SÉANCE DU 5 BRUMAIRE AN III (26 OCTOBRE 1794) - N° 50 109 « On m’a pris pour un fou, dit-il, lorsqu’on m’a entendu gémir sur la conduite qu’on a tenue dans ce pays. Interroge tes collègues Dubois-Crancé, Alquier; j’ai osé leur dire la vérité, et ils en ont frémi. Je prouverai qu’on a massacré des vieillards dans leurs lits, qu’on a égorgé des enfants sur le sein de leurs mères, qu’on a guillotiné des femmes enceintes ; qu’à Laval on en a ainsi fait périr une le lendemain de ses couches. Je dirai que j’ai vu brûler des magasins de toute espèce, en quel lieu, à quelle heure, ou par quels ordres. On ne s’est pas contenté de noyer à Nantes ; ce genre de supplice était encore en usage à trente lieues en remontant la Loire. Je démontrerai que les gens qui font à présent les philanthropes étaient alors des égor-geurs. En dernier lieu, pendant le siège d’Angers, où, par paranthèse j’ai été suspendu après avoir l’avoir sauvé et après avoir battu quatre-vingt mille hommes, on noyait aux Ponts-de-Cé les gens suspects. » On demande le renvoi de cette lettre au comité de Salut public. LEVASSEUR (de la Sarthe) : Je ne m’oppose point au renvoi. Danican se vante d’avoir sauvé Angers ; j’y étais et je peux donner des renseignements. Le 15 au matin, nous fûmes attaqués par les brigands, je parcourus les avant-postes avec Danican, il fît une chute de cheval qui fut si violente, qu’il crut avoir la jambe cassée. Comme je suis chirurgien, j’examinai sa jambe, et je vis qu’il n’y avait rien. Cependant il se mit dans son lit le 13 et le 14 et il en sortit le 15 ; le siège était alors levé. MERLIN (de Thionville) : Le fait annoncé par Levasseur peut être vrai ; mais je dois dire que j’ai fait la guerre de la Vendée avec Danican, et que je le regarde comme l’un des plus braves officiers de l’armée. DUBOIS-CRANCÉ : La dénonciation de Levasseur n’est pas exacte; je tiens de Danican lui même que ce n’est pas dans son lit qu’il se fit porter, mais sur le rempart. LEVASSEUR : Dubois-Crancé n’était pas à Angers, et je prouverai par témoins que j’ai été plusieurs fois dans la chambre de Danican, que je l’ai trouvé dans son lit, et que j’ai assisté aux pansements qu’on lui faisait. DU ROY : Je demande que la Convention cesse de s’occuper de Danican, et qu’elle renvoie sa lettre au comité de Sûreté générale. Cette proposition est décrétée (127). (127) Moniteur, XXII, 357. Débats, n° 763, 513-514; Ann. R. F., n° 35; Ann. Patr., n° 664; C. Eg., n° 799; J. Perlet, n° 763; J. Fr., n° 761; Mess. Soir, n° 800; M.U., XLV, 90-91; Gazette Fr., n° 1029; F. de la Républ., n° 36; J. Mont., n° 13; Rép., n° 36. Dans la presse ce débat se situe immédiatement avant l’intervention de Gaudin au sujet d’une déclaration déposée au comité révolutionnaire des Sables, ci-dessus Arch. Parlement., 5 brum., n° 47. Rapporteur du décret de renvoi, Berlier selon C* II 21, p.17. 50 [Adresse de la société populaire de La Tour-du-Pin (Isère) à la Convention nationale, le 24 vendémiaire an III] (128) Représentants, Un nouveau tyran a paru et vous en avés purgé la France qu’il vouloit asservir; le jour qui vit tomber la tête du scélérat releva le courage abattu du peuple français mais avec luy ne périrent point son esprit et ses projets : Robespierre a laissé des continuateurs ; ces hommes de sang dont la rage n’est jamais assouvie ne voyent qu’avec une douleur profonde un grand nombre de victimes leur échapper, ils s’agitent pour ressaisir leur proye et pour y parvenir ils dénoncent les principes de justice et d’humanité qui vous dirigent, la protection que vous accordés aux patriotes opri-més, comme le succès et le triomphe de l’aristocratie. Représentants, vous ne vous laisserés point surprendre par les cris et les feintes allarmes de ces faux patriotes, et la même vigilence qui découvrit les conspirateurs, la même énergie qui les terrassa, démasquera les restes impurs de cette faction sanguinaire et rendra nuis leurs coupables efforts. Pour nous, nous jurons à la Convention nationale une fidélité à toute épreuve, nous nous unissons à elle plus étroitement que jamais, nous la reconnoissons pour notre guide, notre modèle et notre appuy. Nous l’aimons par-cequ’elle veut la République, nous voulons le gouvernement révolutionnaire, parce qu’il peut seul établir plus promptement le régné de la liberté, nous le voulons tant que la Convention en tiendra les rênes parcequ’alors le coupable seul tombera sous ses coups et que le citoyen paisible et patriote jouira tranquillement de sa fortune, de sa liberté et de sa vie. Nous avons lu l’adresse de la Convention nationale au peuple français, chacun de nous l’a reçue avec avidité dans son sein ; elle ne respire que justice, humanité, vertu. Grâces vous en soient rendues, citoyens représentants, elle a porté dans nos âmes la consolation et la paix ; nous ferons ce que vous nous commandés, faites ce que vous nous prométés, le peuple français trop longtems jouet et victime de l’egoïsme, de l’intrigue et de la faction, deviendra de l’univers le peuple le plus heureux. Salut et fraternité. Les membres composant le bureau de correspondance. Boissieu, président, Davies et une autre signature illisible. (128) C 325, pl. 1404, p. 30. Bull., 8 brum.; M. U., XLV, 163-164.