[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 juillet 1791.] 125 Je tâche de rendre cette idée palpable ; car il ne faut pas qu’une nation qui vient de se montrer si grande puisse être soupçonnée d’adopter un système frauduleux. ' On peut donc, Messieurs, avec loyauté, faire une bonne et très bonne monnaie, à un titre différent de celui de nos écus, et dont Ja fonte plus difficile et plus coûteuse sera beaucoup moins à craindre. Votre comité a fait faire des expériences, il en résulte qu’à 8 deniers d’argent fin alliés avec 4 deniers de cuivre, la monnaie sera belle et conservera bien sa couleur; au-dessous de ce titre la couleur se dégrade par des nuances progressives, de manière que plus on s’éloigne de 8 deniers, plus la pièce rougit, tellement que le simple coup d’œil avertirait du faux monnayage, ce qui offre un avantage digne de considération ; mais en voici d’autres qui ont déterminé votre comité: D’abord, 8 parties d’argent alliées à 4 parties de cuivre offrent un métal plus dur, et qui résiste beaucoup mieux au frai. En second lieu, le volume de la pièce est plus grand, et par là on évite la confusion avec celles de 24 et 12 sous, ce qui est fort désirable : car je ne saurais trop répéter qu’il est d’une extrême importance de conserver à notre menue monnaie actuelle tout son crédit, et qu’il serait infiniment dangereux d’en troubler la circulation par une mesure imprudente, comme serait celle de l’associer avec une monnaie neuve au même titre et à la même taille ; plus vous y réfléchirez, Messieurs, et plus vous vous convaincrez de cette grande vérité. Ce n’est pas le tout que de frapper précipitamment de la monnaie, il faut calculer ses effets et voir si ce qui paraît si simple au premier coup d’œil n’entraîne aucun inconvénient ; c’est ce que votre comité a tâché de faire. Votre décret du 11 janvier, ainsi moditié dans son exécution, offre plusieurs autres avantages. D’abord, vous voyez que vous ne vous écarterez pas de la division décimale, que toutes les compagnies savantes de l’Europe désirent de voir adopter, et à laquelle vous avez déjà accordé la préférence. En second lieu, un plus fort alliage augmentant le volume des pièces, vous obtiendrez la facilité de faire exécuter des pièces de 5 sols dont la grandeur sera assez palpable, en un mot, très suffisante : néanmoins nous ne vous faisons pas cette proposition dans ce moment, parce qu’il faut accélérer la fabrication, et qu’il ne serait pas sage, dans les circonstances où nous nous trouvons, de la ralentir par de petites divisions. Une autre considération très importante est celle dont nous avons déjà parlé; c’est que vos nouvelles pièces ne seront pas accaparées pour l’Angleterre, parce que leur titre ne se trouvera plus en relation avec celui des schellings ou autre monnaie anglaise. Si, en effaçant l’empreinte, on voulait les introduire dans les marchés de l’Angleterre, elles y produiraient nécessairement le désordre et la fraude, de sorte que les Anglais eux-mêmes seront autant de surveillants pour nous : vous aurez donc trouvé le succès d’une monnaie qui, cette fois enfin, sera pour nous et non pour nos voisins. J’ai dit que cette fabrication pouvait commencer avec les nouvelles empreintes aussitôt qu’avec les anciennes. Ceci peut se prouver en peu de mots. Les poinçons et les matrices pour les écus sont pris aux nouvelles empreintes comme aux anciennes ; mais on a vu que les carrés pour les pièces de 24, 12 et 6 sous, feraient attendre. L’académie a prononcé sur le mérite de l’artiste auquel vous devez confier la place de graveur général ; votre comité vous demandera un décret à cet égard, et dans quinze jours de la nomination du graveur général la fabrication peut commencer. Je propose quinze jours, quoiqu’un des graveurs qui a concouru m’ait autorisé à indiquer un plus court délai si la décision lui était favorable (1); mais je vous ai fait voir qu’un délai de quinze jours à trois semaines n’avait aucun inconvénient, puisque tous les jours seront utilement employés pour la préparation des flaons et pour l’ajustage. Je dois même à cet égard vous faire une observation; il convient que la première émission de cette monnaie soit abondante, afin de la soustraire aux spéculations des accapareurs C’est la même vue qui vous a dirigés pour l’émission des petits assignats, et elle est trop sage pour que vous deviez vous en écarter; or, le moyen le plus sur est de préparer un nombre considérable de flaons avant de frapper, parce que la fabrication, plus prompte que l’ajustage, sera ensuite plus soutenue et beaucoup plus rapide. Il est bien déplorable, sans doute, qu’au moment où la nation entière vient d’étonner l’Europe par ses vertus civiques, nous soyons forcés de vous inspirer des inquiétudes sur l’accaparement de vos espèces; mais il est des hommes si corrompus, tellement dépravés, qu’aucun exemple ne peut les rappeler à des sentiments généreux; insensibles à l’honneur, le mépris public ne les affecte pas davantage : ils en sont au point de se mépriser eux-mêmes, et de ne savoir plus en rougir. Est-il besoin d’ajouter qu’en adoptant la modification que vous présente votre comité à votre décret du 11 janvier, vous conservez l’heureuse idée d’une empreinte nationale, que le peuple désire avec raison, puisqu’en lui rappelant ses devoirs elle consacre ses droits? En lisant la légende règne de la loi , il n’y a point de Français qui ne sente à l’instant que ses chaînes sont brisées, et qu’il ne vit plus que pour la liberté. Messieurs, votre comité vous propose enfin une mesure qu’il croit indispensable d’adopter. Le prix courant des matières d’argent n’a aucune proportion avec les tarifs existants, et ce prix est lui-même si mobile par des circonstances dont le détail est étranger ici, qu’il serait dangereux de faire dans ce moment un nouveau tarif; mais il faut saisir tous les moyens d’engager les propriétaires de matières d’argent à les porter aux hôtels des monnaies. lien est un digne d’une grande nation, c’est d’assurer tous ceux qui apporteront à la monnaie des matières d’argent, qu’ils recevront sans aucune retenue la même quantité de grains de fin en monnaie fabriquée. Ne calculez pas, Messieurs, l’étendue d’un pareil sacrifice, soyez sûrs qu’il est minutieux et qu’il peut produire un effet salutaire; tous les bons esprits le désirent ; l’Angleterre nous en donne l’heureux exemple, imitons-la lors même que sous d’autres rapports nous lui en donnons de grands à suivre. Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter : « L’Assemblée nationale, considérant que (1) C’est le même qui, sur 57 voix, en a obtenu 40. 126 [Assemblée nationale.] l’exécution de son décret du lt janvier, relativement à l’émission d’une menue monnaie d’argent, serait, dans les circonstances actuelles, susceptible d’inconvénients, s’il n’y était apporté quelque modification, après avoir entendu son comité des monnaies, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Conformément au décret du 11 janvier, les pièces de 30 sols contiendront, en grain de fin, la moitié de i’écu ; celles de 15 sols, le quart de l’écu. Art. 2. « Néanmoins, chacune desdites pièces sera alliée dans la proportion de 8 deniers d’argent fin avec 4 deniers de cuivre. Art. 3. « Le graveur général préparera, sans délai, les poinçons nécessaires à cette fabrication, aux types décrétés le 9 avril dernier; de sorte que, dans trois semaines au plus tard de la publication du présent décret, la fabrication soit en activité. Art. 4. « L’argenterie des églises supprimées, et déposée dans les bétels des monnaies, sera d’abord employée à cette fabrication ; elle sera continuée ensuite avec les matières que se procure le Trésor public pour la fabrication des écus, dont il ne sera fabriqué que pour les besoins indispensables, jusqu’à ce que l’émission delà menue monnaie soit déclarée suffisante par un décret du Gorps législatif. Art. 5. « Toute personne qui apportera à la monnaie des matières d’argent recevra, sans aucune retenue, la même quantité de grains de fin en monnaie fabriquée. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) Plusieurs membres .-L’impression du rapport! (L’Assemblée ordonne l’impression du rapport de M. Belzais-Gourménil). M. Belzais-Courménil, rapporteur . J’ai plusieurs observations à présenter à i’Assemblée, relativement à l’exécution du décret que vous venez de rendre. Tout d’abord, le comité des monnaies s’est informé de l’état des matières d’or et d’argent provenant des églises supprimées et qui ont été remises dans les hôtels des monnaies par les diverses municipalités du royaume. Il n’a encore été rien consigné aux hôtels des monnaies de Rouen, Pau, Bayonne, Bordeaux et Metz. Les matières consignées aux autres hôtels des monnaies s’élèvent environ à 16,000 marcs qui, à 50 livres le marc, ne produiront que 800,000 livres. La médiocrité de cette remise a fait présumer à votre comité que plusieurs municipalités du royaume étaient en retard. Il semble donc nécessaire que vous engagiez le comité des monnaies à prendre des renseignements pour vous en rendre compte et que vous lui permissiez d’exciter le zèle des départements. Il vous proposera incessamment des mesures à cet égard. [Il juillet 1791.) mité d’aliénation qui a tous les renseignements désirables. M. Belzais-Courinénil, rapporteur, ü’un autre côté, l’Académie de peinture et de sculpture à qui vous avez renvoyé l’examen de concours pour la place de graveur général des monnaies de France s’est décidée pour l’artiste qui lui a paru le plus habile; son procès-verbal est très court, je vais vous en donner lecture : « Extrait des registres de l'Académie de peinture et de sculpture du 9 juillet 1791. « Par convocation générale pour procéder, conformément au décret de l’Assemblée nationale du 9 avril dernier, au jugement définitif du concours pour la place de graveur général des monnaies de France. « En ouvrant la séance, le secrétaire a fait lecture d’une lettre dans laquelle le comité des monnaies exprime son désir relativement à ce concours, la compagnie a ordonné qu’elle serait inscrite sur les registres à la suite de la délibération. L’Académie, ayant déjà prévu les désirs du comité, a décidé que le concours dont l’Assemblée nationale a bien voulu lui confier le ju-gement exigeait le mode employé pour les grands prix. Les lettres, comme il est d’usage, ont été apposées sur chaque morceau des concurrents ; mais, avant de procéder au scrutin, on a décidé qu’il serait fait à la majorité des suffrages, les votants étant au nombre de 57. M. Dupré, dont l’ouvrage était marqué, a eu 40 voix ;M... 15 voix; M. Gatteaux, 1 voix ; M. Larière, 1 voix. » Il paraît, d’après le plan que vous avez adoplé, que vous avez accordé votre confiance au jugement de l’Académie, pour qu’il n’y ait pas de préférence. Voilà une très grande majorité en faveur de M. Dupré. 11 s’agirait, si vous adoptez le sentiment de l’Académie, de déclarer que, d’après le vœu de l’Académie, M. Dupré est graveur général. (Oui! oui! — Applaudissements.) Voici à cet égard le projet de décret que votre comité des monnaies m’a chargé de vous proposer: « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des monnaies, et après avoir entendu la lecture du procès-verbal de l’Académie de peinture et de sculpture, en date du 9 de ce mois, duquel il résulte qu’à la majorité absolue des voix le sieur Dupré a été jugé par cette compagnie te plus digne de la place de graveur général des monnaies, ordonne que ledit sieur Dupré se retirera auprès du pouvoir exécutif, pour se faire expédier uue commission de graveur général des monnaies de France. » (Ge décret est adopté.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de loi sur la police correctionnelle (1). M. Démeunier, rapporteur. Messieurs, l’Assemblée s’est arrêtée à la séance de vendredi à l’article 28 du projet de décret; voici cet article : Art, 28. « Les mendiants valides pourront être saisis et conduits devant le juge de paix, pour être statué à leur égard, ainsi qu’il sera déterminé dans la loi sur la répression de la mendicité. » M. Buzot. Je demande le renvoi de cette partie du projet au moment de la discussion de la loi sur la répression de la mendicité. (1) Voy. ci-dessus, séance du 8 juillet 1791. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. M. Imnjmnaîs. Il faut vous adresser au co-