320 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 7 DÉCEMBRE 1790. Motion que M. dHaramlmre soumet au jugement de lotis les membres de l’Assemblée nationale; il répond de la justesse des calculs, de la facilité de l’exécution : les grandes vues politiques qu’elle renferme , ne peuvent échapper à leur sagacité ; il n’a pas cru devoir les intéresser par de fastidieux détails , qu'il donnera s’il en est requis. D'ailleurs le moment est pressant : il s'agit du régiment de Mestre-de-eamp. Qu’il me soit permis d’entretenir un moment l’Assemblée nationale des 483 individus composant le ci-devant régiment de Mestre-de-eamp, cavalerie. Puis-je espérer d’obtenir de la sollicitude, pour le vrai bonheur de la nation, la faveur de mettre les individus dont je lui parle, à même de donner le premier exemple d’une bien grande et bien utile vertu civique ? Si le ci-devant régiment du Mestre-de-camp avait eu le malheur, à la guerre, d’oublier un moment ses devoirs, une très belle action où il eût fait périr de sa main beaucoup d’ennemis, eût à l’instant fait oublier ses torts : il eût regagné l’estime de l’armée entière. Eh bien ! Messieurs, vous rendez à la société d’anciens militaires ; mettez-les à même, avant de rejoindre leurs foyers, d’avoir bien mérité de la patrie, pur des travaux utiles, dont il est précieux de propager la pratique. Je demande que l’inspecteur, chargé du licenciement de ce régiment, soit autorisé à lui faire les propositions suivantes : elles loi feront connaître la haute opinion que l’Assemblée nationale conserve, de l’élévation des sentiments ues militaires français, quand des causes étrangères à leur état ne peuvent plus les égarer, et qu’ils sont rendus à eux-mêmes, et à la façon de penser qui leur est propre. Le décret de l’Assemblée nationale doit préalablement être signifié à ce régiment : la loi doit, avant tout, avoir sa pleine exécution. Il est temps, Messieurs, que je mette sous vos yeux les ressources que vous pouvez donner au ci-devant régiment de Mestre-de-camp, pour bien mériter de la patrie; elles sont à voire disposition, et je demande qu’elles lui soient offertes. DÉCRET. Il sera désigné deux mille arpents de terres incultes pris sur différents domaines nationaux; ces deux mille arpents seront confiés aux individus composant précédemment le régiment de Mestre-de-camp, à l’effet de les rendre à la nation en bonne culture, quand il se sera écoulé deux récoltes. Il sera fait, par le Trésor public, successivement, et à mesure du travail, l’avance de 48 livres par arpent ; ce qui, pendant les deux années, élèvera cette avance à une somme de 96,000 livres, laquelle somme sera rendue sur le prix des deux récoltes (ne lussent-elles qu’en avoine) et rentrera dans le Trésor public. La paye sera constituée aux officiers qui auront [8 décembre 1790.] la noble émulation de diriger ces travaux ; elle le sera également aux sous-officiers et cavaliers qui se dévoueront librement à les exécuter. Le soin des chevaux existants à ce régiment continuera de lui être confié; il continuera à être pourvu à leur nourriture comme par le passé; h ur fumier sera employé à l’engrais des terres dont Inculture est confiée aux cavaliers. On fer-a cantonner en tout, ou en partie, les différentes sections du ci-devant régiment, à portée de leurs travaux. J’observe à l’Assemblée, que je lui sauve tous les détails de cette opération que j’ai calculée à des valeurs bien inférieures au taux de leur bénéfice pour la nation. Je peux lui annoncer les principaux résultats. La moitié du rapport commun des terres nouvelles rendra en deux récoltés les 96,000 livres avancées (ne fut-ce qu’en avoine), dont la consommation sera faite par les chevaux, en déduction du payement d’une partie de la nourriture des chevaux; cette somme sera réservée par le département de la guerre au Trésor public. Celle opération n’aura rien coûté à l’Etat, et je dois en outre observer que je n’avance que 48 livres par arpent, quoique j’évalue le prix commun du défrichement de la culture et de la semence en avoine d’un arpent de terre à 96 livres ; mais comme je propose de conserver la paye des cavaliers, je veux leur laisser le mérite de faire cet ouvrage à moitié prix. Je dois observer à l’Assemblée, que les deux mille arpents ainsi défrichés, cultivés, fumés par des bras forts et des hommes courageux, et surtout conduits par l’honneur, à donuer un grand exemple d’une vertu purement civique ; j’ose assurer, dis-je, que ces deux mille arpents seraient aisément, la troisième année, vendus 80Ü,U00 livres, et auraient rendu à ia nation (très de a OU hommes qu’on pounait compter au 'nombre ue ses meilleurs citoyens, propres, d’ailleurs, à être employés aux différentes fonctions qu’on croira les plus utiles à la nation. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. PÉTION. Séance du mercredi 8 décembre 1790 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Martineau, secrétaire, donne lecture des procès-verbaux des deux séances de la veille. Il ne se produit aucune réclamation. M. Ijcscurier demande que le comité, chargé de faire le rapport de l’affaire des officiers municipaux de la ville de Mauriac, qui se sont présentés à l’Assemblée, pour fane confirmer leur élection, veuille bien s’en occuper le plus promptement possible, il rend compte en même temps d’une délibération prise par le conseil général du département du Cantal, le 15 novembre dernier, portant que le montant des rôles du supplément des ci-devant privilégiés des dis-(I) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 décembre 1790.] tricts de ce département, pour les six derniers mois de 1739, sera employé en achats de grains, attendu le besoin pressant des habitants; et qu’à la rentrée des fonds, par l’effet de la vente desdits grains, le directoire sera tenu de reverser et distribuer le produit de chaque rôle dans chaque district de ce département. Il propose ensuite le projet de décret suivant, qui est adopté : « L’Assemblée nationale décrète que la délibération du directoire du département du Cantal, du 15 novembre dernier, sera exécutée suivant sa forme et teneur. » M. Treilhard, membre du comité ecclésiastique , propose et fait adopter deux décrets. L’un, a pour objet d’annuler tous actes de collations et dispositions de cures, faits depuis la publication du décret de l’Assemblée, sur la constitution du clergé; l’autre, concernant les sœurs et les religieuses converses. Ces décrets sont ainsi conçus : « L’Assemblée nationale décrète que tous actes de collations et dispositions de cures faits par des ci-devant collateurs, dans un lieu où le décret sur la constitution civile du clergé avait déjà été publié à l’époque desdites collations, sont et demeurent nuis et non avenus, encore que ledit décret n’eût pas été publié à ladite époque dans le lieu de la situation des cures. » « L’Assemblée nationale décrète que les sœurs converses seront appelées aux assemblées dans lesquelles les supérieures et économes des maisons de religieuses seront nommées, conformément au décret des mois de septembre et octobre derniers, et que lesditos sœurs converses donneront leurs voix pour les élections, comme le3 sœurs choristes. < Il en sera de même pour les religieuses converses dans les élections des supérieures et économes des maisons, qui seront indiquées aux ci-devant religieuses qui auront préféré la vie commune. » M. d’Ailly prie l’Assemblée, au nom des députés de la garde nationale de Magny-en-Vexin, présents à la barre, d’agréer l’hommage de leur respect et de leur dévouement, eu même temps qu’ils déposent sur l’autel de la patrie une somme de 120 livres qu’ils destinent aux veuves de leurs frères d’armes, qui ont perdu la vie à Nancy, en combattant pour le maintien de la liberté et le rétablissement de l’ordre public. (L’Assemblée, en acceptant leurs offres, leur accorde les honneurs de la séance.) M. Démeunler, membre du comité de Constitution au nom de ce comité, et de celui d'impositions, propose ensuite et fait adopter le décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de Constitution et d’impositions, considérant, d’une part, que les assemblées administratives du département de Paris ne sont pas formées, et, de l’autre, qu’il est instant de faire procéder aux opérations préliminaires au recouvrement des impositions directes pour l’année 1791, décrète ce qui suit: Art. 1er. « Provisoirement, et en attendant la formation des corps administratifs du département de Paris, les cinq officiers municipaux, chargés par la municipalité de Paris du travail relatif aux impositions directes de cette ville, sont commis à lro Série, T. XXI. 321 l’effet d’ordonner, sous la présidence du maire et avec le coucoursdu procureur de lacommune,’ auxquels le directeur des impositions de Paris fournira les renseignements nécessaires, lesopé-rations préparatoires à la répartition et à l’assiette, pour l’année 1791, des impositions directes, tant de la ville de Paris, que des autres municipalités du département, et les dispositions arrêtées par eux sur cet objet seront exécutées sans délai. Art. 2. « Ces commissaires rendront compte de leurs opérations à l’administration du département, dès qu’elle sera établie. » M. l’abbé Gouttes, au nom du comité des finances. J’ai à vous rendre compte des plaintes portées par les râpeurs de tabac de la ferme générale contre uncoupd’autoritédont ils craignent de devenir les victimes. Lorsque ces ràpeurs se présentèrent à vous pour obte dr la restitution d’une somme très considérable qu’ils prétendent leur être due en indemnité d’une retenue injuste de 3 sous par jour sur leurs appointements, vous les renvoyâtes au comité des rapports, qui les renvoya par-devant les juges de l’élection, seul tribunal compétent pour juger leurs griefs. Les fermiers généraux ont obtenu tout récemment une évocation de cette affaire à un tribunal non compétent et qui n’existe plus, à une commission nommée en 1755 pour un autre objet. Cette évocaiion est une contravention formelle à votre décret qui supprime les commissions ; nous vou3 proposons de l’annuler et de renvoyer les râpeurs par-devant les juges de l’élection. M. Chabroud. Il est inutile de supprimer cette commission puisqu’elles sont toutes anéanties par votre présent décret, puisque les ministres sont responsables de l’exécution de la loi. Si l’Assemblée s’occupe de ces affaires particulières, elle sera bientôt transformée en un tribunal de compétence. Je demande qu’on passe à l’ordre du jour. (Cette proposition est adoptée.) M. l’abbé Gouttes, au nom du comité de liquidation. Une quantité d’employés daus différentes administrations nous communiquent des mémoires instructifs sur les abus de ces administrations, sur les moyens d’en tirer le meilleur parti possible. Aussitôt que les chefs eu sont instruits ils les renvoient. Je suis chargé par le comité de liquidation de vous demander leur conservation. (Il s'élève des murmures.) Si l’Assemblée ne soutient pas ceux qui lui dévoilent les abus d’administration, elle ne les connaîtra jamais. L’administration des Carrières, par exemple, prétend qu’il lui est dû une somme de 600,000 francs; deux commis de cette administration nous ont communiqué des mémoires qui prouvent qu’au contraire on vous a trompés de plus de 2 raillions; au sitôt ils ont été suspendus de leurs fonctions et privés de leurs appointements. Vous avez été volés et vous le serez continuellement si vous ne vous opposez à ces destitutions. M. Wémennier. Vous avez aujourd’hui des ministres qui ont votre confiance. Je propose que votre comité de liquidation écrive au ministre des linances; s’il ne rend justice aux deux commis destitués, alors l’Assemblée pourra s’occuper d’uu ministre qui ne fait pas son devoir. 21