(Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (6 novembre 1790.J 29$ ils ont tenté la surprise des places fortes de Calvi, d’Ajaccio, Bonifacio et de Gorte. Les bons citoyens dévoués à la Constitution et au roi, qui n’aspiraient qu’à voir les décrets en vigueur, livrés alors aux impostures et à la diffamation, aujourd’hui à la haine et à l’animosité, sont dans la consternation, exposés aux outrages, aux cachots, à l’exil et à la barbarie d’un despotisme révoltant, pour le crime honorable d’être partisans de la France. Gomment l’Assemblée nationale, comment les ministres du roi ont-ils pu être induits en erreur, et penser que des hommes, qui ont été plus de vingt ans a la solde de l’Angleterre, qu’elle entretient peut-être encore en secret, deviendront tout à coup bons Français ? Est-il juste, est-il convenable, est-il politique de leur accorder la confiance qu’on refuse à ceux dont les sentiments, les principes, la conduite n’ont jamais varié, et qui nelpeuvent avoir d’autre intérêt que de partager la liberté avec vous et d’en jouir sous vos auspices ? Cependant l’on sacrifie au ressentiment de M. Paoli, toute espèce de considération envers d’autres citoyens, qui ont mérité de la patrie et qui sont en état de la servir. Par une telle combinaison l’on prépare de grands malheurs à la Corse et des regrets à la France. L’on se flattait, Messieurs, que l’arrivée de M. Paoli, en Corse, serait le terme des troubles de cette île et l’époque delà paix, de la concorde, de la fraternité entre des citoyens divisés. Vous ignoriez qu’il était le moteur de toutes les nouveautés qui s’y introduisaient, des distributions d’armes qui s’y faisaient exclusivement à ses partisans, sous prétexte de favoriser la Révolution , de toutes les tentatives contre les places de guerre. Enhardis par une lettre du roi, par votre accueil à l’Assemblée, par la confiance des ministres, il a tout osé pour satisfaire son animosité, il osera tout pour assouvir son ambition qu’on n’a pas assez connue. Les moyens d’une force d’opinion qu’on lui donne ici, réunis à ceux qu’il a par lui-même, sont employés pour lui, assurer, et à ses sectateurs, toute l’influence dans les affaires de l’île. La tyrannie la plus barbare est celle qui s’exerce au nom de la loi que l’on élude. Elle est d’autant plus dangereuse en lui, qu’il ne se montre que comme un particulier qui n’aspirait à rien et qui, sous cette forme, modeste en apparence, se met en état de commander en maître et d’aller à son but. Vous ne voudrez pas, Messieurs, que les maux de la Corse se perpétuent. Vous protégerez la liberté et la sûreté des individus. Connaissant parfaitement le prix de votre bonne Constitution, vous la ferez exécuter sans mélanges, sans modifications, sans distinctions, à tous les Corses. Vous ne souffrirez pas que ceux qu’on décrie auprès de vous, qu’on veut rendre suspects, pour que leurs justes réclamations deviennent impuissantes, soient opprimés ; vous ne souffrirez pas qu’une population de 150,000 âmes, qu’une portion intégrante de la monarchie française devienne le jouet et la proie d’une douzaine d’ambitieux, qui la regardent comme leur patrimoine. Plus on a marqué de confiance à M. Paoli, plus il devait y correspondre avec justice et modération. Ce qu’il fait envers ceux qui tiennent à la France ne décèle que trop ses projets. Sans les mouvements que ses agents ont excités, sans les armes qu’ils ont distribuées, sans les maximes u’ils ont répandues, ces peuples seraient passés e l’ancien régime à la nouvelle Constitution, sans aucune commotion ; tous attendaient vos lois avec transport et reconnaissance. La prudence et la politique yous dictent, Mes�- sieurs, des précautions pour la tranquillité et pour la sûreté de cette île. L’exécution fidèle des décrets ralliera les peuples à la loi faite pour les protéger : une surveillance immédiate de votre part, contiendra les novateurs et les fera rentrer dans de justes bornes. En faisant garnir les places fortifiées avec des troupes suffisantes, cette île sera à l’abri des événements qu’une guerre peut occasionner, qu’il est sage de prévoir et qu’il serait prudent de prévenir ; car, si une nation puissante sur mer, profitait des circonstances, qui font tout en affaires politiques, pour faire un établissement dans cette île, où elle trouverait des ports, des bois, des vivres et un peuple aguerri, il n’est pas douteux qu’elle ne nuisît a votre navigation et à votre commerce, dans FItalie, dans le Levant, même en Afrique, et qu’elle ne pût vous donner des inquiétudes continuelles sur les côtes de Provence et de Languedoc ; tandis qu’en vous maintenant en Corse, vous évitez ces inconvénients, vous aplanissez, si je puis m’exprimer ainsi, les Alpes, et vous tenez, par la Corse, un passage ouvert et facile en Italie. En conséquence, je propose de décréter ce qui suit : PROJET DE DÉCRET. 1° L’Assemblée nationale décrète que le roi est supplié d’envoyer des commissaires en Corse, pour écouler les doléances des peuples, sur les illégalités, les injustices et les violences qai y ont été commises, et j pour faire renouveler, s’il en est besoin, les assemblées primaires, du département et des districts, afin de rétablir l’ordre et la liberté des suffrages prescrits par les décrets ; 2° Que Sa Majesté sera également suppliée de faire garnir de troupes suffisantes, les places de Bastia, Calvi, Ajaccio, Bonifacio, et surtout celle de Corte, pour les mettre en état de sûreté et de défense. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE Dü 6 NOVEMBRE 1790. Lettres de M. Buttafkoco à M. Paoli et à d'autres particuliers dans l'ile de Corse (1). OBSERVATIONS. Je ne puis me dispenser de publier une lettre que j’ai écrite à M. Paoli. Les moyens malhonnêtes qu’il met en usage, en Corse,' pour me décrier dans l’esprit de mes concitoyens, et pour les provoquer contre moi, exigeaient que je lui en marquasse mon ressentiment. Il devait se rendre mon accusateur; la calomnie est odieuse et devrait faire frémir un homme d’honneur. Je fais encore imprimer les extraits de quelques-unes de mes lettres, envoyées successivement dans cette île. L’on m’en a renvoyé, sur ma demande, (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. 300 [Assemblée nationale.] λlus de cent, que je communiquerai à ceux gui e voudront : toutes sont dans les mômes principes, et l’on y trouvera les témoignages démon zèle pour la Constitution et pour le bonheur de ma patrie. Depuis que je respire, je n’ai cessé de prendre le plus ardent intérêt à sa prospérité. Animé du désir d’assurer sa liberté, je m’adressai, en 1764, au célèbre citoyen de Gèneve, pour rengager à lui tracer une constitution politique. Ce philosophe reçut mon invitation avec les transports d’un cœur vertueux. Une correspondance suivie, lui fit naître le désir de se rendre en Corse-, mais un incident imprévu l’en empêcha. Des événements politiques changèrent la position des affaires. La Corse devint une possession française. J’ai la satisfaction d’y avoir contribué, et d’avoir préparé à ma patrie l’avantage d’en être une portion intégrante. C’est le grand reproche que M. Paoli méfait aujourd’hui. M. Paoli amalgame autant qu’il le peut son système avec la Constitution. Il s’enveloppe de ce manteau respectable pour se débarrasser de ceux qui n’adoptent pas ses maximes erronées (1), et (1) M. Gaffori commandait à Corte le régiment Sa-lisgrison, qui vivait dans le plus grande harmonie avec les habitants. Cette place entre les mains de cet officier général était l’objet des inquiétudes de M. Paoli .et de ses partisans, qui ont tenté inutilement de s’en emparer. Il aurait voulu, ou le gagner, ou s’en défaire. Le premier moyen était . facile j si l’on n’avait désiré que le bien de la patrie. M. Gaffori est bon citoyen, if se serait concerté avec M. Paoli; mais il était incapable de se laisser aller à d’autres considérations que celles de son devoir envers la nation, la loi et le roi. La force n’aurait pas réussi toute seule, on se servit aussi de la ruse. M. Paoli n’est pas délicat sur le choix des moyens. Il fit d’abord donner ordre par M. de Barrin, commandant en chef à la garnison de Corte, de partir pour divers postes, et de ne laisser que deux compagnies. La municipalité de cette ville, alarmée de ce départ, fit une réquisition en règle à M. Gaffori pour suspendre l’exécution de cet ordre. Un conseil de guerre décida qu’on ne partirait pas. M. Paoli fit donner les ordres par le comité aux milices nationales de Corse, de marcher contre Corte. Ces mouvements n'étaient pas fort inquiétants, mais ils auraient occasionné l’effusion du sang. En même temps il cherchait à engager M. Gaffori à aller à Bastia. Celui-ci se refusa à toutes les insinuations directes, mais il lui écrivit que sur une de ses lettres il s’y rendrait, persuadé qu’il y serait en sûreté, qu’il désirait plus que personne pouvoir concourir au bien et à la concorde. M. Paoli répondit par une lettre entortillée, en style de Tibère, suspensa semper et obseura verba. Nonobstant, M. Gaffori partit sur l’avis de la garnison, de la municipalité et du peuple. Il ne soupçonnait pas une invitation insidieuse de la part d’un homme qui ne parle que de loyauté et de franchise. Il voit M. Paoli qui voudrait lui faire des reproches, mais qui ne sait en articuler aucun. Après une trop longue conférence, le comité, instrument passif de ses volontés, s’assembla chez lui 1 on y décide de faire arrêter M. Gaffori, et u’il demanderait de passer en France. M. Paoli, avec sa issimulation ordinaire, affecte de l’étonnement, d’eu être fâché, mais il dit qu’il n’a aucune autorité, qu’il ue peut donner des ordres, qu’il n’est qu’un citoyen, un simple Êarticulier ! Le maire de Corte, invité à se rendre à astia, est aussitôt mis au cachot : MM. Colle et Calen-dini, élus officiers municipaux, ont le même sort : ils n’avaient à se reprocher que d’aimer plus la Constitution française que celle des agents de M. Paoli, et d’avoir eu la majorité des suffrages dans des élections legales. On ne finirait pas si on indiquait tous ceux qui ont été et qui sont emprisonnés, outragés, désarmés sous de vains prétextes, mais réellement, parce qu’ils sont dévoués à la nation française, et qu’ils abhorrent l’arbitraire de M. Paoli et de ses sectateurs. Ils gémissent de l’erreur dans laquelle est l’Assemblée nationale sur l’état de la Corse ; ils se voient abandonnés, mor-[6 novembre 1790.] pour établir en autorité tous ceux qui dépendent de lui passivement. Une bien étrange et fatale politique se prête à sacrifier à l’animosité de M. Paoli ceux gui sans aucun équivoque sont dévoués à la nation, à la loi et au roi, et qui verseraient leur sang pour maintenir la Constitution. Les lois sont pour lui un instrument de plus pour aller à son but. Il les fait plier à ses vues, ou il les élude par l’intrigue, les meuaces ou l’abus du pouvoir (1). L'essentiel est de dominer et, pour y parvenir, tous les moyens sont bons : semblable a un moderne Prothée, il prend toutes les formes. Il fait donner, par son ascendant, les places à ses sectateurs, à ceux que l’Angleterre n’a soudoyés apparemment pendant plus de vingt ans, et qu’elle paye encore peut-être en partie, pour qu’ils deviennent tout à coup bons Français... Tels sont les hommes retournés dans la Corse, pour la gouverner. Pour se débarrasser des obstacles à ses projets ultérieurs, il fait demander à présent par l’assemblée du département, la suppression du régiment provincial qu’il sait tenir à ses devoirs et à ses serments, pour lui substituer une troupe créée à son gré, commandée par ses partisans, et payée par la France. Il insistera pour l’envoi dans Plie des bataillons de chasseurs corses, pour, dans l’occasion, les rendre inutiles, ou les dissiper. La contre-révolution qu’il espère, et désire encore plus, assurerait alors des succès si adroitement préparés. Cependant une députation de son choix viendra dire à l’Assemblée que tout est heureux et tranquille. La Corse, livrée à l’indiscrétion d’un seul homme, ne trouvera-t-elle pas de défenseurs parmi nos législateurs? Les fiers amis de la liberté des Français, qui voudraient en faire goûter les douceurs, et en répandre les dogmes dans les contrées de l'univers, ne veilleront-ils pas à celle des Corses qui sont leurs frères, el n’apprendront-ils pas à M. Paoli que l’égalité, la modération, l’humanité et la justice doivent être désormais les premiers devoirs et les qualités distinctives des citoyens Français (2) î tifiés par le ministère qui cousent, de sang-froid, à les voir la victime de leurs ennemis, qui sont encore plus, ceux de la uation française. (1) Il y a dans la ville de Corte environ 400 citoyens actifs ; ceux qui sont attachés à la Constitution sont au delà de 300. Après le départ forcé de M. Gaffori, la plus grande partie a été désarmée, vexée et poursuivie... Lors de l’assemblée pour nommer les électeurs du département, les deux partis se sont réunis au couvent de Saint-François. Tout le monde devait être sans armes. Les partisans de M. Paoli firent placer dans ce couvent une soixantaine de leurs amis de Niolô avec des fusils. Au moment de la votation, ou chercha querelle, on suscita une rixe, on menaça, et la nombreuse partie désarmée abandonna la place. Elle fut suivie à coups de pierre, il se tira des coups de fusil. Tout dissipé, ceux qui restèrent maîtres du lieu, firent une élection; elle fut jugée violente et illégale parle commissaire du roi. Néanmoins, ces électeurs ont été admis à l’assemblée d’Orezza ; cette assemblée formée des partisans de M. Paoli s’est arrogé le droit de décider de la validité des nominations, elle n'a admis que ceux qui dépendent de lui passivement. (2) L'on apprend que M. Paoli s’est fait accorder par un décret, car on décrète aussi en Corse, un traitement de 50,000 livres, et des statues, pour se procurer la gloriole d’un refus. Il a fait faire encore, par l’organe d’un bas adulateur, une invective sur la tribune à Orezza, contre MM.Buttaf uoco et Peretti, membres de l’Assemblée nationale. Dans l’énumération des crimes que leur reproche M. Pozso di ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 novembre 1790.] 3Q1 Lettre à Monsieur Paoli. Je suis instruit, Monsieur, que vous et vos agents recherchez mes lettres avec une inquiète sollicitude, que l’on menace, que Ton intimide, ue, contre toutes les règles, Ton emprisonne es citoyens qui ont une correspondance avec moi ; qu’on en effraie au lit même de la mort. Il est fâcheux que vous paraissiez dans votre patrie sous de si noires auspices, que semblable à un être malfaisant, vous annonciez des jours de calamité. Je regrette pour moi, et pour mes amis, que mes lettres n’aient pas été, d’après mes intentions, rendues publiques. Vous les désirez, sans doute, dans l’espérance d’y trouver matière à me dénoncer. Je le désire moi, pour qu’on y juge de mes opinions, pour qu’on y connaisse le zèle d’un ami de la patrie, de la liberté, de la Constitution française : d’un ennemi de l’injustice et de l’oppression. Surtout de ceux qui, parlant sans cesse de cette liberté qu’ils violent dans les autres, se croient tout permis en abusant de son nom et en se couvrant de son masque. Vous cherchez, ainsi que vos émissaires, à me décrier par toute la Corse. Vous faites répandre des bruits faux pour ternir mon patriotisme, pour animer, pour irriter les peuples contre moi : vous suscitez la haine, l’animosité, la vengeance : vous me reprochez d’être le cruel ennemi de la nation. Vous me faites encore un crime d’avoir coopéré à la soumission des Corses à la France. Je me fais honneur de cette dernière imputation : elle est presque maladroite de votre part. Ce sera toujours pour moi un grand mérite envers mes compatriotes, que de leur avoir préparé. le bonheur d’être partie intégrante de la monarchie française. Serait-il plus beau de les en priver? Quant au reste, j’ai été, je le suis et le serai toujours, l’ennemi des ambitieux. Je m’élèverai sans cesse contre un régime arbitraire qui s’établit sous vos auspices ; je méprise le mensonge, l’imposture, la flatterie et les flatteurs. Je m’empresse d’exhorter mes concitoyens à imiter mon exemple, à repousser l’oppression, à n’obéir qu’à la loi, au roi, à la justice, à l’honneur. Ceci n’est pas absolument dans vos principes ; mais peut-on m’inculper de haïr, de m’opposer à la Révolution, et à cette Constitution dont je connais mieux que vous l’excellence pour la Corse, et dont je n’ai cessé de faire l’éloge. Borgo, le plus énorme, est d’avoir donné leur suffrage en faveur du veto absolu. Pour mériter la faveur de . M. Paoli, quelques flatteurs déploient leur énergie pusil* lanime, et s’empressent d’imiter à l’envi l'âne de la fable, en leur portant le coup de pied. Cela fait juger l'ineptie de l’orateur, qui tantôt démocrate, tantôt aristocrate, selon qu’il espère en tirer parti, suit l’impression de la cabale qui le pousse, et porte l’ignorance jusqu’à faire un crime d’une opinion, et à trouver étrange que des députés ne soient pas des êtres passifs comme lui; en récompense M. Paoli l’a mis au nombre des agents qu’il envoie à l’Assemblée nationale. M. Paoli, qui mendie des motifs d’inculper les deux membres, faute d’en avoir de plausibles, se sert de ceux qui sont ridicules. Il fait demander que MM. Buttafuoco et Peretti ne soient pas écoutés sur ce qui concerne la Corse. Là, son astuce se décèle ; il juge bien que ses propositions captieuses trouveront des contradictions. Mais il ose tout, en espérant que jamais l’Assemblée nationale n’ouvrira les yeux sur sa conduite, et c’est en abusant de son nom qu’il vexe les nombreux citoyens attachés à la France. Cependant vous accréditez des bruits sur mon compte. La bassesse des adulateurs qui vous entourent, seconde vos projets, et ce peuple qui s’aveugle aisément, qui croit plus ceux qui le flattent, que ceux qui le servent, est provoqué, entraîné à vous célébrer et à me faire outrage. Il était réservé à vos agents de Bastia et d’Ajaccio, de donner l’exemple d’une telle indignité. Hommes nés pour une honteuse servitude, sans pudeur, sans respect pour l’Assemblée nationale, aux mépris de ses lois, ils deviennent de vils instruments de vengeance. Ils se prostituent, ils se déshonorent, ils dégradent leur caractère, et ne savent mettre un terme à leur infamie, que quand une action deviendrait estimable. Votre triomphe est-il digne d’envie ? Je dois espérer que ce même peuple, enfin détrompé, finira par me rendre justice et par vous punir. Vous en avez déjà fait l’expérience. Quelles que soient vos idées sur vous-même, vous n’êtes qu’un citoyen comme moi. Et, parce que je diffère avec vous d’opinions, parce que je ne consens pas à devenir passif entre vos mains, parce que je voudrais être libre, je deviens un homme détestable, un fauteur du despotisme. N’abusez plus ces malheureux Corses, ne les échauffez plus, né les rendez plus le jouet et la victime de vos erreurs. Un homme qui jouit de quelque réputation, peut-il se ravaler au point de répandre et donner crédit à des impostures ? Il n’y a ni délicatesse, ni loyauté dans une telle conduite. J’ai témoigné mes craintes en Corse sur la marche oblique et illégale de vos émissaires, et discordante en apparence avec la vôtre, que vous cherchiez de pallier ici. Les tentatives faites pour s’emparer des places fortes de l’île, sous prétexte de favoriser la Révolution , ont confirmé mes soupçons. Us se sont augmentés, lorsque j’ai su qu’on jetait dans les cachots ceux qui n’avaient d’autre crime que d’ê.tre les partisans de la France. Vous les avez justifiés complètement par la supercherie insidieuse , mise en usage envers M. Gaffori, officier général employé par le roi, brave soldat, sincèrement dévoué à la Constitution, que vous rendez suspect, dont vous faites désarmer les amis parce qu’ils s’opposaient aux progrès des vôtres, parce qu’ils ne fléchissaient pas sous vos maximes. Un particulier comme vous, qui, couvrant toujours la main qu’il fait agir, s’arroge tant de droits, est un homme pernicieux dans un Etat libre. Il ne doit vouloir que ce que la loi permet : tout ce qu’il fait ou qu’il fait faire, sans son aveu, quel qu’en soit le prétexte, est un crime, et fussiez-vous un ange, je ne m’en rapporterais pas à vous. Vous aspirez à l’héroïsme, et vous autorisez le mensonge au lieu de cette politique machiavélique qui dégrade et avilit l’humanité. Que ne produisez-vous, au contraire, les lettres, les projets, les complots que vous m’attribuez. Si j’en étais capable, si je pouvais disposer du tonnerre,. ce ne serait que contre les tyrans de ma patrie infortunée. Vous me rendez cette justice au fond de l’ârae. Vous avez sans cesse le mot imposant du bien public sur les lèvres. Moi qui le désire plus que vous, c’est dans le cœur, c’est dans les choses, et non dans les mots que je le cherche. Je ne puis y croire surtout, lorsque sous une fausse modestie de ne vouloir rien être, vous vous rendez le modérateur de tous les principes, de tous les sentiments, de toutes les volontés, et que vous voulez soumettre à la vôtre, les lois ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [g novembre 1790.] 302 | A ss emblée xutionale.] que vouséiudez, les citoyens que vous vilipendez, la patrie que vous voudriez asservir. Vous avez dû voir en France que les opinions aont libres, que la Constitution permet de les manifester, de les publier, de les imprimer sans crainte. Vous avez vu qu’un citoyen qui obéit à la loi ne peut être coupable. Et vous, le prétendu martyr de la liberté, vous voulez en être l’oppresseur. Vous voulez priver un membre de l’Assemblée nationale de ce droit précieux, et parce qu’il en use, vous le décriez, vous le calomniez, vous lui supposez des crimes, vous suscitez ses concitoyens contre lui 1 Après avoir régi la Corse comme Tibère, dont vous avez l’ostentation des paroles et la dissimulation ; prétendez-vous encore la dominer par la terreur de vos satellites, comme Sylla après son abdication? il ne vous reste que d’employer le fer, la flamme, la dévastation, et à l'attribuer, selon votre usage, à la fureur populaire. Ne profanez donc plus le saint nom de patrie, d’égalité, de liberté, de Constitution, ou changez de conduite, ou ne parlez que de vos droits chimériques, et surtout de votre toute-puissance. Dites que la Corse est libre, lorsque vous et quelques-uns de vos agents commandez au gré de vos caprices, de votre animosité, de votre ambition ; et alors que le reste des citoyens intimidés, foulés, avilis, obéira passivement, vous ferez publier dans des feuilles vénales que la Corse est en paix, qu’elle est heureuse et tranquille : mais ce sera la tranquillité et la paix des tombeaux. Quant à ce qui me concerne, vous ne pouvez vous dispenser d’être mon accusateur à un tribunal légitime. Si vous produisez des preuves contre moi, je consens, et je le mérite, que mes compatriotes me regardent et me traitent comme un ennemi de la patrie ; je consens que ma famille me rejette, que mes parents et mes amis me méprisent. Alors, ou je serai coupable, ou vous serez un calomniateur. Paris, le 7 septembre 1790. Mattéo Büttafüoco. Extrait des lettres écrites à différentes personnes en Corse. On ne fait imprimer que ce qui est relatif à la Corse , à la Constitution et à M.Paoli. Le reste contient des objets particuliers. Tout cependant sera remis à ceux qui voudront le .. lire. Je supplie de ne pas juger ces extraits par le style, qui est très négligé, mais par le sentiment qui les a dictés. A Monsieur Ceccaldi , le 5 novembre 1789. Il est certain que cette révolution de France tend encore plus à rendre les Corses heureux : une bonne constitution politique et des assemblées provinciales administratives seront la base de la liberté française et de la nôtre ; et comme nous avons une situation qui a tous les avantages désirables pour la tenir éloignée des événements de la guerre, ainsi notre félicité en sera plus permanente et plus durable, comme plus éloignée des périls d’une invasion. Mais pour jouir de ces avantages, il faut que les Corses se maintiennent dans l’union et la concorde. S’il s’élevait un esprit de parti et d’ambition, nous serions la proie de qui vaudrait de l nous. Concourez donc tous à l’union générale, I maintenez la tranquillité, et lorsqu’on devra faire des assemblées pour le bien public, que chacun dépose l’animosité, et que la seule ambition soit de faire un bon choix. Chacun doit penser que dans le bien général, les particuliers y trouvent leurs avantages ; mais que pas toujours la totalité trouve le sien dans celui d’un seul. Au même , le 28 mai 1790. Je ne sais ce que pensent nos amis. Ils ne verront le piège que lorsqu’ils seront dedans. Jé ne puis que vous conseiller et vous faire des réflexions. Il est très bien de croire à la bonne volonté ; mais lorsque l’ostentation est trop forte et trop exagérée, on doit en douter et prendre ses précautions. Je vous ai écrit que le meilleur parti était l’union , et encore l’union ; recevoir M. Paoli comme un homme qui a été à la tête de la nation, mais non comme désirant de l’y revoir. Il en résulterait le malheur de la patrie, lorsque son ambition finirait avec sa vier Quant à moi, je vous assure que j’ai pour lui toute la considération ; mais je ne voudrais pas certainement qu’il fût le maître. Au reste, j’ai été le premier à désirer qu’il vînt à Paris et qu’il passât ensuite en Corse, mais non pour y mettre le désordre, y fomenter l’esprit de parti et y occasionner la guerre civile qui mettrait l’île dans la désolation. Si ses vues sont bonnes, il devait blâmer ceux qui se conduisaient contre l’esprit des décrets, contre la modération et l’humanité. Dire qu’il a abandonné deux mille guinées par an, c’est pour éblouir : dire qu’il a refusé le commandement de la Corse, c’est une fausseté. Me prêter ainsi qu’à l’abbé Peretti des torts, c’est encore une injustice. Je suis préparé à tout. La signora Nanna veut retourner en Corse. Je resterai en France pour fuir le pouvoir arbitraire. J’ai toujours vécu libre et indépendant; j’espère vivre ainsi jusqu’à ma mort. Au même , du 12 juillet. . Quant aux imputations qu'on voudrait me faire de n'avoir pas accompagné M. Paoli à l’Assemblée nationale, je crois vous avoir dit qu’il ne m’en avait pas parlé. Quand il l’aurait fait, je ne pouvais aller avec lui à la barre, la dignité de représentant de la nation française ne le permettait pas. Mais, c’est une fausseté de dire que j’ai cherché d’empêcher son admission. Je n’avais as ce droit. Je me suis opposé, au comité de onstitution, contre rassemblée illégale de Bastia. M. l’abbé Peretti et moi en avons fait des représentations aux ministres. Les uns et les autres sont convenus avec nous de son invalidité. Des raisons ont empêché l’effet de notre demande. Ces raisons ne sont pas bonnes, mais la force, force. Nous sommes toujours en règle ; et sûrement la Corse ne pourra jamais nous faire aucun reproche pour avoir pensé que soixante et quelques personnes prises à volonté, et sans élection du peuple, dussent être pour nous les vrais représentants de l’ile. Tout le monde sait bien que le delà des monts n’y avait point de députés. Chacun sait qu’une grande partie du deçà n’y en avait point non plus. Ainsi, nous devions faire connaître cette assemblée, défendue par un décret du 26 octobre, comme insubsistaote, comme, ni convoquée, ni tenue légalement. Si ces mes- [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [6 novembre 1790,] 303 sieurs prétendent que nous dussions trouver bien et autoriser toutes leurs faussetés, ils se trompent fortement. Ils ne peuvent prétendre aucun compte de nous. Nous ne dépendrons en aucune manière ni d’eux, ni de M. Paoli, que j’estime et considère comme un homme de mérite, mais comme un simple citoyen, tel que je le suis moi-même. J’ai certainement blâmé sa conduite avec nous. J’ai été le premier à proposer au ministre qu’il passât en Corse, et M. de Biron le sait comme moi. Arrivé à Paris, je le vis et j’espérai qu’il aurait fait cesser la conduite de ses partisans ; et je l’espérai d’autant plus, que je voyais que ces messieurs le compromettaient. Après que je connus ses maximes de louer ce que les siens faisaient en France et en Corse, et de nous blâmer ici et vous autres là-bas, je pensai que peut-être il n’avait pas de bonnes intentions, ou qu’il voulait nous rendre les instruments passifs de ses volontés, ce qui n’a jamais été et ne sera jamais propre à mon caractère. J'ai adopté sincèrement la Constitution française, parce qu’elle me paraît encore meilleure pour la Corse que pour la France. Mais il faut la mettre à exécution, et il me paraît que les amis de M. Paoli, qui s’en remplissent la bouche, ne l’ont pas dans le cœur, puisque à chaque circonstance, ils substituent leur volonté arbitraire aux décrets de l’Assemblée nationale : et lui qui ne les approuve pas absolument dans ses propos, cherchait toujours d’en pallier l’injustice, sans jamais les en empêcher avec ce ton imposant qu’il prend avec d’autres. Faites, je vous prie, la comparaison de la déclaration des droits de l’homme, décrétée par l’Assemblée nationale, et la conduite opposée que l’on tient en Corse. Chacun peut non seulement penser comme il lui plaît, mais il peut dire et écrire ses opinions. Et ces messieurs veulent porter l’examen de la plus rigide inquisition, même sur les pensées, et faire un délit à ceux qui ne voient pas les choses, et qui ne pensent pas comme eux. Notre liberté serait un esclavage cruel ; elle n’existerait que pour eux. J’espère que la Constitution sera exécutée en Corse comme en France; et alors un honnête homme pourra vivre tranquille dans ses foyers, sans craindre la violence de qui que ce soit. Le devoir de chaque citoyen est d’être soumis à la loi. M. Paoli, ses amis, vous, moi et tous les Corses seront dans le même cas; les actes d’urbanité seront réciproques ; et chacun pourra aller, venir et faire ce qui lui plaira, sans en rendre compte à personne. Si la loi ne subsiste que pour opprimer, elle cessera d’être la loi ; et l’on devra ou g’y soumettre, ou prendre un autre parti. Au même, le il juillet. La contre-révolution est une chimère ; et c’est une machination infernale que d’avoir voulu, sous ce prétexte, mettre en armes et en discorde la Corse entière ; puisque, si cet événement arrivait, ces messieurs ne réussiraient pas aussi facilement dans le projet de monter une autre fois sur la selle, et de faire aller encore à leur manière la nation à coup d’éperons. En supposant même que cela arrivât, il était convenable qu’il3 montrassent de l’amitié et de l’impartialité afin d’attacher chacun à la nouvelle Constitution, et ne pas s’arroger le droit criminel de vexer la Corse, en substituant leurs lois et leurs règlements arbitraires, à celles de l’Assemblée nationale. Ils ont manifesté leurs mauvaises intentions en anticipant sur les événements futurs : ce qui a allumé en Corse une division et une fermentation qui serait nuisible à leur propre système, si jamais la contre-révolution arrivait. Une position tranquille et l’union pouvaient seulement en faire espérer un heureux succès : ce bouleversement en rendra l’exécution impossible ; il précipitera la Corse dans la guerre civile et perpétuera l’anarchie dans laquelle leur mauvaise conduite nous aura poussés. A Monsieur François-Marie Casablanca, le 19 juillet 1790. Je reçois votre lettre dû 21 juin. Il faut que les miennes pour vous se perdent, puisque je vous écris plus souvent. Je ne suis pas surpris des propos qui courent. Il faut bien qu’ils se soutiennent par des impostures. Je ne sais pas, en définitive, ce qui pourra en résulter en leur faveur. Je crois qu’il y aura du mal pour tous, et que l’anarchie ne peut s’éviter. Ce sera le produit de l’œuvre des novateurs, lesquels, sous le prétexte de bien public et d’aimer les peuples, voulaient ruiner la nation. Leur cruauté les porte à lacérer la réputation de ceux qui se sont opposés à des vues aussi injustes et aussi dépravées. Voilà comme va le peuple. Il ne connaît jamais ses vrais amis, s’ils ne mettent en usage ni la médisance, ni la séduction, ni l’imposture. Us regardent comme leurs véritables protecteurs, ceux qui les trompent, et comme leurs ennemis, les gens de bien, qui sans mettre en usâge de l’hypocrisie et de la calomnie, cherchent à leur procurer la paix, le repos et le soulagement. Je suis véritablement affligé d’apprendre les discussions que les intrigants ont semé dans notre pauvre patrie qui commençait à goûter les fruits de la paix et qui allait jouir de ceux d’une Constitution de laquelle résulte la liberté tant désirée par les Corses. Je ne sais pas si elle pourra se cimenter avec les moyens qu’on met en usage. Mais je ne puis me persuader que tous ces préparatifs d’armes et de munitions, les moyens insidieux que l’on tend, les impostures qui se répandent, les surprises qui se méditent et se tentent sur les places, peuvent produire quelque bien à notre nation. Malgré tout cela, je vois que les honnêtes gens se confient dans les intentions des novateurs et de ceux qui les poussent, et qu’ils se tiennent dans l’inertie, entre la crainte et l’espérance. Tous voudraient conserver uDe porte de derrière pour l’occasion, et aucun ne voit que la seule union et la résolution peuvent les sauver du naufrage. Chaque chose plausible et apparente est reçue comme une vérité, chaque soupçon paraît comme une certitude; les faussetés des uns sont crues et les vérités des autres mises en doute. Enfin chacun court à sa perte sans s’en apercevoir et donne la main, par son indécision, à la perte des autres. Ainsi, tous se trouveront sous Je trébuchet et chacun le reprochera à son voisin. Désormais, j’ai dit ce qui me paraissait utile au bien public. Je l’ai dit sans prévention et sans la moindre animosité. Si j’y ai mis quelque chaleur, c’est qu’il est pardonnable à ceux qui, ayant toujours désiré la liberté de la nation, puissent aussi la désirer pour eux et faire leurs efforts pour vivre en repos et tranquilles chez eux, ne pas dépendre du caprice des hommes et être seulement soumis à la loi. Ne voulant faire de mal à personne, je voudrais que la loi me protégeât $04 [Awemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 novembre 1790.] contre ceux qui voudraient m'en faire. Ne désirant ni le bien, ni la vie, ni l’honneur de personne, je voudrais aussi que la loi me défendît. Nous jouirons de ces avantages, si l’on admet la Constitution, si les élections sont libres, si l’esprit de parti ne domine pas, si les partisans des-uns De sont pas opprimés par ceux des autres. Toutes ces choses dépendent de la conduite ferme ou incertaine de ceux qui ont de l’influence dans l’esprit des peuples. J’en apprendrai les nouvelles avec le plus grand plaisir, et j’en aurai davantage, si les désordres, les aigreurs et les impostures étaient terminées, et que chacun pensât au repos, à l’union générale et au bon établissement du département. Au même, le! août. Je reçois votre lettre du 23 passé. Je savais l’arrestation de MM. Matra et Vidau. Je n’aurais jamais cru que M. Paoli eût autorisé des actes aussi injustes et illégaux. On voit clairement que vous serez réduits à vous soumettre, et que la liberté et la Gonstitution�erviront de prétexte aux violences contre ceux qui n’agissent pas à leur volonté. J’aurai du regret si M. Vidau était persécuté, par rapport à son attachement pour moi. Et comment veulent-ils donc persuader aux Corses qu’ils sont libres, s’il n’est pas permis à un citoyen de penser à sa manière, d’écrire ce qu’il lui plaît, de blâmer ce qu’il n’approuve pas, pourvu qu’il obéisse à la loi et aux préposés légitimesqui doivent la faire exécuter ? Votre beau-frère ne peut courir aucun risque parce qu’il n’y a, je ne dis pas apparence de délit, mais même d’une faute. S’ils veulent dominer par la crainte, c'est remettre le bandeau aux yeux des Corses, puisqu’ils ne voient pas toutes les iniquités qui se conçoivent et qui s’exécutent en partie. Le reste viendra avec le temps, et lorsque les circonstances le permettront. J’apprends que l’on mé déchire et qu’on me présente pour un mauvais patriote. C’est ainsi qu’ils espèrent de se faire passer pour être bons. J’ai la vue de l’esprit meilleure qu’eux et je ne me trompe pas en pronostiquant à la Corse les plus grands malheurs. J’en suis fâché. J’ai fait mon possible. Mais l’intrigue, l’imposture et l’hypocrisie prévalent toujours à la conduite droite, ferme et invariable d’un homme de bien, qui sait mépriser les souplesses et les intrigants. Il aurait été consolant pour moi de finir mes jours sous les toits de mes pères, mais ayant sans cesse été l’ennemi capital de l’injustice, de l’abus de puissance, et incapable de plier sous les hommes, mais bien sous les lois, je saurai trouver des lieux pour vivre en repos, et mourir en paix, en déplorant le sort de ma patrie. A M. Ceccaldi, le 24 août. J’ai reçu vos lettres du 24 et 27 du passé, dans lesquelles je vois toutes les impostures de M. Paoli sur mon compte. Je suis assez surpris que vous ayez l’air de me blâmer sur de si atroces imputations et que vous vous laissiez séduire et tromper par les mensonges les plus palpables. Je u’aurais jamais pensé que nos parents, nos amis et les honnêtes patriotes prissent des préventions sur mes sentiments, d’après les assertions de nos ennemis, lesquels n’ayant pu me gagner à leurs maximes dépravées, cherchent à me lacérer dans l’esprit des insouciants, des ignorants et des fauteurs de la tyrannie. Vous et les autres, vous connaissez cependant mes sentiments manifestés dans mes premières lettres imprimées, et dans celles que j’ai écrites après; et néanmoins vous n’avez pas la généreuse hardiesse de vous montrer pour ma défense, vis-à-vis de mes détracteurs. Une telle faiblesse me déplaît pour vous et ne me surprend pas dans les autres. Une âme libre et indépendante ne peut donc pas trouver de défenseurs en Corse? lia ce cas, pliez le dos, fléchissez le genou et prosternez-vous devant l’idole. Vous n'ôtes pas né pour la liberté. Cette conduite me le fait voir et 1 avenir le confirmera. TROISIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 6 NOVEMBRE 1790. Réponse de M. Salicetti, député de Corse, au libelle et aux délations de M. Buttafuoco ( ci-devant comte), aussi député , contre M. de Paoli et les patriotes corses (1). f Vous l’avez voulu, Monsieur ; vous serez satisfait et la justice aussi. Mais, en vérité, l’on n’a pas idée d’un tel aveuglement. Appeler de gaieté de cœur la lumière sur les ténèbres qui faisaient votre sûreté, substituer l’audace à l’astuce qui fait votre force ; attirer l’attention publique sur des détails qu’il vous importe de céleri... Auriez-vous donc pensé qu’à force d’être hardi, le mensonge pût en imposer et que la calomnie réussît dans les assemblées comme dans les antichambres ? Je l’avoue, je suis honteux pour notre pays de tant de maladresse. Passe encore pour le libelle que vous aviez jeté dans l’obscurité des corridors de notre salle : mais venir, en pleine tribune, offrir le scandalè d’une haine personnelle; choquer les décences sociales et la dignité d’une grande assemblée, par une déclamation vague et injurieuse; taxer un peuple tout entier de déloyauté ou de folie : voilà le délire de la présomption, si ce n’était celui de la rage et du désespoir. Honorables collègues, témoins communs de nôtre conduite, j’en appelle à votre témoignage! Quand, depuis plus d’un an, vous avez vu MM. Buttafuoco et Peretti (2), les plus constants sectateurs de l’opposition ; quand vous les avez vus, en toute occasion, soutenir les anciens abus, voter pour le maintien des droits féodaux, pour la conservation des privilèges de la noblesse, pour le marc d’argent qui. prive, surtout en Corse, une foule d'habitants du droit de citoyens : vous seriez-vous attendu qu’un jour ils vinssentvanter devant vous leur amour de la liberté, leur patriotisme, leur zèle pour vos décrets, contre lesquels ils ont protesté (3) ? Auriez-vous imaginé que daüsdes lettres circulaires, ils s’érigeassent en anàis du peuple et nous accusassent, M. Colonna et moi, d’être ses ennemis? Voilà cependant où en étaient les choses quand M. de Paoli et nos députés extraordinaires sont retournés en Corse ; et voilà aussi d’où part (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. (2) M. l’abbé Peretti* député du ci-devant clergé de Corse. (3) Ils ont tous deux ligné la protestation de la minorité.