[Etats généraux.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [19 juin 1789.] 133 MM. Charrier de la Roche, curé d’Aynay, sénéchaussée de Lyon. De Varelles, curé de Marolles, bailliage de Villers-Cotterets. Garnier, recteur de Notre-Dame-de-Dol, évêché de Dol de Bretagne. Guiraudez de Saint-Mezare, archiprêtre de Laver-dina, sénéchaussée d’Auch. Bonnet, curé de Villefort, sénéchaussée de Nîmes. Hunault, recteur de Billé, sénéchaussée de Rennes. NOBLESSE. On soumet à l’examen de la Chambre le projet de discours à adresser au Roi, relativement à la dernière réponse de Sa Majesté. La Chambre adopte celui qui suit, proposé par M. de Croï. « Sire, l’ordre de la noblesse peut enfin porter au pied du trône l’hommage solennel de son respect et de son amour; la bonté et la justice de Votre Majesté ont restitué à la nation des droits I trop longtemps méconnus. Qu’il est doux pour nous d’avoir à présenter au plus juste et au meilleur des Rois le témoignage éclatant des sentiments dont nous sommes pénétrés! « Interprètes en ce moment de la noblesse française, c’est en son nom que nous jurons à Votre Majesté une reconnaissance, un amour sans bornes, un respect et une fidélité inviolable pour sa personne sacrée, pour son autorité légitime et pour son auguste maison royale. , « Ces sentiments sont et seront éternellement ceux de l’ordre de la noblesse. Pourquoi faut-il que la douleur vienne se mêler aux sentiments dont elle est pénétrée? « L’esprit d’innovation menace les lois constitutionnelles; l’ordre de la noblesse réclame les principes : il a suivi la loi et les usages. J « Les ministres de Votre Majesté ont porté de sa part aux conférences un plan de conciliation; Votre Majesté a demandé que ce plan fut adopté, ou un autre, et a permis de prendre les précautions convenables. L’ordre de la noblesse les a prises et suivies conformément aux vrais principes dont il était pénétré; il a présenté .son arrêté à ce sujet à Votre Majesté, et même il l’a déposé entre ses mains : elle aurait désiré y voir plus de déférence. « Ah ! Sire, c’est à votre cœur seul que l’ordre de la noblesse en appelle. Sensiblement affectés, mais constamment fidèles, la pureté de nos motifs, la vérité de nos principes nous donneront toujours des droits à vos bontés : vos vertus personnelles fondèrent toujours nos espérances. ! « Les députés de l’ordre du tiers-état ont cru pouvoir concentrer en eux seuls l’autorité des Etats généraux , sans attendre le concours des : trois ordres et la sanction de Votre Majesté ; ils ont cru pouvoir convertir leurs décrets en lois; ils en ont ordonné l’impression, la publicité et l’en-: voi dans les provinces ; ils ont détruit les impôts ; îils les ont recréés; ils ont pensé, sans doute, ! pouvoir s’attribuer les droits du Roi et des trois ordres. C’est entre les mains de Votre Majesté même que nous déposerons nos protestations, et nous n’aurons jamais de désir plus ardent que de concourir au bien d’un peuple dont Votre Majesté fait son bonheur d’être aimé. '< Si les droits que nous défendons nous étaient purement personnels, s’ils n’intéressaient que l’ordre de la noblesse, notre zèle à les réclamer, notre constance à les soutenir auraient moins d’énergie. Ce ne sont pas nos intérêts seuls que ; nous défendons, Sire, ce sont les vôtres, ce sont ceux de l’Etat, ce sont enfin ceux du peuple français . « Sire, le patriotisme et l'amour de leur Roi forment le caractère distinct des gentilshommes de votre royaume; les mandats qu’ils nous ont donnés prouveront qu’ils sont les dignes héritiers des vertus de leurs pères : notre zèle et notre fidélité à les exécuter leur prouveront aussi que nous étions dignes de leur confiance; et, pour la mériter de plus en plus, nous nous occuperons sans relâche des grands objets pour lesquels Votre Majesté nous a convoqués. » La minorité de la noblesse fait la protestation suivante : « Les soussignés, pénétrés du respect le plus profond pour les vertus du Roi, de l’amour le plus inaltérable pour sa personne sacrée et de la reconnaissance la plus vive pour le grand acte de justice qui rétablit la nation dans l’exercice de ses droits, impatients de porter au pied du trône l’hommage de tous leurs sentiments, et de remplir à la fois le vœu de leurs cœurs et celui de leurs commettants, déclarent que c’est avec la douleur la plus vraie qu’ils se voient dans l’impossibilité absolue d’adopter la teneur du discours que la Chambre vient d’arrêter; déclarent qu’ils ont fait tous leurs efforts pour déterminer l’Assemblée à se renfermer dans l’expression simple de ses sentiments pour le Roi, et à écarter de ce discours tout ce qui rappelle l’idée d’une funeste division entre les ordres, pour présenter sur la légalité des impôts des principes admissibles, et indiquer une dénonciation des démarches de l’un des ordres. Profondément affligés de l’inutilité de leurs efforts, les soussignés sont contraints de supplier la Chambre de reconnaître qu’ils ont été dans la minorité de la présente délibération, se réservant de faire connaître à leurs commettants le refus qu’ils font d’adhérer à une démarche qu’ils auraient adoptée avec transport si, sans retracer des principes inconciliants et inexacts, elle n’eût véritablement présenté qu’un hommage pour Sa Majesté. — Signé ; Clermont-Tonnerre, Montesquiou , La Rochefoucauld, d’Aiguillon, Lally-Tollendal, Dupont, de Rochechouart , de Lusignan, Latouche, Pardieu, Liancourt, de La-meth, de Beauharnais, de Broglie, de Montmorency, Wimpfen, de Grillon, de Lacoste, de Tou-longeon, de Latour du Pin, de Croï, Champagny, Phélines, Châtenau, de Puisaie. » La séance est levée. COMMUNES. Un membre fait part à l’Assemblée que la poste a été chargée de trois ballots à l’adresse de M. le duc d’Orléans, du clergé, de la noblesse et des communes; que M. le duc d’Orléans a reçu le sien, et que deux particuliers se sont présentés et ont réclamé ceux de la noblesse et du clergé; que ceux destinés aux communes n’ont pas été remis, et qu’on assure qu’ils ont été déposés à la Chambre syndicale. L’Assemblée charge MM. Hebrard et Labprde de Méréville de prendre à ce sujet toutes les instructions nécessaires, et de lui en rendre compte. M. damus annonce qu’il a fait imprimer les arrêtés du 17, selon les ordres de l’Assemblée, et que 2,400 exemplaires ont été tirés. M. l’abbé Sieyès. Je préviens que dans l’impression de l’arrêté il s’est glissé des erreurs qui doivent en empêcher la distribution. Dans la 134 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [États généraux.] séance du 17 au soir, l’Assemblée, sur mes observations, a consenti d’effacer le mot 'publiquement et les mots connus et vérifiés. M. Camus, chargé de faire imprimer l’arrêté, étant parti pour Paris sur les quatre heures avec une minute dans laquelle les premières fautes existaient, j’ai en conséquence fait faire une seconde copie, telle que l’Assemblée J’a approuvée en dernier lieu ; je rai envoyée sur-le-champ, par mon domestique, à l’imprimeur de Paris : cette copie est signée du second secrétaire et du président, et il est étonnant que M. Camus, qui est allé à Paris pour présider à l’impression, ne se soit pas conformé à cette copie authentique. M. Camus. L’Assemblée m’ayant chargé de faire imprimer sur-le-champ les deux arrêtés pris par l’Assemblée nationale dans la séance du 17 au matin, je suis parti le soir à quatre heures pour remplir ma mission : la copie que j’avais dans les mains est celle que l’Assemblée, par l’organe de ses officiers , m’avait remise ; elle est signée des deux secrétaires et de M. le président. Ce fut cette copie que je portai chez l’imprimeur : j’y passai une partie de la nuit, et, le matin, j’y retournai pour corriger les épreuves. Je fus fort étonné de voir effectivement sur l’épreuve les changements dont M. l’abbé Sieyès vient de parler ; j'en demandai la raison à l’imprimeur, qui me montra la nouvelle copie qu’il a reçue pendant la nuit, et qui me dit s’y être conformé. Alors, ne sachant à quelle version je dois m’en tenir, j’adopte celle que l’Assemblée m’a remise, croyant qu’elle n’aura pas changé ainsi sa délibération sans que M. le président m’en avertît en me disant de m’y conformer. M. l’abbé Sieyès. La copie que j’ai envoyée est tout aussi authentique que celle de M. Camus; au surplus, je demande qu’on supprime les deux mille quatre cents exemplaires. M. Pison du Galand semble se ranger du parti de M. l’abbé Sieyès, en paraissant répéter les reproches qu’il a faits à M. Camus, disant que tant que la délibération n’est pas sur le procès-verbal, on peut la changer. M. Barnave. 11 ne faut attribuer à personne les fautes qui se sont glissées daus les imprimés. M. Camus , étant parti pour Paris, n’a pu connaître les changements faits à Versailles dans la délibération ; on doit même s’empresser de rendre justice à sa prudence, en ne reconnaissant d’autres originaux que celui qui lui est donné; si un secrétaire peut varier et s’en rapporter à toutes les copies qu’on lui présenterait successivement, parce qu’elles lui paraîtraient authentiques, il commettrait une imprudence qui, dans ces circonstances critiques, serait peut-être dangereuse ; il doit s’en rapporter à son mandat, ne point varier ; il doit une obéissance absolue. L’Assemblée, jusque-là indécise, s’empresse de rendre justice à la conduite de son premier secrétaire. L’on décide que les arrêtés imprimés aujourd’hui ne seront pas distribués. M. Guillotiia. J’objecte qu’il y en a quinze mille de répandus dans le public, et qu’il suffit d’y faire mettre un errata. Cet avis n’a pas de suite. M. Bailly annonce que plusieurs membres [19 juin 1789.] ont demandé la parole , et que M. Target a plusieurs motions importantes à soumettre à l’Assemblée. M. Target. Vous avez commencé à donner les preuves de votre désintéressement par la délibération du 17, et la nation reconnaît dans l’Assemblée nationale des hommes dignes de sa confiance. Maintenant, c’est à grands pas que nous devons marcher dans la carrière qui s’ouvre devant nous. Je vais vous proposer des occupations qui doivent continuellement vous mettre en activité. Il me semble que maintenant que nous sommes constitués, nous devons instruire la nation, par une relation exacte de tout ce qui s’est passé depuis le 5 mai jusqu’au moment actuel. Vous avez entre autres ordonné qu’il serait fait un exposé de vos motifs, présenté au Roi et à la nation. Pour remplir ces différents objets, je pense que nous devons établir des comités particuliers, composés de vingt personnes choisies dans les vingt bureaux. Le premier sera chargé de rédiger les ! mémoires, les adresses, les instructions ordonnées par l’Assemblée; le second de veiller sur l’impression des pièces, des écrits qui seront publiés par ordre de l’ Assemblée. Le troisième sera chargé d’entretenir la correspondance que l’Assemblée jugera utile au bien et à l’intérêt public. D’après cet exposé, je propose l’arrêté suivant : « L’Assemblée nationale ordonne et arrête qu’il sera établi t sans délai , un comité composé de vingt membres , pris chacun dans les vingt bureaux; que ce comité s’occupera, sans délai, du récit de ce qui s’est passé après le 5 mai dernier ; elle arrête pareillement qu’à compter de ce jour les actes de l’Assemblée, et le journal de ses séances, seront rendus publics par la voie de l’impression. « Il est important d’ouvrir des comités qui puissent s’occuper et de la recette, et de la dépense, et de la dette publique. Ces comités prépareront d’avance les grandes occupations auxquelles vous êtes sur le point de vous livrer, et ils ne vous rendront compte de leur travail que quand il eu sera temps. » Voici, sur ce, le projet d’arrêté que je vous présente : « L’Assemblée nationale arrête qu’il sera incontinent procédé à la formation de trois comités, composés de vingt personnes prises dans les vingt bureaux; que ces trois comités se livreront provisoirement à l’examen préparatoire des objets relatifs à la recette des revenus publics, à la dépense, à la dette. » Vous sentez, Messieurs , la nécessité indispensable de former un comité que le malheur du moment rend encore plus pressant que ceux dont je viens de vous entretenir. Ce comité, vous l’avez déjà arrêté le 17 du présent mois pour la recherche des causes de la cherté des grains. Je pense qu’il est nécessaire de rédiger une adresse au Roi pour la communication des pièces, états , renseignements nécessaires pour l’instruction des affaires renvoyées à ce comité. Par la même adresse, le Roi sera supplié que l’Assemblée nationale corresponde directement avec Sa Majesté; honneur qui rejaillit sur le souverain, qui appartient à la dignité de la nation, et qui enfin est conforme aux anciens usages et à l’antique constitution de la monarchie. Je propose d’établir encore un comité supérieur à tous ceux dont nous venons de parler. « L’Assemblée nationale arrête que la division