SÉANCE DU 13 FRUCTIDOR AN II (30 AOÛT 1794) - N° 45 119 CAMBON : Citoyens, ici nous voyons une combinaison de méchanceté plus raffinée que celle de Robespierre lui-même : on fait un crime à nos collègues tantôt de n’avoir rien dit, et tantôt d’avoir parlé. Je demande que le comité fixe un délai dans lequel un membre d’un comité sera tenu de dénoncer tout collègue lorsqu’il s’en sera absenté. BILLAUD-VARENNE : L’absence de Robespierre du comité a été utile à la patrie, car il nous a laissé le temps de combiner nos moyens pour l’abattre; vous sentez que, s’il s’y était rendu exactement, il nous aurait beaucoup gênés. Saint-Just et Couthon, qui y étaient fort exacts, ont été pour nous des espions très incommodes. Je demande si on fait un reproche à Brutus d’avoir, pendant six ans, contrefait l’insensé pour abattre la tyrannie de Tarquin. Et pourquoi Le Cointre lui-même, qui avait un acte d’accusation contre Robespierre, n’a-t-il pas parlé plus tôt ? LECOINTE-PUYRAVEAU : C’est parce que Robespierre a été, pendant un mois absent du comité de Salut public, qu’il a été abattu. Il était beau de voir, pendant son absence, les hommes qu’il voulait perdre travailler au succès de la République; c’est pendant son absence que nos armées ont remporté de plus grandes victoires. Aussi Robespierre a senti lui-même qu’il fallait, pour attaquer les membres du comité, tourner contre eux ces succès; et c’est ce qu’il a fait, en alléguant que nos armées étaient dans la même position que du temps du traître Dumouriez, en voulant faire croire que nos généraux étaient des aristocrates. Robespierre attaquait Billaud, Collot d’Her-bois, Barère, parce qu’ils nuisaient à ses projets. Qui est-ce qu’on attaque aujourd’hui ? Billaud, Collot d’Herbois, Barère. Ne suis-je pas en droit de penser que ce sont les mêmes motifs qui ont dirigé l’accusation qui a été faite contre les mêmes représentants ? (111) 46 On suspend la discussion, pour lire la rédaction des décrets relatifs à la reprise de Condé, ainsi qu’il suit: Un membre, au nom du comité de Salut public, annonce à la Convention nationale que le télégraphe vient de lui apprendre la restitution de Condé à la République. La Convention nationale décrète que désormais cette commune portera le nom de Nord-Libre; que ce changement de nom sera annoncé à l’armée par la même voie du télégraphe, ainsi que le décret qui déclare que l’armée qui a concouru à la restitution de cette place, continue de bien mériter de la patrie. (ill) Moniteur, XXI, 637-638; Débats, n° 711, 244-247. Ann. Patr., n° 608; F. de la Républ., n° 423, 425; J. Fr., n° 705; J. Perlet, n° 709; M. U., XLIII, 220; Rép., n° 255. La Convention nationale décrète que ses comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation, seront entendus demain et jours suivans sur les rapports qu’ils ont à faire sur la position affligeante des habitans des frontières où les brigands ont exercé leurs ravages, et sur les moyens d’y remédier (112). 47 Le citoyen Chappe, ingénieur télégraphe, écrit à la Convention qu’il vient de recevoir de son correspondant à Lille, par la voie du télégraphe, l’avis de réception de celui qu’il lui a donné par la même voie que la Convention a changé le nom de Condé en celui de Nord-Libre, et qu’elle a déclaré que l’armée qui a concouru à la restitution de cette place, continue à bien mériter de la patrie. La Convention nationale décrète que la lettre de Chappe sera inscrite au bulletin (113). Il est huit heures du soir : le président donne lecture de la lettre suivante: Paris, le 13 fructidor, l’an 2, à six heures et demie du soir. Je t’annonce, citoyen-président, que le décret de la Convention, relatif au changement de nom de la ville de Condé, et qui déclare que l’armée du Nord n’a pas cessé de bien mériter de la patrie, est transmis maintenant à Lille; j’en ai reçu le signal de réception : j’ai chargé mon préposé à Lille de faire passer ce décret à Nord-Libre par un courrier extraordinaire. Signé, Chappe, ingénieur-télégraphe (114). 48 Le Cointre lit l’article XXII. 22°. D’avoir permis que le général Lava-lette, Dufraisse et tant d’autres traîtres ou conspirateurs dénoncés dès longtemps aux comités ou frappés par des décrets de la Convention, soient restés à Paris, y aient obtenu de l’emploi; de les avoir mis ainsi à portée de commettre de nouveaux forfaits. Les pièces sont la condamnation de Lava-lette, et vos registres (115). Un membre : J’interpelle Duhem de déclarer si, l’année dernière, ayant été commissaire à l’armée du Nord, et étant à portée de juger de (112) P.-V., XLIV, 240, Bull., 13 fruct.; Débats, n° 710. (113) P.-V. XLIV, 240-241. C 318, pl. 1281, p.38. Décret n° 10 632 — Voir, supra, n° 43. Débats, n° 710; Moniteur, XXI, 638; Ann. R.F., n° 272; Ann. Patr., n° 608; F. de la République, n° 423; Gazette Fr., n° 973; J. S.-Culottes, n° 563; J. Paris, n° 609; J. Perlet, n° 707; Mess. Soir, n° 743; Rép., n° 255. (114) Bull., 13 fruct. (115) P.-V., XLIV, 241. Moniteur, XXI, 638; Débats, n° 711, 248.