ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 septembre 1789.] 619 [Assemblée nationale.] elle durer un, deux ou trois ans? ce qui cause beaucoup d’embarras pour aller aux voix. M. l’abbé Maury pose ainsi la question : La législature sera-t-elle d'une ou de plusieurs années? Si on demande plusieurs années, sera-t-elle de deux ou de trois ? M. Démeunler. Les deux et trois ans proposés sont des amendements ; d’après le règlement, il faut aller aux voix sur les amendements avant de proposer la motion principale. Ces deux manières de délibérer causent de grands débats; ce qui fait dire à un membre que chaque heure de l’Assemblée coûtant 5,000 livres, la seule manière de poser la question allait coûter 7,500 livres, puisqu'on délibérait depuis une heure et demie. L’Assemblée finit par se déterminer pour le projet de M. l’abbé Maury. Sur la première question on va aux voix par assis et levé. Il est décidé que la législature sera de plusieurs années. On va aux voix par appel nominal sur la seconde question, et l’Assemblée fixe la législature à deux années. M. le Président lève la séance après avoir annoncé que les bureaux se réuniront à cinq heures et demie pour la nomination d’un président, de trois secrétaires, et des membres qui doivent remplacer le comité de Constitution. Séance du samedi 12 septembre , au soir. M. le baron de Wimpfcn donne lecture d’un projet d’arrêté pour l’établissement d’un comité militaire, et pour s’occuper de la constitution de l’armée. Il représente que de jour en jour ce comité devient de plus en plus nécessaire; que les régiments correspondent entre eux , et qu’ils se réunissent tous pour la réforme du gouvernement militaire. Ce projet est renvoyé dans les bureaux. M. Dufraisse-Duchey, au nom du comité de judicature donne lecture d’un autre projet d’arrêté, que les circonstances semblent rendre nécessaire. Il ordonne l’exécution des articles arrêtés le 4 août, qui enjoignent aux officiers de justice, tant royaux que seigneuriaux, de continuer leurs fonctions; aux juges civils, de faire exécuter les lois civiles ; aux juges criminels, de rendre aux lois criminelles toute leur vigueur; enfin aux iuges de police, de maintenir les ordonnances et les règlements de police. Ce projet d’arrêté finit par porter qu’il sera présenté au Roi pour être sanctionné, publié et exécuté. M. le duc de Mortemart observe que, lorsqu’on fait mention des arrêtés du 4 août, il faut aussi les publier; que le peuple est dans l’attente de les voir paraître munis du sceau royal; qu’on dit même qu’ils ne paraîtront jamais. M. Target. Cette dernière observation est juRte; on fait tout soq possible pour empêcher la promulgation. Apparemment les opinions ont changé ; je propose de laisser de côté le projet du comité de judicature, et de faire publier les arrêtés du 4 août. M. Malouet appuie fortement cet avis; il est applaudi. M. Emmcry. On ne peut ordonner l’exécution des décrets qui n’ont pas été promulgués; je crois qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur le décret présenté par le comité de judicature. Il faut d’abord s’occuper de faire sanctionner les décrets rendus le 4 août et jours suivants ; on en viendra ensuite au projet qui n’en est que la conséquence. Ces réflexions font impression sur l’Assemblée; elle témoigne son impatience d’aller aux voix ; mais M. l’abbé Maury demande la parole, ce qui suspend la décision pour quelques instants. M. l’abbé Maury. Ces décrets que vous voulez faire sanctionner sont encore imparfaits; vous-mêmes, par un article précis, vous l’avez annoncé. Il en est ainsi des dîmes que vous avez supprimées; mais il reste à savoir comment vous pourvoirez à la subsistance des curés. Vous avez supprimé la féodalité, mais il reste à savoir quel sera le prix du rachat. Je pourrais citer presque tous les articles; tous sont incomplets. Il faut donc attendre qu’ils soient finis pour les présenter à la sanction. Ces réflexions sont appuyées par d’autres membres. M. l’abbé d’Eyiuar ajoute que ses commettants l’ont chargé de demander une autre rédaction des décrets du 4 août. On va aux voix, et l’Assemblée décide que les décrets seront présentés à la sanction royale. La séance est levée. ANNEXE à la séance de l'Assemblée nationale du 12 septembre 1789. RAPPORTS faits au comité féodal de V Assemblée nationale , par M. Tronchet, l'un des membres de ce comité, sur le mode et le prix du rachat des droits féodaux et censuels , non supprimés, sans indemnité. (Imprimés par l'ordre de l’Assemblée nationale.) PREMIER RAPPORT sur la question préliminaire proposée dans celui de M. Merlin. Messieurs, vous m’avez chargé d’examiner la partie de votre travail relative à la troisième disposition de l’article du décret du 4 août et jours suivants, qui déclare rachetables tous les droits féodaux et censuels, lesquels ne sont point supprimés sans indemnité par la seconde disposition de cet article. Le premier objet dont vous devez vous occuper à cet égard est la question préliminaire que M. Merlin a proposée page 24 de son rapport, concernant le plan général, de vos opérations. 620 {Assemblée nationale.] Etat de la question. Cette question est ainsi posée : « Si pour éviter les embarras et les entraves qui vraisemblablement se rencontreront dans le rachat partiel et successif des innombrables droits de lief et de censive auxquels est assujetti le sol de la France, on ne pourrait plus accorder gratuitement aux vassaux immédiats de la couronne un affranchissement universel de tous les devoirs féodaux, dont ils sont tenus envers le Roi, à la charge par eux d’affranchir également leurs propres vassaux, qui, eux-mêmes, étendraient cette faveur à tout possesseur de fief ou de censive, sur lequel ils auraient des droits de mouvance, ou de directe immédiate ? » M. Merlin paraît avoir été provoqué à vous présenter cette question par un petit ouvrage intitulé : Réflexions sur le rachat aes droits féodaux, décrété à l'Assemblée nationale ; et par un autre ouvrage intitulé : Moyens et méthodes pour éteindre les droits féodaux. Deux systèmes différents. Ces deux ouvrages, qui s’accordent dans le mode d’un affranchissement premier donné à tous les vassaux relevant immédiatement de la couronne, diffèrent essentiellement dans les conséquences qu’ils tirent de cette première opération. Le premier ouvrage en fait résulter un affranchissement gratuit, universel de tous les arrière-vassaux et des censitaires dans tous les degrés de l’échelle féodale, sans autre examen, et par le seul effet de l’affranchissement gratuit des propriétaires de fief du premier degré. Le second, au contraire, se contente défaire profiter les arrière-vassaux et censitaires, de la remise gratuite qui aura été accordée aux vassaux immédiats de la couronne, en déduisant sur la somme que les arrière-vassaux et censitaires seraient obligés de payer à ceux dont ils relèvent immédiatement celle dont ceux-ci auraient eux-mêmes profité par la remise qui en aura été faite aux vassaux immédiats de la couronne. Ce sont ces deux systèmes que la question préliminaire qui vous a* été proposée vous présente à discuter. Observation préliminaire. Une première observation se présente naturellement à vos esprits. Vous êtes, Messieurs, incompétents pour décider une pareille question. L’une et l’autre des deux opérations proposées est absolument contraire à celle qui est prescrite littéralement par le décret des 4 août et jours suivants. L’article 1er de ce décret, après avoir détruit entièrement le régime féodal, après avoir ordonné que les droits et devoirs, tant féodaux que cen-suels qui tiennent à la main-morte réelle ou personnelle, et à la servitude personnelle , et ceux qui les représentent, sont abolis sans indemnité ; ajoute, tous les autres droits, tant féodaux que censuels , sont déclarés rachetables ; et le prix et le mode du rachat seront fixés par l’Assemblée nationale. Ceux desdits droits qui ne sont point supprimés par ce décret continueront d'être perçus jusqu’au remboursement. N’avoir accordé que la faculté de racheter ces droits et devoirs, avoir ordonné qu’ils continueraient d’être perçus jusqu’au remboursement ; c’est bien évidemment avoir décidé 1° que ces droits ne peuvent cesser qu’après que les propriétaires auront été parfaitement indemnisés; 2° que ce sont les débiteurs qui doivent payer cette indemnité et qu’ils ne peuvent se libérer que par un rachat à leur charge. Des systèmes qui consisteraient à faire payer [12 septembre 1789.] par l’Etat ces indemnités en tout ou partie, seraient donc des propositions qui tendraient à substituer un décret nouveau à celui de l’Assemblée nationale; ces systèmes s’éloigneraient, d’ailleurs, tout à la fois de l’esprit et du texte du décret, si leur effet pouvait être d’éteindre ces sortes de droits, sans procurer aux propriétaires la pleine indemnité que le décret paraît avoir voulu leur réserver. Vous n’êtes, Messieurs, que les exécuteurs du décret de l’Assemblée; vous n’en n’êtes point les juges, encore moins les réformateurs. 11 ne nous appartient point de substituer un autre mode à celui que le décret nous a indiqué et nous a prescrit d’exécuter. Nous ne pourrions donc nous écarter de la route qu’il nous a tracée qu’aulant que l’Assemblée nous en aurait prescrite une autre en réformant son propre décret. D’après cette considération, il semble que l’objet de votre délibération ne peut se réduire qu’à ces deux points. 1° Estimerez-vous que vous devez présenter à l’examen de l’Assemblée nationale les deux systèmes que je viens de vous indiquer et la question préliminaire qui en résulte? 2° Si vous croyez devoir prendre ce parti, l’Assemblée paraissant avoir droit d’attendre de vous un avis sur la question que, vous lui proposerez, quel sera celui que vous lui présenterez ? Un examen rapide des deux systèmes paraît indispensable pour vous guider sur l’une ou l’autre de ces deux résolutions. Examen du premier système. Je commence par l’exposé des motifs qui peuvent appuyer ou combattre le premier système, celui présenté par l’auteur des Réflexions sur le rachat des droits féodaux. Il est fondé sur quatre motifs. On peut les réduire à quatre motifs principaux. « Premièrement, le rachat, que le décret permet aux débiteurs de faire, ne serait onéreux qu’aux censitaires les plus éloignés du tronc féodal, lesquels se rachèteraient sans avoir aucune indemnité à recevoir, comme les possesseurs de fiefs, lesquels payeront d’une main et recevront de l’autre. « 2° Le rachat prescrit par le décret est susceptible d’une foule de difficultés dans son exécution. Comment trouver un mode et un prix commun de rachat pour tout le royaume, quand les droits féodaux sont variés à l’mfini, et dans leur nature et dans leur quotité? Sera-t-il permis de diviser le rachat du cens et celui des droits casuels? Gomment fera-t-on le remboursement des directes solidaires, etc., etc.? ll-y a peu d’apparence que les propriétaires s’empressent de faire ce rachat. Les uns n’en auront pas les moyens, les autres ne se soucieront pas de diminuer leurs jouissances pour libérer leur fonds d’une charge (telle que les droits casuels) qui ne doit peser que sur leurs successeurs; et si le rachat ne s’exécute que lentement, le souvenir et les effets du régime féodal se perpétueront. « 3° Toutes ces difficultés s’évanouissent, en accordant gratuitement la franchise à tous les vassaux et censitaires immédiats de la couronne, à la charge par ces vassaux d’affranchir de même leurs vassaux et censitaires, et ainsi de suite de degrés à degrés, jusqu’au dernier échelon de la hiérarchie féodale. « 4° La nation peut donner cette franchise, puisque tous les rachats de degré en degré re-ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 621 [Assemblée nationale.] montent jusqu’aux domaines de la couronne, qui sont eux-mêmes la propriété de la nation. » Tels sont les motifs sur lesquels on appuie le système que l’on propose de substituer à celui que l’Assemblée nationale a pris par son décret. voici les doutes qui se présentent naturellement. Réflexions sur ce système. D’abord il est difficile de concevoir ce que l’auteur des réflexions sur le rachat des droits féodaux a voulu dire par cette expression, que l 'exécution du rachat ne serait onéreuse qu'aux censitaires les plus éloignés du tronc féodal. Le rachat n'est point une charge , mais un avantage pour celui qui le fait. Le censitaire qui n’a acquis une propriété que sous la condition d’une redevance foncière envers le bailleur n’a acquis et ne possède qu’une propriété réduite à la valeur du fonds, déduction faite de la valeur de la charge. Si le fonds vaut intrinsèquement 20,000 livres, et si la charge est évaluée 4,000 livres, il est évident que le preneur n’a acquis qu’une propriété de 16,000 livres, et que le bailleur s’est réservé sur le fonds une propriété de 4,000 livres. Ce sont ces deux genres de propriétés que la loi et les jurisconsultes distinguent par les termes de propriété utile et propriété directe. Lorsque le preneur paye 4,000 livres, pour réunir la propriété directe à la propriété utile, il ne perd rien ; il acquiert une nouvelle propriété; il n’a aucun titre pour aspirer au droit de recevoir gratuitement cet accroissement de propriété; la faculté, que la loi lui donne contre le bailleur de forcer celui-ci à lui céder cet accroissement n’est pas une charge, mais un avantage. 11 y a plus: supposer que le rachat des droits féodaux n’est une opération onéreuse qu’au censitaire, c’est supposer que Je rachat que celui-ci fera, acquittera successivement de la même charge tous les fiefs supérieurs, jusqu’au Roi, et c’est raisonner sur une supposition absolument fausse. 11 est sans doute certain que le fief immédiat ne devra au fief médiat supérieur, qu’une portion de ce qu’il aura reçu pour le rachat de son censitaire; mais il est également certain que ce qu’il aura reçu de ses censitaires sera très-souvent beaucoup au-dessous de ce qu’il devra au fief supérieur pour son propre rachat. Supposons en effet (ce que nous n’eutendons nullement admettre quant à présent) que l’Assemblée nationale adopte, pour mode et pour taux du remboursement des droits féodaux celui ue le parlement de Paris avait adopté pour l’in-emnité que devraient payer les gens de mainmorte, qui acquerraient dès fonds soumis au ré-ime féodal. Supposons ensuite un fief de valeur e 100,000 livres, qui a sous lui des censives de valeur de 20,000 livres. La directe sur ces censives étant évaluée à 4,000 livres, à raison du cinquième, il en résulte que ce fief a une propriété en domaine de 96,000 livres et en directe de 4,000 livres : le propriétaire de ce fief recevra de ses censitaires, pour rachat, 4,000 livres; mais il payera pour son propre rachat 33,000 livres, à raison du tiers; ce qu’il recevra sera donc bien loin de l'acquitter de ce qu’il devra lui-même fil ne sera donc pas vrai de dire que le rachat ne sera onéreux qu’au censitaire. La vérité est que l’opération ne sera onéreuse ni au censitaire, ni au propriétaire du fief, parce que l’un et l’autre ne feront qu’acquérir un accroissement de propriété qu’ils n’avaient pas. Secondement; ce n’est pas assez d’avoir fait voir la fausseté de cette idée, que le rachat ne pèserait que sur les censitaires : il faut encore |12 septembre 1789. | prouver que le système de l’affranchissement universel renferme trois inconvénients très-considérables. Le système produit une dilapidation gratuite des revenus ou des foiids de la nation. 1» Ce serait une déprédation gratuite des revenus ou des fonds de la nation. L’auteur des moyens et méthodes pour éteindre les droits féodaux convient que le produit annuel des droits féodaux sur les fonds qui sont immédiatement mouvants des domaines de la couronne, s’élève à environ 3,000,000 livres; c’est en effet Dévaluation que le rapport du comité des finances a donnée de cette branche des revenus de l’Etat. Si le rachat ne s’en fait pas, c’est un revenu de 3,000,000 livres. Si le rachat s’en fait, c’est un capital de 60,000,000 livres au moins, qui peut devenir une réforme pour le remboursement des dettes de l’Etat. Pourquoi donc dilapider ainsi les revenus et les fonds de la nation? pourquoi faire aux vassaux et aux censitaires immédiats de la couronne, un présent gratuit d’une somme aussi importante? Le même auteur que nous venons de citer paraît avoir voulu diminuer l’étendue de ce sacrifice, en alléguant que, de ce produit de 3 millions, il n’en entre dans les coffres du Roi que 600,000 livres, le reste étant consommé en frais de perception. 11 est difficile de croire que 3 millions de recette coûtent 2,400,000 livres de frais de régie. Il y a certainement ici beaucoup d’exagération. Quoi qu’il en soit, il n’en est pas moins vrai que voilà 3 millions de revenus certains, et qui peuvent devenir très-utiles de deux manières. D’un côté, les abus de la régie peuvent être réformés par une meilleure administration. D’un autre côté, le rachat, admis au profit du domaine, comme au profit des seigneurs, peut mettre un capital très-important à la place d'une régie dispendieuse. Ainsi, premier inconvénient : on propose à la nation un sacrifice très-important, dans l’unique vue d’enrichir un certain nombre de personnes d’une propriété qu’elles n'ont aucun titre pour réclamer gratuitement. Il gratifie une classe de citoyens, au préjudice d’une autre classe. 2° Ce serait faire un don gratuit à une classe de citoyens au préjudice d’une autre classe de citoyens. La décharge accordée aux vassaux et censitaires immédiats de la couronne, à la charge d’affranchir eux-mêmes leurs vassaux et censitaires et ceux-ci leurs arrière-vassaux et censitaires, cette décharge ne profiterait qu’aux possesseurs des fonds qui sont liés dans la chaîne féodale. Mais il y a un grand nombre de citoyens qui possèdent des fonds qui ne sont point soumis au régime féodal : ce sont ceux qui possèdent dans les pays de franc-aleu, et il y en a beaucoup dans le royaume. 11 y a d’autres pays où les fiefs ne font point de profit, et dont les propriétaires n’auront aucun rachat à faire. Non-seulement cette classe de propriétaires, et la classe des non-propriétaires ne profiteront pas du don que la nation ne ferait qu’à certains propriétaires, mais ce don deviendrait èncore préjudiciable à la classe de ceux qui n’en profiteraient pas. Le revenu de l’Etat, produit par les droits seigneuriaux dus aux domaines, sert d’autant à acquitter les charges publiques et à diminuer la masse des impositions. Le capital que pourrait produire le rachat de ces droits servirait à rembourser des capitaux de dettes et à procurer une diminution 622 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMEN F AIRES. [12 septembre 1789.] d’impôts. Si l’on supprime ces deux ressources publiques, il faut les remplacer par des impositions auxquelles contribueront ceux mêmes qui n’aurout pas profité de la décharge des droits remis : inégalité et injustice qui forment le second inconvénient du système. Il enrichit gratuitement les censitaires et peut ruiner un grand nombre de propriétaires de kefs. 3° Il y a plus : l’opération proposée (qui, en dernière analyse, ne serait qu’un don gratuit fait aux censitaires sans aucune compensation à leur égard) produirait une injustice manifeste à l'égard d’un grand nombre de possesseurs de fiefs ; il y en aurait même dont elle produirait la ruine totale. 11 y a des pays où les fiefs ne doivent aucun profit, tandis qu’ils ont des droits casuels et des redevances annuelles à percevoir sur des cen-sives ou des emphytéoses. Les propriétaires de ces fiefs ne profiteraient en rien de la remise première faite par la nation, et par conséquent n’auraient aucune indemnité de la décharge qu’on leur forcerait d’accorder à leurs censitaires ou emphytéotes. 11 en faut dire autant des fiefs possédés en franc-aleu, et de ceux possédés par les gens de main-morte qui ont payé l’indemnité. 11 y a plus : dans les pays même où les fiefs sont assujettis aux droits casuels de ventes ou de relief, il est impossible que les propriétaires de ces fiefs reçoivent dans la décharge qui leur sera accordée un juste équivalent de celle qu’on les forcerait de donner à leurs censitaires. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer que le propriétaire du fief ne serait jamais dans le cas de payer, pour le rachat de la portion de son fief, laquelle consiste en simple directe féodale ou censuelle, une somme égale à celle dont on le forcerait à faire la remise. Ainsi, par exemple, dans l’hypothèse déjà faite d’un fonds de 20,000 livres, dont la directe cen-suelle aurait été évaluée à 4,000 livres, le propriétaire du fief n’aurait à payer lui-même, suivant les plus fortes contributions, pour le rachat de cette portion de son fief, que le tiers montant à 1,333 livres, il lui resterait donc une propriété de 2,667 livres, qu’on lui ferait perdre, dans le système proposé, pour donner gratuitement au censitaire une propriété de 4,000 livres qu’il n’avait pas. Dira-t-on que le fief de ce même propriétaire, outre la directe censuelle, consiste encore dans des domaines corporels, dont il faudrait payer le rachat au fief suzerain, et que la dispense, que reçoit le propriétaire du fief, du rachat qu’il devrait payer pour cette partie, compense la perte qu’il pourrait faire sur l’autre ? Il suffirait de répondre que cette compensation ne pourrait exister qu’autant que tous les fiefs du royaume seraient tellement composés, que le rachat direct qu’ils devraient se trouverait toujours égal, ou du moins à peu près égal, au rachat qui leur serait dû par leurs censitaires ou leurs vassaux ; autrement ce serait admettre, pour base d’une loi générale, un principe dont l’application ne serait pas également juste à l’égard de toutes les personnes que l’on soumettrait à son exécution. Mais il y a plus : non-seulement une pareille loi ne serait pas également juste pour tous, elle deviendrait même meurtrière pour un très-grand nombre de propriétaires de fief. Personne n’ignore qu’il existe en France un très-grand nombre de fiefs qui ne consistent qu’en mouvances, et qui n’ont que peu ou point de domaines en fonds. Il en existe dont les mouvances produisent, an liées communes, 30,40 et jusqu’à 100,000 livres de revenu, etqui n’ont point 1,500 livres, 2,000 livrés, 3,000 liv. de revenu en domaines corporels. Ces fiefs (dans l’hypothèse d’un rachat fixé suivant l’ancien usage dû parlement de Paris pour l’indemnité des gens demain-morte) devraient recevoir pour le rachat de leurs censitaires, évalué au denier vingt seulement, les sommes de 303, 400 mille livres, ou un million. Ils ne devraient pour leur propre rachat que 2U0 mille livres, 133 mille livres ou 200 mille livres. Le résultat du système proposé serait donc d’enlever à ces propriétaires de fiefs des propriétés immenses, de réduire à néant leurs propriétés, et d’en enrichir gratuitement les censitaires. Ces calculs prouvent combien l’auteur des Réflexions sur le rachat des droits féodaux a peu senti la force de l’objection, lorsqu’il a cru y répondre en disant que «plus les censitaires doivent de rachat et plus, par conséquent, le propriétaire doitlui-mêmea’indemnité et de rachat.» Sans faire attention que celui qui se rachète ne perd qu’une portion de sa propriété, et que, par l’opération proposée, on enlèverait, sans aucune compensation, à celui qui n’a qu’une propriété en directe censuelle, la totalité de sa fortune, pour la transmettre gratuitement aux censitaires. Ce n’est pas répondre d’une manière plus satisfaisante de dire que le mieux est ennemi du bien. Une maxime de ce genre ne peut devenir le principe d’une législation, qui prononce sur le droit sacré des propriétés ; tout doit y être déterminé au poids de la justice exacte et rigoureuse. Il y a de grandes difficultés pour fixer le mode et le prix du rachat ; mais elles ne sont pas insolubles. Troisièmement, le règlement à faire pour fixer le mode et le prix du rachat présentera certainement de grandes difficultés, surtout à l’égard des droits casuels, pour concilier une loi générale avec les diversités et les inégalités de ces espèces de droits, tels qu’ils ont lieu dans les diverses provinces ou coutumes du royaume et d’après les titres particuliers, et avec la variété des prix courants des fonds dans les diverses parties du royaume, et d’après les localités. Mais ces difficultés ne sont peut-être pas insolubles. 11 y aurait peu de courage à commencer par couper le nœud avant d’avoir tenté de le délier. Il serait peu digne d’une Assemblée législative de lui proposer d’abandonner un plan fondé sur les règles de la justice, par la seule considération des difficultés que peut présenter la loi qui en doit procurer l’exécution, et avant même d’avoir tenté de les résoudre, pour y substituer un plan qui s’écarte absolument des premiers principes de la justice distributive. Si des vues d’utilité publique, si la nécessité de faire cesser les distinctions foncières, qui pourraient rappeler le souvenir de distinctions personnelles et conserver des idées de puissance, d’un citoyen sur l’autre, si l’intérêt de l’agriculture, enfin, ont pu autoriser l’Assemblée nationale à abolir le régime féodal, un principe de justice l’a conduite à ne supprimer que ce qui appartenait à la supériorité, à l’espèce de puissance qui avait produit la féodalité ; le droit sacré des propriétés ne lui permettait pas de rien retrancher de ce qui appartenait à la propriété légitime, de ce qui prenait sa source dans un titre légitime, de ce qui aurait pu s’établir et pourrait encore subsister sans le régime féodal. C’est sur ce grand principe qu’est fondé le décret dont on nous a commis le soin de préparer [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 septembre 1789.] 623 l’exécution, et nous ne devons point être effrayés par la seule vue des difficultés que nos travaux peuvent éprouver, quand nous considérons que nous y serons secondés par la niasse des lumières que renferme l’Assemblée nationale. La nation, sans doute, aurait le droit de remettre à ses vassaux et censitaires immédiats les émoluments fonciers dont ils sont grevés, mais il n’existe aucune raison de faire un pareil 'sacrifice ; et la nation, en faisant ce don cà une certaine classe de citoyens, n’aurait pas le droit d’imposer aux autres uue condition qui attaquerait leur propriété. C’est la dernière réflexion par laquelle je termine la discussion du premier des deux systèmes que j’ai annoncés. Examen du second système. L’auteur des Moyens et méthodes pour éteindre les droits féodaux paraît avoir senti une partie des inconvénients que je viens de relever, et c’est ce qui l’a conduit au second système, qu’il s’agit d’examiner, et qui n’est qu’une modification du précédent. En quoi il diffère du premier. Ce shcond système adopte, comme le premier, la décharge gratuite accordée aux vassaux immédiats de la couronne. Mais 1° il n’accorde pas la même franchise gratuite aux censitaires immédiats de la couronne; il les oblige, au contraire, à se racheter, en payant un droit de mutation, qu’il évalue à environ vingt millions. 2° Après avoir affranchi gratuitement les vas-seaux immédiats de la couronne, il oblige ceux-ci à affranchir successivement leurs propres vassaux et censitaires, et ainsi successivement jusqu’au dernier degré de l’échelle féodale. 3° Mais ta décharge, que ce système accorde aux vassaux et censitaires du second degré et des autres degrés de l’échelle féodale, en descendant, n’est pas purement gratuite ; on diminue seulement au second degré, et dans les autres subséquents, sur le rachat que doivent les censitaires et les vassaux, le montant de la décharge qu’à reçue le propriétaire du fief supérieur ; en sorte que la somme à laquelle se trouvera monter cette première remise tournera à la décharge des vassaux et censitaires inférieurs, en descendant jusqu’au pied de l’échelle. Réflexion sur le système. Il est d’abord évident que ce système oblige à toutes les mêmes liquidations qui résultent du rachat ordonné par le décret, etqu’ainsi il ne tranche point les difficultés que ce rachat peut présenter. Ce système ne change rien à l’opération du rachat décrété, quant aux fiefs tenus en aleu, et à ceux qui ne sont que d’honneur et sans profit. Son seul avantage serait donc de procurer aux censitaires non mouvant immédiatement de la couronne un moyeu de se racheter à meilleur marché. Mais 1° pourquoi ôter à l’Etat la ressource d’un revenu de deux ou trois millions, d’un rachat de 40 à 60 millions, en affranchissant gratuitement les vassaux immédiats de la couronne ? 2° Pourquoi affranchir gratuitement ces vassaux, et ne pas affranchir de même les censitaires mouvant immédiatement de la couronne ? Pourquoi affranchir certains possesseurs de fiefs, et laisser les autres, au moins en partie, sous le joug du rachat ? 3° Gomment faire, entre les vassaux et censitaires inférieurs, la répartition proportionnelle de la remise accordée aux propriétaires des fiefs supérieurs ?Il est évident qu’une pareille contribution serait impraticable dans des rachats individuels, que chacun ne ferait qu’à volonté. Jîe système suppose donc que tous les vassaux cl censitaires du deuxième degré, et autres subséquents, seront forcés de se racheter et de se réunira cet effet, de même que l’on forcerait à ce même rachat les censitaires immédiats de la couronne. Mais 4° pourquoi donc forcer tous les propriétaires soumis au régime féodal à se racheter, lorsqu’ils ne croiront y trouver aucun avantage, lorsque leurs facultés ne leur en fourniraient pas les moyens à une telle époque? N’est-il pas plus raisonnable et plus conforme aux règles de la justice de laisser le rachat en simple faculté, et de laisser à tout propriétaire la liberté de faire ce qu’il croira lui être plus avantageux? 5° Craint-on qu’un grand nombre de propriétaires ne veuillent ou ne puissent pas se racheter ? C’est une raison de plus pour ne pas les y forcer. Craint-on que le retardement du rachat ne perpétue le souvenir et l’effet du régime féodal ? Vaine terreur. Il est détruit, ce régime féodal ; il l’est définitivement dès à présent, par la première partie du décret, qui porte : le régime féodal est entièrement aboli : il l'est quant à tout ce qui concerne les droits honorifiques et de puissance , ou de distinction réelle ou personnelle. Ce qui en peut subsister jusqu’au rachat ne consiste que dans des droits purement utiles, dans des droits qui sont la condition légitime de la concession primitire d'une telle propriété , dans des droits utiles qui auraient pu être établis , et qui peuvent subsister sans avoir pour base le régime féodal. Ces droits utiles ne subsisteraient plus que comme de simples charges foncières, sans aucune des prérogatives qui les distinguaient précédemment, en un mot, comme les rentes foncières dont l’article 6 permet, mais n'ordonne pas le rachat ; les rentes foncières ne seront pas rachetées plus rapidement que les rentes et charges féodales. Conclusion. Telles sont, Messieurs, les réflexions principales que peuvent faire naître les deux systèmes que je viens de vous exposer, et que le rapport de M. Merlin semble vous présenter à juger préliminairement. Vous ne pourriez pas certainement vous permettre de les adopter, et vous dispenser par là du travail ultérieur que vous impose l’exécution du décret du 4 août. Vous ne pourriez, tout au plus, que consulter l’Assemblée nationale sur cette question préliminaire. Mais nous convient-il, à nous simples commissaires, pour procurer l’exécution du décret de l’Assemblée nationale, de supposer qu’elle s’est trompée, de lui proposer de substituer à son décret une loi toute différente? Il semble que nous ne pourrions nous permettre une pareille démarche qu’aulant que nous serions en état de démontrer l’impossibilité d’exécuter le premier décret. Vous u’avez pas encore examiné si cette impossibilité existe réellement. Je ne balance pas à vous annoncer que le décret vous présentera dans son exécution des difficultés très-graves ; mais ces difficultés sont-elles insurmontables? Je ne le crois pas; et vous en jugerez lorsque je vous aurai mis sous les yeux le second rapport relatif au mode et au prix du rachat des droits féodaux ou censuels, non supprimés, sans indemnité. 624 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 septembre 1789.] SECOND RAPPORT. Du rachat des droits féodaux qui ne sont point supprimés sans indemnité. Messieurs, il ne s’agit point ici de déterminer quels sont les droits qui sont sujets à rachat. L’article 1er du décret du 4 août, après avoir supprimé sans indemnité les droits et devoirs qui tiennent à la mainmorte personnelle ou réelle , et à la servitude personnelle, ou qui les représentent , ayant ajouté que les autres droits ou devoirs , tant féodaux que censuels , sont rachetables, il est évident que ceux auxquels s’appliquera cette partie du décret, seront tous ceux que le chapitre II du règlement n’aura pas déclaré supprimés sans indemnité. Il s’agit donc uniquement ici de s’occuper, in abstracto , du mode et du prix de rachat de ceux des droits féodaux qui n’auront pas été supprimés sans indemnité. Mais, quelque généralité que l’on donne à cette question, on ne peut s’empêcher de reconnaître que son examen doit nécessairement être d’abord divisé en deux sections. En effet, au nombre des droits féodaux non supprimés sans indemnité, resteront certainement les cens et redevances annuelles seigneuriales, et les droits féodaux ou censuels, casuels qui, comme charge foncière réelle, n’étant dus que par le propriétaire ou le possesseur, sont évidemment le prix et la condition de la concession primitive du fonds, un signe et une conséquence de la prqpriété directe que le bailleur originaire s’est réservée dans le fonds. Ces deux espèces de droits ont cela de commun que le mode de leur rachat ne peut être qu’un capital en argent, représentatif de la propriété directe réservée par le bailleur. Mais ce capital ne peut être déterminé que sur une base première; l’évaluation de ces deux espèces de droits est un revenu annuel, auquel il faut appliquer un capital représentatif de ce genre de propriété. 11 existe une différence essentielle entre ces deux espèces de droits : les uns (tels que les cens et redevances annuelles) présentent un revenu annuel fixe et certain, tandis que les autres (tels que les droits casuels) ne euvent présenter qu’un revenu annuel présumé. ’un autre côté, parmi les droits qui représentent un revenu annuel, il y en a dont l’évaluation peut présenter des difficultés particulières. La nature même de ces droits conduit donc à diviser d’abord en deux sections l’examen du mode par lequel on peut fixer le produit annuel. Nous examinerons ensuite, dans une troisième section le denier auquel on portera le capital qui doit être assigné à ces deux sortes de revenus annuels, et plusieurs autres questions qui sont communes à ces deux classes de droits. Dans une quatrième, nous examinerons l’effet du rachat reçu par le propriétaire du fief inférieur vis-à-vis du propriétaire du fief supérieur. Enfin, dans une cinquième section, nous proposerons quelques observations sur les droits d’échange. PREMIÈRE SECTION. Des cens et redevances seigneuriales annuelles. On sait qu’en général les rotures, qui étaient sous le régime féodal, étaient assujetties à une redevance annuelle, laquelle était le signe propre représentatif de la propriété directe réservée par le bailleur. Cette redevance s’appelle communément cens. Il y a des pays ou des seigneuries particulières dans lesquelles les fiefs eux-mêmes sont assujettis à des prestations annuelles, appelées rentes féodales. Les rotures doivent quelquefois, indépendamment du cens, signe représentatif de la directe des rentes seigneuriales, qui, quoiqu’elles ne jouissent pas du privilège de l’imprescriptibilité, comme le cens propre, n’en sont pas moins une condition de la concession du fonds, et doivent être rachetées comme le cens. Il n’y aurait aucune difficulté à évaluer le produit annuel des cens, des rentes féodales et des rentes seigneuriales, si toutes consistaient en une prestation pécuniaire. Mais tantôt elles sont en argent, tantôt en denrées, telles que poules, grains, à une certaine quantité; tantôt elles consistent en une certaine quantité des fruits de la terre, variable comme les récoltés ; souvent les deux espèces de redevances se trouvent réunies sur un même fonds ; et c’est relativement à cette seconde espèce de redevance (cev.e en denrées ou en quotité de fruits) qu’il est nécessaire de fixer un mode de leur évaluation en un revenu annuel qui puisse devenir le type d’un capital quelconque pour le rachat. A l’égard des redevances annuelles en grains, volailles ou autres denrées, ou ne peut pas prendre d’autre base d'évaluaiion de leur produit annuel que de former une année commune sur un certain nombre d’années antérieures, d’après le prix des denrées de même nature, relevé sur le registre des gros fruits, ou sur une estimation légale pour les denrées qui n’entrent point dans les registres des gros fruits, si les parties ne s’accordent pas de gré à gré. On pense que, pour former l’année commune, d’après les registres des gros fruits, il suffira de prendre les dix années antérieures, sauf à retrancher celle ou celles dans lesquelles des circonstances extraordinaires auraient porté le prix des denrées à un taux excessif. A l’égard des denrées qui n’entrent point dans le registre des gros fruits, pour éviter les frais de l’estimation par experts et les procès qui en pourraient résulter, on pourrait autoriser les Assemblées de département à en fixer le prix, eu égard aux variétés que présenteraient les districts, et mêmes les diverses municipalités, après néanmoins que le département aurait pris l’avis des districts et des municipalités. On ne parle point ici des droits de tonlieu , minage, péage, hallage et autres de même nature. Ces droits (s’ils sont jugés rachetables) ne sont point des charges réelles d’un fonds individuel, et nous ne nous occupons en ce moment que des droits et devoirs féodaux, ou censuels, qui sont chargés du fonds, et qui portent directement et individuellement sur chaque propriétaire qui désirera en libérer son fonds. SECONDE SECTION. Des droits féodaux , ou censuelsy casuels. Sous ce titre, il faut comprendre tous les droits casuels qui se payent aux propriétaires des fiefs à certaines mutations dans la personne du propriétaire du fonds servant, et qui sont connus [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 septembre 1789.] 625 sous les différents noms de quint et requint, lods et ventes, et issue, lods, mi-lods, rachat , relief, etc. La difficulté relative à la fixation du mode et du taux du rachat de ces sortes de droits résulte : 1° de ce que leur produit est casuel, et par cela même très-incertain, le hasard des événements formant quelquefois dans un fief un objet très-important de ces droits, dans une certaine révolution d’années, tandis que, dans une autre révolution d’un pareil nombre d’années, les mêmes droits ne produisent quelquefois qu’un émolument très-peu considérable; 2° une autre source de difficultés résulte de la variété infinie de ces droits, non-seulement dans leur quotité , mais encore dans les cas qui y donnent ouverture, variété qui n’existe pas seulement dans les divers pays et les diverses coutumes, mais encore très-souvent dans les divers fiefs d’une même coutume, d’après les titres particuliers de ces fiefs. Il a cependant existé jusqu’ici des modes d’évaluation de ces sortes de droits casuels, pour un cas qui est très-analogue à celui dans lequel le décret place les propriétaires de fonds, qui désireront profiter de la faculté qui leur a été offerte, d’éteindre les directes et les droits qui en résultent. On sent assez que nous voulons parler de l’indemnité à laquelle les gens de mainmorte étaient assujettis, lorsqu’ils acquéraient un fonds dans une mouvance censuelle ou féodale. Les gens de mainmorte restaient soumis : 1° aux devoirs personnels, tels que ceux de foi, hommage, aveu, saisie féodale et censuelle, et autres dont nous avons regardé l’abolition comme une suite de l’extinction du régime féodal sans indemnité ; 2° les gens de mainmorte restaient encore soumis à la prestation des cens et redevances annuelles dont étaient chargés les fonds qu’ils acquéraient. Mais leurs biens étant inaliénables et ne changeant point de main, les seigneurs qui perdaient l’occasion de percevoir les droits casuels, qui ne s’ouvrent que par les mutations, avaient réclamé une indemnité que l’usage, la jurisprudence et même des lois positives, dans certains pays, avaient fixée et réglée. La première idée, qui se présente à l’esprit, semble donc être celle d’appliquer au rachat des droits casuels les règles qui avaient été établies pour l’indemnité à laquelle les gens de mainmorte étaient assujettis, pour la représentation de ces mêmes droits. Ce parti paraîtrait d’autant plus juste que l’acquisition des gens de main morte ne produisait pas une extinction absolue de la mouvance. Le seigneur rentrait dans la plénitude de ses droits lorsque la mainmorte mettait hors de ses mains les fonds pour lesquels elle avait payé une indemnité. Ici, au contraire, il s’agit d’un rachat qui produira une extinction absolue et perpétuelle de la directe, et qui, par cette raison, semblerait devoir être fixé sur un taux au moins pareil. Mais 1° la diversité des coutumes , l’usage et la jurisprudence des différentes cours souveraines avaient une prodigieuse variété dans le mode et la quotité de l’indemnité due par les gens de mainmorte ; et il serait à désirer qu’une loi générale, si elle ne peut pas donner un taux unique dans tout le royaume, établît au moins une base et un mode uniforme de rachat. 2° Quand il s’agit de faire une loi, le législateur doit moins considérer ce qui est prati-lre Série, T. VIII. qué, que ce qui devrait être et ce qui est juste, surtout quand il s’agit de maintenir l’équilibre entre deux droits de propriété, qui doivent être également sacrés à ses yeux. Si le législateur consulte les usages antérieurs, c’est pour les juger, en balancer les inconvénients et les avantages, les réformer, s’ils ne sont point conformes à l’exacte justice, ou choisir entre eux celui qui s’y trouve le plus conforme. C’est donc sous ce point de vue seul que nous devons d’abord commencer par jeter un coup d’œil sur les différents usages qui s’étaient établis relativement à l’indemnité des gens demain-morte, parcourir toute la surface du royaume, ouvrir les archives de toutes les cours souveraines, tâcher de pénétrer les motifs de la variété de ces différents usages, et chercher, s’il est possible, d’y découvrir une base qui puisse servir à une opération uniforme, au moins dans son principe, si elle ne peut pas l’être pour tous les pays dans son résultat. Il serait trop long d’entrer ici dans le détail de tous les divers usages qui s’étaient introduits dans les cours souveraines sur le mode et le taux de l’indemnité due par les gens de mainmorte. Nous annexerons à ce rapport un tableau de ces divers usages que l’on pourra consulter, et nous passerons tout de suite aux réflexions que peut faire naître la connaissance supposée acquise de ces usages. Réflexions sur ces usages. On peut réduire les différents usages qui s’étaient introduits dans les différents parlements sur l’indemnité que donnaient les gens de mainmorte, lorsqu’ils acquéraient des fonds soumis au régime féodal, à trois modes différents. PREMIER MODE. Un capital en argent, représentatif des droits dus pour mutations par vente, et un homme vivant et mourant, dont les décès ouvraient les droits dus par les autres genres de mutation. Ce premier mode présente des différences essentielles dans la fixation du capital en argent. Ici c’est le tiers de la valeur des fiefs et Je cinquième des rotures ; là ce n’est que le cinquième de la valeur des fiefs et nul taux pour les rotures. Dans les lieux qui fixent, l’indemnité en argent au cinquième ou au sixième, les droits dus par vente ne sont point les memes ; les mêmes coutumes, qui admettent le cinquième ou le sixième, donnent les droits de quint, lorsque d’autres ne donnent que le sixième ou le douzième. DEUXIÈME MODE. Un mi-lods , ou un lods plein à certaines époques. Mais les mêmes variétés dans la fixation des époques.. Ici elles sont trentenaires ; là c’est tous les vingt ans ou vingt-cinq ans ; dans un autre lieu, c’est tous les trente ans. TROISIÈME MODE. Un capital en argent, représentatif de tous les droits quelconques de mutations, mais point encore d’uniformité dans la fixation de ce taux. Ici c’est le tiers de la valeur du fief et le quint 40 626 [Assemblée nationale. j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. des rotures -, là ce n’est que le sixième sur les rotures. Dans un autre lieu ce n’est que le dixième pour les tiefs, et point de taux fixé pour les rotures, à l’égard desquels on admetle secondmode. Les deux premiers modes ne peuvent être employés. Il est évident que de ces trois modes il n’y a que le troisième qui puisse être applicable à l’objet que s’est proposé l’Assemblée nationale dans son décret. Le premier mode, qui cumule un capital en argent pour l’indemnité des mutations par vente avec l’homme vivant et mourant, donnant ouverture aux droits pour les autres mutations, est inadmissible; puisque ce mode d’indemnité laisserait subsister au moins en partie l’usage des droits féodaux, dont l’intention de l’Assemblée nationale a été de procurer l’extinction totale et absolue pour Davantage de l’agriculture. 11 en est de même du second mode, qui ne donne que des lods à certaines révolutions d’époques ; puisqu’il laisse subsister la totalité des droits féodaux casuels. Deux questions sur l'admission du troisième mode. Le troisième mode (celui qui évalue en argent la totalité des droits casuels) est donc le seul admissible dans l’objet que s’est proposé l’Assemblée. Mais comment mettra-t-on ce troisième mode à exécution ? Adoptera-l-on un mode uniforme pour tout le royaume? Admettra-t-on tous les modes usités jusqu’ici en les modifiant pour les rapprocher du but de l’opération actuelle? Admettra-t-on un mode uniforme ? Il est évidemment impossible d’admettre un taux uniforme pour tout le royaume, attendu la diversité immense qui règne entre les différentes charges casuelles dont sont grevés les fonds soumis au régime féodal, suivant les différentes lois territoriales, ou même suivant les différents titres particuliers. En général les fiefs sont assujettis à deux sortes de droits casuels : ceux dus pour mutations par ventes, et ceux dus pour les mutations des, autres genres. On ne rencontrera point d’obstacle pour le taux uniforme dans les pays où les fiefs sont sans profits, puisque ces fiefs n’ont rien à racheter. Mais quelle variété prodigieuse dans les pays où les fiefs sont de profits, soit quant à la nature et quotité des droits casuels, soit quant aux cas qui y font on non ouverture ! Si les rotures sont assez généralement assujetties à des droits casuels, même dans les pays de droit écrit, quelle variété ne rencontre-t-on pas encore dans la nature, ou la quotité de ces droits ! A l’égard des fiefs, tantôt ils sont assujettis à un droit d’une nature pour les ventes, et à un droit d’une autre nature pour les autres mutations ; tantôt ils ne sont assujettis qu’à une seule et même nature de droit pour tous les genres de mutation. Dans les lieux où les fiefs sont assujettis à des droits différents pour les mutations, les droits de vente varient dans leur quotité; et dans certains pays telle mutation est assujettie au droit de vente, qui dans un autre n’est assujettie qu’au droit de rachat. Ici il n’y a lieu qu’au quint, là au quint et au requint. Ici le droit de vente pour les fiefs n’est que du treizième ; ailleurs il est du douzième, du huitième, du tiers, du quart, du sixième, du vingtième, du quarantième. La variété n’est pas moins considérable pour les cas qui donnent lieu à ces droits de vente, puisqu’il y_ a des coutumes qui y assujettissent les donations en certains cas. [12 septembre 1789.] La même variété se rencontre dans la quotité des droits dus pour les mutations qüi ne sont point par ventes, et pour les cas qui y donnent ouverture. H y a des pays où les fiefs sujets aux lods ne le sont point aux reliefs ; d’autres, où ils n’y sont sujets que par la convention : ici il est du revenu d’une année, là il est abandonné où fixé à une quotité par la coutume, et cette fixation varie tantôt suivant la quotité du fief, tantôt suivant sa contenance. En général, le relief a lieu pour les successions collatérales, ou pour toutes les autres mutations quelconques, excepté les donations en directe ; mais il y a des pays où il a lieu selon que l’héritier succède par moyen, ou sans moyen ; d’autres où il se paye même à mutatiou de seigneur; d’.autres qui donnent le relief de m&riages, ou de certains mariages. Les variétés qui existent dans les droits casuels, dus par les fiefs, existent également pour les lods dus par les rotures. 11 y a des pays ou elles ne doivent point lods, quoique chargées de cens. Le taux des lods et ventes varie depuis le tiers jusqu’au quarantième. Enfin il y a des pays, où les rotures sont assujetties au relief, ou à un droit de même nature. En voilà plus qu’il n’en faut pour prouver qu’il est impossible d’établir un taux uniforme par tout le royaume pour le rachat des droits seigneuriaux casuels, soit des fiefs, soit des rotures. Admettra-t-on tous les modes usités dans chaque province, avec une modification qui les ramène au but du décret ? Celte réflexion semblerait devoir conduire à admettre dans les diverses coutumes les différents modes qui avaient été autorisés par la loi, ou la jurisprudence, pour l’indemnité due par des gens de mainmorte, en les rectifiant de manière à les rendre applicables à l’effet de l’extinction absolue que l’Assemblée nationale s’est proposée. Ainsi, par exemple, quant au premier mode, qui admet, avec le capital en argent pour les droits caauels dus par vente, un homme vivant et mourant pour donner ouverture au relief, on pourrait donner un capital en argent à ce second droit, supposé dans une certaine révolution d’années ; et quant au second mode, qui ne donne qu’un droit de lods, ou mi-lods, dans une certaine révolution quelconque, on pourrait fixer à ce lods un capital êt un denier quelconque. Mais, pour admettre ce plan, il faudrait supposer que les différents modes d’indemnité, qui avaient été admis dans chaque pays, avaient des bases fondées sur des principes justes, et que leur différence ne résultait que de la différence des bases que les localités avaient forcé d’admettre. Il s’agit moins de consacrer des usages, que de les juger. Si ces usages sont trop avantageux aux seigneurs, il faut les rejeter; et il est également juste de les rejeter s’ils blessent les droits légitimes des seigneurs. Mais, si l’on entre dans l’examen de quelques-uns de ces usages, on est forcé de convenir qu’ils doivent plutôt leur origine au hasard qu’à des combinaisons justes et certaines. Comment expliquer pourquoi deux coutumes fixent au cinquième l’indemnité des droits casuels pour vente, quand l’une d’elles donne le droit au cinquième et l’autre au douzième? Pourquoi donc quatre coutumes s’accordent-elles à ne donner le droit qu’au sixième, lorsque deux d’entr’elles donnent droit de vente au cinquième, tandis que les deux autres ne le donnent qu’au douzième ? Si l’on passe à la jurisprudence de Paris, on se [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 septembre 1789.] convaincra facilement que l’usage de donner le tiers pour les fiefs, et le cinquième pour les rotures, était trop considérable. Supposons en effet un fief delà valeur de 100,000 livres; le tiers sera de 33,000 livres, et, en déduisant le dixième qui s'accordait au seigneur haut-justicier, il restera de 26,700 livres. Supposons maintenant dans ce fief en trente ans une mutation par vente, et une mutation par relief ; nous aurons pour la mutation par vente, déduction faite de la remise du tiers ordinaire, 16,333 I. 8 s. 6 d. et pour la mutation par relief, attendu la déduction des charges, au plus, 3,500 livres, au total; le seigneur n’aura reçu en trente ans que 19.833 livres. Augmentons, si l’on veut, le droit de vente, et portons-le à 20,000 livres, attendu qu’il y a des mutations par ventes forcées, qui ne sont pas dans le cas de la remise ordinaire ; le seigneur n’aura reçu que 23,500 livres ou 24,000 livres en trente ans. Ce produit, divisé par 30, donnera un revenu annuel de 800 livres, qui, au denier 30, ne rendra que le même capital de 24,000 livres. On pourrait cependant justifier l’usage du parlement de Paris pour les fiefs par un autre calcul. On peut observer que l’usage des remises faites par les seigneurs a pour objet de faciliter les ventes et d’en augmenter la fréquence, et que si vous éloignez les ventes à quarante ans, sans en déduire la remise, on aura pour les mutations de ce fief 28,300 livres, somme qui, divisée par 40, donnera par année 914 liv. 10 s. et au denier 30, un capital de 27,335 livres plus fort que le tiers, déduction faite du dixième. Mais, si l’on peut soutenir le taux du parlement de Paris, quant aux fiefs, il n’en est pas de même pour les rotures. Supposant un domaine de 120,000 livres, dont les lods au douzième ne seront que de 12,000 livres et de 900 livres, déduction faite du quart, remise ordinaire, ou tout au plus de 10,000 livres, pour compenser les mutations non sujettes à remises avec celles qui y sont sujettes; les 10,000 livres divisées par trente ans donneront un revenu annuel de 333 livres, et l’usage qui donnait pour indemnité 24,000 livres. Si l’on prend l’hypothèse d’une mutation en quarante ans, on aura 12,000 livres, qui, divisées par 40, formeraient une année commune de 300 livres, laquelle, au dernier 30, ne donnera qu’un capital de 900 livres ; en sorte que rien ne peut expliquer le principe de ce taux d’indemnité du parlement de Paris quant aux rotures. Si le taux qu’avait admis le parlement de Paris paraît trop fort, que pensera-t-on des usages des parlements de Bretagne et de Normandie? Le premier donnait le tiers pour les fiefs, et le quint pour les rotures, quoique les fiefs n’y soient soumis qu’aux mêmes droits que les rotures, et que les droits casuels de ventes n’y soient qu’au huitième. Le second parlement donnait le tiers pour les fiefs, et le quart pour les rotures, et en outre pour les fiefs un homme vivant, mourant et confisquant, quoique les fiefs ne doivent que le 13e ou le 12e comme les rotures. 11 est vrai que les propriétaires de fiefs y ont un droit de ligne éteinte, qui peut mériter considération, mais, malgré cela, le droit ne peut paraître que très-exagéré. Base uniforme qui paraît devoir être adoptée. Le second mode pour fixer un revenu casuel auquel on appliquera un capital à un droit quelconque. Ces réflexions suffisent pour prouver qu’il est impossible d’adopter pour plan général les di-vèrs usages locaux qui s’étaient formés jusqu’ici relativement aux gens de mainmorte ; il est 627 d’ailleurs à souhaiter qu’il puisse être pris une base uniforme pour toutes les provinces, et qui ne puisse donner lieu tout au plus qu’à quelques exceptions particulières. Il semble qu’on y pourra parvenir, en adoptant le second des trois modes que nous avons annoncés, sauf à y joindre une modification qui puisse opérer le rachat absolu. Ce mode consiste à donner pour indemnité un ou plusieurs droits casuels, dans une certaine révolution d’années; et la modification à y apporter serait de réduire les droits à un revenu annuel, en les divisant en autant d’années qu’il y en aura dans la révolution, et en donnant à ce revenu annuel un capital à un denier quelconque. Cette méthode est celle qui se rapproche le plus de celle par laquelle on procède pour parvenir à l’estimation du produit d’un fief dans la partie des droits seigneuriaux, lorsqu’il s’agit d’en fixer la valeur, soit pour un partage, soit pour une acquisition. Dans ces deux cas, l’on fait une année commune sur dix ou vingt du produit des droits casuels; l’on attache un capital à ce revenu annuel, ou bien les experts estiment la valeur des fiefs ou rotures qui en relèvent, supposent un genre de mutation de chaque espèce dans un certain nombre d’années, et après en avoir formé une année commune, ils attachent un capital à ce revenu annuel hypothétique. Ici, il ne peut pas être question de faire en masse un revenu annuel de toutes les échéances casuelles d’une seigneurie ; parce que, comme on le verra dans la troisième section, il ne peut pas être question d’un rachat en masse de la directe sur tous les fonds qui en relèvent, et il ne peut être question que de rachats partiaires sur chaque fonds en particulier ; mais l’opération que l’on pourrait faire sur ce tout, on peut l’appliquer à chaque partie, en prenant pour base du revenu annuel des droits casuels, sur un fonds particulier, l’hypothèse d’une mutation dans une certaine révolution d’années. Cette opération paraît la plus propre à tenir la balance dans un juste équilibre entre l’intérêt du seigneur et celui du vassal, et à proportionner l’indemnité payable en argent à l’importance des droits particuliers de chaque fief. L’indemnité sera plus ou moins forte, selon que la loi territoriale, ou les titres particuliers, donneront au seigneur des droits plus ou moins importants ou plus ou moins fréquentes. Ainsi dans un fief où les vassaux sont chargés du quint, l’indemnité sera plus forte que dans celui ou les vassaux ne payent qu’un relief à toutes mutations. Il en sera de même dans le cas où les vassaux sont soumis au droit de vente et de relief, par opposition à celui où les vassaux ne sont point soumis au droit du relief, puisqu’il faudra, pour le premier, admettre dans fa même révolution une mutation des deux genres, tandis qu’on n’en admettra qu’une pour le second fief. Il y a sans doute, dans une même, seigneurie, des fiefs, ou des domaines roturiers, qui, dans le cours d’un siècle, n’éprouvent aucune mutation sujette à droits; mais la compensation à l’égard du seigneur se trouve dans la considération que d’autres fonds ont éprouvé ou peuvent éprouver des mutations plus fréquentes que celles qui seront supposées hypothétiquement; et à l’égard des vassaux et censitaires, c’est un coup de filet, dont il leur est libre de ne point courir le hasard. Si, avant le décret du 4 août, un tiers avait voulu acheter d’un seigneur étranger la directe 628 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 septembre 1789 ] sur un fonds, les parties contractantes n’auraient pas pu prendre pour base du prix de l’acquisition d’autre procédé que celui que nous proposons. Le procédé doit être le même pour le cas auquel le vassal, ou le censitaire, voudra profiter de la faculté que le décret lui donne d’ acheter la directe sur lui-même. En supposant que l’Assemblée nationale accepte, quant au fond, le mode que nous venons de proposer, voici comment nous croyons que l’on devra l’exécuter. Dans les fiefs qui ont le double droit de vente et de relief, il faudra supposer une mutation de chaque espèce, c’est-à-dire une mutation par vente et une mutation par relief, dans une certaine révolution d’années, faire une masse des deux droits réunis, et la diviser par le nombre d’années de la révolution (30, par exemple) pour en faire sortir un revenu d’une année commune. Dans les fiels qui n’ont qu’un seul et même droit pour toutes les espèces de mutation, surtout dans ceux qui sont de toutes mains, c’est-à-dire où le droit se paye à toutes mutations, il serait juste d’admettre dans la même révolution deux mutations, pour représenter tout à la fois le droit par vente et le droit par autres mutations. Dans les fiefs qui n’ont des droits casuels que pour un genre de mutation (par exemple, par vente), on n’admettra qu’une seule mutation dans la même révolution d’années. Il pourra encore être juste de prendre en considération certaines coutumes qui admettent le quint même sur les donations et y donner deux mutations ou une mutation et demie à raison du quint, attendu que ce profit y est naturellement plus fréquent. En un mot, en admettant le procédé général de former une année commune sur le produit d’une ou plusieurs mutations, supposées dans une certaine révolution d’années, on pourra avoir égard aux principales circonstances locales, pour multiplier ou diminuer le nombre des mutations. Si ces considérations peuvent donner lieu à quelques exceptions peu nombreuses, ce sera au moins beaucoup d'avoir pris un mode qui tranche toutes les difficultés locales sur la variété infinie qui règne dans la quotité des droits dus pour le môme genre de mutation. Il ne reste plus, pour éclaircir cette matière, qu’à fixer : 1® le nombre des années, qui formera la révolution destinée à diviser le produit des droits, pour en faire sortir l’année commune ; 2° qu’à fixer le denier auquel on portera le capital de cette année commune. Quel sera le nombre d'années dont on formera la rév'olution qui servira de dividende pour former Vannée commune? Les mutations qui ne sont point par vente, telles que celles par succession, legs, donation, sont à peu près indépendantes d’aucune considération locale, et paraissent susceptibles d’être réduites partout à un terme uniforme : mais on ne peut dire rigoureusement la même chose des mutations par vente. Dans les pays les plus riches, et surtout les plus voisins des grandes villes commerçantes, les mutations par vente sont certainement plus fréquentes que dans les pays plus écartés et moins riches. Cependant nous ne proposerons pas de faire une distinction qui pourrait jeter dans des détails immenses, et présenter des problèmes très-difficiles à résoudre : il est essentiel de donner à une loi générale une uniformité qui en facilite l’exécution. Nous croyons donc qu’il faut fixer à un nombre égal d’années la révolution dans laquelle on supposera une mutation de chaque nature, c’est-à-dire par vente ou autrement ; et que, si certaines localités présentaient des exceptions indispensables, on y pourrait compenser la moindre fréquence de mutations par le taux du denier auquel sera fixé le capital de l’année commune du revenu. Mais quel sera le nombre de ces années, qui formeront le dividende régulateur de l’année commune ? L’édit d’avril 1667, qui réglait l’indemnité due par le Roi pour les acquisitions qu’il faisait dans la mouvance des seigneurs particuliers, avait fixé cette indemnité à une mutation en soixante ans; en sorte qu’il ne devait payer qu’une rente au denier trente du soixantième de l’évaluation du droit : mais les seigneurs ont toujours réclamé contre cette fixation, qui, si elle était juste ’il y a 120 ans, pourrait n’avoir pas le même degré d’équité depuis l’abondance du numéraire, qui a rendu plus fréquentes les mutations par vente. On a vu ci-dessus que, dans les pays qui avaient fixé l’indemnité à un droit de mutation dans un certain nombre d’années, il y avait une grande variété, ce terme étant tantôt de 20 ans, tantôt de 25, et au plus de 30 ans. Nous croyons tous ces termes trop resserrés, surtout si l’on prend le parti (comme nous l’avons proposé) de donner deux genres de mutations, l’une de droit de vente, l’autre de droit de relief, dans les coutumes qui distinguent les deux genres de mutation; et de donner deux droits dans les coutumes qui ne donnent que le même profit pour tous les genres de mutation. Nous croyons que le terme pourrait être étendu à 40 ans pour les mutations qui s’opèrent autrement que par vente, et à 50 ans pour les mutations par vente; en sorte que, dans les pays et pour les biens sujets à ces deux espèces de droits, on compterait une mutation par vente en 50 ans, et une de la deuxième espèce en 40 ans ; sauf, dans les pays qui ne donnent que le même droit sur les deux genres de mutation, à y fixer la révolution à 50 années, à y accorder un double droit dans cette révolution, ou un seul droit par trente ans. Cette proposition nous paraîtrait conserver suffisamment les droits respectifs, surtout si l’on ne déduit pas au seigneur le tiers et le quart de remise, que la plupart d’entre eux étaient dans l’usage de faire. Supposant fixé à 50 et 40 années le terme qui servira à diviser le produit des mutations allouées dans la révolution, il s’agirait maintenant de décider à quel denier sera porté le capital de cette année commune. Mais cette question (comme nous l’avons annoncé ci-dessus) étant commune au capital que l’on assignera à l’année ordinaire de cens et redevances annuelles, elle entrera dans l’examen des questions qui formeront la matière de la troisième section. Observation sur les fraudes à prévoir. — Mais, avant de passer à ces dernières questions, il se présente ici une observation importante, et qui peut mériter une attention particulière. Lorsque les mainmortes acquéraient un fonds soumis au régime féodal, outre le droit d’indemnité qu’elles payaient, elles avaient encore payé le droit de vente ou relief, ouvert par leurs acquisilitions. La même justice doit être rendue aux propriétaires actuels de fiefs, pour les fonds à l’égard desquels il surviendra des mutations avant lé rachat. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 septembre 1789.] Le décret du 4 août a bien aboli, d’une manière absolue, le régime féodal, et, par une suite nécessaire, les droits de supériorité et de puissance, qui ne pouvaient exister que par l’effet de ce régime, mais le décret n’a point aboli d’une manière absolue les droits utiles, qui, n’étant que le prix et la condition de la concession des fonds, pourraient subsister, abstraction faite du régime féodal. Le décret ne donne au propriétaire du fonds grevé de ces charges que la faculté de s’en libérer par un rachat; il ordonne expressément que ces droits continueront d’être payés jusqu’au rachat : il est donc indubitable que “toute mutation qui sera survenue avant le rachat aura acquis au propriétaire de la directe subsistante un droit de mutation, et que l’acquéreur, ou donataire, ou légataire, qui voudrait racheter la mouvance, ne pourrait pas se dispenser de payer le droit de mutation, indépendamment de la somme qu'il sera obligé de payer pour le rachat des droits éventuels futurs. Tout propriétaire, qui n’aura pas voulu profiter de la faculté que lui donnait la loi, ne pourra pas se plaindre si la mutation qu’il opère en vendant supporte un droit qui sera la conséquence nécessaire de celui qu’il n’aura pas voulu racheter antérieurement. Mais, quelque juste que soit ce principe, il est aisé de prévoir que bien des personnes chercheront à en éluder la conséquence. On sait avec quelle industrie on avait inventé toutes sortes de tournures pour éluder les droits seigneuriaux ; il s’en présentera une bien simple pour se soustraire à la justice due aux propriétaires de fiefs. On peut prévoir que les rachats des droits féodaux et censuels ne se feront pas avec une grande activité ; peu de propriétaires se porteront à diminuer leur jouissance par un rachat, pour décharger leurs fonds d’une charge casuelle qui ne porte point sur eux tant qu’ils conservent leur propriété. Ce sera l’instant d’une aliénation qui provoquera un rachat. L’acquéreur ne voudra acheter qu’à condition que le vendeur lui remettra le fonds libre. Le vendeur sentira tout le poids du droit de la mutation actuelle, et du rachat des droits futurs : il n’avait pas voulu courir le hasard du forfait incertain, tant qu’il n'avait pas projeté de vendre; et il voudra se soustraire à l’effet de son indifférence passée, au moment où il voudra vendre. De là un expédient que l’on ne se fera presque jamais scrupule d’adopter : le vendeur fera son marché ; l’acte de vente sera même rédigé sous seing-privé : en cet état le vendeur, toujours extérieurement propriétaire, se présentera pour racheter les directes. La vente se rédigera ensuite en acte public ; celui qui en demandera les droits sera repoussé par l’acquéreur, qui lui dira qu’il a acheté un fonds rédirné; et si l’on retourne sur le vendeur, il objectera qu’il avait fait le rachat avant la vente. C’est ainsi que le vendeur et l’acquéreur profiteront mutuellement du droit légitime dont ils auront frustré celui auquel la loi l'accordait. La loi impartiale doit également protéger les droits du créancier et ceux du débiteur. Après avoir prononcé que les droits seront servis jusqu’au rachat, peut-elle protéger une tournure qui tendrait à en priver le créancier légitime? Nous ne voyons qu’un moyen de parer à cet inconvénient : c’est d’appliquer à ce genre de fraude la règle que nos lois avaient employée pour parer à un genre de fraude à peu près pareil, connue sous le nom de fraude normande : m fixer un terme dans lequel une mutation, survenue depuis le rachat, serait sujette au droit comme présumée l’effet d’un acte antérieur au rachat. Ce terme devra être différent, selon la nature des mutations; s’agira-t-il d’une mutation par vente; il faudra fixer ce terme à dix ou au moins cinq ans. Un terme plus court faciliterait trop la fraude, parce qu’il serait aisé de couvrir dans un terme ptus court une vente sous seing privé, qui pourrait n’être pas suivie d’une prise de possession extérieure au moyen d’arrangements pris avec le vendeur. S’agira-t-il d’une donation entre vifs; le terme de six mois sera suffisant, parce que l’acte doit être passé devant notaire, et parce que le donataire court trop de risque à ne pas le faire insinuer dans quatre mois. S’agira-t-il d’une mutation par mort ou autre-ihent : un terme de deux mois sera suffisant, parce qu’une plus longue survie de celui qui a tait le rachat écarte tout soupçon que le rachat ait été offert dans la prévoyance de l’accident. Passons maintenant à l’examen de la troisième section, qui doit comprendre les questions communes au rachat des deux espèces de droits féodaux et censuels, et notamment celle du denier auquel sera fixé le capital du rachat. TROISIÈME SECTION. Questions communes au rachat des deux classes de droits. Ces questions se réduisent à cinq principales. A quel denier fixera-t-on le capital du revenu actuel auquel auron t été arbitrés les cens et redevances annuelles, et les droits casuels féodaux et censuels? Ce taux fixé sera-t-il immuable et toujours le même, en quelque temps et à quelque époque que se fasse le rachat? Le rachat pourra-t-il être fait par chaque propriétaire individuellement, ou ne pourra-t-il se faire que par paroisses ou par cantons ? Les paroisses ou communautés pourront-elles être autorisées au moins à faire le rachat en masse, si elles le jugent à propos? Si chaque propriétaire est autorisé à faire le rachat individuellement, comment se fera le rachat des cens et redevances solidaires? Enfin sera-t-il permis de racheter les cens et redevances annuelles sans se soumettre en même temps au rachat des droits casuels ? Première question. La première question se divise en deux : 1° Le denier capital du revenu annuel des droits féodaux ou censuels, des deux natures, ne sera-t-il que le denier de l’intérêt ordinaire de l’argent; ou sera-t-il un denier plus fort? 2° Si c’est un denier plus fort, quel sera ce denier? Première branche de la première question. Sur la première question, deux raisons paraissent conduire à décider que le denier auquel sera fixé le capital du rachat doit être un denier supérieur à celui de l’intérêt ordinaire de l’argent. D’abord, on pourrait dire que les rentes seigneuriales et les droits casuels faisaient, au 4 août, une portion des propriétés féodales ; que, comme telles, elles participaient à la valeur d’opinion que l’usage avait donnée aux corps même des fiefs, et que la loi, qui autorise le vas- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [12 septembre 1789.] 630 aal ou le censitaire à se rédimer du régime féodal, doit le soumettre à payer au propriétaire du fief le même prix que celui-ci en aurait retiré, s’il avait vendu la veille de l'abolition du régime féodal. Mais, en écartant cette première considération à laquelle on pourrait opposer que tous les fonds acquerront désormais une faveur qui les dédommagera de celle-qu’ils auraient perdue en qualité de fiefs, au moins faut-il convenir que les rentes et les devoirs seigneuriaux doivent être considérés comme rentes foncières, et à ce seul titre, avoir une valeur supérieure à celle des simples rentes constituées, ou des intérêts produits par une obligation. Les renies foncières ont toujours eu, et auront toujours (tant qu’elles subsisteront) un degré de faveur supérieur, et conséquemment une valeur supérieure à tous les autres revenus produits par un simple placement d’argent. Cette faveur résulte de ce qu’elles sont représentatives d’un fonds qui n’a été aliéné que sous cette condition; de ce que le débiteur ne peut naturellement s’en délivrer qu’en restituant le fonds; et enfin, de ce que, par leur hypothèque privilégiée sur le fonds qu’elles représentent, elles forment une propriété plus solide, et moins exposée aux révolutions générales et particulières. En second lieu, un grand nombre de redevances seigneuriales sont payables en denrées ou grains : à ce titre, elles participent aux avantages des propriétés véritablement foncières, puisqu’elles sont susceptibles de la même augmentation de valeur que les fonds eux-mêmes reçoivent par l’augmentation du prix des denrées. Les droits casuels sont de même nature, puisque leur produit s’augmente dans la proportion de l’augmentation du prix ou du revenu des fonds. C’est par ces raisons que les propriétaires de rentes foncières, lorsqu’elles étaient non rachetables, n’en acceptaient jamais le rachat qu’à un taux supérieur au denier ordinaire de l’argent, et que les débiteurs n’hésitaient point à se soumettre à cette condition. C’est par cette raison que les lois, qui, par des considérations particulières, avaient autorisé le rachat de certaines rentes foncières, en avaient fixé le taux à un denier supérieur au taux ordinaire de l’argent. C’est ainsi que l’article 122 de la Coutume de Paris, rédigée en 1580, avait fixé au denier vingt le remboursement des rentes foncières, parce qu’alors le taux de l’argent n’était qu’au denier douze, et qu’un arrêt du 18 juin 1683 avait porté le taux du rachat des rentes foncières au denier vingt-six, parce qu’alors le taux de l’argent était monté au denier vingt. Ainsi, d’un côté, il ne paraît pas juste de soumettre les possesseurs actuels des anciens fiefs à ne pouvoir se procurer un revenu égal à celui qui fera l’objet du rachat, que par un remplacement d’une nature moins solide et moins précieuse, tel que des rentes ou obligations à intérêt. D’un autre côté, on ne rendrait pas même une pleine justice aux propriétaires des anciens fiefs, si on ne leur remboursait qu’un capital qui ne les mettrait point en état d’acquérir des fonds capables de leur produire, sur le revenu actuel, le même bénéfice d’augmentation dont étaient susceptibles les droits soumis au rachat, et dont est susceptible le fonds rédimé par le rachat. Ces considérations semblent donc conduire à conclure que le rachat doit être fait à un denier supérieur à celui du taux de l’intérêt de l’argent, Deuxième branche de la première question . Mais à quel taux précis faudra-t-il fixer le denier du capital du rachat ? Ce taux sera-t-il uniforme par lout le royaume; les réflexions que nous avons proposées sur la question précédente conduisent naturellement à répondre que le taux du rachat doit être le même que celui du prix courant des fonds grevés de la charge rachetable ; en sorte que la somme payée par le rachat puisse donner lieu à l’acquisition d’un fonds productif d’un revenu égal à celui des charges rachetées. Mais la valeur des fonds n’esf pas la même dans toutes les provinces du royaume; elle varie infiniment dans la même province : cette valeur varie souvent d’après des considérations locales, telles que l’abondance de l’argent, le débouché des deniers, le plus ou moins de proximité des villes. Il est impossible qu’une loi générale embrasse toutes ces variétés. H semble que l’on pourrait rendre les départements administratifs, chacun dans leur ressort, en quelque façon arbitres entre les parties sur le denier du rachat, et les autoriser à fixer le taux, soit pour le département en général, soit pour les divers districts de leur ressort. Ce parti nous paraît d’autant plus nécessaire, que les départements se trouveront en état de compenser les inconvénients locaux qui pourraient résulter de la règle générale, d’après laquelle on aura fixé le nombre d’années qui formeront le dividende de l’année commune. Cette compensation s’opérera en haussant le denier du rachat dans les pays où les mutations par vente sont plus fréquentes, et en baissant ce même denier dans les pays où les mutations sont moins fréquentes par des considérations locales. Deuxième question. Mais le denier de ce rachat une fois fixé sera-t-il invariable, à quelque époque qu’il se fasse ? Le prix des fonds augmente ou diminue suivant le prix de l’argent, c’est-à-dire selon le taux de l’intérêt ordinaire de l’argent ; et ce taux de l’intérêt lui-même augmente et diminue suivant l’abondance ou la variété du numéraire. On l’a déjà observé : on ne doit pas s’attendre que les rachats se fassent, au moins par tout le royaume, dans un terme très-prochain. On ne peut pas forcer les débiteurs à se faire liquider dans un terme très-prochain, même en leur donnant la faculté de payer l’intérêt de la somme liquidée, jusqu’au payement effectif; le rachat permis par la loi n’est qu’une pure faculté dont chaque débiteur est maître d’user, ou de ne point user, selon son intérêt. Ce serait détruire cette liberté que de forcer tous les débiteurs à se faire liquider dès à présent, et à payer l'intérêt de la somme liquidée. Le rachat à l’égard du débiteur ne peut être fondé que sur l’une ou l’autre de ces deux spéculations : ou le débiteur qui le fait trouve plus d’avantage à débourser une somme dont l’intérêt est supérieur à la charge dont il est grevé, ou il veut bien sacrifier une somme pour délivrer sa chose, et ses successeurs du hasard des événements et d’une plus ou moins grande fréquence des mutations éventuelles : mais aucun ne peut être forcé de souscrire à l’une ni à l’autre de ces deux spéculations ; chacun doit rester maître d’administrer sa propriété comme il juge à propos. 11 est donc impossible d’assujettir tous les possesseurs à faire liquider dans un terme quelconque le rachat, et à en payer l’intérêt jusqu’au payement ; dès lors il faut que le taux de rachat demeure variable, et suive les révolutions que le prix des fonds éprouvera lui-même. Il n’y aura en cela aucune injustice, ni vis-à- [Assemblée nationale ) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 septembre 1789.) vis du débiteur, ni vis-à-vis du créancier. Si le prix des fonds augmente, le débiteur ne pourra se plaindre d’une surcharge , puisqu’il pouvait prévenircet événement, puisqu’il supporterait une charge plus grave : le créancier ne pourra se plaindre, puisque, si le rachat n’était point permis, il aurait une créance moins importante. En un mot, c’est la loi de toutes les propriétés d’augmenter ou de diminuer, et de subir toutes les révolutions que tes événements publics produisent sur les propriétés. Nous pensons donc que les départements doi-ventêtre autorisés, chacun dans leur ressort à fixer à leur premier travail le denier de rachat; et que ce denier, une fois fixé, servira de type à tous les rachats, en quelque temps qu’ils se fassent, d’après les variations que le taux de l’intérêt de l’argent éprouvera; en telle sorte que le denier du rachat augmentera dans la même proportion que l’intérêt de l’argent diminuera, ou que le denier du rachat diminuera, si (ce qui n’est pas vraisemblable) l’intérêt de l’argent s’élevait au-dessus du denier vingt. Troisième question. Maintenant, on demande si chaque propriétaire individuellement sera autorisé à racheter et libérer son fonds, ou si ce rachat ne se pourra faire que par les paroisses et les communautés en corps; enfin, si les paroisses et les communautés ne pourront pas au moins être autorisées à faire ces rachats en masse ? On sent assez que cette question ne peut pas concerner les propriétés qui appartiennent aux corps et communautés. À l’égard de ces sortes de fonds, les corps de fonds, les corps de communautés ne forment qu’une personne civile et morale. Il n’y a qu’une propriété : il ne peut dont y avoir qu’un seul rachat. La question ne peut concerner que les propriétés privées des différents particuliers possesseurs dans un même territoire ; et c’est relativement à ces sortes de biens, que l’on demande si le possesseur de l’ancien fief pourra refuser tout rachat particulier, à moins que l’universalité des tenanciers dans la seigneurie, ou dans une paroisse, ou dans un canton, ne se réunissent pour offrir le rachat. On ne peut se dissimuler que les rachats particuliers ne deviennent très-onéreux aux possesseurs actuels des droits féodaux ; mais il n’existe aucune raison qui puisse les autoriser à refuser ces rachats particuliers, non-seulement de chaque débiteur, mais encore de la part de chaque débiteur, pour un tel fonds, plutôt que pour un autre : bien entendu, toutes les fois que les fonds ne partiront pas d’une seule et même concession. Chaque inféodation, chaque bail à cens, ouem-phytéose, est un contrat particulier, n’a rien de commun avec un autre. Le propriétaire qui réunit plusieurs propriétés inféodées ou accensées par des actes différents, représente autant de propriétaires primitifs, et doit jouir du même droit qu’aurait chacun de ces propriétaires. D’ailleurs, obliger les communautés à racheter les droits sur les propriétés assises dans leur territoire, ce serait les obliger à faire des emprunts onéreux, pour se procurer par la voie de la subrogation une propriété nouvelle : ou ce serait rendre fqrcé un rachat qui n’est que de faculté, si les particuliers étaient contraints de contribuer au rachat auquel les communautés jugeraient à propos de se soumettre, souvent pour obliger une personne puissante, et par l’effet d’une intrigue secrète. Les communautés pourraient, sans doute, être autorisées, lorsqu’elles auraient des fonds oisifs, à racheter tous les droits de leur territoire, en se faisant subroger au lieu et place du propriétaire de ces droits; mais ce serait enfreindre l’édit de 1749, en les mettant à portée d’acquérir ainsi des propriétés foncières. Quatrième question. 11 ne peut y avoir d’exception au principe, qui permet à chaque propriétaire de libérer son fonds, que le cas où un même fonds se trouve chargé d’un cens ou autre redevance solidaire. Le décret du 4 août, en déduisant tout ce qui n’appartenait qu’à des distinctions honorifiques, ou à une puissance réelle ou personnelle, contraire à l’égalité naturelle et sociale, a voulu conserver le droit sacré des propriétés. L’Assemblée nationale l’a voulu, et n’aurait pas pu ne le pas vouloir, parce que la justice est supérieure à toutes les puissances, et parce qu’aucune autorité n’a le droit de faire ce qui serait injuste. Autoriser l’un des co-tenanciers, soumis à une directe solidaire, à ne racheter que la portion qu’il possède dans le fonds sujet à cette directe, ce serait blesser les premières règles de la justice. Toutes les conditions du contrat qui fonde ma propriété, forment une portion de cette même propriété. Si vous retranchez de ma propriété i’une des conditions qui l’accompagnent, qui l’affermissent, qui la rendent plus avantageuse, vous l’altérez, vous la dénaturez. La solidité d’une redevance est certainement un accessoire très-avantageux de cette propriété : c’est la condition sine qua non; le fonds a été concédé. C’était une condition légitime, puisque tout vendeur peut opposer à sa cession telle loi qu’il juge à propos. il nous paraît donc certain que le propriétaire du fief ne peut être forcé de recevoir le rachat partiel des redevances qui sont solidaires sur un fonds. Questions incidentes à la quatrième. Mais de cette décision même naissent deux questions nouvelles. 1° — Si les co-redevables d’un cens solidaire ne veulent pas se réunir pour en faire le rachat, qu’arrivera-t-il? En résultera-t-il qqe celui ou ceux qui voudraient sortir entièrement du régime féodal, qui auraient un intérêt à le faire, ne pourront point y parvenir? Nous pensons que celui ou ceux qui voudront se racheter, le pourront, en remboursant le capital entier des redevances solidaires, et en se faisant subroger aux droits du créancier remboursé, pour se faire payer par les autres co-tenanciers de leur portion dans la redevance solidaire, déduction faite de la portion de celui qui aura fait le rachat. 2° Mais ce co-tenancier solidaire sera-t-il obligé, en remboursant la totalité de la redevance solidaire, en remboursant en même temps tous les droits casuels sur son propre fonds, de rembourser encore ces mêmes droits casuels sur toutes les autres portions de ses co-tenanciers? C’est ici une question beaucoup plus difficile ; mais, comme elle tient à la dernière des cinq questions principales que nous avons annoncées, nous en allons différer l’examen après la discussion de cette dernière question. Cinquième et dernière question. Cette dernière question est celle de savoir si le propriétaire d’un fonds soumis aune directe féodale ou een-suelle, pourra être admis à rembourser les cens ou redevances seigneuriales annuelles sans être 632 (Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 septembre 1789.] obligé de racheter en même temps le fonds des droits casuels? La solution de cette question générale nous paraît devoir sortir du même principe que nous avons posé sur la précédente. Les conditions fondamentales sous lesquelles un propriétaire a concédé son fonds font partie du prix qu'il a stipulé, en formant un droit de propriété dans la main du bailleur ; droit que la loi ne peut jamais détruire, même sous prétexte d’utilité publique, qu’en procurant au propriétaire une indemnité entière. L’ancien propriétaire du fief n’a aliéné une portion de son domaine, que sous la double condition d’une redevance annuelle et de prestations casuelles en certains cas. Ces deux conditions sont la loi indivisible sous laquelle le censitaire ouïe vassal avaient acquis leur propriété; il ne peut donc affranchir son héritage qu’autant qu’il rachète toutes les conditions indivisibles sous lesquelles il est devenu propriétaire. Le même principe semblerait devoir décider la question secondaire de la quatrième question, dont nous avons réservé la discussion à cette époque. La condition des droits casuels étant indivisible de la condition du service du cens qui n’est que le signe représentatif de la directe, comment pourrait-on obliger le propriétaire de cette directe indivisible à en souffrir le rachat partiel ? Souvent le ténement soumis à une directe indivisible n’a été originairement concédé qu'à un seul propriétaire. La multiplication postérieure des propriétaires a-t-elle pu changer la condition, ou le sort de celui qui a concédé le fonds? Nous ne pouvons cependant dissimuler que cette question peut souffrir beaucoup de difficulté. 11 serait bien dur d’assujettir un seul des co-tenanciers, qui désirera affranchir sa portion, à racheter même les droits casuels sur la portion des autres : quoique la directe soit indivisible sur le ténement, la prestation des droits casuels n’est point par sa nature indivisible. Chacun ne supporte cette charge qu’autant qu’il aliène, ou qu’il acquiert par une mutation qui le soumet à des droits ; dès-lors on peut soutenir avec quelque raison que le rachat des droits casuels peut être susceptible de la même division dont la prestation du droit est elle-même susceptible. Nous n’osons point prononcer sur cette question, et nous la soumettons aux lumières du comité. QUATRIÈME SECTION. Effet du rachat reçu par l’arrière-vassal, relativement au vassal dominant. Le rachat n’est que de pure faculté : c'est la décision textuelle du décret. De là une conséquence certaine : celui qui possède un fief n’est point obligé de racheter la mouvance, s’il ne le juge à propos, et doit avoir la liberté de ne le faire que lorsqu’il le jugera à propos. Mais, si d’un côté le possesseur de fief ne veut pas se racheter, et si le même possesseur de fief, d’un autre côté, reste maître de recevoir tous les rachats qui pourront lui être offerts, soit de la part de ceux qui tiennent un fief de lui, soit de la part des censitaires, comme il restera en même temps maître de consumer ad libitum le produit de ces rachats, il en résultera qu’il pourra diminuer considérablement la valeur de son fief; il pourra même l’anéantir totalement si ce fief n’a j point de domaines corporels, et ne consiste qu’en droits incorporels de directe sur des arrière-fiefs, ou des censives. Cependant le propriétaire du fief dominant n’a d’autre garantie de la perception de ses redevances annuelles et de ses droits casuels sur le fief servant, ainsi que du rachat, qui seul en peut faire cesser la perception, que ce fief même et sa valeur actuelle. La directe, dont le propriétaire reçoit le rachat, est une portion intégrante de son fief. Un corps féodal, qui consiste dans un domaine corporel de 6,000 livres, est une propriété de 12,000 livres, divisée en deux parties ; ces deux parties ne forment, relativement au seigneur dominant, qu’un seul corps, le complexus feodalis, le corps de fief, soumis aux droits dont le fief entier est grevé. Si le vassal pouvait aliéner purement et simplement, par l’effet du rachat, la seconde moitié de ce fief, le fief supérieur n’aurait plus pour garantie de ses droits qu’une propriété de 6,000 livres, au lieu d’un gage de 12,000 livres. Il est donc évident que l’on pourrait exposer le fief supérieur à voir tous ses droits perdus et anéantis, si l’on n’obligeait pas le propriétaire du fief inférieur à se racheter lui-même sur l’objet dont il recevra le rachat. Cette circonstance paraît devoir faire fléchir la règle générale, qui veut que le rachat ne soit que de pure faculté. Nous estimons donc que le propriétaire inférieur doit être obligé de se racheter lui-même dans la proportion des droits dont il recevra le rachat sur les fiefs mouvants de lui, ou sur les censitaires : c’est-à-dire qu’il sera obligé de payer au seigneur propriétaire du fief dont il relève lui-même le rachat de propriété qu’il aura perdue par l’effet du rachat qu’il aura reçu. L’opération sera fort simple. La somme à laquelle aura été fixé le rachat payé au fief inférieur, formera l’estimation de cette portion du fief inférieur; cette somme sera divisée par le dividende de 50 ou 60 ans, qui formera la règle générale des rachats; ce dividende donnera une année commune de revenu, à laquelle on appliquera le denier du capital qui aura été fixé par chaque département. Ce que nous disons du fief inférieur vis-à-vis du fief dominant s’appliquera successivement dans tous les degrés de la hiérarchie féodale, à tous les fiefs, jusqu’aux domaines de la couronne, auxquels se termine l’échelle féodale; en sorte que le rachat, opéré au premier degré inférieur de l’échelle, opérera des rachats successifs, et toujours décroissants jusqu’au dernier degré supérieur. Pour assurer ce rachat graduel, il conviendra d’ordonner que nul ne pourra recevoir un rachat de son vassal, ou censitaire immédiat, sans appeler le propriétaire du fief supérieur. CINQUIÈME SECTION. Des droits d’échange. Quelques coutumes assujettissent les échanges aux mêmes droits que les ventes; et dans ces coutumes, il est évident que cette espèce de droit casuel entre dans le rachat général des droits féodaux ou censuels permis par le décret du 4 août. Mais la presque universalité des coutumes n’assujettit les aliénations par échange qu’à un droit de relief. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 septembre 1789.] 633 Deux édits de 1645 et 1674 ont ordonné que * les droits seigneuriaux qu’établissent les cou-« tûmes relativement aux mutations par ventes, « seraient aussi payés à l’avenir au roi pour les « mutations par échanges d’immeubles, soit qu’ils « fussent dans la mouvance du roi ou des sei-« gneurs particuliers. » Ce droit sur les échanges a été vendu au prolit du roi dans les seigneuries qui n’étaient pas de sa mouvance. L’édit de 1674 et plusieurs autres édits postérieurs ont accordé aux seigneurs particuliers la préférence pour l’acquisition de ces droits d’échange dans t’étendue de leurs seigneuries ; mais, à leur défaut, il en a été vendu à des particuliers, non-seulement étrangers aux seigneuries dans lesquelles ils les Achetaient, mais même qui n’y possédaient ni fief ni domaine. Soit que ces droits soient possédés par les propriétaires des seigneurs, soit qu’ils soient possédés par des étrangers, il est évident que ces droits ne font point partie des droits féodaux casuels, qu’ils ne dérivent pas du contrat féodal et cen-suel, et qu’ils n’ont d’autre base et d’autre origine que les lois fiscales et bursales, qui en ont fait un véritable impôt perçu au profit du roi, ou par ceux auquets le roi a vendu le droit de les percevoir. Sous ce point de vue, il est certain que cette espèce d’impôt n’est point dans le cas d’entrer en considération dans le rachat des droits et devoirs féodaux, ou ceusuels permis par le décret du 4 août ; mais il paraît nécessaire de prendre un parti quelconque au sujet de ces droits d’échange. Subsisteront-ils? Et si on les supprime, comment et par qui seronl-ils rachetés ? Il ne paraît guère possible de laisser subsister ces droits, qui ont, pour la liberté des fonds et de leur commerce, les mêmes inconvénients que les véritables droits féodaux. Mais, en les supprimant quel parti prendra-t-on ? Ceux qui les possèdent les tiennent à titre onéreux, et moyennant une finance, on ne peut donc les leur retirer qu’en leur remboursant au moins le prix de cette finance. Il ne paraît pas possible d’obliger les redevables à racheter ces droits. Il est contre la nature d’un impôt d’être rachetable; il doit subsister s’il est juste; il doit être supprimé purement et simulent, s’il est injuste. Celui dont il s’agit porte un caractère d’injustice, en ce qu’il ne porte que sur une classe de citoyens (ceux qui sont dans le régime féodal), et que tout impôt doit être commun à tous les citoyens quelconques. Il n’y a donc pas d’autre parti à prendre que de faire rembourser par l’Etat aux acquéreurs de ces droits le prix de leurs finances; et ce remboursement, à l’égard de ceux qui sont sous la mouvance immédiate des domaines de la Couronne, pourra s’opérer naturellement par une compensation avec les rachats que les vassaux seront dans le cas de faire. TABLEAU des différents usages qui avaient lieu dans les diverses cours souveraines du royaume sur le mode et le prix de l’indemnité que devaient les gens de mainmorte aux seigneurs féodaux ou censîers. PARLEMENT DE PARIS. Le Parlement de Paris seul nous offre une grande variété dans l’usage et la forme de l’indemnité à laquelle étaient assujettis les gens de mainmorte. Cette variété résultait de l’immensité de son ressort, de ce que dans ce ressort on trouvait des pays de coutumes et des pays de droit écrit ; de ce que parmi les coutumes il y en avait de muettes et d’autres qui s’expliquaient sur la question; enfin, de ce que les coutumes qui avaient prévu la question avaient établi des règles différentes. Des soixante coutumes principales ou environ qui partageaient le ressort du Parlement de Paris, il n’y en avait que huit qui s’expliquaient sur la question de l’indemnité, et ces coutumes admettaient deux espèces d’indemnités: une en argent pour l’indemnité des non-mutations qui n’ouvrent que des droits de rachat et de relief; et cette seconde indemnité consistait à obliger la mainmorte à fournir un homme vivant et mourant, dont le décès donnait ouverture à ces sortes de droits. Plusieurs autres parlaient de l’homme vivant et mourant, mais ne parlaient pas de l’indemnité en argent: et par cette raison, eltes étaient rangées dans la classe des coutumes muettes. Les coutumes qui admettaient la double indemnité ne s’accordaient point sur le taux de l’indemnité en argent; les unes donnaient pour indemnité le cinquième de la valeur du fonds tenu en fief ; les autres ne donnaient que le sixième, ou trois années de revenu. Quoi qu’il en soit, l'on voit que dans toutes ces coutumes, Je seigneur, outre le droit ouvert par l’acquisition , recevait un second droit pour indemnité, et qu’il conservait en outre le droit de rachat par l'effet de l’homme vivant et mourant. N’y ayant dans le ressort du Parlement de Paris que huit coutumes qui eussent fixé l’indemnité, il a fallu former une règle générale pour toutes les coutumes muettes ; et ce qui s’est passé à cet égard mérite une singulière attention. Très-anciennement (du temps de Dumoulin et de Loysel) on ne donnait au seigneur, pour toute indemnité, que l’homme vivant et mourant, dont le décès donnait ouverture au droit de relief. Il y avait injustice, puisque ce genre d’indemnité ne pouvait pas représenter le droit de quint et de requint auquel les ventes auraient donné ouverture. Cet usage fut changé du temps de Baquet. La jurisprudence accorda au seigneur, outre l’homme vivant et mourant, le cinquième de la valeur des fonds. La jurisprudence accorda la même indemnité en argent pour les rotures, et il n’y avait d’autre différence entre les fiefs et les rotures qu’en ce que, pour les fiefs, le seigneur avait de plus l’homme vivant et mourant. Les seigneurs réclamèrent encore, et prétendirent qu’il était injuste de ne leur donner que la même indemnité des mutations par vente, pour les fiefs comme pour les rotures, les droits pour les fiefs étaient infiniment plus forts. Un arrêt de 1581 accorda à un seigneur, pour l’indemnité en argent, le tiers de la valeur du fief, et en outre, l’homme vivant et mourant avec profit. On appelait ainsi celui dont le décès faisait ouverture au droit de relief, à la différence de celui qui n’était donné que pour servir la foi, qui s’appelait sans profit. L’arrêt de 1581 ne devait pas certainement servir de loi générale, attendu qu’il avait été rendu pour une coutume particulière dans laquelle les 634 [Assemblée nationale.] ARpHJVES PARLEMENTAIRES. [12 septembre 1789.] droits utiles, casuels, sont très-cpnsidérat|Ies, le quint y ayant lieu, même en donation. Cependant, presque tous les auteurs qp] ont écrit depuis, ont fait de cet arrêt une loi générale, et ont pris pour principe qu’en iiefs le droit d’indemnité était du tiers de là valeur du fonds, avec l'homme vivant et mourant avec profit. Plusieurs réclamations élevées par les gens de mainmorte avec profit n’avait lieu que quand l’indemnité n’avait été payée qu’au cinquième. Ainsi, relativement au pays coutumier du ressort du Parlement de Paris, il y avait trois usages : 1° Suivant le droit commun pour toutes les coutumes muettes, l’indemnité pour les fiefs était ou du tiers de la valeur du fief, sans aucnn profit de relief, l’homme vivant et mourant n’étant alors donné que pour faire la foi et les autres services honorifiques; ou du cinquième de la valeur du fief, avec l’homme vivant et mourant donnant ouverture au relief par son décès ; 2° Dans quelques coutumes l’indemnité était au cinquième avec l’homme vivant et mourant donnant ouverture au relief ; 3° Dans quelques autres, l’indemnité n’était qu’au sixième, avec homme vivant et mourant donnant ouverture au fief. On peut joindre encore à ces usages celui qui s'était introduit en Artois, province dans laquelle, outre le droit dû par l’acquisition, le seigneur recevait, pour indemnité, un second quint et un troisième droit de quint tous les quarante ans. Cet usage était fondé sur ce que les droits casuels sont très-forts dans cette coutume, qui donne le quint en donation. A l’égard des rotures, le droit commun dans le ressort du Parlement de Paris était du cinquième de la valeur du fonds. Enfin il faut observer que sur la totalité de ces indemnités en argent, on déduisait un sixième en faveur des seigneurs hauts-justiciers, quand la directe et la justice n’appartenaient pas au même seigneur. A l’égard du pays de droit écrit du ressort du Parlement de Paris ( tels que le Lyonnais, le Forez, le Beaujolais, le Maçonnais), comme les fiefs y sont sans projet, on ne voit point d’usage d’indemnité popr les fiefs ; mais il paraît qu’à l’égard des emphytéotes sujets à un lods, l’usage a varié, l’indemnité étant tantôt du sixième en argent, tantôt d’un homme vivant et mourant, tantôt d’un lods treiilenaire. Tels étaient les différents usages des différents pays sujets au ressort du Parlement de Paris ; à l’égard des autres Parlements, le détail sera bien moins considérable. PARLEMENT DE BRETAGNE. Rennes. Ce Parlement paraît avoir adopté pour les fiefs comme pour les rotures l’usage du Parlement de Paris relatif aux fiefs, c’est-à-dire ou l’indemnité au cinquième avec l’homme vivant et mourant, ou l’indemnité au tiers sans droit de rachat. L’indemnité dans cette proviùce était la même pour les rotures et pour les Iiefs, parce que les uns et les autres sont tenus des mêmes charges ; mais il semble que le taux de l’indemnité n’y aurait pas dû être aussi fort qu’à Paris, puisque les ventes n’y sont qu’au huitième. Il est vrai qu’il y a des seigneuries où le rachat est dû à toute mutation. PARLEMENT DE NORMANDIE. Rouen. Le règlement de 1666 y a fixé l’indemnité pour les fiefs au tiers, avec l’homme vivant et mourant, et même confisquant, et au quart pour les rotures. Cet usage paraîtra bien extraordinaire si l’on considère : 1° que les fiefs comme les rotures ne doivent dans cette province pour vente que le treizième, qui revient au douzième ; 2° Que les rotures doivent, comme les fiefs, les reliefs pour succession ; 3° Que les fiefs doivent à la vérité, en cas de vente, un relief outre le treizième, mais que ce relief est fixé par la coutume à une somme très-faible, soit pour le cas de vente, soit pour celui de succession. D’après cela on pe peut concevoir ni pourquoi le règlement a établi une différence si grande entre les fiefs et les rotures, ni pourquoi l’indemnité pour les fiefs a été fixée à un taux si haut. Il est vrai qu’en Normandie les fiefs y jouissent de droits qui n’appartiennent ailleurs qu’aux seigneurs hauts-justiciers, tels que les droits de confiscation, déshérence, bâtardise, ligne éteinte, droit de vacances en tous genres, épars, etc. Ces droits, surtout celui de la ligne éteinte, peuvent mériter quelque considération. PARLEMENT DE DIJON. Dijon. Le ressort de ce Parlement comprend up pays de coutume et des pays de pur droit éprit, tels que la Bresse , le Bugey, le Valromey et Gex . Dans le pays de coutume, les fiefs sopt de pur honneur et ne doivent aucun profit ; ipais lés fiels y sont de danger. Ceux du pays de Bugey sont également d’honneur. En Bresse il y a des seigneuries ou les fiefs doivent lods en cas de vente, et d autres où ils sont sujets au droit de retour par l’extinction de la ligne masculine. Quant aux rotures, on distingue trois sortes de cens ; 1° le cens dû au seigneur haut-justicier, lequel n’emporte point lods et retenue, s’il n’y a titre ou possession immémoriale ; 2° Gens emphytéotique, qui emporte lods et retenue ; 3° Certs simple, qui n’est qu’une rente foncière. Les lods sqnt communément au deuxième. Les auteurs de ce Parlement ne nous offrent aucune règle d’indemnité pour les acquisitions faites par les gens de mainmorte. Il n’eq pouvait être dp que pour ceux des fiefs sujets à profit 1 apparemment que les occasions en ont été rares, et que les seigneurs se sont arrangés à l’amiable, quand l’occasion s’en est présentée, puisque les livres ne nous offrent aucune trace de jurisprudence à cet égard. Quant aux rotures, Ravot et Bannelier ne sont point d’accord ; le premier suppose une indemnité en argent au cinquième; Bannelier dit que la coutume ne la fixant ni au cinquième, ni au sixième, ni à aucune quotité, il faut s’en tenir aux droits ordinaires des mutations qui-ont lieu dans le commerce ; et que les mains-mortes ne donnant point ouverture à ces mutations, il faut leur faire donner un homme vivant ou mourant qui, par son décès, doqne ouverture atix lods, op [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 septembre 1789.] 638 leur faire payer un lotis sur estimation par experts tous les vingt ou vingt-cinq ans, ou répartir un lods sur vingt ans, et eu grossir le cens annuel, ou enfin arbitrer de gré à gré une somme une fois payée. Ainsi il paraît qu’il n’y a point d’usage constant dans ce Parlement. PARLEMENT DE FLANDRE. Douay. Son ressort s’étend sur un pays de coutume dont les droits féodaux sont fort variés. Nous ne trouvons poipt d’autres renseignements sur l'usage de ce Parlement, quant à l’indemnité due par les gens de mainmorte, que l’arrêt du 12 août 1697 qui a jugé, suivant Pi-nault, que ce droit était évalué à un droit de quint payable tous les trente ans. CONSEIL SOUVERAIN DE COLMAR. Colmar. Goëssmann , en 'son Traité du droit commun des fiefs d'Alsace , t. II, p. 126, assure que le droit d’indemnité est inconnu en Alsace. PARLEMENT DE METZ ET DE NANCY. Metz et Nancy. Je n’ai pu découvrir aucune preuve de l’usage du Parlement de Metz. Il en est de même de la cour souveraine de Nancy, où les fiefs sont régis par le livre des fiefs et le droit des fiefs d’Allemagne. BESANÇON. Besançon. Ce pays est aussi régi en partie par la coutume du Comté, et pour le surplus par le pays de droit écrit. Une déclaration du 18 mars 1732 a fixé dans cette province l’indemnité à l’égard du Roi au dixième pour les fiefs et à un lods tous les vingt-neuf ans pour les rotures, avec la déduction du dixième pour le seigneur haut-justicier. Le préambule de cette déclaration annonce que le Roi a fixé l’indemnité à son égard sur le même pied qui était en usage dans cette province pour l’indemnité due aux seigneurs. PARLEMENT DE GRENOBLE. Grenoble. Dans le ressort de ce Parlement, les fiefs y sont de profit et de danger ; mais ils ne sont sujets qu’aux mêmes droits de ventes que les rotures tenues en emphytéose. Ces droits sont un lods dont la quotité varie à l’infini, étant tantôt du tiers denier, du quart, du quint, du sixième, du douzième, du treizième, du vingtième, et même du quarantième. Le tiers denier se prend en montant, en sorte que le tiers équipolle à la moitié du prix, 50 liv. pour 100 liv. Mais les autres quotités sont hors du prix. Le seigneur haut-justicier prend le tiers des lods sur les fonds qui sont arrosés par les petites rivières de la seigneurie. Il n’y a point, en général, de relief pour les mutations par succession, et pour les donations par échange. Il n’y a que mi-lods, mais en quel-ues seigneuries on connaît le fiait, qui est un roit dû à toutes mutations, même celles du seigneur ; mais ce n’est point le revenu d’une année ; ce n’est qu’une redevance dont la quotité varie, excepté le fiait à merci, qui est le revenu d’une année... Un ancien règlement de 1532 avait fixé pour les domaines du roi l’indemnité due par les gens de mainmorte aux doubles lods pour les fiefs ; et à l’égard des fonds tenus à emphytéose, ils étaient en outre sujets à un doublement de cens tous les dix ans, en sorte que par trente ans le doublement montait autant que vaudraient lés lods. Ce doublement ne pouvait produire cet effet, lorsque le cens était en deniers et de peu de valeur: c’est ce qui a fait que l’on a abandonné cet ancien règlement, et l’usage actuel (au moins au temps auquel écrivait Salvaing) était d’obliger la mainmorte à payer un lods tous les vingt ans, et de fournir homme vivant et mourant dont le décès donnait ouverture aux lods. PARLEMENT DE TOULOUSE. Toulouse. Le ressort de cette province étant régi par le pur droit écrit, les fiefs y sont sans profit, s’il n’y a titre contraire. Les censives ou emphvtéoses sont sujettes aux lods encasde vente, et en outre au droit d’acapte et arrière-acapte droit qui se paye à toute mutation autre que par vente, tant de la part du vassal que du seigneur. La quotité de ce droit varie suivant les titres des différents seigneurs ’• communément il est un doublement des redevances annuelles. La mainmorte doit pour indemnité des acaptes et arrière-acaptes un homme vivant et mourant, et pour l’indemnité des lods, une somme en argent, qui, se règle à l’amiable, ou par experts. parlement de bordeaux. Bordeaux. On distingue, dans le ressort de ce Parlement, le pays de coutume et le pays de droit écrit. Dans la coutume, les ventes sont au huitième denier, mais ne sont dues que sur les rotures et non sur les fiefs, s’il n’y a titre, ou possession ; il paraît qu’on ne reconnaît point le droit de rachat. L’usage pour l’indemnité, soit des fiefs qui donnent profit, soit des rotures, paraît fort incertain . Suivant Dupin en sa note sur Automne, et le second annotateur de la Peyrère, au mot Amortissement , l’usage constant est ou de fixer l’indemnité au tiers du prix du fief, et au quint pour les rotures, ou de donner un droit de lods et ventes tous les trente ans, ou de fournir l’homme vivant et mourant. Le deuxième annotateur de la Peyrère cite même un arrêt du 6 septembre 1677, à l’appui de sa décision. Mais une seconde noté de Dupin suppose qu’un arrêt du 27 juin 1692 a fixé l’indemnité à un double lods, outre celui produit pàr là mutation. Quoi qu’il en soit, toutes ces fixations paraissent fort arbitraires : pourquoi y àurait-il une différence entre les fiefs et les rotures, puisque les fiefs qui sont de profit ne doiveqt pas plus que les rotures? 11 n’y a aucune proportion entre le tiers ou le quiht du prix, et un lods tous les trente ans, puisque le lods n’est qu’au huitième, ni entre les doubles lods, et le tiers ou le quint du prix. 636 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 septembre 1789.] PARLEMENT DE PROVENCE. Aix. Les fiefs étant sans profit, à moins qu’il n’y ait titre ou possession, il n’y a d’usage que pour les biens tenus à emphytéose, qui doivent lods au treizième, excepté certaines seigneuries dout les titres donnent double droit. Dans ce parlement, l’usage était de fixer l’indemnité à un droit demi-lods tous les dix ans, ou à un lods tous les vingt ans, ou obliger la mainmorte à donner un homme vivant et mourant. PARLEMENT DE PAU. Je n’ai pu découvrir aucune trace de l’usage adopté dans ce parlement. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE STANISLAS DE CLERMONT-TONNERRE. Séance du lundi 14 septembre 1789, au matin (1). Il a été annoncé que M. le comte Stanislas de Clermont-Tonnerre a été nommé président à la majorité des voix prises au scrutin, et que les trois nouveaux secrétaires sont MM. l’abbé d’Eymar, Démeunier et le vicomte de Mirabeau. M. de Clermont-Tonnerre dit : Messieurs, destiné pour la seconde fois, par vos suffrages, à l’honneur de présider l’Assemblée nationale, ce qui eut plus que payé les services de ma vie entière, devient l’encouragement de ma jeunesse. Je me flatte de mériter un jour ce que vous faites aujourd’hui pour moi. Vos bontés, Messieurs. doublent mon obligation; elles n’ajoutent rien à mon zèle ; je ne forme qu’un seul vœu : c’est qu’elles puissent doubler mes forces. M. le Président a annoncé à l’Assemblée trois différentes offres faites à la nation, pour être versées dans la caisse patriotique ; la première, de deux mille quatre cent livres, par un député qui a désiré de n’être pas nommé; la seconde, par M. Monnier, huissier, commissaire-priseur à Paris, qui a remis deux billets delà Caisse d’escompte, de 300 livres chacun; le troisième, de vingt-cinq louis d’or, par M. Trenel le jeune, juif de nation, membre du district des Carmélites. Lecture a été faite des procès-verbaux des séances des 11 et 12 septembre, et de différentes délibérations et adresses d’adhésion; de reconnaissance et de respect de la part du bourg de l’Auxois, de la ville de Sumène en Gévènes, de la ville de Pont-de-Cémarès en Haute-Guyenne, de la ville de Graponne, en Vélay, de la ville de Richelieu, de la viguerie de Draguignan en Provence, des religieux Bénédictins de l’abbaye de St. -Bénigne de Dijon, de la municipalité du bourg de St.-Pierre-sur-Dives en Normandie, de la ville d’Abbeville ; de M. Salomon, lieutenant-général du présidial de Montélimart, qui renonce aux émoluments et à des droits de farnage et d’octroi attachés à sa charge; de la ville de Riez en Provence, qui demande une justice royale; de la ville et vallée de Campan en Bi-gorre, du consul permanent d’Aubenas, et des électeurs de la ville et juridiction de Bourg en Guyenne. M. le Président, après ces lectures, a annoncé que M. Ozeray, citoyen de Chartres, avait fait conduire à Versailles dix-huit setiers de blé pour y être vendus, et le prix versé dans la caisse patriotique. Le sieur Ozeray, étant présent, a été introduit dans la salle; l’Assemblée lui a accordé une place d’honneur pendant sa séance. M. le Président lui dit : Monsieur, tous les actes de patriotisme sont précieux aux yeux de l’Assemblée nationale ; le vôtre mérite son approbation sous un double aspect : vous avez apporté du blé dans cette ville, et vous avez consenti qu’il soit vendu, et le prix versé dans la caisse patriotique. L’Assemblée nationale vous témoigne sa satisfaction, et vous accorde une place dans cette séance. Deux questions sont soumises à l’ordre du jour : 1° Le renouvellement des membres de chaque législature se fera-t-il ën tout ou en partie ? 2° Dans le cas où le refus du Roi aura lieu comme suspensif, pendant quel temps ce refus pourra-t-il durer? Sera-ce pendant une ou plusieurs législatures ? Sur la première question, les voix ayant été prises par assis et levé, il a été décrété que le renouvellement des membres de chaque législature serait fait en totalité. Lorsqu’on allait délibérer sur la seconde question, M. Barnave a demandé la parole. M. Barnave. Je crois, Messieurs, que nous devons savoir à quoi nous en tenir relativement aux arrêtés du 4 août. 11 a été dit samedi qu’ils seraient présentés à la sanction : mais il n’y a rien de statué quant à la forme de cette présentation. Il n’est pas encore décidé si ces arrêtés seront soumis au veto suspensif, comme les lois qui seront faites par les autres législatures. Il faut bien les distinguer de toutes autres lois ; 1° parce qu’ils sont faits par une Assemblée qui réunit le pouvoir constituant au pouvoir constitué ; 2° parce qu’ils touchent à la Constitution. 11 serait fâcheux qu’ils fussent arrêtés par !e veto suspensif, parce qu’ils ont été publics, et que le peuple les a reçus avec des transports de joie universelle. Je crois donc que nous devons surseoir à l’ordre du jour jusqu’à ce que nous ayons statué sur les arrêtés du 4 août, soit que nous décidions qu’ils seront sanctionnés purement et simplement, soit que nous décidions qu’ils seront soumis au veto suspensif. M. le comte de Mirabeau . Il n’est pas nécessaire de mettre en question si les arrêtés du 4 août doivent être sanctionnés ; certainement ce point-là est jugé, et nous ne prétendons pas le remettre en question. Il fallait sans doute les promulguer plus tôt; ce n’était pas obscurcir le travail de la Constitution, c’était au contraire le rendre moins difficile. Il paraît impossible dans ce moment d’en susprendre plus longtemps la promulgation ; tous les esprits ne sont que trop inflammables. Les arrêtés du 4 août sont rédigés par le pouvoir constituant ; dès lors ils ne peuvent être soumis à la sanction ; et, permettez-moi (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.