m [Assemblée nationale.] AHGIilVES PARLEMENTAIRES. ANNEXE a la séance de l’Assemblée nationale du 21 août 1789. ARTICLES PROPOSÉS, Pour entrer dans la déclaration des droits , par M. de Boislandry (1), imprimés par ordre de l’Assemblée nationale. § I. Art. 1er. Tous les hommes sont libres et égaux par leur nature. Art. 2. La liberté, la propriété, l’honneur, la sécurité et la vie de tous les hommes sont également sacrés et ne doivent jamais être violés. Art. 3. Nul homme n’est plus libre qu’un autre; nul n’a plus de droit à sa propriété qu’un autre; tous les hommes doivent jouir, par la loi, de la même garantie et de la même sécurité. Art. 4. Tout homme a droit de faire librement ce qui ne nuit pas aux autres hommes. Art. 5. Les droitsde tous les hommes sont égaux ; ils sont imprescriptibles, inviolables; eux -mêmes ne peuvent pas s’en priver, ni en dépouiller leurs descendants. Art. 6. La France est un pays de liberté, où aucun homme ne peut être ni main mortable, ni serf, ni esclave; il suffit cl’y vivre pour être libre. Art. 7. Tous les hommes ne naissent pas égaux en force, en richesses, en intelligence, en adresse, en esprit, en talents; mais ces inégalités disparaissent devant la loi, qui doit protéger tous les hommes sans distinction et de la même manière. Art. 8. Tout citoyen qui est dans l’impuissance de pourvoir à ses besoins a droit aux secours publics. Art. 9. Tout citoyen a droit aux avantages que la société procure à tous ses membres. La loi seule peut l’en priver, lorsqu’il a porté atteinte aux droits d’autrui. Art. 10. Tout homme est libre de changer de domicile, de se transporter d une province à une autre; de sortir du royaume et d’y rentrer quand bon lui semble. Art. 11. Tout citoyen est également libre d’employer ses talents, son industrie, ses capitaux comme il le juge convenable à ses intérêts. Nul genre de travail ne lui est interdit; il peut fabriquer, acheter, vendre ce qui lui plaît et comme il lui plaît. Art. 12. 11 peut faire circuler ses denrées et ses marchandises d’un bout du royaume à l’autre, librement, sans obstacles et sans entraves. Art. 13. Aucun métier, aucun art, aucune profession ne doivent être réputés honteux, vils et dérogeants. Art. 14. Les privilèges exclusifs sont contraires à la liberté et aux droits de tous les citoyens, ils sont préjudiciables à l’intérêt général de la société. Les jurandes, les maîtrises sont des privilèges exclusifs et doivent être abolis. (21 août 1789.] Art. 15. Personne n’est responsable de sa pensée, de ses sentiments ni de ses opinions, même en matière de religion. Art. 16. Tout homme est libre de professer telle religion qu’il lui plaît; de rendre à l’Etre suprême tel culte qu’il juge convenable, pourvu qu’il ne trouble point la tranquillité des autres, ni l’ordre public. Art. 17. La liberté de la presse est le plus ferme appui de la liberté publique. Art. 18. Tout homme a le droit de communiquer aux autres ses pensées et ses sentiments, de les faire imprimer, de les débiter, de les faire circuler librement par la poste, ou par toute autre voie, sans avoir jamais à craindre aucun abus de confiance, toujours cependant sous la condition de ne pas donner atteinte aux droits d’autrui ; les lettres en particulier doivent être sacrées, et ne doivent jamais être ouvertes ni interceptées. Art. 19. Aucun citoyen ne doit être arrêté, jugé, condamné, ni saisi, si ce n’est suivant les formes prescrites par la loi. Art. 20. Aucune loi ne peut avoir d’effet rétroactif; toute loi qui ordonnerait la punition d’un délit avant qu’elle fût établie serait injuste, oppressive, et incompatible avec la liberté. Art. 21. Il n’y a de délits que les actions qui nuisent à la liberté, à la propriété et à la sûreté des citoyens, et tous les délits doivent être prévus par la loi. Art. 22. Aucun citoyen ne peut être arrêté, si ce n’est en vertu d’un décret légal prononcé par les juges compétents. Art. 23. Tout ordre ministériel, toute lettre de cachet, tendant à faire arrêter, exiler ou emprisonner un citoyen arbitrairement et sans formes légales, doivent être proscrits à jamais. Art. 24. Aucun homme, aucun agent du pouvoir exécutif, aucun corps, aucune collection d’hommes, n’ont droit d’attenter à la liberté, à la propriété, à la vie d’un citoyen, lors même qu’il serait présumé coupable de crime, si ce n’est en vertu d’une loi solennellement promulguée, et suivant les formes qu’elle a prescrites. Art. 25. Tout homme arrêté en vertu d’un décret légal doit être déposé dans un lieu particulier à ce destiné (autre que la prison), où il sera gardé avec soin, mais traité avec tous les égards dus à un citoyen. Il sera interrogé dans les vingt-quatre heures de sa détention, et il ne pourra être envoyé en prison que sur la décision de douze pairs ou jurés. Art. 26. Toute recherche domiciliaire, toute visite ou saisie de papiers, autres que celles qui sont ordonnées ou permises par la loi, doivent être interdites. Art. 27. Tout citoyen domicilié, accusé d’un crime qui ne sera pas capital, doit être élargi, en fournissant une caution suffisante qui sera déterminée par le juge, sur la décision de douze pairs ou jurés. Art. 28. Tout citoyen, accusé et détenu en prison, doit être jugé dans les trois mois qui suivront sa détention. 11 ne pourra être condamné à aucune autre peine que celle qui aura été fixée par la loi, et toujours sur la décision de douze jurés qui le déclareront coupable du crime dont ïl aura été accusé. Art. 29. Les informations et la première instruction d’un procès criminel doivent toujours être faites dans le lieu où le crime a été commis. Art. 30. Un accusé ne doit pas être jugé sur sa déclaratiQU ni sur son propre témoignage. (1) Çe document n’a pas été inséré au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 août 1789.] 469 Art. 31. Tous genres de tortures doivent être abolis. Art. 32. L’instruction et le jugement des crimes doivent êf re publics. Le libre usage des moyens naturels et légitimes de défense doit être accordé aux accusés; ils peuvent se faireassister d’avocats à leur choix, ou en demander au juge. Art. 33. 11 ne doit pas être imposé des amendes excessives et exorbitantes. Art. 34. Les peines doivent être proportionnées aux délits; elles ne doivent jamais être cruelles et elles doivent être les mêmes pour toutes les classes de citoyens sans distinction. Art. 35. L’assassinat, etc..., sont les seuls crimes qui doivent être punis de mort. Un assassin ne doit pas obtenir de grâce. Art. 36. La confiscation des biens des condamnés est contraire à la justice; la loi peut seulement ordonner sur leurs biens le payement des frais de procédure. Art. 37. Tout accusé déclaré innocent par un jugement doit être dédommagé par ses accusateurs ou par l’Etat, si ses accusateurs sont insolvables; et l’indemnité doit être plus considérable si l’accusation a causé la privation ou la suspension de sa liberté. Art. 38. Tout homme ayant droit d’être jugé sur la décision de ses pairs, les jugements par jurés doivent être établis, même en matière civile, lorsqu’il s’agira de faits ou de propriétés contestés. §2. Art. 39. Toute propriété est inviolable . Art. 40. Aucun citoyen ne peut être privé de la faible portion de sa propriété sans son consentement ou celui de ses représentants légitimes, et dans le cas où l’intérêt public exigerait de lui le sacrifice de sa propriété en tout ou en partie, il doit en être préalablement dédommagé par des avantages équivalents. Art. 41. Les rivières navigables et les grands chêmins, quant à l’usage, appartiennent à tous les citoyens ; et quant à la propriété, ils n’appartiennent à personne. Art. 42. Il est libre à tout propriétaire ou cultivateur de détruire sur ses terres toute espèce de gibier nuisible à ses propriétés. Art. 43. Tout membre de la société ayant droit d’exiger d’elle que sa propriété, sa liberté et sa vie soient protégées, est tenu de contribuer en raison proportionnelle de ses facultés et sans aucune distinction de rang ni de nature de biens, au maintien de la force publique, conservatrice de toutes les propriétés et des droits de tous les citoyens. Art. 44. Toutes les contributions et tous les impôts doivent être payés de la même manière et sous la même forme par tous les citoyens. Art. 45. Les citoyens ne doivent payer d’autres impôts que ceux qui ont été librement consentis par eux ou par leurs représentants. § 3. Art. 46. Le principe de toute souveraineté réside dans la nation ; nul corps, nul individu, n’ont d’autorité que celle qui en émane expressément. Art. 47. La nation française étant trop nombreuse pour exercer elle-même la souveraineté a droit de déléguer ses pouvoirs à des représentants. Art. 48. La représentation ne peut avoir lieu que par élection. Art. 49. Les élections doivent être libres, et les pouvoirs ne doivent être confiés que pour un terme très-court. Tout homme, né Français, ou naturalisé, majeur, domicilié et contribuant aux charges de l’Etat, a droit d’élire et d’être élu, comme représentant de ses concitoyens, aux assemblées NATIONALES, PROVINCIALES ÊT MUNICIPALES. Art. 50. Le droit d’établir la Constitution, de la changer, de la modifier, de la réformer, appartient à la nation, ou à une Assemblée de représentants à qui elle en aura expressément délégué le pouvoir. Art. 51. Les Français ne doivent obéir qu’aux lois faites par la nation ou ses représentants. Art. 52. La loi est le résultat de la volonté générale. Art. 53. Le pouvoir de faire des lois, de les abroger, de les réformer, d’en suspendre l’exécution, ne peut être exercé que par la puissance législative constituée par la nation ; la puissance législative a droit de s’assembler d’elle-même annuellement, ou à des époques plus ou moins rapprochées qui seront fixées par la Constitution. Art. 54. Il est essentiel au bonheur des citoyens et à la conservation de la liberté publique que la puissance législative et le pouvoir exécutif soient entièrement distincts et séparés. §4. Art. 55. Il est inutile à la nation que le pouvoir exécutif soit entre les mains d’un seul, du Roi ; les limites de ce pouvoir doivent être fixées par la nation, et réglées par la Constitution. Art. 56. La personne du Roi est sacrée, inviolable, et la seule au-dessus de l’atteinte des lois; le Roi chargé du pouvoir de faire exécuter la loi est son organe ; il ne peut ni vouloir ni ordonner rien qui soit contraire à la loi. Art. 57. Les ministres du Roi et tous les agents de son autorité sont responsables de leur gestion à la nation ou à ses représentants. § 5- Art. 58. La nation ou ses représentants doivent régler la puissance judiciaire ; la Constitution doit fixer les degrés de juridictions, déterminer et limiter les pouvoirs des juges. Art. 59. La vénalité des charges, et particulièrement de celles de judicature, est incompatible avec un gouvernement libre. Art. 60. L’indépendance et le bon choix des juges sont essentiels à l’administration impartiale de la justice et à la conservation de la liberté des citoyens. Art. 61. Les juges doivent conserver leurs places pendant tout le temps qu’ils les rempliront avec équité et avec sagesse ; la puissance législative doit fixer des émoluments raisonnables et suffisants, afin que la justice soit rendue gratuitement. Art. 62. Les citoyens de toutes les classes doivent être admis à toutes les charges et à tous les emplois sans autre titre que leurs talents et leur capacité. Art. 63. A l’exception de 1 1 royauté, aucune fonction publique ne doit être héréditaire, aucune ne doit être la propriété de ceux qui l’exercent. 470 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 août 1789.] Art. 64. Le gouvernement a pour but la félicité générale ; il est établi non pour l’intérêt de ceux qui gouvernent, mais pour l’intérêt de ceux qui sont gouvernés. §6. Art. 65. Le pouvoir militaire ne doit avoir d’autre objet que la défense de l’empire et de ses possessions contre les ennemis extérieurs. Art. 66. Les armées nombreuses tenues sur pied en temps de paix, sont dangereuses pour la liberté des peuples, et doivent être réduites au nombre exactement nécessaire à la garde des frontières et à la conservation des colonies. Aucun corps de troupes réglées ne doit être levé ni entretenu sans le consentement de la puissance législative. Art. 67. La défense la plus naturelle et la plus sure d’un gouvernement libre est une milice nationale bien réglée. Art. 68. Dans tous les temps et dans tous les cas, les militaires doivent être subordonnés au pouvoir civil. Art. 69. La discipline militaire exige que tous les officiers et soldats, en temps de guerre et en garnison, soient jugés, dans tous les cas relatifs au service militaire, suivant des lois particulières qui seront établies ou approuvées par la puissance législative. Art. 70. Aucun soldat, en temps de paix, ne doit être logé, ni mis en garnison chez un citoyen sans son consentement. En temps de guerre, aucun citoyen ne doit être obligé au logement des gens de guerre, que de la manière et suivant les règles déterminées par la puissance législative, dont l’exécution sera confiée aux officiers municipaux. § 7. Art. 71. Il doit être établi par la nation ou ses représentants, un tribunal souverain devant lequel tous les agents du gouvernement, sans exception, qui seront accusés d’avoir prévariquê dans leurs fonctions, pourront être cités au nom et par l’autorité de la puissance législative, pour être jugés et condamnés s’ils sont coupables, aux peines qui auront été fixées par les lois. §8. Art. 72. Les représentants de fa nation, depuis l’instant qu’ils ont été nommés, jusqu’à leur retour dans leur patrie, doivent jouir de la plus parfaite sécurité, de la pi us entière liberté de parler et d’écrire; ils ne doivent être responsables qu’aux seules assemblées nationales dont ils sont membres, des discours qu’ils y auront tenus; ils ne peuvent, dans aucun temps, être inquiétés à raison de ces discours, ni par le pouvoir exécutif, ni par aucun tribunal. Art. 73. Tous les citoyens ont le droit de s’assembler d’une manière paisible, de faire des représentations, de présenter des pétitions, soit au pouvoir législatif, soit au pouvoir exécutif, et de nommer des délégués pour en suivre l’effet. Art. 74. La nation ayant seule le droit de changer et de rectifier la Constitution, il doit être réglé que, sur la demande des deux tiers du royaume, notifié par les adresses à la puissance législative, il sera convoqué une assemblée nationale extraordinaire, spécialement chargée d'examiner tous les articles de la Constitution, de ré-f former et de modifier ceux dont l’expérience ou la différence des circonstances ont rendu le changement nécessaire. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE STANISLAS DE CLERMONT-TONNERRE. Séance du samedi 22 août 1789, au matin (1). Ce jour l’Assemblée a pris communication de différentes adresses de félicitation, remerciements et adhésion des villes de Blaye en Guyenne, de Mirebeau en Poitou, Mortagne, Tournon, Serières, de la sénéchaussée de Givray, de tous les ordres de la ville de Pau, qui annoncent qu’ils viennent de composer une troupe de volontaires sous le nom de Gardes-du-Berceau d’Henry IV, destinés au service du Pmi et de la nation ; des adresses de Saint-Antonin en Haute-Guyenne, de Mamert en Saunois, deBagnères en Bigorre, de Villeneuve-de-Berg, de Brioudeen Auvergne, des officiers de justice d’Epinal en Lorraine, des juges seigneuriaux de Fouez en Bretagne, du comité de Granville, des habitants de Feurs en Forez, qui rendent cômpte à l’Assemblée du patriotisme du sieur Gouvn de Lurieu, seigneur du Palais-lôs-Feurs, qui a volontairement affranchi de tous servis, lods, mi-lods et autres droits seigneuriaux, tous les emphytéotes ou censitaires de sa terre, vivant du travail de leurs mains, tant pour l’avenir que pour tous les arrérages échus, dont il donne quittance, et promet d’accepter le remboursement de tous les autres, d’après le taux fixé par l’Assemblée. L’acte de cet abandon, passé par-devant notaire, a été remis sous les yeux de l’Assemblée. 11 a encore été fait mention des adresses d’adhésion et de félicitation des villes de Saint-Gilles, diocèse de Nîmes, Saint-Tropez et de Saint-Paul en Provence, Josselin en Bretagne, d’Orgelet en Franche-Comté, des électeurs1 du bailliage secondaire de Montrichard. M. Meunier de l’Erable ayant fait hommage à l’Assemblée d’un tableau dans lequel il a classé toutes les pensions offre en même temps, en qualité de membre de la Chambre des comptes, de joindre son travail à celui du comité chargé de cette partie, et de fournir tous les renseignements qui pourraient être nécessaires. Ces propositions sont acceptées, et il est résolu que M. le président lui écrira pour lui faire connaître les vœux de l’Assemblée. M. de Laborde demande qu’il soit imprimé des états de finances, au nombre de douze cents exemplaires, pour être distribués à tous les députés ; mais il n’est rien statué à cet égard. On met à la discussion l'article 14 du projet de déclaration ; il est conçu en ces termes : « Nul citoyen ne peut être accusé ni troublé dans l’usage de sa propriété, ni gêné dans celui de sa liberté, qu’en vertu de la loi, avec les formes qu’elle a prescrites, et dans les cas qu’elle a prévus. » M. Target présente le projet suivant : «Art. 1er. Aucun citoyen ne peut être accusé, (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.