304 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 septembre 1791.] divin y être célébré les dimanches et fêles par un vicaire de la paroisse. » (Ge décret est adopté.) Le second, relatif à la circonscription des paroisses d’Albi , est mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï son comité ecclésiastique, décrète ce qui suit : Art. 1er. « 11 y aura, dans la ville et faubourgs d’Albi, trois paroisses : 1° la paroisse cathédrale, sous l’invocation de Sainte-Cécile, dont l’arrondissement sera formé des territoires des quatre paroisses de Saint-Etienne, de Saint-Affrique, de Suinte-Martianne et de Saint-Loup, lesquels sont et demeurent supprimées; 2° la paroisse de Saint-Salvy; 3° la paroisse de Sainte-Marie-Magdeieine, dans le faubourg du bout du Pout. Art. 2. « Ges 3 paroisses seront provisoirement circonscrites dans les limites indiquées dans les arrêtés du district d’Albi et du directoire du département du Tarn, des 10 mai et 20 juillet derniers, sauf les additions et modifications qu’il sera jugé convenable d’y faire, lorsque l’Assemblée nationale prononcera sur la circonscription, formation, conservation ou suppression des paroisses et succursales du district d’Albi. » (Ge décret est adopté.) M. Emmery, au nom du comité militaire. Messieurs, vous avez supprimé le droit de faire grâce; mais, d’un autre côté, vous avez, par l’article 71 du décret du 22 septembre 1790 sur les jurés militaires et les cours martiales, déterminé la manière dont seront faits les rapports de la part des jurés de jugement qui examinent et jugent; ils peuvent prononcer coupable, mais excusable, lorsqu'il y a véritablement un délit, mais que ce délit est accompagné de circonstances qui en diminuent la gravité; ils peuvent prononcer convaincu du fait mais non criminel, lorsqu’il n’y a eu aucune intention de la part du délinquant. Lorsque cet article vous a été proposé, il entrait dans les vues du comité que la loi fût toujours rigoureusement appliquée lorsque lesjurés auraient prononcé coupable; qu’on pût, de la part du roi, faire grâce à l’accusé qui serait déclaré par les jurés coupable mais excusable; enfin, que l’accusé déclaré convaincu du fait, mais non criminel, fût immédiatement décharge de l’accusation. Il est arrivé que, sur les difficultés qui se sont présentées relativement à l’application du droit de faire grâce, vous avez pris le parti de déterminer, parce même article 71 de votre loi, que, lorsqu’il y aurait lieu de la part des jurés de jugement de réputer coupable, mais excusable, les juges appliqueraient la loi, et vous vous êtes réservé de faire une loi plus précise lorsque vous auriez pris votre parti sur le droit de faire grâce ; de là il est résulté cet inconvénient que beaucoup de cours martiales se sont trouvées dans l’impossibilité de condamner des militaires, parce que les jurés de jugement ont rapporté coupable, mais excusable, et que certains juges ont pensé que cette déclaration leur ôtait la faculté de condamner l’accusé. Un autre inconvénient, c’est que les jurés de jugement qui n’entendent pas bien ce que c’est que coupable, mais excusable, et qui voient qu’on ne prononce pas contre ceux à la charge desquels ils ont fait pareil rapport, sont actuellement dans l’habitude journalière de rapporter coupable, mais excusable, de manière que les délits militaires ne se jugent point, et que les prisons sont remplies d’un grand nombre d’individus qui sont condamnés, mais dont le jugement ne peut pas être mis à exécution. Nous avons pensé qu’il fallait une loi claire qui prévînt l’équivoque des jurés du jugement. 11 y aurait une autre mesure à prendre, ce serait de statuer sur ceux qui sont dans le cas d’une condamnation, et nous avons pensé, au comité militaire, que tout à l’heure, vraisemblablement, nous aurions quelques dispositions de bienfaisance à porter, dans laquelle on pourrait comprendre ceux de ces hommes qui sont dans le cas d’y être compris, mais qu’il serait peu prudent d’ouvrir dans ce moment les prisons à tous ceux qui sont détenus dans ce cas. Voici le projet de décret que votre comité vous propose : « L’Assemblée nationale, s’étant réservé par l’article 71 du décret rendu le 22 septembre 1790, sanctionné par le roi le 29 octobre, de déterminer ce que les juges de la cour martiale auraient à faire lorsque les jurés de jugement rapporteraient que l’accusé est coupable, mais excusable, décrète qu’en pareil cas les modifications ajoutées au jugement de juré, par lequel l’accusé est déclaré coupable, ne serviront que d’avertissement au juge qu’il peut user d’indulgence dans l’application de la loi, et prononcer une peine moins rigoureuse, sans néanmoins qu’il y ait pour les juges aucune nécessité de déférer à un semblable avertissement, lorsqu’en leur âme et conscience ils croiront ne devoir s’y soumettre, et sans que désormais cette modification puisse servir de motif pour suspendre l’exécution des jugements. a Décrète, en outre, que jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné, il sera sursis à l’exécution des jugements rendus jusqu’à présent en semblables circonstances, et que le ministre de la guerre en présentera l’état dans la huitaine, au plus tard. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. Martineau. Il est de toute impossibilité d’adopter le projet de décret qui vous est proposé, car il est destructif de l’établissement des jurés. Vous avez donné aux jurés la faculté de dire qu’un accusé est coupable mais excusable ; si après cela le juge peut n’avoir aucun égard à l’addition « mais excusable », le juré cesse d'être le seul juge du fuit et le juge, seul juge du droit; et, cependant, dans le projet de décret qu’on vous propose, après le jugement du juré qui déclare que de fait l’accusé est bien coupable, mais qu’il est excusable, le juge peut dire non, il n’est pas excusable : il peut donc juger le fait, ce qui n’est pas de son ressort, sa fonction devant se borner à appliquer la loi. Je vous avoue que si c’est là le remède que le comité veut apporter à l’inconvénient peut-être très grave, qu’il a prévu, je le crois insuffisant et je demande la question préalable sur le projet de décret. M. Emmery, rapporteur. Les réflexions de M. Martineau paraissent porter spécialement sur les mots : « sans néanmoins qu’il y ait pour les juges aucune nécessité de déférer à un semblable avertissement»; s’il ne s’agit que du retranchement de cette disposition, je me range 305 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 septembre 1791.] volontiers à son opinion. J’observe toutefois que son raisonnement ne détruit, en rbn, ni la force, ni l’essence de la loi que nous vous proposons. On peut dire que, lorsque le juré de jugement aura rapporté coupable mais excusable, ce sera pour le juge un avertissement qu’il doit prononcer la peine la moins rigoureuse après celle qu’aurait subie le coupable s’il n’avait pas été déclaré excusable. Je crois qu’avec cette modification nous pouvons laisser subsister le décret; mais M. Martineau est bien rigoureux en le rejetant entièrement. M. Martineau. Je ne suis pas trop rigoureux, je veux éviter l’arbitraire : je demande que le projet soit au moins renvoyé au comité. M. Chabroud. 11 ne faut pas confondre la loi civile avec la loi militaire. En matière civile, on peut déclarer l’accusé excusable : un meurtre, par exemple, peut être commis involontairement. Eu matière militaire, au contraire, une désobéissance est toujours l'effet d’une volonté qui rend le fait notoire, et du moment que l’indiscipline est prouvée, elle doit être punie : il faut que la loi militaire soit rigoureusement appliquée, sans cela vous u’avez pas d’armée. Il faut donc aller franchement à la source du mal, aussi je propose de supprimer de la loi la disposition qui donne aux jurés militaires la faculté de dire : le délinquant est coupable mais excusable ; il faut qu’il dise : le délinquant est coupable ou non coupable. MM. Régnier, Prieur et Lanjninais estiment qud cette dernière proposition est trop rigoureuse et qu’il faut laisser aux juges la faculté de graduer les peines, selon les nuances d’excu-sabiliié. Ils observent qu’ils ne voient pas de différence entre les soldats et les citoyens devant le juré; ils n’admettent pas des lois particulières, et, considérant que le décret proposé doit faire partie du Gode pénal, ils en demandent le renvoi au comité de Constitution pour l’examiner et le classer à son rang. M. Emniery, rapporteur. Je conviens que le code militaire ne doit pas être établi sur les mê nés principes que le code civil. Il est important cependant de laisser dans l’un et dans l’autre, aux jurés de jugement, la faculté de prendre en considération les circonstances atténuantes. Il est indispensable, en effet, de nuancer les peines, car, même en fait de délit militaire, un accusé peut être plus ou moins coupable : puisque vous avez ôté au chef suprême de l’armée le droit de faire grâce, il faut que, sur une déclaration du juré, le juge puisse atténuer la peine, c’est ce but que remplit le décret que nous vous proposons en permettant aux juges de prononcer dans l’application de la loi une peine moins rigoureuse. Au surplus, pour me rapprocher davantage de l’opinion de M. Ghabroud, je propose de modifier le projet de décret en ce sens que, dans le cas où les jurés seraient unanimes dans la déclaration que l’accusé est coupable mais excusable, les juges pourront l’absoudre. M. Tronchet. Je crois qu’il y a de l’inconvénient à faire des lois par morceaux. Il aurait été plus à propos de présenter à l’Aasemblée, l’ensemble du code pénal militaire et de déterminer par une loi générale l’usage que le juge pourra faire de la déclaration du juré, portant que l’accusé est excusable. Mais, comme il peut exister des circonstances pressantes pour porter une loi actuelle qui puisse servir à réprimer et à prévenir l'insubordination et l'indiscipline dont on se plaint chaque jour dans l’armée, je pense que l’on peut*sans danger, adopter le projet de décret qui nous est présenté par le comité militaire et qui, à mon sens, concilie les principes de justice avec ceux de prudence et d’humanité. Toutefois, comme l’importance de la loi proposée demande qu’elle soit méditée et sa bonté reconnue par l’expérience, je fais la motion qu’elle ne soit décrétée que provisoirement. (La motion de M. Tronchet est mise aux voix et adoptée.) M. Einmcry, rapporteur , donne en conséquence lecture du projet de décret modifié dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale s’étant réservé, par l’article 71 du décret du 22 septembre 1790, sanctionné par le roi le 29 octobre suivant, de déterminer ce que les juges de la cour martiale auraient à faire lorsque les jurés de jugement leur rapporteraient que l’accusé est coupable, mais excusable, décrète provisoirement : 1° qu’en pareil cas les juges doivent user d’indulgence dans l’application de la loi, et prononcer une peine moins rigoureuse, à raison des circonstances qui atténuait le délit ; 2° que désormais la modification excusable , ajouiée au rapport des jurés, ne pourra servir de motif pour suspendre l’exécution des jugements qui interviendront : mais que, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné, il sera sursis à l’exécution de ceux rendus jusqu’à présent en semblables circon-tau-ces, et que le ministre de la guerre en donnera l’état dans la huitaine, au plus tard. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) L’ordre du jour est un rapport , présenté au nom du comité des finances , sur les finances du royaume. M. de Montesquiou, rapporteur, fait lecture de ce document qui est interrompu à différentes reprises par les applaudissements réitérés de l’Assemblée. ( Voir ce document ci-après aux annexes de la séance, page 308.) M. llougins demande l’impression de ce travail et son envoi aux différents districts et départements du royaume. (Celte motion est adoptée.) M.Je Président lève la séance à trois heurt s. 1- Série. T. XXX. Première Annexe. 20