388 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juin 1791.] emplois, et souvent il s’échappe dans la circulation ; c’est ainsi que nous l’avons vu. L’état que vous demandez a déjà été produit au comité des finances. Les tableaux de fabrication, de versement, lui sont constamment remis par les agents de l’Hôtel des monnaies. Cet état que l’Assemblée a demandé fait partie de ceux qui sont constamment déposés au comité des finances, et quand l’Assemblée donnera l’ordre qu’ils soient imprimés, on les imprimera; mais ils ne l’ont pas été jusqu’ici. Il a suffi à vos comités des finances de s’assurer, par ces états, s’il avait identité entre les quantités remises au résor public à l’Hôtel des monnaies et les reversements faits au Trésor public. M. Gaultier-Biauzat. Je demande à quoi sont employés les fonds du numéraire. Je prie M. le rapporteur d’engager le comité des finances à nous donner incessamment une notice de cela: car si les deniers ne passent qu’au prêt, j’en suis très satisfait ; mais si ces deniers sont employés à d’autres usages, comme beaucoup de personnes le prétendent, je crois qu’il faudrait y remédier. Nous voyons beaucoup de personnes se rendre au Trésor royal et n’en retirer que du papier. Je voudrais bien connaître les personnes qui ont eu de l’or, et voilà l’objet de ma motion. M. de Cernon. Les troupes et la marine. M. Gaultier-Biauzat. Eh bien! si ce sont les troupes, j’en suis content, mais je veux le savoir. M. Briois-Beaumetz. Il n’y a rien de si simple que la demande de M. Biauzat; elle est fort juste, et il faut le satisfaire. Il n’y a rien de si facile que d’exiger de remettre les états des payements qu’on a fait en or et en argent depuis une époque déterminée. Cet état sera communiqué à l’Assemblée qui en ordonnera l’impression, si elle veut, si elle le juge à propos, et tout sera éclairci. Plusieurs membres: Le renvoi au comité! ■ M. de Cernon. Cet état existe. Le Trésor nous a présenté ce matin un état indiquant l’emploi de son numéraire, et nous avons vu qu’il était constamment employé à de très légers appoints pour le service intérieur du Trésor public. La totalité ou la grande masse passe au prêt des troupes, au service de la marine, au payement de la garde nationale, aux ateliers de Paris. Entre autres, ce matin, il est parti 800,000 livres en écus destinées aux garnisons de Lille, Valenciennes et Metz. Le directeur des Messageries, effrayé des circonstances où nous sommes, a fait demander si la caisse d’argent pour les troupes était prête à partir ; moi-même j’ai engagé le trésorier à presser le départ, parce que j’ai cru que rien ne pouvait arrêter une destination aussi nécessaire que celle de i’args-nt pour les troupes. Telle est la destination du numéraire que vous achetez à grands frais. M. le Président. L’Assemblée nationale a entendu les différentes propositions faites par un membre du comité des finances et parM. le rapporteur. J’imagine que personne ne s’oppose à ce que les observations de M. Biauzat soient renvoyées au comité. M. Briois-Beaumetz. Il ne faut pas de renvoi. Je demande que le ministre soit tenu de fournir un tableau imprimé des états de distribution du numéraire versé dans le Trésor public. (L’impression demandée par M. Biauzat est décrétée.) M. Gaultier-Biauzat. J’ai la parole sur un autre objet qui me paraît très intéressant. Je ne sais pas de quelle manière on procède pour fournir aux parties prenantes dans la liste civile ; mais, en raison des circonstances actuelles, je crois que, dans l’absolue nécessité où nous sommes de prendre des précautions, il faut voir de quelle manière nous pourrons pourvoir à ce que chaque partie prenante puisse recevoir en son temps. Je n’ai point de projet de décret à proposer: ceci doit être réfléchi, mais je demande que le comité des finances nous présente demain un projet de décret, tendant à ce que chacune des parties prenantes sur la liste civile ait la facilité de se faire solder. Je crois, Messieurs, que ceci est très intéressant; quoique l’événement qui nous agite aujourd’hui soit arrivé, nous ne devons pas moins prendre en considération les personnes qui ont droit de prétendre à des payements. Il me semble que M. le rapporteur nous a lu que le payement du mois de juin a été fait en 2 termes . Les créances de la liste civile ne sont pas acquittées. Un membre : Elles le seront : .cela ne nous regarde pas. Plusieurs membres: Non! nonl Gela nous regarde de près. L’ordre du jour ! M. Gaultier-Biauzat. Je vous prie de considérer les mesures qu’il y a à prendre dans le moment présent pour que les fonds qui sont déjà donnés soient utilement employés. (Murmures.) M. Begnaud (de Saint-Jean-d'Angély). Je demande la parole. M. Bœderer. De deux choses l’une : ou le roi doit à sa maison ou à ses fournisseurs, ou il ne doit rien. S’il ne doit rien, il n’y a pas lieu à discuter, s’il doit quelque chose, "j’applique à cette proposition un décret rendu par l’Assemblée nationale sur la motion de M. de La Rochefoucauld, décret qui porte que l’Etat ne payera jamais les dettes de personne. M. Ganltier-Biauzat. Mais il s’en va. M. Bœderer. Un moment. Quand M. de La Rochefoucauld a proposé son décret, l’Assemblée venait de décréter le payement des dettes des princes. Dans le comité de Constitution, on avait arrêté dans une série d’articles le cas où le roi lui-même ferait des dettes, et c’était pour embrasser et les dettes des princes et les dettes du roi, et afin qu’il ne pût pas abuser de sa liste civile que cela avait été proposé. Donc il n’y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Biauzat. Plusieurs membres : L’ordre du jour! M. Gaultier-Biauzat. Je retire ma motion pour la reproduire dans un autre moment. M. le Président. Je vois bien l’impatience de l’Assemblée de passer à l’ordre du jour, mais j’observe que je n’aperçois aucun des rapporteurs. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [21 juin 1791.] 389 M. Regnaud (de Saint-Jean d'Angély). M. Bar-nave est prêt ; il faut le faire avertir. (L’Assemblée décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. le Président. Si l’Assemblée le permet, un de MM. les secrétaires va lui communiquer un arrêté très court qui vient de m’être envoyé par la section de la Croix-Rouge. M. Tuant de Ta Bonverie. Non ! il n’y aurait pas de raison pour ne pas écouler tous les arrêtés de toutes les municipalités. Il faut renvoyer aux départements. M. Robespierre. Je demande que la section soit entendue. (Non ! non !) . M. Gaultier - Biauzat. Est-ce comme section? Elle ne peut être entendue. Est-ce comme individu? Elle peut l’être. M. Robespierre. Lorsqu’il s’agit du salut public, le flbuple seul peut y pourvoir. (Applaudissements). M. Tuant de Ta Bonverie. Le département est là et c’est par lui que la section peut se faire entendre. M. Robespierre. C’est parce que le département est là que je demande que la section soit entendue. . M. le Président. J’observe que la section ne demande pas à être entendue. C’est un arrêté qu’elle a pris et qu’elle envoie à l’Assemblée nationale, et duquel elle désire que l’Assemblée prenne connaissance. M. Gaultier-Biauzat. Cette section n’avait pas le droit de délibérer. Un membre ; Elles sont légalement convoquées. M. Robespierre. 11 est indécent qu’un membre de cette Assemblée refuse d’entendre une section. Le peuple peut être trahi. (Murmures.) M. Régnier, secrétaire. 11 est impossible de s’opposer à la lecture de la pièce que j’ai entre les mains; bien qu’en forme de délibération, elle n’est néanmoins qu’une simple adresse à l’Assemblée nationale; elle contiennes protestations de fidélité et d’attachement de la section de la Croix-Rouge à tous les décrets de l’Assemblée, nonobstant le départ du roi. (Applaudissements.) (L’Assemblée ordonne la lecture de l’arrêté de la section de la Croix-Rouge.) M. Régnier, secrétaire , donne lecture de ce document qui est ainsi conçu : SECTION DE LA CROIX-ROUGE. Extrait du registre des délibérations des assemblées générales de la section de la Croix-Rouge. (Du mardi 21 juin 1791.) « L’assemblée générale de la section de la Croix-Rouge, légalement convoquée, « A arrêté que, malgré le départ, la fuite et la disparition du roi et de sa famille, la section de la Croix-Rouge, pleine de confiance aux lumières de l’auguste Assemblée nationale, et animée des sentiments de la plus parfaite soumission à ses décrets, est résolue de se conformer, avec le plus grand zèle et la plus parfaite exactitude, aux ordres et aux mesures de l’Assemblée nationale, dans les circonstances critiques où se trouve la capitale. « Et le présent arrêté, à l’instant sera envoyé et porté à l’Assemblée nationale, par MM. Millier, Traislin, Gard, Amandry et Poupard, et par tous autres citoyens porteurs d’icelui. « Pour extrait collationné conforme à la minute. « Signé : C.-N. DE BeaüVAü, président; Boucher-René, secrétaire provisoire. » (L’Assemblée applaudit à la lecture de cette adresse, en ordonne l’insertion dans le procès-verbal, et passe à l’ordre du jour). M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion du Code pénal (1). M. Te Pelletier-Saînt-Fargeau, rapporteur. Messieurs, vous avez adopté les articles 7 et 8 de la première section du titre II du Code pénal; toutefois un membre de cette Assemblée ayant demandé que cette adoption ne fût pas définitive et qu’il lui fût possible de présenter quelques observations, vous avez décidé que ces articles seraient de nouveau soumis à la délibération. Nous allons donc les reprendre ; les voici : Art. 7. « Hors les cas déterminés par les précédents articles, tout homicide commis volontairement envers quelques personnes, avec quelques armes, instruments, et par quelque moyen que ce soit, sera qualifié et puni ainsi qu’il suit, selon le caractère et les circonstances du crime. » (Cet article est mis aux voix et adopté.) M. Te Pelletter-Saïnt-Fargean, rapporteur, donne lecture de l’article 8~ ainsi conçu : « L’homicide commis sans préméditation sera qualifié de meurtre, et puni de la peine de 20 années de chaîne. » M. Pison du Galand. J’observe à l’Assemblée que la manière dont est conçu le premier article contrarierait son intention très manifeste d’appliquer la peine de mort à tout meurtre qui ne serait pas excusable. Effectivement, Messieurs, si on ne prend pas les précautions les plus sérieuses, si on n’apporte pas l’attention la plus scrupuleuse à qualifier cette espèce de meurtre, il me paraît de toute évidence qu’on s’écartera des vues de l’Assemblée. II est aisé de se figurer qu’avec cette expression, tout meurtre non prémédité ne sera puni que de 20 années de chaîne ; par exemple, une vengeance sera préméditée et pour la satisfaire on fera élever une rixe. Je demande donc, que le meurtre, toutefois qu’il n’a pas pour principe la légitime défense de soi-même ou une provocation extrêmement grave, soit puni de la même peine. M. Garat aîné. Décréter, comme le propo-(1) Voy. ci-dessus, même séance, page 376.