[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mars 1791.] ]e système du premier occupant. Il était alors important de n’être point contrarié par les seigneurs de lief, qui, dans quelques provinces, prétendaient avoir aussi un droit sur les mines ; et puisque les concessions pouvaient seules conserver ce genre d’industrie, il serait évidemment injuste de punir ceux qui, en s’y livrant avec bonne foi, avtc courage, ont en même temps servi leur pays. Q e leur a-t-on donné? Un droit dont personne n’usait, un champ plus fertile en espérances qu’m succès, et souvent la faculté de se ruiner. Ces privilégiés, si on veut les appeler ainsi, ne nuisaient à personne. Q ie leur disait-on ? Consacrez vos capitaux à telle entreprise; faites des recherches, courez-en tous les risques; semez de l'or dans l’interieur de la terre, et proportionnez vos avances à la durée des récoltes que vous pouvez espérer : jusqu’alors on ne s’emparera pas du fruit de vos lra\aux. Ce privilège, si c’en est un, est d’une singulière espèce. Ces hommes ont été utiles, ils ont alimenté nos manufactures, agianui notre commeree, conservé notre numéraire. Doit-on les dépouiller? Mais le pourrait-on sans injustice ? Ils n’auraient point de concession, qu’iis auraient pour titre leurs travaux, leurs dépenses et leurs services. Et par qui les ferait-on remplacer? Serait-ce par d’autres concessionnaires? Mais, quoi ! Nous legar-dons comme une injustice de l’ancien gouvernement d’avoir concédé des mines exploitées à des favoris [tour en dépouiller les propriétaires, et nous pourrions imiter une telle conduite! Seraient-ils remplacés par les propriétaires du sol ? Et comment uiviserait-on ces riehesesque d’autres mains ont préparées? Gomment distribuerait-on ces immenses ateliers, qui ne peuvent être conservés que par l’exploitation la plus régulière? Ne voit-on pas qu’un seul mois d’interruption dans les travaux détruirait 1r s machines, di.-perserait les ouvriers, et ferait perdre jusqu’à la trace d s mines? Je propr se, Messieurs, les sept articles suivants à la place des articles 1,2, 3, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14 et 16 du titre Ior du projet du comité et d> s articles 1 et 2 du titre II. « Art. 1er. L’Assemblée nationale décrète, comme article constitutionnel, que les mines et minières tant méta liques que non métalliques, ainsi que les bitume s, charbons de terre ou de pierre et pyrites smit à la disposition de la nation; et que ces substances ne pourront être exploitées que de son consenti ment, à la charge d’indemniser, d’apiès les règles qui seront prescrites, les propriétaires de la surface, qui jouiront en outre de celles de ces mines qui pourront être exploitées à tranchées ouvertes, sans fosse et sans lumière. « Art. 2. 11 n’est rien innové à l’extraction des sables, c aies, a gib s, pierres à bâtir, marbres, ardoises, pierres à chaux et à plâtre, qui continueront d’être exploités par les propriétaires, sans q dil soit nécessaire d’obtenir aucune concession. « Art. 3. Les concessionnaires actuels ou leurs cessionnaire-qui ont découvert les mines qu’ils exploitent, seront maintenus jusqu’au terme de leur concession, qui ne pourra pas excéder cinquante années, à compter du jour de la publication du présent décret. « Art. 4. Si ces concessions excédaient une surf. ce de 6 lieues carrées, elles seront réduites à cette étendue par les administrations de département, qui laisseront aux concessionnaires le choix des parties qu’ils voudront garder. « Art. 5. Les concessionnaires, dont la conces-253 sion a eu pour objet des mines découvertes et exploitées par des propriétaires, seront déchus de leur concession, à moins qu’il n’y ait consentement légal des propriétaires de la surface ; et lesdites mines retourneront aux propriétaires qui les exploitaient avant lesdites concessions, à la charge, par ces derniers, de rembourser de gré à gré, ou à dire d’experts, aux concessionnaires actuels, la valeur des ouvrages et travaux dont ils profiteront. « Art. 6. Les concessions des mines dans lesquelles tous les travaux ont cessé depuis une année seront supprimées. « Art. 7. Les propriétaires des surfaces seront préférés pour toutes les concessions nouvelles des mines qui pourraient se trouver dans leurs fonds ; et ils seront requis de s’expliquer, ainsi qu’il sera dit ci-après. Plusieurs membres demandant que le discours et le projet de décret de M. de Mirabeau soient imprimés et disirihués. (Cette motion est décrétée.) (Le reste comme au projet du comité.) Plusieurs membres demandent que la suite de la discussion sur les mines et minières soit ajournée à dimanche prochain. (Get ajournement est décrété.) Un de MM. les secrétaires fait lecture de la lettre suivante : « Grenoble, le 15 mars 1791. « Monsieur le Président, j’ai l’honneur de vous envoyer ma démission de député à l’Assemblée nationale et de vous déclarer que, dès ce moment, je cesse de me regarder comme un de ses membres. « Signé : Antoine d’Agoult. » M. le Président. J’ai à faire part à l’Assemblée de plusieurs dépêches importantes qui me sont remises par un courrier extraordinaire arrivant actuellement de Douai ; l’Assemblée veut-elle que je lui en donne lecture? ( Marques nombreuses œ assentiment.) Voici ces documents : 1° Lettre des administrateurs du district de Douai. « Douai, le 18 mars 1791. « Messieurs, vous avez été informés des troubles qui ont alarmé un inslant la vil e de Douai ; ces troubles soûl entièrement cessés et la plus grande tranquillité règne actuellement. « Privée de toute autre ressource, cette ville avait l’avantage, inappréciable pour elle, de posséder dans ses murs une administration qui a eu constamment pour garantie de sa sûreté l’amour et le respect des citoyens. Au nom des administrés, noussupplions l’Assemblée nationale de rendre à cette cité le siège du département et d’ordonner que le directoire du département retiré à Lille, où il siège provisoirement, lui soit rendu. « Nous vous prions, Monsieur le Président, de manifester le vœu que nous formons, de compter parmi les bienfaits de l’Assemblée nationale celui de voir rentrer dans cette ville des admi- ggl [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mars 1791.] nistrateurs auxquels tous nos concitoyens sont attachés par les doux liens de la confiance. « Nous sommes, etc. » 2° Lettre du doyen d'âge, présidant provisoirement rassemblée électorale du département du Nord. « Douai, le 20 mars 1791. « Monsieur le Président, j’ai l’honneur de vous prier de mettre sous les yeux de l’Assemblée nationale l’exlrait ci-joint du procès-verbal de rassemblée électorale du département du Nord, ainsi que l’adresse y annexée, et de lui présenter l’hommage du corps électoral de ce département. « Je suis, etc. » 3° Extrait du procès-verbal de l'assemblée électorale du département du Nord. « Il a été arrêté qu’il serait envoyé à l’Assemblée nationale une adresse dont le projet serait de lui rendre compte des premières opérations de ladite assemblée électorale et des circonstances qui y ont donné lieu. « Le projet de l’adresse ayant été proposé, il a été adopté ainsi qu’il suit : Adresse de l'assemblée électorale du département du Nord. « Les électeurs du département du Nord, convoqués en la ville de Douai pour procéder à la nomination d'un évêque, viennent de continuer leurs fonctions en l’assemblée électorale pour l’installation d’un président, d’un secrétaire provisoire, suivant le mode prescrit par les décrets de l’Assemblée nationale ; cette assemblée croit devoir vous rendre compte de la première de ces opérations et des circonstances qui y ont donné lieu. « Les électeurs ont été officiellement convoqués à se rendre aujourd’hui en cette ville ; cette convocation a été faite aux termes de la loi. Le directoire du département, sur quelques émeutes populaires et momentanées survenues en cette ville les 16 et 17 de ce mois, émeutes dont il ne restait plus la moindre trace le 18, a cru pouvoir suspendre l’assemblée électorale et recourir au Corps législatif pour obtenir un décret qui indiquât le lieu où elle se tiendrait. Cet arrêté du directoire de département nous a été communiqué en date du 19, à l’issue de la messe paroissiale, par le procureur syndic du district de Douai. » L’assemblée électorale croit qu’il n’est plus nécessaire de suspendre la tenue de ses séances; elle déclare que le calme le plus profond règne dans la ville, que la tranquillité publique y paraît assurée, et qu’il n’existe aucun obstacle qui puisse empêcher le cours de ses fondions dans une cité où elle se complaît, où elle a joui, dans les dernières élections, d’une liberté pleine et entière, des égards et de l’accueil des citoyens. En conséquence, l’Assemblée considérant qu’une grande partie des électeurs sont sur les lieux, que plusieurs autres sont en marche et sur le point d’arriver, que les districts les plus éloignés sont ceux qui ont envoyé le plus grand nombre d’électeurs, et qu’il serait difficile d’en réunir un même nombre en vertu d’une nouvelle convocation ; considérant qu’il serait de la plus dangereuse conséquence, dans la circonstance actuelle, de différer l’élection et surtout de donner occasion aux ennemis de la Constitution de publier la dissolution du corps électoral ; deciare, sous le bon plaisir de l’Assemblée nationale, ne pouvoir prendre en considération l’arrêié et les lettres du directoire du département du Nord, qui n’a pu intervertir la marche de ses opérations. Que, nonobstant cet arrêté, elù est constituée dès ce jour; qu’aucun des électeurs ne désempareraque l’éleciion ne soit faite suivant les formes prescrites par la loi. ( Applaudissements .) « Cependant, comme dans la circonstance-les électeurs des différents districts du département, prévenus de l’arrêté du directoire, ne se sont pas rendus à la séance, il sera donné avis, par les voies les plus promptes et les plus sûres, que l’assemblée est constituée et qu’elle les invite a se joindre à elle pour procéder à l’élection. « Telle est, Messieurs, la résolution que nous avons prise; elle n’a rien que ne conforme à la loi ; elle ne sera pas désavouée par nos augustes législateurs. Nous allons prévenir de cette délibération les administrateurs du directoire du département, et, en attendait, nous demeurerons au poste qui nous est désigné par une convoa-tion légale et officielle. Cet intervalle ne sera point perdu pour l’objet de notre importante mission, puisqu’il sera employé à nous pénétrer de la dignité de nos fonctions et à invoquer l'influence de la divinité pour que le choix que nous allons faire soit tout à la fois digne de l’Eglise et de l’Empire. « Fait à Douai, en l’assemblée électorale, le 20 mars 1791. j> M. Merlin, au nom du comité ecclésiastique. Le comité ecclésiastique m’a chargé de vous présenter sur cette question un projet de decret. Il faut, Messieurs, avant tout, vous donner lecture d’un arrêlé du département du Nord, du 19 de ce mois : « IQuand l’administration est environnée de troubles et de dangers, quand l’exercice de la surveillance confiée aux municipalités est sans effet, quand la police demeure sans force, quand la garde nationale n’arrête plus les délits, quand les corps militaires perdent eux-mêmes l’influence qu’ils doivent avoir sur le main îen de l’ordre public et de la tranquillité, les circonstances ne sont plus seulement difficile*, elles deviennent impossibles à maîtiiser, le désordre est complet, le bien ne peut pas s’opérer, la chose publique est en souffrance. « Le corps administratif supérieur, chargé de l’intérêt général du déparlement, n oit alors s’éloigner du lieu où ses fonctions sont troublé' s, et où sa présence est impuissante pour ramener le calme, .malgré tous ses efforts et tous ses soins. «Le directoire du département du Nord, �e trouvant dans cette circonstance malheureuse, a considéré que, s’exposant à la fureur des séditieux, il ne trouverait plus de moyens de f.iire reconnaître les administrateurs, qu’il rendrait inutilement victimes de leur zèle, et qui seraient de même condamnés à l’inactivité; qu’en voulant continuer leurs services dans une ville livrée à l’anarchie, ce serait abandonner leurs l'on tint s et la chose publique; qu’enfin l’obstination téméraire de demeurer da s le mè ne lieu exposeiait essentiellement tout le département. « Déterminés par ces puissants motifs, les administrateurs composant le directoire ont arrêté [Assemblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |2i mars 1791 255 dans leur as�einblée tenue le jour d’hier dans la ville de Douai, à 6 heures du matin, que leurs séances seront provi-oirement, sous le bon plaisir de l’Assemblée nationale, établies en la ville de Lille. Les même administrateurs, assemblés dans ladite ville de Lille ce jourd’hui 19 du mois de mars, ont de plus arrêté, et aussi sous le bon plaisir de l’As.-embléo nationale : « l* Que coufoi mènent aux lettres d’avis adressées aux huit districts du département, il est sursis à la tenue de l’assemblée électorale convoquée pour le dimanche, jour de demain; « 2° Que cette a.-semblte, fixée au dimanche 27 du présent mois, se tiendra au lieu qui sera indiqué par le décret de l’Assemblée, que l’on attend sans délai; qu’à cet effet il sera dressé de nouvelles lettres de convocation à tous les électeurs du département. « Fait à Lille, etc. » Messieurs, votre comité ecclésiastique considérant les circonsiances, et voulant combiner avec l’arrêté du directoiie dont je viens de vous faire lecture la disposi iou de l’article 4 de notre décret du 19 de ce mois, s’e-t trouvé embarrassé, par la raison que le directoire du département du Nord désigne bien le jour de l’assemblée électorale, mais qu’il ne dé-igue pas le lieu; de manière qu’il pourrait arriver que l’assemblée électorale se constituant ou se ri constituant, comme l’on voudra, dimanche prochain, on suscitât ensuite exprès des difliculiés pour retarder l’élection de l’évêque, ut pour gagner le temps de Pâques, temps infiniment précieux, temps que Jes enm mis de la Gonstituticn attendent, parce qu’il est certain que si ce temps se passe sans évêque nommé et consacré dans ce département, la plus grande anarchie doit y régner. C’est, Messieurs, pour prévenir ces malheurs, que votre comité m'a . hargé de vous présenter un projet de decret dout la lecture vous fera sentir les motifs : « L’Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par son comité ecclésiastique, des faits arrivés dans le departement du Nord depuis le 18 de ce mois, ne l’arrêté du directoire dudit département en date du 19, et de l’adresse d’une partie de> électeurs de ce même département, en date du 20, décrète : « Que, conformément audit arrêté du 19 de ce mois, l’assemblée électorale du département du Nord, convoquée (our dimanche prochain, se constitue! a le ot jour dans la ville que le directoire dudit dépa c meut aura désignée, en vertu de l’article 4 du doc et du 19 de ce mois, sans qu’il soit besoin de plus long délui entre ladite désignation et le rassemblement desdits électeurs. » M. Martineau. Je demande la permission de réparer une omissi m. M. le rapporteur n’a point rendu compte di point précis de la difficulté; c’est que votre dérret du 19 porte ; « ... sans qu’il soit besoin de i lus de 8 jours d’interval le en tre la nouvelle ronvocaiion et la tenue de l’assemblée des électeurs ». Gela suppose qu’il faut au moins un délai de huitaine; or, si le directoire de départ ment ne fait la nouvelle convocation qu’aujourd’lmi lundi ou demain mardi, il résultera qu’il n y aumi pas un délai de huitaine entre l’indication du le u et le jour de l’élection. Il faut donc décréter que l’élection se fera nonobstant ie défaut de délai de huitaine. M. Iftobespierre.il paraît, par la lettre du département du Nord, qu’il est impossible, sans occasionner de désordre, sans contrarier les vues sages du corps électoral, de le déplacer de Douai pour le transporter en un autre lieu ; mais il est un fait qui doit vous intéresser sous le rapport de la Constitution et de l'ordre public, c’est que le directoire ne paraît pas avoir respecté les principes constitutionnels. En suspendant de son chef l’assemblée électorale, il s’est permis d’arrêter l’effet des convocations antérieures, par lesquelles ie lieu du rassemblement de l’assemblée électorale était fixé à Douai. (Murmures.) Je conviens que le directoire peut être excusable; mais je réclame les principes et je soutiens que l’assemblée des électeurs ne peut point se tenir ailleurs qu’à Douai. En conséquence, je demande qu’en vertu des convocations précédentes, ce soit à Douai que se tienne l’assemblée électorale. M. Dupont. Le directoire de département ne me paraît pas avoir outrepassé ses pouvoirs, quand il a cru devoir suspendre de huitaine et prendre vos ordres sur ce qui serait fait ensuite; et l’assemblée électorale, quand elle a déclaré qu’elle n’obéirait pas à un arrêté provisoire du directoire de département, paraît-elle avoir violé les principes de la Constitution? (Murmures.) Plusieurs membres : Non I non! M. Dnpont. Je pense donc qu’en adoptant le projet qui nous est présenté, vous devez charger le Président d’écrire à l’assemblée électorale qu’elle n’aurait pas dû prendre sur elle de déclarer qu’elle n’obéirait point au directoire de département. Plusieurs membres ; Non! non! M. d’Estourmel. La circonstance où se trouve l’assemblée électorale n’a été prévue par aucuns de vos décrets : il était impossible que les électeurs éloignés, la plupart de 15 à 20 lieues de Douai, pussent être instruits à temps, malgré les précautions qu’ont pris les membres du directoire du département. Il est évident que les membres du directoire du département n’ont quitté la ville de Douai que parce qu’ils ont appris que leurs noms étaient à la tête d’une liste de proscription. Ont-ils fait ce qu’ils devaient faire? Il me semble qu’il est difficile de prononcer. Sans doute, on doit savoir s’exposer à mourir à sou poste; et leur poste était Douai. Je crois qu’il y aurait un très grand inconvénient à transporter ailleurs la séance de rassemblée électorale : je veux même croire que d’après les dispositions dans lesquelles est p irti M. d’Es-quelbec, vice-président du directoire, qui s’est rendu directement à Lille, les membres du directoire du département seront rentrés à Douai. M. Merlin, rapporteur. Le courrier, qui est parti hier à six heures du soir, m’a assuré qu’à midi les membres du directoire rentraient à Douai. M. d’Estourmel. Je pense donc, Messieurs, que la mesure que l’Assemblée nationale a indiquée dans son décret du 19, en s’en rapportant aux membres du directoire pour la convocation et ie lieu de la convocation de l’assemblée électorale cesse dès le moment que les membres du directoire sont, comme je rfen doute pas, rentrés à Douai depuis que le calme y est rétabli.