officiers de la légion nationale deMorès en Montagne; de la ville de Saint-Céré en Quercy; de la communauté de Ginestas, diocèse de Narbonne; de la ville d’Hédé, de Ploërmel en Bretagne, de la ville d’Àmbert en Auvergne, et de diverses municipalités de ce canton ; toutes ces adresses portant félicitations, reconnaissance et adhésion aux décrets de l’Assemblée ; ensuite de la communauté d’Onnot en Provence, et du conseil général de la communauté de Meounes, sur la formation d’une milice bourgeoise ; de deux adresses de la ville de Sierck en Lorraine, portant adhésion et demande d’un siège royal ; de deux adresses de la ville de Ghinon en Touraine, présentées par M. Chesnon de Baigneux, député de cette province à l’Assemblée nationale, par lesquelles, outre les assurances ordinaires de respect et d’adhésion, elle demande une députation directe aux futures Assemblées nationales, par rapport à sa population, et une augmentation de ressort, lors de l’arrondissement des tribunaux; d’une lettre de M. Joli, avocat du Roi et conseiller au présidial de la Montagne, établi à Cbâtillon-sur-Seine, par laquelle il fait hommage à la nation de la finance de ses deux offices ; d’une autre lettre de M. le chevalier le Pelletier de Glatigni, suppléant de Crépyen Valois, par laquelle il offre le prêt gratuit d’une somme de dix mille livres. On lit, dans un arrêté de la ville de Rennes, portant que le veto royal est inadmissible, que le pouvoir législatif appartient à la nation, et déclare ennemis de la patrie tous ceux qui contesteraient ces principes, M. Carat demande la parole ; on réclame l’or-clre du jour. M. Carat demande qu’il soit sursis à l’impression du procès-verbal jusqu’à ce qu’il ait obtenu la parole. On la lui accorde, etil continue en ces termes: Je ne veux pas connaître ceux qui ont déposé sur le bureau la déclaration de l’hôtel de ville de Rennes ; mais elle est attentatoire à la liberté de l’Assamblée nationale ; elle est l'ouvrage de ce seul hôtel de ville. Tout le reste de la Bretagne se tait, et ce silence est une improbation assez humiliante pour l’arrêté de cette municipalité. Je pense donc que l’Assemblée doit prononcer un décret digne de la liberté de l’Assemblée. M. i’abbé Maury. J’appuie la motion de M. Garat. 11 faut distinguer les deux objets de Fai - rêté. Le premier déclare que le veto est inadmissible; le second est celui où les citoyens qui voudront soutenir le contraire sont ennemis de la patrie. Les municipalités ont été chargées, dans les temps de troubles, de la police; mais jamais elles n’ont été des tribunaux de législation. J’ignore quel sera votre jugement sur uue des plus grandes questions que vous agiterez ; mais certainement la municipalité de Rennes n’avait pas le droit de déclarer ennemis de la patrie votre comité de constitution, et plus de quatre cenls personDes qui ont déclaré que le veto était admissible. M l’abbé Maury est interrompu. Ici l’on demande la lecture de l’arrêté ; là, la question préalable; d’un autre côté, l’ajournement. M. le comte de Mirabeau. Quand il serait vrai qu’il pourrait y avoir jamais de la dignité dans la colère, je ne vois pas ce qui peut, dans l’adresse qui vient d’être lue, exciter la colère de l’Assemblée. Melun, Cliai Ilot, le Point.-du-Jour, Viroflay ont le droit de débiter les mêmes absurdités que Rennes; comme Rennes, ils peuvent qualifier d’intâmes ou de traîtres à la patrie ceux qui ne partageront pas leurs opinions; l’Assemblée nationale n’a pas le temps de s’instituer professeur des municipalités qui avancent de fausses maximes ; elle doit s’en rapporter à la sagesse des excellents députés bretons, pour faire circuler les vrais principes dans leur patrie. Je demande l’ordre du jour. M. lue Chapelier. Je prie M. le président de rappeler l’opinant à l’ordre; si un député se permet de censurer, il ne doit pas au moins étendre son esprit de critique sur les commettanls d’une province qui mérite quelque considération. M. !e Président. J’observe que ce n’est pas le cas de rappeler à l’ordre ; le règlement ne permet de le faire que dans le cas où un membre se serait permis quelque personnalité, et ici M. le comte de Mirabeau n’a encouru aucune censure de ce genre. M. Ic comte de Mirabeau. Je répondrai à l’honorable préopinant, c’est-à-dire à l’un de mes collègues que j’aime et que j'honore le plus, que mes commettants sont la nation ; que je ne dois compte de mes principes qu’à elle, lorsque surtout je n’ai attaqué ni l’Assemblée, ni les individus ; que je ne suis pas du nombre de ceux qui, ?our exprimer un arrêté violent , disent un arreté reton ; que d’ailleurs toute province, comme toute ville, n’est que sujette ; et que, membre du Corps {10 septembre 178S.J 007 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. législatif, je ne dois rien de plus à l'hôtel de ville de Rennes que les grands égards dus par tout citoyen à une agrégation de citoyens, et que je ne suis pas trop sévère en traitant d'absurde ce que. d’autres ont traité de criminel. Je persiste donc à penser que si l’Assemblée délibère plus longtemps sur cet objet elle aura l’air cl’un géant qui se hausse sur ses pieds pour pa-■ raitre grand ; je conclus à ce que l’adresse de Rennes soit regardée comme nulle et non-avenue, ou renvoyée à ses auteurs, sans aucune note qualificative. M. l’abbé III nu r y reprend son discours, qu’on lui avait fait interrompre. Il dit très-peu de chose, et finit par taxer l’arrêté, de Rennes de véritable proscription, et demander qu’on le renvoie à cette municipalité avec des marques d’improbation. M. Le Chapelier, voyant que plusieurs membres appuient la motion de M. l’abbé Maury, demande la parole. Longtemps il prie qu’on l’écoute, longtemps l’Assemblée le refuse ; la parole était à M. le marquis d’Estourmel : celui-ci l’a cédée à M. Le Chapelier. M. Ce Chapelier. La question que vous agitez me force de prendre la parole pour deux raisons : d’abord, parce qu’en ma qualité de député de Rennes, je dois rejeter deux avis dangereux à la commune que j’ai l’honneur de représenter; je suis ici son défenseur, et vous ne la condamnerez certainement pas sans entendre sa justification. L’adresse qu’elle vous a envoyée ne doit d’abord pas être qualifiée d’absurde ; elle ne renferme que des sentiments, que des principes qui ont été professés dans cette Assemblée. Vous les avez entendus dans la bouche de M. l’abbé Sieyès ; et quand un membre déclare l’acte qui les renferme absurde, ce n’est que son opinion qu’il oppose à celle d’une grande cité et à une partie de cette Assemblée ; ce qui me fait croire que ce n’est pas à lui à la qualifier d’absurde. L’adresse ne doit pas encore être regardée comme peu respectueuse, parce que l’on ne doit pas s’arrêter aux termes. La dignité de l’Assemblée est toujours la même, elle est au-dessus de toute atteinte. Quant aux proscriptions dont on a parlé, comment peut-on supposer que ce soit là l’esprit de l’arrêté? Ce n’était certainement pas là l’intention des citoyens de Rennes, qui, dans tous les temps, ont bien mérité de la patrie. Cette justification n’a fait aucune impression. M. le marquis de Foucault. Mes principes sont contraires à ceux du préopinant; l’adresse de Rennes est irrespectueuse, parce que si une municipalité ale droit de témoigner son vœu à ses députés elle, n’a pas le droit de déclarer traîtres à la patrie les commettants des autres municipalités qui ne voudraient pas s’y soumettre. Cette discussion est interrompue par le député de Dinan, M. Gagon-üuchenay. M. Cragon-Duchenay. Les habitants de Dinan ont adhéré à l’arrêté de Rennes, et il n’y avait sur le bureau que la copie de l’arrêté de Rennes, et l’acte orignal d’adhésion de Dinan. Ainsi ce n’est qu’indirectement que l’Assemblée a reçu la | copié de l’arrêté de la commuée de Rennes. J’ai été chargé par mes commettants derémettre à l’Assemblée nationale leur acte d’adhésion à l’arrêté de Rennes, j’ai été ainsi obligé de ne pas séparer l’acte cohérent à l’adhésion. Ce député témoigne à l’Assemblée tous ses regrets d'avoir déposé ces actes sur le bureau, et s’excuse sur ce que ses commettants l'en ont chargé spécialement. M. de Foucault observe que, puisque le député de Dinan est fâché d’avoir communiqué l’arrêté de Rennes, il n’a qu’à le retirer, et qu’il ne sera plus question d’une affaire qui a déjà fait tant perdre de temps à l’Assemblée. Cet avis remédiait à toutes les lenteurs, prévenait toutes les difficultés. Il n’a trouvé que quelques opposants, entre autres M. Le Chapelier, qui a conclu à ce que l’on fasse mention de l’adresse de Rennes dans le procès-verbal, en ces termes: Adresse de la ville de Rennes, où elle exprime son vœu sur le veto absolu. M. ÎLe Chapelier tient encore à son opinion ; il prétend qu’on ne peut retirer du bureau l’adresse qui y a été déposée. M. de Clermont-Tonnerre représente que l’adresse de Rennes n’ayant été remise qu’indirectement, celui qui l’a remise n’en ayant pas été chargé par la commune, il peut la retirer; que si Rennes veut qu’elle soit dans les archives de l’Assemblée, elle chargera ses commettants de la déposer. L’on va aux voix pour savoir si le député de Dinan pourrait retirer l’adresse de Rennes. L’affirmative est décrétée. Ramenés à l’ordre du jour, c’est-à-dire à la question de l’unité ou de la pluralité des Chambres, plusieurs membres demandent la parole pour la question ; elle était déjà posée dans l’arrêté de M. Camus, adopté hier. M. le comte de Crillon veut proposer un changement dans la question, mais il h’est pas entendu. M. Camus s’élève contre toutes les questions que l’on veut proposer, et il rappelle le décret de l’Assemblée. Cependant il se trouve des membres qui veulent proposer des amendements. Ils réclament les termes du règlement ; maison va aux voix pour savoir si on les attendra. Il est décrété que la question sera posée dans les termes employés par M. Camus. La question est donc ainsi posée : Y aura-t-il une ou deux Chambres ? L’appel nominal est adopté. Plusieurs provinces entières, entre autres les députés des communes de Paris, sont pour l’unité du pouvoir législatif. Il y a quelques Voix de perdues. Plusieurs membres prétendent que la question n’est pas clairement posée; d’autres croient que l’unité de l’Assemblée n’exclut pas les divisions de la Chambre en trois sections, ce qui équivaudra à trois grands bureaux ; on veut encore faire des réflexions ultérieures ; mais une sage impatience de l’Assemblée ramène tous les membres à la seconde question, posée ainsi par M. Camus : Y aura-t-il une ou deux Charribres ? On va aux voix par appel nominal. Il y a