[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1731.] 470 du Rhône et de s’assurer ainsi de son étendue et de sa vitesse par les différentes expériences qui seraient faites ; l’on ne pourrait les faire trop au large et dans les endroits où il y aurait une trop grande profondeur d’eau, parce que, pour faire exécuter ces opérations avec précision, il est indispensable de jeter l’ancre et on ne peut réussir dans cette manœuvre dans les parages ou la hauteur des eaux de la mer ne permet pas de mouiller. Une vérification aussi lonpue, quoique très satisfaisante, serait fortdispe: dieusepour le loyer du bâtiment, les journées d’hommes à solder et autres dépenses nécessaires. Nous pensons que l'on peut s’en passer, et l’existence du courant de la mer de l’est à l’ouest est assez démontrée pour n’en point douter; elle est d’ailleurs constatée par le témoignage de tous les marins et des personnes qui ont écrit sur les ports de la Méditerranée, et les moyens de les préserver des ensablements. — MM. Mercadier, correspondant de l’académie de Montpellier, et Ero-mond de la Merveillère, capitaine au corps royal du génip, 1788. Par nous, ingénieur en chef du haut et bas Languedoc et département d’Arles, le 1er juin 1789. Signé : Remillat. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DUPORT. Séance du mercredi 23 février 1791, au soir (1), La séance est ouverte à six heures et demie du soir. M. Christian donne leciure d’une pétition de la ville de Lons-le-Saulnier qui demande que le siège épiscopal du département du Juia, situé à Saint-Claude, soit iransfére à Lons-le-Saulnier. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. ILemereier. Le procureur général syndic du département de la Charente-Inférieure annonce, dans une adresse, que plusieurs fonctionnaires publics de ce département, égarés d’abord par des ennemis de la chose publique, ou retenus par de fausses craintes, avaient différé de prêter le serment prescrit par le décret du 27 novembre dernier; mais que, mieux instruits des intentions ou des maximes de l’Assemblée nationale par l’instruction qu’elle a décrétée et fait publier, ils ont ouvert les yeux sur leurs erreurs et les pièges qu’on leur avait tendus, et se sont empressés d’obéir à la loi, quoique après le délai fixé par elle. Je demande que les fonctionnaires ayant fait leur serment civique avant leur remplacement soient traites et regardés comme ceux qui ont prêté dans les délais s rescrils par ie décret. (Cette motion est décrétée.) Un de MM. les secrétaires donne lecture d’une pétition de M. Pingre, membre de l’Académie des sciences, qui prie l’Assemblée nationale de vouloir bien prendre les arrangements qu’elle croira convenables pour l’impression d’un ouvrage de sa composition, intitulé : Les Annales célestes , ouvrage qui a mérité le suffrage de l’Académie. (L’Assemblée renvoie cette pétition à l’examen de son comité des finances.) Un de MM. les secrétaires fait leciure du procès-verbal de la séance du matin, qui est adopté. L’ordre du jour est la suite de la discussion de V affaire de Mimes (1). M. foulland. Je demande à interpeller M. le maire de Nîmes sur an fait particulier. Plusieurs membres : Non! non ! M. Tessier de Marguerittes, à la barre. Je suis prêt à îépondre; j’accepte l’interpellation. M. Toailland. M. le maire a parlé hier dans son discours d’un approvisionnement de blé, fait pour secourir le peuple ; je lui demanderai de nous dire quelle est la date de cet acte de surveillance. M. Tessier de Marguerittes. La réponse est sim (de ; elle sera courte : c’est en mars et en avril 1790. M. Meynier de Saliaselles. En 1790, le blé n’était ni" rare ni cher; je ne conçois pas pourquoi cet approvisionnement a été tait. M. Tioug. Le blé était si cher à cette époque, dans mon pays, qui est le erenier du Languedoc, que le septier, pesant 100 livres, se vendait 14 francs. M. Tegsier de Marguerittes. La réponse à ces questions, tout au moins oiseuses, se trouve dans une délibération du représentant de la commune du 1er mai 1790, adressée à l’Assemblée nationale ; c’tst encore une des pièces dont M. le rapporteur a oublié de faire mention. (L’Assemblée ordonne la lecture de cette pièce.) M. Tessier de Marguerittes donne lecture de cette délibération (2). M. ÂEquicr, rapporteur. Cette pièce est authentique et les faits qu’elle relate sont vrais. M. Tessier de Marguerittes , continuant son discours commencé dans la séance d'hier au soir : QUARIÈME PARTIE. Evénements, excès du mois de juin. — Résumé général. Les premières hostilités du mois de mai avaient été heureusement terminées ; mais tout donnait lieu d’en craindre de plus terribles ; dans ce moment la légion se trouvait presque sans chefs par la démission de 3 officiers de l’état-major ; (1) Voyez ci-dessus, séance du 19 février 1791, page 299, le rapport do M. Alquier sur cet objet. (2) Voyez ce document aux annexes de la séance clu 19 février 1791, page 323, 2e colonne. (1) Celle séance est incomplète au Moniteur. 471 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES.' [23 février 1791. J elle n’était pas d’accord sur la manière de procéder au choix de scs nouveaux supérieurs : ce fâcheux incident menaçait ce corps national d’une prochaine scission en deux parties ; celle qui affectait l’indépendance fit signifier des actes à la municipalité. Pour prévenir les malheurs qui devaient résulter de cet e division entre les membres d’un même corps, les officiers municipaux employèrent les moyens de douceur et les exhortations les plus pressantes pour suspendre une nomination (1) qui pouvait avoir les conséquences les plus funestes; un courrier extraordinaire fut dépêché vers l’Assemblée nationale le 2(3 mai, avec les plus instantes prières de vouloir bien, par la sagesse et la promptitude de ses ordres, remédier à l’anarchie et aux maux cruels dont la ville était menacée; le maire s’empresse lui-même de mettre cette demande sous les yeux du comité de Constitution. Après plusieurs conférences, les membres de ce comité croient, pour un bien de paix, devoir engager M. Rabaud-Saint-Etienne, un des leurs, et M. le maire de Nîmes, à prendre conjointement des mesures capables de concilier les esprits. Cette proposition est acceptée, les conférences sont indiquées; M. Meynier de Salinelles est invité à s’y rendre en tiers : on propose de nommer un colonel catholique, un lieutenant-colonel protestant et membre du club ; l’ancien major, catholique et marié à une protestante, est conservé; enfin on désigne pour major eu second un protestant : on est pie-que d’accord, et i’on convient de se rassembler le lendemain pour écrire collectivement une lettre aux citoyens de Nîmes, et les engager, pour un bien de paix, à adopter un choix dicté par l’amour de l’union. M. de Marguerittes remet à M. Rabaud-Saint-Etienne le dossier des pièces relatives à cette affaire pour les examiner de nouveau chez lui. Quel fut l’étonnement du maire de Nîmes en recevant, le 4 juin, le billet suivant: « M. Rabaud-Saint-Etienne a appris que le comité « des recherches se regarde comme nanti de toute « l’affaire de Nîmes, et par conséquent du règle-« ment provisoire ; il a l’honneur de renvoyer à « M. de Marguerittes les pièces que celui-ci lui a « confiées, afin que M. de Marguerittes puisse les « communiquer au comité des recherches. » Le maire de Nîmes se rendit sur-le-champ à ce comité, et de là chez M. le rapporteur auqued il remit lui-même toutes les pièces. Gomment cet incident (2) pouvait-il faire partie de la grande affaire? Quoi qu’il en soit, le jugement en a été renvoyé à une même époque; il eût été à désirer sans doute que l’arrangement proposé pût avoir lieu, parce que la nomination des chefs de la légion aurait été faite à Nîmes le 10 juin, et aurait précédé de quelques jours et sans doute prévenu les scènes sanglantes des 13, 14, 15 et 16 juin. Le maire et les officiers municipaux n’ont aucun reproche à se faire. Dans cet intervalle, et le 1er juin, une entreprise répréhensible de certains capitaines de la légion avait été sur le point d’exciter un combat très vif entre différentes compagnies. Les officiers municipaux avaient requis le major de la légion de commander 400 volontaires pour border la voie dans les rues où ta procession de la Fête-Dieu devait passer, et 200 autres pour faire des patrouilles, ou former des piquets; le major fut en même temps prié de défendre aux volontaires qui (1) Voypz la délibération du conseil général cotée n° 48, omise par M. le rapporteur. (2) J1 n’en a pas été question dans le rapport. ne seraient pas de service de prendre les armes sous aucun prétexte : loin de se conformer à cette sage réquisition, le major fait mettre tontelalégion, composée de 45 compagnies, sous les armes; certains capitaines prennent sur eux de faire charger celles de leurs compagnies avant de venir à l’esplanade et d’autres aussitôt après qu’ils sont arrivés; le capilaine et le lieutenant des dragons leur enjoignent, par des billets, de se trouver le même jour au rendez-vous , mousquetons (1) et pistolets chargés et gibernes suffisamment garnies. Plusieurs billets originaux sont entre les mains des officiers municipaux. Les légionnaires à poufs rouges, qui n’ont point de munitions, sont indignés de cette manœuvre, qu’ils prennent pour une déclaration de guerre; ils s’en plaignent hautement à leurs capitaines, qui parviennent à les apaiser et à les contenir en requérant la visite des armes; le major la commence et la finit promptement pour ne pas trouver trop de coupables; la compagnie qui a chargé ia première se voit forcée de quitter la place après avoir jeté les amorces et détaché les pierres à feu. Les billets écrits par les capitaines et le lieutenant des dragons avaient malheureusement circulé dans le public. L’inquiétude était devenue générale, d’autant que la veille, 30 mai, les volontaires des dernières compagnies reçues avaient été insultés par d’antres volontaires, qui leur reprochaient d’être en veste, et de ressembler, avec leurs houppes rouges , au bourreau de Chambéry. Le verbal dressé à ce sujet est remis depuis longtemps au comité des recherches ; il n'en a été fait aucune mention : il est essentiel d’observer que 1« s premières compagnies qui firent u-ag ■ des houppes rouges étaient celles des sieurs Rigal et Roubel, tous deux protestants (2) ; si ces°houppes rougis eu-sent été un signe de catholicité, deux capitaines protestants en auraient-iU introduit l’usage? D’ailleurs, un grand nombre des agriculteurs, ayant été grenadiers dans divers régiments, arborèrent la houppe qu’ils étaient accoutumés à porter au service du roi : ils souffraient surtout avec peine que les dragons affectassent de les appeler des cébés, c’est-à-dire mangeurs d'oignons ; le mot « cébé », dans l’idiome [finnois, voulant dire oignon et les cultivateurs ne mangeant ordinairement à leur dîner qu'un oignon blanc et du pain : ce terme de dérision a surtout contribué aux malheurs de Nî nés, parce qu’il offensait d’autant plus les cultivateurs qu’il leur était prodigué par les dragons, troupe leste , riche et brillante, composée de jeunes gens les plus aisés de la ville, presque tous non catholiques ; cette troupe excitait ainsi la rivalité et la jalousie des cultivateurs pauvres, mal vêtus , niai armés, mais imbus des principes de la nouvelle Consti-titution, et amis de l 'égalité civile et militaire. L’assemblée électorale du département tenait ses séances depuis quelques jours à Nîmes; la situation violente des esprits avait redoublé l’attention et les soins des otticiers municipaux pour la sûreté de celte assemblée, sur laquelle on affectait de répandre des craintes ; ils avaient pris ses ordres et ceux de MM. les commissaires du roi, et ils s’y ôtaient conformés. Ges ordres (1) Ce fait a été passé sous silence par M. le rapporteur, et l’on sait que les 5/6 de la compagnie des dragons sont protestants. (2) Ce fait répond à l’inculpation de M. le rapporteur. 472 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 17S1.J portaient, entre autres dispositions, que les dra-gODS volontaires de la légion feraient des patrouilles dans la ville , pour y dissiper les attroupements et maintenir la tranquillité; mais ces patrouilles à cheval, dans une ville dont les rues sont fort étroites, avaient incommodé, froissé et même renversé quelques citoyens. D’après les plaintes portées, le corps municipal prit, suivant son usage, la voix de la douceur; il recommanda aux dragons la plus grande circonspection : un cheval s’étant échappé et plusieurs personnes ayant couru risque (I) d’être estropiées, le roupie se plaignit de nouveau de ces pairo* illes à cheval, et dit que ['infanterie, tant la milice nationale que le régiment de Guyenne , suffisait pour maintenir la tranquillité intérieure; que les dragons devaient être réservés pour celle du dehors et de la campagne; ou pour une garde d’honneur à la porte de l’assemblé électorale. Sur ces représentations faites avec chaleur, les officiers municipaux convinrent avec MM. les commissaires du roi , que le service des dragons se bornerait à être de garde à la porte du palais, lieu ce l’assemblée électorale et à leur enjoindre d’avoir seulement, dans le lieu accoutumé, le nombre de 20 volontaires prêts à monter à cheval à la première réquisition; pour remplacer cette patrouille de 20 hommes on en requit 50 de plus du régiment de Guyenne, afin de maintenir le bon ordre. Les officiers municipaux insistèrent d’autant plus sur cette précaution, que, peu de jours auparavant, ils avaient eu beaucoup de peine à arrêter le premier mouvement d< s volontaires cultivateurs : ceux-ci se plaignaient d’être nargués par les dragons partout où ils les rencontraient, et s’étaient donné rendez-vous en très grand nombre, vers les cinq heures du soir, sur la place des Récollets; ils devaient partir de là, montés sur des bourriques, et tourner en dérision les patrouilles des dragons. L’activité des magistrats parvint à empêcher celte mauvaise plaisanterie; mais il était à craindre qu’elle se renouvelât et ne devînt très sérieuse; et il était essentiel d’en prévenir les occasions. Nous voici enfin arrivés au moment de la terrible catastrophe du mois de juin, catastrophe que l’irritation des esprits et la division entre les différents corps de la garde nationale faisaient appréhender depuis loi gtemps. Le dimanche 13 juin, à l’issue d’un conseil où presque tous les officiers municipaux avaient assisté, le procureur de la commune et son substitut trouvèrent des traînées de poudre dans la grande salle de l’hôtel de ville. Ils voulurent, conjointement avec un officier municipal, faire quelques perquisitions à ce sujet, et demandèrent à un des volontaires par quel ordre la compagnie avait chargé ses armes; il leur répondit : Qu1 est-ce que cela vous /’.....? Je n’ai aucun compte à vous rendre. Cette circonstance donna lieu à observer que la compagnie n° 1, qui se trouvait de garde, ordinairement composée de 60 hommes, élait plus que triplée ce jour-là, qu’elle fournissait des patrouilles redoublées de 40 hommes; et ces deux faits bien importants, antérieurs de deux heures au commencement de la rixe survenue entre les dragons et les travailleurs de terre, ne permettent pas de douter qu’il n’y eût complot, et que le prétendu billet allégué, et q i n’a jamais été produit, n’a été qu’un prétexte apparent; on doit encore observer que la compagnie n° 1 est la même qui avait occasionné l’émeute du 2 mai. A l’issue du conseil, trois officiers municipaux, membres du bureau, restent seuls dans la maison commune, pour travailler aux comptes; circonstance bien essenlielle. A six heures et demie, on vient se plaindre de ce qu’un quidam a porté au corps de garde de l’évêché un billet d ns lequel on menaçait les dragons, s’ils y revenaient encore. Les officiers municipaux réclamèrent sur-le-champ le billet , comme une pièce de conviction, essentielle pour connaître les perturbateurs du repos public; ce billet si important à conserver, l’homme qui l’a porté, d’abord arrêté par les dragons, tout a disparu : il paraît assez avéré que le billet a existé; mais que contenait-il? A peine avertis, MM. Feirand et Pontier, revêtus de leurs écharpes, se rendent avec d’autant plus de promptitude à l’évêché que, pendant leur marche, ils entendent des coups de fusil; arrivés sur la place, ils voient des dragons aux prises avec des volontaires de la légion, ceux-ci armés seulement (1) de sabres, les autres armés en même temps de sabres et de mousquetons : 1rs agriculteurs se plaignent aux officier s municipaux, « qu’inquiets sur le sort d’un volontaire « qu’on leur avait annoncé détenu et maltraité « dans l’évêché, ils s’étaient présentés pour le « réclamer; qu’ils avaient essuyé un refus, et « que, sur leur insistance, non seulement on les « avait repoussés, mais qu’on avait fait sur eux « une décharge.de mousqtn terie qui en avait tué « ou blessé 7; qu’ils demandaient justice de « ce que les dragons qui étaient de service et « sous les armes avaient tiré, sans ordre, sur des < citoyens désarmés : les dragons se plaignirent, « de leur côté, qu’ils avaient été injuriés et me-« nacés jusque dans l’évêché; » mais il paraît certain que les volontaires à houppes rouges n’avaient point d’armes à feu, lorsqu’on a commencé par tirer sur eux. Bientôt le bruit de la rixe étant répandu, la compagnie de garde vient pour secourir 1 s dragons; le nombre des combattants augmenle; quelques légionnaires à poufs rouges s’arment en diligence; il s’engage des combats dans les (rois rues qui aboutissent sur la place de l’évêché. Les officiers municipaux n’oublient rien pour calmer les esprits et faire cesser le feu; ils entrent dans la cour de l’évêché; ils y trouvent deux hommes sans uniforme, armés de sabres et couverts de sang. Des dragons et des volontaires de la compagnie n° 1, après avoir injurié les officiers municipaux, lèvent sur eux (2) leurs sabres nus, et les auraient infailliblement frappés, sans le sieur Paris, lieutenant. M. Ferrand revient alors sur la place; il fait rentrer dans l’évêché quelques dragons; il fait fermer promptement les portes, ce qui coniraint M. Pontier, son collègue resté dehors, de retourner à la maison commune. La retraite des dragons avait mis fin au combat : mais, malgré 1rs représentations de M. Ferrand, malgré sa défense expresse, ils veulent absolument rouvrir la porte ; ils se présentent sur la place, et dans l’instant (autre circonstance bien essentielle), le feu recommence de part et d’antre; alors ils abandonnent leur poste, ils se rendent à l’hôtel de ville. Lorsque M. Ferrand et les dragons y arrivèrent, le major se permit, en présence du peuple, des propos indécents contre la municipalité: (1) Voyez le verbal de juin, passé sous silence. (I) Fait attesté par les 27e et 77* témoins. (2) Fait omis par M. le rapporteur. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [23 février 1791.] 173 Vous marcherez, dit-il à M. Ferrand, f....,vous ne nous quitterez pas, il y en aura pour tous. C’est ainsi que, dès les premiers instant-1, loin d’obéir aux otïicmrs municipaux, on ne cessa de le-isoler, de les disperser, de les violenter, de les accabler même de coups et de menaces, pour empêcher que, rassemblés en assez grand nombre à l’hôtel de ville, ils puissent y déibérer et donner, en corps de conseil , les ordres nécessaires : les dragons et les légionnaires de leur parti veulent bien en donner, mais non pas en recevoir. Ils se permettent des menaces et des excès envers h s officiers municipaux revêtus de leurs écharpes. Une parei le conduite méritera sans doute l'improbation de l’Assemblée et celle de M. fiabaud lui-même: car, dans le rapport sur la force publique, fait au nom des comités de Constitution et militaire réunis, il vous a dit - « La liberté serait perdue, l’esclavage serait « bie tôt établi, si, au milieu d’une société sans « armes, des hommes armés pouvaient se mou-« voir, agir, contraindre, sans en être requis , et « commander en leur nom, quand ils ne doivent « le faire qu'au nom de la loi, et lorsque les n hommes de la loi l ont voulu. » Or, je le demande à M. le rapporteur, ouand MM. Ferrand, Aigon, Du Roure,Razoux,La Baulme, Boyer, Laurens ont élé injuriés, excédés de coups, i rêts à perdre la vie, obligés de fuir ou de marcher en enclaves, obéissait-on alors aux hommes de la loi? Et cependant, aucune improbation, aucun reproche, pour cet abus ce la force armee; tout est permis aux prétendus patriotes ; il ne faut chercher des torts qu’aux officiers municipaux. Je le demande encore à M. le rapporteur ; resoectait-ou la volonté de M. l’abbé de Bel mont, homme de loi resté seul à l'hôtel de ville, lorsqu’une partie des volontaires de garde le contraignent à prendre le drapeau rouge, à le porter lui-même, l’entraînent dans la cour, de là sur la place, lorsque vainement il fait des observations sur les préliminaires à remplir, sur son état qui ne lui permet guère de proclamer la loi martiale ? On lui répond qu'il y va de sa vie et que sa robe en imposera. Il représente encore que ce n’est pas à lui à porter le drapeau rouge : on ne l’écoute point (1), on le menace, on l’injurie, les sabres et les baïonnettes sont levés sur lui. 11 marche donc, et, de temps en temps, on le rudoie, on le frappe ; on se plaint avec fureur qu’il n’élève pas assez le drapeau rouge; on lui dit 2u' il est assez grand (2) pour l'élever davantage. m arrive enfin sur les dehors de la ville. Biemôt paraissent des légionnaires à poufs rouges, quelques-uns armés de fusils, un plus grand nombre avec des sabres. On tire de part et d’autre ; les injure?, les menaces, les mauvais traitements sont poriés à leur comble; des volontaires viennent prendre l’officier municipal au milieu de la troupe qui l’environne et à grands coups de crosse de fusils on le force d’aller en avant; il en reçoit un entre les deux épaules (3) qui lut fait vomir le sang à pleine bouche, et on ne cesse de lui crier : Allez donc en avant ! Je le demande encore ; obéissait-on à l'homme de la loi? Non, sans doute, puisqu’il fut contraint, sous peine de la vie, d’avancer seul avec le drapeau rouge. Taule son escorte resta en arrière, rangée en bataille ; seul il atteint enfin les légionnaires à poufs rouges; (1) M. le rapporteur appelle ça une vaine formalité. (2) Voyez le verbal dressé à cet effet. (3) C’est sans doute encore une vaine formalité; car M. le rapporteur n'a pas daigné en faire mention. il les persuade; mais alors il vomit, à leurs yeux, le sang à pleine bouche. Nous ne souffrirons pas, lui disent-ils, que vous vous exposiez de nouveau aux violences dont nous avons vu que vous alliez être la victime; venez avec nous, nous vous servirons d'escorte pour voies conduire dans un endroit où vous puissiez être pansé. L’abbé de Belmont résiste, ils l’entraînent, le conduisent d’abord chez une femme qui lui donne quelques secours, et de là dans la maison d’un autre officier municipal ; enfin ils se saisissent du drapeau rouge, et l’emportent avec eux. Pendant qu’on traitait ainsi l’abbé de Belmont, M. Ferrand éprouvait les mêmes excès, à la tête d’un autre détachement de la garde nationale, commandé par le major lui-même : 2 valets de ville qui veulent suivre l’officier municipal sont chassés et battus ; des volontaires le saisissent par les deux bras, le menacent à tout instant de le frapper de leur sabre ; bientôt, il en voit plusieurs nus levés sur sa tête; il se sent frappé (1) au dos et, sans le sieur Paris, dragon, il aurait terminé sa vie sous les coups de sabres et de baïonnettes. Alors le major renonce à son projet d’aller sur la place de l’évêché; il reconduit sa troupe à l’hôtel de ville où le procureur de la commune travaillait à calmer lts esprits. Sur ces entrefaites, entre M. Aigon, officier municipal. 11 annonce qu’il a rencontré, à la porte de la Magdeleine, dns volontaires armés, qu’il a voulu les engager à se retirer et que, pour toute réponse, il a été frappé, poursuivi et blessé ; qu’à la première nouvelle de la rixe survenue, il s’était empressé de se rendre à la maison commune et qu’un des légionnaires, posté dans le vestibule, en le voyant entrer, avait dit à un de ses camarades : En voici un (2), qu’il ne nous échappe pas. Déjà on allait se porter contre lui aux plus grands excès, lorsque le sieur Beaueourt, lieutenant de la compagnie de garde, accourut et le sauva de leurs mains. Il profite de ce moment pour se rendre dans une chambre de l’hôtel de ville; mais bientôt on le cherche, on le | oursuit de nouveau. Il s’échappe par le jardin, reste caché dans une maison où l’on panse (3) ses blessures et se rend ensuite à Montpellier, pour achever sa guérison, et se dérober aux entreprises de ses ennemis. Quel était donc le crime de cet officier municipal? C’était lui qui, le 3 mai, surprit le sieur Larnac, protestant, faisant soud< r des balles à des cartouches de fer-blanc, qui le fit arrêter et conduire à la mai-on commune; d’après cela, il avait été fortement menacé, et des légionnaires� voulaient, à cette époque, mettre les menaces à exécution. En entrant dans la salle, M. Ferrand rencontre M. Pontier, son collègue, qui lui dit qu’après l’avoir quitté à l’évêché, il s’était rendu, à travers mille dangers, à la maison commune où se trouvaient MM. les commissaires du roi ; qu’il avait été convenu avec eux de faire publier la loi martiale et de requérir à cet effet le régiment de Guyenne; qu’ri s’était rendu aux casernes; qu’en y arrivant il avait demandé que Je régiment prît les armes pour la publication de la loi martiale ; que M. le lieutenant-colonel avait observé qu’il ne pouvait les faire prendre sans une (1) Même silence sur ce fait dans le rapport. (2) Ce fait décisif a été omis parM. le rapporteur, qui a passé sous silence tous les excès commis par des patriotes contre la personne des officiers municipaux; de ceux que le comité de Constitution appelle les hommes de la loi. (3) Le verbal dressé est joint aux pièces; il a été omis. 474 réquisition par écrit de la municipalité et que le régiment ne saurait marcher sans le concours de la garde nationale, de la maréchaussée et du drapeau rouge, ce qui avait déterminé M. Pon-tier à revenir avec un de MM. les commissaires du mi à l’hôtel de ville. Ce fut alors que MM. Ferrand et Pontier apprirent que la compagnie de garde, en leur absence, avait forcé M. l’abbé de Belmont, sans avoir égard à son état, de proclamer « seul la loi martiale avec une es-« corte de quelques volontaires seulement, qui « l’abandonnèrent quand il y eut quelque dance ger. » On ajoute qu’on ignore ce que sont devenus M. de Belmont et le drapeau rouge. 11 est alors arrêté, entre MM. Ferrand , Pontier et un commissaire du roi, qu’ils proclameront de nouveau la loi martiale et qu’à ces fins on requerra, par écrit, le régiment de Guyenne. La réquisition au commandant de p'ace est aussilôt faite et signée par les officiers municipaux. Dans ce momengonamèneun homme qui avait échappé à la fureur de certains de ses conducteurs; des menaces et des crisse font entendre; les officiers municipaux, voulant lui sauver la vie, se hâtèrent de le faire entrer dans la salle du conseil, pour le faire conduire de là en prison; mais une foule de volontaires surviennent et les entraînent eux-mêmes pour putdier, sans délai et sans délibération préalable, la loi martiale; fortement et tumultueusement poussés, ils descendent, et cette démarche forcée coûte la vie au malheureux qu’i s ont laissé dans la salle du conseil ; il y est massacré inhumainement sur les sièges consulaires, traîné dans l’escalier et laissé dans la cour. Ju ne me permets ici qu’une réflexion: 15 compagnies à poufs rouges apprennent cet assassinat et restent tranquilles en attendant avec paiienceles ordres de l’etat-major pour marcher ; point de réquisition ; aucune de ces compagnies n’est requise par le major; il met exclusivement sur pied des compagnies à plumets blancs, c’est-à-dire protestâmes. Qu’on juge après cela, s’il y avait un complot, quel parti on doit accuser! Des compagnies de volontaires armés, rassemblés sur l'esplanade, viennent renforcer le détachement qui escorte le drapeau rouge; devant la place de l’ancien cimetière, on annonce que des gi ns sont retranchés derrière le rempart et dans une tour qui en dépend; un coup de fusil est tire par l’escorte (1); à ce signal, il en part beaucoup des deux côtés et, malgré les défenses que font MM. Ferrand et Pontier , le feu se soutient à mesure qu’on avance ; mais une décharge de mousqueterie arrête le détachement, lui fait faire une marche réirogade, et conséquemment abanclo mer la drapeau rouge et l'officier municipal quon laisse exposé aux coups. Le commissaire du roi et M. Pontier s’étaient empressés de se rendre aux casernes où devait se porter le détachement; M. Ferrand ne veut pas abandonner le drapeau rouge; il les suit lentement avec le porte-drapeau-, mais bientôt le drapeau rouge est enlevé par des volontaires aux poufs rouges. M. Ferrand, abandonné sans retour par son détachement, est arrêté par les mêmes légionnaires; il les exhorte vainement à mettre bas les armes; il leur expose combien ils se rendent coupables; ils lui répondent qu'ils ne les ont prises que quand ils ont été attaqués et qu'ils ont vu plusieurs des leurs. massacrés. Us entraînent alors cet officier muni' ipal dans la maison du sieur Froment, attenante au rempart. Là M. Ferrand réitère vai-(1) Voyez la déposition du porte-drapeau. [23 février 1791.] nement les mêmes exhortations. Après un certain temps, il obtient. enfin de sortir; il rentre chez lui, pouvant à peine se soutenir; et bientôt il est atteint d’une grosse fièvre. Après avoir été abandonnés parle détachement, M. Pontier et le commissaire du roi s’étaient rendus aux casernes; ils y avaient trouvé un autre commissaire du roi et MM. les officiers du régiment sous les armes; sur la réquisition de M. Pontier resté seul , le régiment sortit et se forma au-devant des casernes. Le chirurgien-major arrive; il affirme qu’il a fait le tour de la ville et n’a rencontré personne ; un sergent fait. le même rapport; il ajoute que tout est tranquille : MM. les commissaire s clu roi , l'officier municipal et ceux du régiment déterminent ensemble que le régiment rentrera. D’après cet exposé véritable, on ne conçoit pas le reproche fait à la municipaliié d’avoir trop différé de pubfier la loi martiale et de faire agir le régiment de Guyenne, tendis qu’il est avéré que, dès l’instant que MM. les commissaires du roi sont venus requérir les officiers municipaux, ils ont marché sur-le-champ avec eux, précédés du drapeau ronge, vers les casernes où était le régiment de Guyenne ; il est également avéré que les escortes des” officiers municipaux, publiant la loi martiale avec le drapeau rouge, les abandonnèrent après les avoir maltraités et que les officiers municipaux n’en sont pas plus responsables que MM. les commissaires du roi eux-mêmes qu’ils n’ont pas quittés ; ou plutôt ni les ms ni les au ires n’ont aucun turt, et la fatalité des événements est la seule cause que le régiment de Guyenne fut requis un peu plus tard. Il est également difficile de comprendre pourquoi le nom d 'antipatriotes est, prodigué aux volontaires à poufs rouges , par MM. les commissaires de l’assemblée électorale, tandis que les dragons et autres volontaires qui ont maliraitéet violenté les officiers municipaux, qui, les premiers, ont blessé et tué des citoyens sans armes, sont honorés du beau nom de patriotes. Cependant, l’émeute était finie, la fureur réciproque était amortie et on ne se battit nulle part pendant la nuit. Plusieurs officiers municipaux la passent à la maison commune. Ils y entendent les propos les plus menaçants contre la municipalité; 4 de leurs confrères viennent les rejoindre à 3 heuresdu matin; bientôtils sont frappés des cris multipliés qu’ils entendent ; ils apprennent qu’il arrive un grand nombre de volontaires étrangers et qu'on en attend de toutes parts. M. de La Bnulme t-e transporte chez M. Vigier-Sarrazin, président de l’assemblée électorale; il y trouve MM. les électeurs du département rassemblés; i! leur propose de se concerter avec la municipalité et les chefs des troupes déjà arrivées, et d’inviler ces troupes à demeura-aux avenues de la ville ; ce projet est adopté. La réquisition est dressée et signée ; un des électeurs offre même d’aller au-devant des troupes de son canton pour les prévenir. M. de La Baulme, d’accord avec ses collègues, se rend avec M. Vincens-Vals, à l’Esplanade, pour parler aux chefs des troupes; à peine y sont-ils arrivés, deux groupes différents les entourent et les séparent. M. de La Baulme, après les plus horribles menaces, reçoit au . défaut des côtes un coup qui lui ôte la respiration ; bientôt les sabres sont levés sur sa tête, les baïonnettes sont tournées contre lui ; il appelle M. Vin-cens-Val il fait d s efforts pour le rejoindre; heureusement, celui-ci s’approche avec quelques officiers de la légion. M. de La Baul me ne doit son salut qu’à cette réunion ; le sieur Chabanel pare [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 475 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (23 février 179 1.] les coups qui sont portés à l’officier municipal et parvient à conduire MM. de La Baulme et Vincens-Vals dans la maison du sieur Mazel : c lui-ci craint pour eux, et leur annonce que, « malgré ses ef-« forts, il rra pu parvenir à sauver la vie au nom-« me Bataille, qui vient d’être égorgé chez lui, « après avoir échappé au fatal réverbère dont la « corde s'est cassée. » Les deux officiers municipaux s’évadent par les jardins et parviennent enfin dans la campagne : le lendemain ils s’informent s’il y a sûreté pour eux en se rendant à Nîmes, mais ils apprennent, par le retour de l’exprès, qu'il n’y a sûreté que pour M. Vincens-Vals , et il est à remarquer que, dès la matinée et dans la journée du lundi, il était arrivé un nombre effrayant de milices nationales étrangères que les nioins exagérés portent à 15,000 ; qu’elles arrivent, non seulement des environs de Nîmes, mais, chose incroyable et même impossible si des avis précédents n’y eussent préparé, de 5, 6, même de 10 et 12 lieues. Elles arrivent presque uniquement des cantons où les protestants sont en plus grand nombre; elles entrent dans Nîmes, non seulement sans aucune réquisition de la municipalité, mais avec des intentions hostiles contre les officiers municipaux, le dessein formel de leur désobéir et la commission de « ranpo1 ter la tête et « les dépouilles de tous les officiers munici-« paux. » Elles arrivent, non avec le désir humain de ramener l’ordre et la paix, de s’informer de la cause des' troubles et d’y remédier, de réunir deux partis opposés d’une ville amie et voisine, mais avec le projet injuste et inhumain de détruire et d’écraser tons ceux contre lesquels la haineet !a vengeance Dur avaientinspiré d’avance les plus cruelles préventions. Enfin, il est à remarquer que les plus grands malheurs de la ville de Nimes, dans cette crise terrible, sent venus des secours cruels qu’un des partis s’était préparé-, et que la grande scène de carnage n’a commencé qu’après leur arrivée. Ah ! ce n’est pas ainsi que se sont comportées les gardes nationales de Bordeaux quand elles marchèrent à Montauban, ni celles c V Orange quand elles ont volé an secours des Àvignonais, ni celles de Metz et de Tout quand elles vinrent à Nancy. Ici, Messieurs, je vais rapporter deux faits décisifs, et dont je suis chargé d’offrir la preuve. Des affidés au club firent retirer, le sam ali 12 juin, du collège et d’une autre pension de la ville, quelques enfants et ceux de leurs amis; un membre du club qui, par sa place, était au cou-ranidés événements fit sortir du grand couvent les filles d’une dame très connue, malgré l’opposition des religieuses. Le commandant d’une légion étrangère s’était mis en marche avec sa troupe le lundi matin 14 juin, sur l’avis d’un électeur protestant de son canton, à l’effet de venir donner main-forte et mettre le bon ordre à Nîmes. Avant de partir, des femmes et des filles disaient aux gardes nationaux : Ne revenez pas sans no 'S apporter la tête et les dépouilles de tous les officiers municipaux. Arrivé à 2 lieues de Nîmes, il lit repo-er sa troupe dans un endroit où il rencontra plusieurs volontaires de différents lieux. Il en entendit un qui disait qu’oD égorgeait les catholiques de Nîmes et qu’il fallait se hâter de s’y rendre pour faire sauter le couvent des Capucins; un autre qui demandait à son camarade si l’on avait fait marcher tous les catholiques de son village; et sur l’assurance qu’il lui en avait donnée, il avait répondu : « Tant mieux, nous les mettrons en avant « pour tuer ceux de Nîmes, et ensuite nous leur « ferons subir le même sort, car il ne faut pas « qu’il en reste un seul. » Ces propos alarmants décidèrent les commandants de cette légion à rétrograder. Les catholiques cfui en faisaient partie les suivirent et arrivèrent à travers champs dans le lien d’où ils étaient partis. Les protestants, s’apercevant de leur fuite, coururent après eux, mais sans pouvoir les atteindre. Avant d’avancer un fait aussi important, j’ai cru devoir prendre de nouveaux renseignements ; on m’a répondu que la preuve setait faite, dès que l’information serait renvoyée à un tribunal étranger à Nîmes. Cependant, Nimes n’offre plus que l’image effrayante d’une ville prise d’assaut, livrée au meurtre et au pillage; nul ordre, nulle discipline, nul chef qui commande à ces milices acharnées contre un parti dès lors anéanti par l’énorme disproportion du nombre; certains officiers municipaux sont maltraités dès qu’ils paraissent, ou consignés dans l’hôtel de ville ; aucun électeur ne se présente pour en imposer aux troupes de son canton, et contenir leur furie; personne ne fait respecter l’autorité des lois. On proscrit hautement quelques officiers municipaux, des membres respectables du clergé, tes soldats et officiers des compagnies à poufs rouges, les signataires des deux délibérations du 20 avril et premier join, c’est-à-dire les trois quarts de la ville; les uns désignent les victimes, les autres le deviennent partout où on les rencontre, et, dès cet instant, on ne voit plus que des catholiques massacrés. Un événement, survenu le lundi à 7 heures du malin, ne laisse aucun doute sur lo complot prémédité à l’avance de piller tes couvents. Le boulanger du second monastère des ursu-lines apporte le pain destiné aux religieuses et à leurs nombreuses pensionnaires. Au moment où l’on ouvre la porte du couvent, des légionnaires de la Gardonnengue et des Gévennes enlèvent le pain, maltraitent le boulanger, insultent la lourière, et sont sur le point de forcer les portes du couvent, lorsque fun d’eux fait observer à cette troupe effrénée qu’on doit respecter les ordres supérieurs d'après lesquels il faut commencer par les capticins. Cette seule considération arrête les brigands, qui avaient amené leurs femmes avec eux, pour prendre part au pillage et emporter le butin. En effet, sur les 11 heures du matin, on publie qu’il existe dans ce couvent des hommes et un dépôt d’armes cachés. Par ordre du major de la légion, on fait sur-le-champ une fouille exacte ; malgré les recherches les plus actives, on ne trouve rien : on recommande aux religieux de fermer soigneusement leurs portes et leurs fenêtres; ils obéissant. Quelques heures après, l’inexpérience d’un volontaire étranger fait partir un fusil au milieu des troupes étrangères campées à l’esplanaie. Le maire d’un village est atteint et meurt. On dit confusément que le coup est parti du couvent, quoique toutes les portes et fenêtres en soient exactement fermées . Sans autre examen, le monastère est forcé, on y massacre cinq religieux (dont un de 82 ans, retenu dans son lit par ses infirmités, fut haché à coups de sabre) (1), ainsi que deux jeunes clercs qui bail; Les détails horribles de ces assassinats et de 30 autres se trouvent dans les détails circonstanciés. Je ne me permets ni tableaux ni réflexions ; j’observerai seulement que M. le rapporteur a longuement détaillé les noms des pamphlets que le frère Modeste est accusé 476 [Assemblée nationale.] layaient l’église, et un garçon jardinier : tous les autres capucins n’échappent à la mort qu’en se cachant entre la voûte de l’église et le couvert ; de là, ils entendent vomir contre eux les plus grandes imprécations; tout c st livré au pillage, to t est détruit, portes, fenêtres, meubles, ustnsiles; la bibliothèque enrichie de celle de l’illustre Fléchier, la pharmacie sont entièrement dévalées; quatre calices, leurs patènes, deux ciboires, le linge, les ornements sacerdotaux sont volés dans la sacristie. Les nombreux dépôt-', que la confiance des peuples faisait re-imttre entre les mains de ces pieux cénobites, n’éehap; ent pas aux perquisitions. C’est à la vue d’un camp de 20,000 hommes que de pareils excès se cummeltent librement, et sont tolérés; et, en les racontant à l’As-emblée nationale, MM. les commissaires de l’assemblée électorale re contentent de ces froides expressions : « Le « couvent des capucins est forcé ; ceux qui « avaient tiré sur l’Esp'anade sont massacrés; « quelques religb ux i é ri s sent dans cette attaque, « et b-s perquisitions qu’on fait dans le cou\ent « deviennent, pour quelques bandits, une occa-« S’on de pillage. » Ne dirait-on pas, à ce récit, qu’il ne s'agit que de quelques insultes, de q; el-ques petits vols, de la dévastation de quelques meubles peu considérables? Et il s’agit, Messieurs, de 5 religieux égorgés, et avec quelles circonstances! de trois autres citoyens indignement massacrés; et il s’agit de la dévastation entière (1) d’une grande maison, opérée sous les yeux et à l’occasion des prétendues perquisition-des gardes nationales, et il est essentiel de remarquer qu’on n’a trouvé ni fusils ni légionnaires cachés dans le couvent ; on assure qu’il n’est point parti des coups de fusil du monastère, et que les capucins ont refusé d’énoncer un fait aussi faux, malgré les promesses et les menaces qu’on ne cesse de leur faire à ce sujet. D’ailleurs, on lit dans l’information qu’on a vu « dans un jardin voisin des capucins des hommes d’avoir distribués ; que le même rapporteur, qui a employé plusieurs pages à faire le tableau de l’assassiuat de deux protestants, se contente, en parlant des huit assassinats commis aux Capucins, de ccs expressions : Cinq capucins, les seuls qui ne se fussent pas évadés ou échappés, furent impitoyablement massacrés, ainsi que trois laïques que l’on trouva dans le couvent. (1) Ici M. le rapporteur ajoute : « Le procès verbal du lieutenant criminel, les dépositions des témoins, et notamment celle de l’abbé Clémenceau, démentent les imposteurs, qui, pour exriter les ressentiments du peuple, ont osé dénoncer de prétendues profanations qui n'ont pas eu lieu dans l’église des Capucins, qui a été respectée. » Pour toute réponse, voici l’extrait de la déposition de M. l’abbé Clémenceau, tirée de l’information faite par le présidial. Il dépose « que le mercredi 16 du mois de juin etc., « il se transporta au couvent des Capucins ; qu’ayant « parcouru les corridors de la maison, la sacristie et (c l’église, il a vu la plus grande partie des portes brisées, « des meubles détruits, du sang dans plusieurs cellules, « de même que dans la sacristie. 11 a vu les portes et « les armoires de la sacristie brisées, le peu d’orne-« ments qui y restaient, des linges et autres effets épars ; « deux ostensoirs , l’un presque brisé, et l'autre dont « la croix était faussée; du sang devant la porte de la « sacristie, de même dans l’église ; quelques ornements « épars et sur lesquels il paraissait qu’on avait couché; « du sang dans le chœur, quelques traces de sang dans « l'église, et une traînée de poussière, jusqu’au caveau, « qui indiquait qu’on y avait traîné des cadavres, etc. » Et il n’y a pas eu de profanations dans l’église des Capucins!... Et l’abbé Clémenceau dément les impos-teursl.. . Mais quels sont-ils?... Que l’Europe juge. [23 février 1791.] armés », ut M. le rapporteur n’a fait aucune me tien de cetle dépo-ition essentielle. Il en est sans� doute du coup de fusil que l’on l rétend avoir été tiré des Capucins, comme de celui qu’on déclara le lendemain avoir été tiré du second couvent des ursulines, ce couvent qui avait été la veille sur le point d’être forcé. En effet, un légionnaire, caché dans la ruelle voisine de ce couvent, attend le moment où il passe une iroupe nombreuse de volontaires étrangers, tire en l’air un coup de fusil, court vers cetie troupe, se plaint qu’on vient de tirer sur lui des fenêtres du couvent « et crie aux sapeurs d’avancer pour « en briser les portes ». Heureusement on avait vu ce misérable calomniateur décharger son fusil; il fut confondu en présence de toute 'a troupe, en faisant toucher le « bassinet qui était encore « chaud et d’où il sortait encore de la fumée ». Les spectateurs outrés ne peuvent contenir leur indignation ; mais pour empêcher touie explication ultérieure, on ordonne de iirer dessus : bientôt, il est étendu sur le carreau sans avoir subi un interrogatoire. Dans toute cette journée du lundi, on s’est livré au massacre plutôt qu’à l’arrestation de ceux qu’on avait désignés comme des rebelles; il ue s’était prérenté qu’un point de résistance. On a eéjàdit, et on ne saurait trop le répéter, que parmi les compagnies aux poufs rouges, 15 n’ont point pris les armes ni aucune part à l’action ; on ne saurait trop répéter qu’elles ont attendu, mais vainement, les ordres du commandant de la légion pour marcher; il ne s’est présenté, pendant les deux premiers jours, des cantons catholiques, a cune troupe armée pour venir au secours des prétendus révolutionnaires ; la seule ville de Beaucaire envoie un détachement de 600 hommes; le parti dominant débute à leur rencontre, leur fait dire que tout est en paix, et ces braves légionnaires reto ment sur leurs pas; et cependant les mas-acres et les pillages continuaient avec une barbarie sans exemple. D’après ce seul fait, s’il y avait un complot, de quel côlé peut-il êire? Environ 60 volontaires à houppes rouges, seulement, maîtres des compagnies qui avaient eu dans diverses circonslances, et notamment la veille, des rixes avec les dragons et avec les compagnies de la légion qui avaient chargé leurs armes le jour de la Fête-Dieu, s’étaient retranchés dans une lour sur les remparts, près le collège, et atlenant à la maison du sieur Froment; un de leurs capitaines, uu membre du club, propose de les attaquer avec du canon; six pièces sont mises sur-le-champ en batterie; deux officiers municipaux, accompagnés de six commissaires conciliateui s, marchent vers la tour, avec un drapeau blanc. Le sieur Froment et les autres capitaines acceptent les conditions qu'on leur propose, pourvu que la légion entièie soit désarmée : ils arborent aussi le drapeau blanc; mais ce signe de paix ne ralentit fias l’attaque. En vain les commissaires conciliateurs invitent à ne pas répandre le sang des citoyens; plusieurs légionnaires demandent à grands cris la tête des capitaines retranchés dans la tour, il est pourtant assez généralement convenu « qu’ils mettront bas « les armes, qu’ils les feront porter au palais, « qu’ils s’y rendront eux-mêmes, et qu’ils s’y « mettront sous la sauvegarde de l’assemblée élec-« t rai e ». Les capitaines acceptent ces conditions et se dis, osent à les exécuter; on publie que la paix eat faite; mais vainement, leur perte était jurée. Malgré la capitulation acceptée par les chefs, l’attaque est continuée; la soif du ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1791.] 477 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. pillage (1) et du sang rend les assaillants sourds à la 'voix de l’humanité. Six pièces de canon, habilement dirigées, ont bientôt fait brèche; les faibles murailles tombent < t s’écroulent, et la fuite s ule peut soustraire à la mort le reste des infortunés qui y étaient renfermés. Le collège se trouve dans le funeste voisinage de cette tour; le collège qui eût été un asile sacré pour des ennemis, par le dépôt précieux de la jeunesse nombreuse qu’il renferme, le collège même e-t violé par ces barbares auxiliaires, sous prétexte d’y poursuivre quelques victimes vouées à la mort. En vain un otlieier municipal exhorte les gardes nationales à ne rien faire de contraire au bon ordre et à la décence ; on trouve dans le collège le recteur, les prêtres, les régents, les pensionnaires réunis dans une même pièce. Le recteur, instruit du motif de la visite, répond que s’il se trouve quelques hommes cachés, c’est à ton insu. Cependant, on découvre, dans un galetas, trois hommes qui sont massacrés. Des volontaires étrangers accusent le recteur d’en avoir imposé et veulent attenter à sa vie. M. Du Roure, officier municipal, déclare hautement qu’on ne le fera qu' après lui avoir passé sur le corps; il court lui-même les plus grands dangers; il a toujours à ses côtés un légionnaire qui ne cesse de lui vanter la beauté et la bonté de son sabre, bien propre, lui dit-il, à faire sauter des têtes. S’il parvient à s uver la vie du recteur, il ne peurempêcher que les compagnies qui l’accompagnent se permettent les plus grandes dévastations; les portes, les armoires sont enfoncées, les vitres cassées, les meubles brisés; tous le-effets, sans exception, des maîtres, des professeurs sont pillés et emportés; on ne laisse à tous les individus du collège que ce qu’ils ont sur le corps. D'après le verbal et les états dressés, l’argent volé se porte à plus de 6,000 livres ; les autres effets, pillés et dévastés, montent à 14,000 livres, sans y comprendre le linge et les effet' (2) de tous les pensionnaires. Ou fit plus; les, brigands éta'ent suivis de Durs femmes, qui étaient occupées à vider les paillasses, les matelas et les oreillers, pour en voler la toile; ce fait, omis par M. le rapporteur, est constaté par le procès-verbal dressé par MM. les officiers du présidial; enlin les pupitres mêmes des écoliers ont été mis en pièces, et rien n’a été conservé; que dis-je? Deux seules chambres sont demeurées intactes, ce qu’elles renfermaient a été respecté (landis qu’une pièce contiguë qui ne contenait que les hardes et les effets du famulus du collège a été pillee et dévastée). N’en soyez pas surpris; le sieur Amabric, protestant, y avait déposé une grande quantité de meubles précieux qu’il avait fait venir de Paris pour revendre : ce trait prouverait seul invinciblement la vérité de la déclaration faite par tout le régiment de Guyenne qu’on n j peut se dissimuler que « la différence des cultes des protestants et des catholiques était la seule cause des troubles ». Eu sortant du collège, trois malheureux catholiques sont rencontrés et massacrés à la porte de l’église: cependant on juge convenable, pour ramener le calme, de dé-armer les poufs rouges; le capitaine de la compagnie n° 4 donne le premier l’exemple de l’obéissance : on trouve chez les chefs les fusils de leurs compagnies ; il n’en (lj Froment était receveur du chapitre, et avait chez lui, à cette époque, plus de 36,000 livres en espèces, qui sont devenues la proie des pillards. (2) Le verbal a été remis et passé sous silence. manque pas un seul chez le sieur Descombiès, un des capitaines réfugiés dans la tour. Mais à peine on s’est saisi de toutes les armes, à peine on est sûr de n’éprouver aucune résistance, que les volontaires sont massacrés, ou arrêtés (1), ou conduits dans la maison commune ; ils y éprouvent des violences, et les plus mauvais t alternants : M. Razoux , qui veut en suspendre le cours, est grièvement insulté; il reçoit un coup de bourrade, qui l’obligea garder le lit plu -leurs jours. M. Du Roure pa se le reste de la nuit dans la maison commune, pour tâcher de sauver quelques infortunés; vain espoir; les volontaires des compagnies catholiques sont recherchés, arrachés d’en're les bras de leurs femmes et froidement massacrés; la nuit même a vu se multiplier de pareilles horreurs; la journée du mardi ne fut pas moins cruelle pour l’humanité. Il est impossible d’énumérer les désordres, les massacres et les pillages qui furent commis par des légionnaires étrangers, dirigés par des furieux ivres de sang et animés par la haine; 200 chefs de famille perdent la vie; tous les citoyens qui ont porté des poufs rouges sont, de cela seul, massacrés, ou traduits, ensanglantés, dans la maison commune. Les rues n'étaient pas sûres , disent MM. les commissaires : on poursuit les poufs rouges, on les immole partout où on les rencontre; et ces expressions, qui font frissonner d’horreur, serait-ce une exagération de la douKur et du désespoir? Sortiraient-elles de la bouche des veu ves et des orphelins, pour implorer la vengeance publique contre les assassins de leurs époux et de leurs pères ? Non, Messieurs, non ..... c’est l’affreuse vérité tout entière; ce sont les expressions mêmes du récit de MM. les commissaires de l’administration du département : on poursuivait eu effet les malheureux [ Ou fs rougi s, on les immolait partout où on les rencontrait ; eu vain avaient-ils rejeté ioin d’eux ce signe fatal ; au seul so pçon de l’avoir porté, on les immolait sans pitié; ou égorgeait des citoyens qui ne l’avaient jamais porté, et qui n’avaient jamais été d’aucune compagnie, tels que l’infortuné Gat, Tribes, etc., etc. ; des barbares, ivres de haine et de vengeance, indiquaient, pour ces horribles massacres, à des étrangers aussi féroces qu’eux, les retraites de leurs victimes, et ces victimes étaient leurs concitoyens. Selon les relations les plus modérées, il en a été immolé le mardi et le mercredi plus de 300 au moins de cette manière; les noms de 153 sont connus, malgré la barbare précaution de jeter de la chaux vive sur les cadavres, pour empêcher de reconnaître les morts et d’en savoir au juste le nombre; déjà le couvent des dominicains est entièrement ravagé; tout est saccagé et détruit, au point de le rendre inhabitable; le pillage est complet; les brigands qui ont commis ces excès de sang-froid, se pa ragent, eu sortant sur la place, l'argent qu’ils y ont volé. Les religieux éperdus, instruits par le malheur des capucins, avaient fui la ville : on les pour-(1) Il suffisait d’un simple billet signé par le colonel de la légion, qui était en même temps président du club, pour priver des citoyens de leur liberté. Ainsi Claude Delon a été arrêté et envoyé dans les prisons du fort le 16 juillet 1790, avec cette note, signée F. Aubry : Il est certain qu’il sera décrété sous peu de jours . Cependant cet infortuné a été oublié en prison, pendant six mois, et on n’a pas trouvé même matière à décret pour justifier cette détention inconstitutionnelle. 478 s lAssemblée nationale.] suit. Le père Thibaut , l’un d’eux, manqué d’un coup de fusil, n’échappe à la rage de ses assassins qu’en feignant d’avoir été atteint sur le coup, et en se jetant la face contre terre. Les récollets, plus heureux, ne virent point leur monastère livré à un pillage général; mais on prit, chez le gardien, tout l’argent qui s’y trouvait, c’est-à-dire 400 livres de l’argent du couvent, et 100 écus du fonds des messes non acquittées. Plusieurs appartements du séminaire furent également visités et saccagés; enlin, plus de 300 maisons sont forcées et pillées en entier; celle de l’abbé Cabanel, administrateur de l’hôpital général, renommé par sa chanté pour les pauvres, fut une des premières livrées au pillage; les registres de l'hôpital sont détruits, l’argent du propriétaire et celui des pauvres, volés; les arbres du jardin sont arrachés; les planchers, les plafonds, les cheminées, les portes, les fenêtres, tout est hrisé, renversé; le couvert même est emporté ou abîmé; les quatre murs demeurent à peine entiers. Tous les effets, tous les meubles de M. Bra-gouse, curé de la paroisse de Saint-Paul, qui ne purent être volés, sont entièrement fracassés; tous les livres d’une bibliothèque précieuse sont déchirés ou jetés dans le canal de la fontaine; l’argenterie de M. Bragouse, celle de la fabrique, l’ostensoir, une chape de drap d’or, un ornement complet d’église, valant plus de 3,000 livres, et donné par feu M. Bec-de-Lièvre, évêque de Nîmes, enlin, toutes les provisions do cire d’une année pour la paroisse sont volées; dn offre de prouver que le pillage de cetie maison a été ordonné, mais qu’on a recommandé véritablement de tout détruire sans rien emporter. Ce fait sera attesté par une foule de témoins; par ceux-là mêmes qui ont déclaré ingénument qu’ils avaient pensé qu’il valait mieux profiter de la dépouille que de tout brûler. Une circonstance singulière et frappante mérite surtout d’être relevée : le curé Bragouse, homme d’une piété éminente, s’était distingué dans tous les temps par le zèle le plus ardent pour la religion; il était le fondateur d’une nouvelle paroisse, et il avait su s’attirer une confiance sans bornes de la part de ses ouailles; il était aussi l’ecclésiastique dont les jours avaient été le plus souvent en danger; cependant, on remarqua que les plafonds, les cheminées, les portes, les fenêtres de la maison qu’il habitait, ne supportèrent aucun dégât ni aucune détérioration. Pourquoi donc cette maison n’a-t-elle pas été saccagée comme celle de l’abbé Cabanel et de tant d’autres? C’est qu’elle appartenait à la dame Tomsart, non catholique. 100 autres maisons ont été pillées en entier, et les effets brisés avec une sorte de fureur qui ne peut se décrire; on répandait l’huile que l’on ne pouvait pas s’approprier, le vin qu’on ne pouvait pas boire. Enfin, toutes les maisons endommagées appartiennent, sans distinction, à des catholiques, et ce fait est bien important dans cette cause. Dans la seule maison du sieur Ca-rayon, négociant, on a évalué à plus de 30,000 livres les vols ou les dégâts. Je crois pouvoir affirmer à l’Assemblée, qu’il s’est fait pour plus de 760,000 livres de pillagi s et de dévastations. Comment qualifier après cela le récit de MM. les commissaires de l’assemblée électorale ? Les maisons sont pillées, disent-ils, mais c'étaient des maisons suspectes. Ce pouvait être, sans doute, une raison pour s’en assurer, pour les faire visiter avec prudence; [23 février 1791.J mais ce ne pouvait être une raison pour les piller ou les détruire. Mais, avec 20,000 hommes armés et réunis, n’avail-on pas des forces suffisantes pour s’assurer de tout ce qui était criminel ou suspect, sans se livrer aux assassinats et aux brigandages? Car comment qualifier autrement les horreurs qui se sont passées les journées du mardi et du mercredi, durant lesquelles ou continuait à massacrer des hommes qui ne se défendaient pas, et à piller les maisons de ceux qui n’avaient jamais été armés, il est un fait qui ne permet pas le moindre doute sur l’existence d’un complot réel : sur 9 maisons de campagne, que l’on compte sur les collines qui entoment la ville de Nîmes, 4 ont été pillées ou saccagées, et les arbres, les vignes, les olivets arrachés et détruits en partie; 5 ont été respectées; elles sont enclavées de telle sorte et situées de manière qu’il était impossible à des étrangers, sans êtie guidés, de ne dévaster que celles désignées.Gomment se fait-il qu’on n’ait pas touché une seu e pièce, un seul arbre des domaines qui appartiennent aux protestants, et que ceux qu’on a pilles et saccagés appartiennent tous à des catholiques? C’est ici le lieu de faire observer à l’Assemblée que sur la fausse nouvelle que des paysans avaient commis par représailles quelques dégâts dans la métairie du sieur La Coste, protestant, située dans un canton habité par des catholiques, l’ordre avait été donné par le chef de la force publique, à 500 hommes d’infanterie, 50 de cavalerie de mai cher avec du canon contre plusieurs villages entièrement catholiques. Les officiers municipaux, instruits decet ordre sanguinaire, représentent qu’il convient préalablement de s’assurer des faits ; ils demandent que cette terrible exécution soit suspendue jusqu’au retour de l’exprès qu’ils vont envoyer. Celui-ci part, passe à la métairie privilégiée, revient, et annonce qu'elle n' a essuyé aucun dommage, et que tout est parfaitement tranquille. A cette nouvelle, voici la i épouse des commissaires de l’assemblée électorale : « Nous sommes fort aises d’être dis-« penses d’employer les moyens que nous avions <> crus nécessaires pour le retour de la paix. » Quoil il existait des moyens pour éviter les dévastations et le carnage? Quoi! les commissaires le déclarent eux-mêmes? Et ce n’est que dans l’instant où l’on annonce faussement qu’on a pillé la propriété de M. La Coste, protestant, ce n’est qu’après deux jours et deux nuits entièrement consacrés aux meurtres et aux excès les plus atroces que l’on commence à s’occuper des moyens de les arrêter? Suivons encore le récit de MM. les commissaires; ü a de quoi affliger les âmes justes et sensibles : « Les instances réité— « rées, disent-ils, h s efforts constants du comité « électoral, des commissaires du roi, des chefs « des gardes nationales, des bons citoyens, arrê-« tent ces meurtres; on emprisonne tous ceux qui « sont soupçonnés d’avoir eu parlau complot que « le courage des bons citoyens a déconcerté. » Quoi I tant d’efforts, tant d’autorités réunies ont pu rester si longtemps impuissants? Quoi ! il a fallu 68 heures, si fatales pour tant d’infortunés, pour arrêter ces meurtres détestables, aussi lâches qu’atroces, et on n’a pas songé à les punir? On emprisonne tous ceux qui sont soupçonnés d’avoir participe au prétendu complot qui n’a jamais existé, et tant de bons citoyens qui ont entre leurs mains toute l’autorité ne sévissent contre aucun des assassins qui ont foulé si indignement aux pieds l’humanité, les lois et sans doute les ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationate.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (23 février 1791.] 479 ordres et les instances réitérées de leurs chefs? Aucun de ces vils bourreaux n’a été ni arrêté ni puni? Que dis-je! on les appelle de bons citoyens, on vante leur courage , et ce sont des commissaires de l’assemblée électorale qui, dans une adresse à l’Assemblée nationale, prostituent et déshonorent ainsi le titre honorable de bon citoyen! Pour ne pas prolonger trop longuement le compte que j’avais à vous rendre, je n’ai mis sous vos yeux, Messieurs, qu’une esquisse im-pariaite des horreurs qui ont ensanglanté ma triste patrie au nom de la loi et de la liberté : j’ai dû épargner à la fois et votre temps et votre sensibilité-, mais j’atteste, sur mon honneur, que tous les faits contenus dans les détails circonstanciés relativement aux événements du mois de mai sont exacts et de toute vérité; j’atteste également, sur l’honneur de mes collègues, que les faits relatifs aux scènes sanglantes de juin, qui se sont passées en mon absence, sont également vrais, et qu’ils en offrent la preuve, dès l’instant que l’information stra renvoyée par devant un tribunal étranger au département du Gard. L’Assemblée nationale et tous les gens de bien sont suppliés de ne se décider, ni sur les récits pleins d’erreurs, ni sur des informations dont la suspicion est sensible, ni même sur les verbaux qui ont été dressés; ce n’est pas dans une ville où l’esprit de parti s’est si violemment manifesté, qu’on peut se flatter que les informations ont été faites avec impartialité. Il faut surtout suspendre son jugement, non sur les nombreux assassinats prémédités qui ont été commis, puisqu'il est de fait que plus de 300 citoyens ont disparu de la surface de la terre et que l’on compte dans ce nombre 21 protestants seulement, mais sur les auteurs, les fauteurs et les complices de tant d’atrocités; il faut donc suspendre son jugement, jusqu’à ce que des procédures faites avec impartialité, et dans une ville étrangère à tout ressentiment, manifestent de quel côté sont la justice et la vérité; il faut savoir dans quelles vues, sous quels prétextés, sur quelles réquisitions, des brigands attirés dans Nîmes ont rempli leur abominable mission de dévaster les couvents et plus de 100 maisons, et d’exercer sur leurs victimes désarmées toutes sortes d’atrocités. Mais, ariêtons-nous un moment; quittons ces scènes de carnage qui accablent l’imagination et déchirent le cœur; passons à cet instant où le calme va renaître, pour une ville infortunée, après trois jours à jamais désastreux. Ges jours n’eussent peut-être pas été ies derniers, si un détachement nombreux ne la garde nationale de Montpellier ne fût arrivé le mardi soir. Vainement de perfides messages tentèrent, jusqu’à deux fois, d’arrêter leur marche, sur la route, en leur annonçant faussement, comme aux légionnaires de Beaucaire, que la paix était faite , et leur représentant que, d’après les décrets de l’assemblée, ils ne pouvaient venir à Nîmes sans une réquisition de la municipalité ; on redoutait d'avoir pour spectateurs de tant de crimes des soldats vraiment citoyens, vraiment auxiliaires. Moins crédules aux complots, moins avides du sang et des dépouilles de ceux que l’on avait désignés sous le nom de coupables, ces braves militaires déclarent qu’ils veulent s'assurer des faits, et de l’existence réelle de cette paix si faussement annoncée; ils arrivent... ils détournent les yeux avec horreur des membres épars, des restes sanglants de ces scènes atroces; ils déclarent hautement qu’ils se croiront obligés de diriger leurs armes contre ceux qui commueraient à massacrer des citoyens sans armes et dispersés. Leur contenance fière et courageuse fait plus que tous les efforts employés jusqu’à ce moment pour arrêter ie pillage et le meurtre ; ils cessent tout à fait le mercredi matin : on apprend alors les atrocités commises sur le sieur et la dame Noguier et sur les sieurs Maigre, père et fils , dont les épouses furent gardées en otage à Remoulins, et ne durent la conservation de leurs jours qu’au courage de la maréchaussée et du sieur Duprat, son chef, ainsi qu’à la fermeté des officiers municipaux. Des étrangers, cruellement égarés, portés au désespoir en apprenant les nombreux massacres exercés sur leurs hères catholiques de Nimes et ne pouvant les secourir, se soût rendus coupables des plus terribles représailles. Quoi! les monstres détestables qui, dans ces jours de calamités, désignaient leurs victimes et ceux moins criminels peut-être qui se laissaient compter leur salaire sur les cadavres entassés, autour desquels ils dansaient, tous ces monstres sanguinaires voient encore la lumière du jour? Ils ont échappé jusqu’à ce jour au glaive de la loi? Et 2 respectables citoyens, un père estimable, son digne fils, qui pendant 60 ans ont fait vivre chaque jour 200 familles, qui pendant 60 ans ont été les bienfaiteurs de leur patrie et de l’humanité, voilà ceux qui ont péri par le plus lâche et ie plus noir des attentats ? Forcés à ne plus répandre le sang, les hommes féroces qui en avaient tant versé à Nîmes s’en consolent par le souvenir de l’immense butin dont ils se sont enrichis; ils ne songent plus qu’à le remettre en sûreté; chargés de dépouilles sans nombre, ils regagnent à pas lents leurs retraites, et l’on voit qu’ils ont longtemps exposé, qu’ils exposent encore leurs lâches et odieux trophées. Sans doute, ces crimes ne sont pas ceux de toutes les milices étrangères, mais de quelques individus qui en faisaient partie, mais qui, marchant à leur suite, sont venus fondre, avec la férocité du tigre et l’impétuosité du lion, sur la ville de Nîmes. Eh! pourquoi ne s’y sont-elles pas opposées? Gomment peuvent-elles excuser une irruption aussi coupable qu’illégale ? Le plus grand nombre d’entre elles sans doute ne s’est pas souillé de sanget de pillage, mais si elles avaient été pénétrées des mêmes sentiments de justice et d’humarnté que celles de Montpellier; si, dès leur arrivée, elles avaient employé leur utile et pressante médiation pour séparer des citoyens qu’un moment d’acharnement et de fureur poussait à se combattre ; si, loin de se joindre inhumainement aux uns pour écraser les autres; si, loin d’agir en ennemis, plutôt qu’en auxiliaires, ils se fussent jetés entre les deux partis, la paix qui eut été dans leurs cœurs, cette paix salutaire et bienfaisante fût entrée avec eux dans la ville de Nîmes, tandis que le sang, au contraire, n’a cessé de couler à grands flots, que depuis leur fatale arrivée et par leurs mains. Grâces immortelles soient rendues aux généreuses milices de Montpellier; que la mémoire et la reconnais ance ne s’en effacent jamais entre ces deux villes voisines et si longtemps émules. Nîmes doit principalementà leur courage et à leur fermeté le retour de l’ordre et de la paix dans ses murs; peut-être devra-t-elle encore un plus grand bienfait à leur justice : la manifestation de la vérité et le redressement (1) de la calomnie. Il importait à ceuxqui ont triomphé par la force (1) Ou a, par amendement, substitué le tribunal d’Arles à celui de Montpellier, proposé par lo comité. Pourquoi? 123 février 1791.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 48Q {Assemblée nationale.] extérieure de conserver, par ces mêmes moyens, tous leurs avantages; il leur importait de donner aux malheurs domestiques de Nîmes un bien plus grand caractère que celui d’une querelle locale, entre deux partis de la milice nationale de cette ville : il leur importait de captiver la laveur de l’Assemb'ée nationale et de la France entière; dès lors, à l’entendre, ce ue sont plus des intérêts particuliers, c’est la Constitution elle-même qui est en danger ; ce n’est plus le hasard, une rivalité passagère, l'étincelle du moment, qui a mis les combattants aux prises; c’est un comulot formé, médité depuis longtemps, pour établir à Nîmes (1) le foyer d’une contre-révolution et y exterminer tous les bons patriotes. C’est ainsi que les vainqueurs ont travesti les malheureux événements de Nîmes; leurs ennemis vaincus et terrassés sont aussi les ennemis de la patrie. Ehl comment l’Assemblée nationale, comment la France entière, à une si grande distance, ne s raient-elles pas trompées, quand, sur les lieux mêmes, les autorités les plus imposantes, le corps électoral du département ont été induits en erreur et entraîné dans les comptes qu’il vous a rendus, à qualifier, au gré du club les 2 partis de rebelles ou de patriotes? Les motifs les plus purs, le zè e même et l’amour de la Constitution, ont pu contribuer à tromper le plus grand nombre et à lui faire adopter sans défiance les funestes préventions que d’ardents ennemis de la municipalité cherchaient à lui inspirer. Les délibérations des catholiques de Nîmes, depuis improuvées par vos décrets, mais qui ue l’étaient pas encore ; les cocardes blanches que plusieurs légionnaires n’avaient jamais quittées depuis la formation de la légion, parce qu’elles étaient, dans Nîmes, le signal du patriotisme, depuis l’insurrection contre M. de Brienne ; les calomnies employées pour publier les torts des agresseurs du mois de mai ; les intelligences supposées, entre les villes agitées ou menacées de mouvements semblables, Monlauban, Toulouse, Avignon ; ces intelligences toujours supposées, jamais prouvées, jamais appuyées du moindre indice, et qui ne subsistent peut-être qu’eDtre ceux mêmes qui en accusent leurs ennemis, tout devenait, entre les mains perfides du parti, une arme dangereuse, un moyen de séduction. Il s’en était aussi habilement qu’utilement servi dans toute l’étendue du département, pour faire regarder le plus grand nombre des habitants de Nîmes cumme suspects dans leurs sentiments, Serait-ce parce que la vérité est trop connue à Montpellier? (1) Ah! comme dit le sieur Folacher, un des accusés, dans une de ses adresses à l’Assemblée nationale (il en a présenté trois et M. le rapporteur n’en a pas fait mention) : « S’il eût existé quelque projet de port-r at-« teinte à la Constitution, comme les assassins ont « voulu le faire croire, avec quelle affectation, avec « quel transport de joie n’eussent-ils pas fait retentir « la France du bruit des preuves qu’ils auraient ras-« semblées! quel enchantement c’eût été pour eux de « pouvoir confondre leur cause exécrable avec celle du « patriotisme. Heureusement Dieu n’a pas permis que « les lâches qui, dans leur pensée criminelle, avaient « préparé dès longtemps les malheurs de la patrie « puissent donner même les apparences de la réalité à « un complot qui n’exista jamais ; leurs manœuvres « pour ne faire entendre que des témoins à leur dis-« position, leurs soins à composer une preuve qui jus-« tifiàt leurs brigandages, ont été inutiles: les meur-« triers ne sont plus aujourd’hui des patriotes, et leurs « malheureuses victimes, des ennemis de la Constilu-* tion; la vérité a repris son empire. » comme ennemis secrets de la Constitution. Il avait étendu ses soupçons injurieux jusque sur les prêtres et la municipalité; il avait poussé les manœuvres insidieuses jusqu’à effrayer MM. les électeurs sur la sûreté de leurs per.-on t es, jusqu’à répandre cette erreur populaire, mais toujours efficace, de mines souterraines. Faut-il s’étonner, dans ces circonstances difficiles, que le corps électoral ait cru de son devoir de n’être pas inaccessible à la crainte et aux soupçons? Faut-il s’étonner qu’il ait fini par regarder comme coupables ceux que l’adresse de leurs ennemis avait si habilemtnt représentés comme tels? C’est comme tels, c’est comme des rebelles qu’ils vous les ont dénoncés, et ces rebelles forment la plus notable et la plus nombreuse partie des citoyens de Nîmes ; c’est sous c-tie qualilica-tion ouirageante, qu’un peuple fi lèle est traduit au roi , à l’Assemblée na ionale, à toute la France ; il est donc du devoir des officiers municipaux de venger l’honneur de la cité, et de faire connaître les vrais coupables. La manifestation de la vérité sera terrible, mais elle est nécessaire. Quelle est souvent la puissante influence d’un mot! Le nom de patriotes, d’amis de la Constitution , qu’un parti s’etad ambitieusement arrogé, a préparé ses affreux succès en écrasant par la force irrésistible d’une multitude armée (que ses intrigues et tant de rapports politiques avaient appe é à son secours) la grande majorité de ses concit iyens ; certains membres du club avaient osé la braver, au ris jue d’exciter une guerre civile parce qu'ils voulaient dominer à quelque prix que ce fut ; en même lemps, ils s’étaient emparés des cent trom etles de la Renommée et du mensonge pour les écraser au loin, sous le poids de la calomnie, en empruntant le masque trompeur du patriotism ■ : car le vrai patriotisme ne se baigne pas dans le sang, et ne commande pas le pillage et les dévastations. Enfin, la vérité ne peut être que d’un côté; il faut donc rejeter toutes les préventions, fouler aux pieds celles qui dérivent de ces no us d’ennemis de la Constitution, de fanatiques, d'aristocrates, devenusune sorte d’anathème, e celles de ses écrits aussi prématurés que mensongers par lesquels on cherche d’abord à s’emparer des esprits; ne pas s’arrêter à celles qui peuvent même inspirer les autorités les plus graves, mais qui peuvent avoir été trompées dans les premiers moments ; écouter, avec la même impartialité, celui qui se disant opprimé réclame, et celui qui le poursuit et l’accuse encore comme coupable; peut-être la vérité naîtra des faits qu’un ne peut contester, peut-être ils nous révéleront quelles sont les causes des malheurs que nous déplorons. RÉSUMÉ GÉNÉRAL. Il résulte des détails dans lesquels je suis entré, que pour la formation de la nouvelle municipalité, chaque parti adonné des listes, et employé les mêmes moyens pour l’emporter dans les élections (1). (1) M. de Meunier vous a dit, au nom du comité de Constitution: « Les contestations qui se sont élevées « sur les nominations, et qui ont passé sous les yeux « de votre comité, offrent, toutes, les effets d’une basse « jalousie ; et il serait possible qu’à la distance où 481 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1791-j Deux citoyens ont été portés exclusivement, ils ont réuni, au premier scrutin, presque tous les suffrages; M. de Marguerittes a été nommé maire en son absence. Le parti le plus nombreux eut le tort de ne mettre qu’un seul protestant dans la municipalité, tandis que la justice exigeait qu’il y eu eût au moins 5 ou 6. Voilà ce qui a augmenté la division qui s’est accrue encore par la formation du club de Nîmes, dont les chefs furent les memes citoyens qui avaient concouru vainement pour les charges municipales. Une partie de la légion s’attacha plus particulièrement an club, et quelques membres se permirent des actes d’insuburdination. L’autre partie resta soumise à la municipalité; mais des individus eurent aussi quelques reproches à se faire. De légères discussions furent assoupies, des rixe> particulières plus graves produisirent quelques blessures qui n’eurent point heureusement de suites fâcheuses. Quant à l’insurrection du deux mai, il est évident que les cocardes blanches n’en furent point le motif, mais seulement le prétexte apparent; il e-t évident que cette insurrection ne peut être attribuée au peuple, puisqu’il n’était pas armé, et que, pour se défendre contre des lâches qui le maltraitaient à coups de sabre, il fut obligé d’avoir recours aux pierres; il est évident que ce ne fut pas, comme on a cherché à le donner à entendre, les prêtres qui suscitèrent cette insurrection; mais des légionnaires des compagnies nos 1 et 10, bien éloignées d’être du parti des prêtres; en effet le si ur Barry, protestant et caporal de la compagnie n° 1, annonça, la veille, que le lendemain il y aurait un grand événement; et comment pouvait-il le savoir, s’il n’eut existé un complot prémédité? Le même Barry a été forcé de convenir qu'il régalait gratuitement les soldats et sous-officiers du régiment de Guyenne; il est établi que d’autres membres des compagnies 1 et 10, après avoir fait boire quelques militaires qu’ils savaient incapables de commettre de sang-froid une mauvaise action (1), les excitèrent à maltraiter leurs concitoyens, et les secondèrent en frappant eux-mêmes du sabie ceux contre lesquels ils avaient quelque ressentiment particulier, ou qu’ils voulaient rendre victimes de leur fureur. Les insultés ou blessés se trouvent tous catholiques, tandis que ceux qui sont désignés dans les déclarations, pour avoir été vus et entendus excitant les soldats de Guyenne à venger leurs camarades (auxquels on n’avait fait aucun mal) ainsi que les femmes qui donnaient de l’argent aux soldats, et criaient : A bas les cap élans ! cou - rage , nous sommes vainqueurs , tombez sur ces ca-tholicas, sont non-catholiques. Des légionnaires insubordonnés, ayant commencé l’émeute, frappèrent à coups de sabre des citoyens désarmés, et il est évident que, sans le dévouement du maire et des officiers municipaux qui ont exposé leur vie pour conserver leurs jours, ils auraient été, ainsi que les soldats de Guyenne, qu’ils avaient attiré dans la querelle, les victimes de la juste fureur du peuple. Eh! quelles suites fatales pouvaient en résulter! au a vous vous trouvez, vous fussiez dans le cas de secon-« der les machinations les plus dangereuses... » Le décret sur Nîmes en fournira-t-il un nouvel exemple ? (1) Un d’eux disait : le vin nous a menés bien loin. l*e SÉRIE. T. XXIII. moment où la rixe fut apaisée, les compagnies nos 1,5, 10 et 17, dévouées au club, arrivèrent toutes armées et sans ordre; elles furent arrêtées par les officiers municipaux qui allèrent au-devant d’elles; dans le même moment, un membre du club excitait d’un autre côté les soldais à tomber sur les citoyens, en leur annonçant faussement que l’on massacrait leurs camarades ; à cette même époque, un autre membre du club criait près l’hôtel de ville : « C’est le « moment de couper la tête de M. de Marguerittes, « et de la porter au bout d’une baïonnette. » Ges tentatives furent infructueuses; il fut impossible aux malveillants de renouveler les mouvements et le trouble, parce que la municipalité parcourut, pendant la nuit, la ville et les faubourgs, enfin un des secrétaires du club disait hautement « que le club avait de son côté le régiment de Guyenne, la Gardonnenque et autres. » Le lundi 3 mai, on envoya des exprès pour prévenir les habitants de Vers, Vézenobres, Bou-coiran, etc., de se tenir prêts à marcher au premier signal. Tout était calme dans la ville, lorsque le nommé Laruac, protestant, de la compagnie n° 10, commanda 200 cartouches meurtrières dont il avait besoin, dit-il, pour 4 heures du soir; il annonça « que ces cartouches perceraient plus « d’un ventre, et qu’il était occupé à fondre des « balles ». Ges menaces, ayant été divulguées, excitèrent un grand trouble qui fut apaisé sur-le-champ par le maire et les officiers municipaux; mais on eut grand soin de le faire recommencer, en faisant tirer par un non-catholique deux coups de pistolet sur un groupe où étaient 2 officiers municipaux ; ce fait se trouve même dans l’information; les citoyens, indignés de cet acte de perfidie, ne cédèrent qu’avec beaucoup de peine aux instances réitérées des magistrats, et après avoir jeté des pierres aux assaillants; d’un autre côté, un catholique blessa d’un coup de feu au bras un grenadier du régiment de Guyenne, qui mourut 7 jours après. Gependant, il était impossible de publier à cette époque la loi martiale, et de la faire appuyer par une force suffisante, puisque des soldats de Guyenne et les légionnaires étaient ceux contre lesquels il fallait la publier ; il était très dangereux de placer les uns vis-à-vis des autres des militaires aussi animés et aussi opposés entre, eux; le maire étant parvenu à calmer les esprits et à dissiper les préventions des sous-officiers du régiment de Guyenne, certain alors d’avoir une force capable de faire exécuter et respecter la loi martiale, la fit publier le mardi matin, pout arrêter certains attroupements; la ville n’était donc pas tranquille, comme M. le rapporteur l’a avancé sans preuves; il fut envoyé des exprès dans la Gardonnenque pour avertir de s’armer et d’être en état (1) de partir au premier signal; l’indiscrétion d’un non-catholique (qui dit en plein café que : « malgré que la loi martiale fût publiée, « la paix n’était pas pour cela rétablie, et que, « dans moins de 24 heures, on verrait que ce « qu’on avait fait n’était qu’une petite répéti-« tion »), donna l’alarme à plusieurs citoyens, mais la réconciliation s’étant faite par les soin3 du maire, entre les soldats de Guyenne et les citoyens attaqués, et la ville ayant été illuminée, en réjouissance, on en donna promptement avis aux sieurs Encontre et Saint-Germain, ministres protestants; ceux-ci et deux de leurs confrères (1) Il no peut rester aucun doute à ce sujet. 31 482 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1791.] se rendirent, à cheval à Boucoiran, à l’auberge de la Croix-Blanche et firent partir de suite (1) des exprès et sans débrider : la marche des habitants de laGurdonnenque futconlremandée ; mais on convint qu’il ne fallait pas en rester là, qu’il fallait au contraire se réunir, et se disposer à partir au premier mouvement. Le sieur Labarège, protestant, colonel de la garde nationale de Véze-nobres, ajouta qu’il avait dix mille hommes à sa disposition, mais que, n’étant pas tous armés, il fallait que les communautés se procurassent (2) des armes, de la poudre et des balles. Les assemblées primaires se sont passées sans troubles; sur 43 électeurs, 12 protestants ont été nommés; le maire a invité les curés et les ministres protestants à prêcher l’union et la fraternité. L’allégresse régnait dans la ville; il ne restait plus aucun vestige de division parmi les citoyens, le 11 mai, époque où le maire de Nîmes est parti pour se rendie à l’Assemblée nationale (3). Les troubles, qui ont recommencé à Nîmes le 13 juin, et qui ont continué les jours suivants, offrent-ils quelques preuves d’un complot odieux tramé par les compagnies de cultivateurs, et leurs chefs pour se venger et pour surprendre et immoler à leur haine les autres compagnies de la légion, les dragons et les membres du club et opérer une contre-révolution? La municipalité a-t-elle participé à ce complot? Ou n’a-t-elle pas fait ce qui était de son devoir pour le prévenir et le déconcerter? Voilà, Messieurs, dans toute sa force, l’accusation; on vous a présenté le combat du 13 juin, comme le corps du délit, comme l’explosion d’on prétendu projet de contre-révolution qui se tramait depuis longtemps à Nîmes, et dont l’exécution avait été fixée au moment où le corps électoral y étant rassemblé, on pourrait, en l’immolant, immoler à la fois les plus zélés patriotes de la ville et du département entier. Voilà sans doute un projet bien abominable, mais où en sont les preuves, et que répondent les faits? Ne rejettent-ils pas sur les accusateurs la haine dont ils voudraient charger les accusés? Les faits incontestables répondent que le dimanche 13 juin, jour auquel le combat s’engagea, eût été de la part des cultivateurs et de leurs chefs, le jour le plus mal choisi pour une attaque préméditée, puisque, ce jour-là, les compagnies affidées au club et les dragons étaient seuls en armes et de service, puisque les jours précédents les compagnies des cultivateurs avaient été successivement de garde auprès de l’assemblée électorale jusqu’au samedi, et que le plus grand ordre avait régné; puisque le dimanche 13, les cultivateurs, au contraire, étaient sans armes, qu’ils n’y coururent qu’après le combat commencé, que ceux qui y coururent n’étaient qu’en très petit nombre, que leurs capitaines qui les avaient en dépôt, ne se trouvant pas chez eux, on escalada les fenêtres, od enfonça (1) Voyez le verbal du 6 mai. (2) Ce fait essentiel a été passé sous silence par M. le rapporteur. Il jette cependant un grand jour sur les événements du mois de juin. (3) Ce fait essentiel a cté perdu de vue sans doute, le 26 février, quand on a rendu le décret, et M. de Marguerittes l’aurait rappelé à l’Assemblée, en réponse à M. Barnave, si la parole ne lui avait pas été refusée 4 trois reprises, sans égard pour la nouvelle loi relative au jury qui veut que l’accusé soit toujours entendu le dernier. les portes de quelques-uns, puisque quinze de leurs compagnies n’ont jamais pris part au combat, soit le dimanche , soit les jours sxiivants (fait notoire et décisif), puisque toutf s les circonstances se réunissent enfin pour établir que ni eux ni leurs chefs n’avaient pris aucune des précautions les plus simples pour exécuter un complot formé d’avance, puisque leur parti, soute. u de la très grande majorité du peuple, formant les 4 cinquièmes de la population et étant le [ lus fort, ils eussent sans peine écrasé leurs adversaires dans la prompiitude et dans la vivacité d’une action imprévue par la seule supériorité du nombre, comme ceux-ci les écrasèrent le lendemain par la multitude armée, venue à leur secours avec une telle promptitude qu’un homme à cheval aurait de la peine à parcourir aussi vite un si grand espace, mais il sera prouvé invinciblement que, dès le dimanche matin 13 juin, on avait averti dans les Cévennes, la Gardonnenque et le Vaunage de se tenir prêts pour se rendre à Nîmes que le même jour, après midi, plusieurs légions avaient commencé à se mettre en route pour venir au secours des patriotes que bon disait « massacrés dans une émeute qui n’a commencé le même jour qu’après 6 heures du soir » ; que le dimanche, à midi, la garde nationale catholique d’un village qui se trouve sur la route, ayant refusé de marcher sans une réquisition par écrit de la municipalité de Nîmes, fut outragée, menacée et obligée de suivre le plus grand nombre; et voilà comment des légionnaires catholiques, et même certains curés, se sont trouvés mêlés avec les pillards; d’un autre côté, comme t supposer à un dessein prémédité d’attaquer, à ceux qui n’étaient nullement préparés au combat, qui n’a-va ent pris aucune précaution et qui étant les plus forts et les plus nombreux auraient souffert que les cinq sixièmes des leurs ne prissent aucune part à faction; d’ailleurs, les démarches extrêmes auxquelles furent forcés, dès le soir même, les officiers, regardés comme les j lus entreprenants de se retrancher dans leur maison et dans une tour contiguë aux remparts de la ville, est une preuve évidente, que ceux qui se trouvaient dès le premier moment réduits à la défensive, n’avaient pas sans doute formé le projet d’attaquer; on a affecté de faire une grande énumération des armes, des munitions amoncelées dans cette tour, et tout s’est réduit à peu près au dépôt d’armes et de munitions qui, suivant l’ordonnance, se trouvaient chez les capitaines; sans doute aussi quelques légionnaires qui vinrent chercher leur sûreté momentanée dans cette tour, apportèrent avec eux quelques cartouches, ou purent s’en procurer à la faveur des ténèbres de la nuit; ce qu’il y a de certain, c’esl qu’il résulte de l’information criminelle faite contre un des capitaines, qu’il n’y a jamais eu soixante hommes de réunis, quoique chaque compagnie soit composée de ee nombre, quoique le hasard eût rassemblé 3 capitaines. Malgré les perquisitions faites pour constater ces prétendus amas d’armes et de munitons, ces mines, ces souterrains pratiqués , on n’a rien pu découvrir, et tout n’a abouti qu’au ridicule de l’accusation. De plus, n’a-t-on pas trouvé chez le sieur Descomoiès, un des trois capitaines, tous les fusils de sa compagnie qui n’en avait fait aucun usage. Cette seule circonstance et tant d’autres non contestées démontrent l’impossibilité d’aucun complot formé de la part des poufs rouges et de leurs capitaines, pour attaquer le 13 juin leurs ennemis. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1791.] Mais, d’un autre côté, la municipalité qu’on a osé inculper, était bien loin de favoriser un complot qui n’a point existé, dont elle ne pouvait qu’être la victime, et tout ce qu’on accumule contre elle d’accusations et de calomnies à ce sujet, ne peut inspirer que l’indignation. Quoi 1 le forfait le plus horrible, celui d’avoir fomenté des divisions intestines, d’avoir armé les citoyens les uns contre les autres, d’avoir dirigé les corps des ennemis du bien public, contre tous les bons patriotes, et contre le peuple entier du département , dans la personne des électeurs qu’il s’était choisi, un tel forfait, s’il était imputé aux scélérats les plus reconnus, devrait être appuyé sur les preuves les plus solides, et pour en inculper un corps de magistrats, jusqu’alors irréprochable, récemment honoré du choix d’un grand peuple, on s’étaye à peine des [ lus misérables indice?, on se permet les plus grandes inculpations; on annonce un complot formé; et ceux que l’on en accuse, loin d’avoir préparé les moyens de réussir, ont au contraire choisi le moment où toutes les chances, toutes les probabilités sont accumulées contre eux. Ah ! s’il y a eu de coupables et perfides complots pour préparer cet horrible massacre, ne sont-ils pas du côté de ceux qu’un grand intérêt, réuni à toutes les probabilités de lieux, de temps, de circonstances , semble seul indiquer , de ceux qui, n'étant pas les plus forts dans la ville de Nîmes et voulant y dominer, avaient besoin de faire naître et de saisir les occasions d’y appeler de nombreux et puissants secours étrangers, capables de leur donner en un instant une supériorité telle, qu’en un instant aussi ils pussent écraser leurs ennemis pour toujours ; de ceux qui avaient répandu avec affectation, dans tous les pays circonvoisins, attachés aux mêmes opinions religieuses, que la municipalité et les citoyens catholiques de Nîmes étaient opposés à la Constitution, et qui ne cessaient de faire courir à cet effet des bruits de massacres, tentés ou exécutés; qui, tenant leurs amis dans ces craintes perpétuelles dont ils leur faisaient redouter les suites les plus terribles, les avaient avertis de se pourvoir d’armes (1) et de se tenir prêts, au premier signal, à marcher vers Nîmes pour y venir venger, sur la municipalité et sur le peuple nombreux qui lui était attaché, le crime dont on les supposait prêts à se souiller contre les amis de la Constitution ! S’il y a eu de pertides complots, ne sont-ils pas du côté de ceux qui , à l’époque des 2 et 3 mai, auraient déjà attiré les mêmes malheurs sur la ville de Nîmes si la vigilance du maire et des officiers municipaux n’eût promptement apaisé ce mouvement et prévenu l’arrivée de ces milices étrangères, vers lesquelles des exprès avaient déjà été envoyés pour solliciter les secours devenus depuis si funestes à l’époque du 13 juin? Ne sont-ils pas du côté de ceux qui, dans l’émeute des premiers jours de mai , ayant été les premiers agresseurs, comme la preuve en est acquise, doivent encore être regardés comme tels dans la seconde, parce qu’ils étaient armés et de service au moment oùl’emeuie commença; parce (1) Voyez le procès-verbal de la municipalité de la Voûte, laissé de côté par M. le rapporteur. Cette municipalité a fait arrêter 17 caisses d'armes à feu et de sabres , achetées par diverses communautés voisines de Nîmes dont les habitants ont joué un grand rôle dans les journées dos 13, 14, 15 et 16 juin dernier. 483 qu’ils ne devaient pas répondre à des bravades par des coups; parce qu’ils ne devaient pas surtout faire feu sur une foule désarmée dans laquelle on apercevait à peine, alors, quelques bâtons ou quelques sabres ! S’il y a eu de perfides complots en juin, ne sont-ils pas du côté de ceux qui, d’une rixe qui n’eut été que passagère si en soldats citoyens et courageux ils eussent su braver quelques dangers pour ménager la vie du peuple , pour le contenir et l’apaiser, au lieu de l’irriter, en ont fait un état déclaré de guerre civile par ces décharges imprudentes et criminelles, qui blessèrent et tuèrent quelques citoyens, et par le refus formel d’obéir aux instances des officiers municipaux ; dès que ceux-ci furent arrivés sur le lieu de l’émeute, ils les conjurèrent en vain de rester renfermés dans la cour de l’évêché, ce qui eût terminé le combat et satisfait les citoyens ! Ne sont-ils pas du côté de ceux qui, sur la seule réquisition séditieuse de quelques dragons ou volontaires de garde à l’hôtel de ville, ont contraint, à force de menaces, de violences, de bourrades et de coups , un officier municipal, i ’abbé de Belmont, qui s’y trouvait seul, et dont ils auraient dû recevoir les ordres, loin de lui en donner et de le maltraiter, l’ont contraint, dis-je, à publier malgré lui la loi martiale, à déployer et porter lui-même le drapeau rouge dans les rues, lui disant avec insulte et menace: qu'il était assez grand pour le porter bien haut ! S’il y a eu de perfides complots, ne sont-ils pas ducôtéde ceux qui dans la cour de l’évêché se sont portés à des menaces et aux plus grandes violences envers le sieur Ferrand, autre officier municipal qu’ils ont traîné de rues en rues, au milieu des plus cruels traitements et des plus grands dangers, au lieu d’obéir à ses ordres et à ses réquisitions pacifiques! Ne sont-ils pas du côté de ceux qui, dès le commencement de l’émeute, partout où ils ont t' ouvé des officiers municipaux, ont témoigné contre eux le même esprit d’insurrection, disons mieux, de révolte et de fureur, si énergiquement exprimé par ce mot cruel et décisif, pour tout homme impartial, d’un volontaire de garde à l’hôtel de ville qui, voyant entrer le sieur Aigon, officier municipal, déjà blessé et pouvant à peine se traîner, criait à ses camarades: En voici un; qu'il ne nous échappe pas ; et le sieur Aigon n’é-lait cependant, ne pouvait être à leurs yeux un chef de parti, un personnage redoutable, c’était un marchand de bois connu et chéri de ses concitoyens, par la douceur et l’honnêteté de ses mœurs! Ne sont-ils pas du côté de ceux qui se sont permis des violences contre la personne des officiers municipaux, qu’ils faisaient marcher à leur tète plutôt comme leurs prisonniers que comme leurs supérieurs ! S’il y a eu des complots, ne sont-ils pas du côté de ceux qui, fidèles au plan concerté de disperser et de poursuivre toute la municipalité, de manière à empêcher ses membres de pouvoir jamais se réunir à la maison commune en assez grand nombre pour prendre aucune délibération et pourvoir efficacement au retour de l’ordre, sont restés les seuls maîtres de ce poste important, seuls y donnaient les ordres, seuls y commandaient despotiquement; de ceux qui, non contents d’avoir excédé de coups plusieurs officiers municipaux, les ont arrachés de leurs bancs, sur lesquels ils ont massacré un infortuné presque à leurs yeux ! 484 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1791.] Ne sont-ils pas du côté de ceux qui n’ont cessé de menacer et d’injurier, de laisser injurier et menacer toute la nuit MM. Gas et Gaillard! Ces deux officiers municipaux, au premier bruit de l’émeute, n’avaient écouté que l’amour de leur devoir et leur courage; ils avaient appris à leur campagne les nouveaux troubles survenus dans la ville; ils arrivèrent à 10 heures du soir, dans la maison commune, d’où les menaces et les discours les plus injurieux ne purent les faire sortir mais où leur autorité fut méconnue, outragée par les agents mêmes que la loi chargeait expressément de la faire respecter, ce qui rendit leur présence aussi humiliante pour eux qu’inutile à la chose publique. S’il y a eu des complots, ne sont-ils pas du côté de ceux qui, fidèles au même principe de désobéissance, ont refusé de soutenir et d’appuyer l’invitation prudente et paternelle de 6 officiers municipaux réunis enfin à l’hôtel de ville, le lundi matin, malgré tant de peines et de dangers; de concert avec le s commissaires du roi et de l’assemblée électorale, ces officiers municipaux prièrent les chefs desgardes nationales étrangères qui arrivaient de toutes parts à Nîmes, sans réquisition légale , de demeurer aux avenues de la ville et de prévenir ainsi les troubles et les désordres que devaient nécessairement y causer leur entrée ! Ah! combien sont coupables ceux qui se sont empressés, au contraire, de les y introduire, de les guider, de diriger leurs sanguinaires opérations et de désigner les nombreuses victimes dévouées à la mort et les maisons destinées au pillage! Forfaiture évidente contre cet article si sage de la Constitution qui défend aux milices nationales, aux milices des différentes municipalilés d’entrer sur le territoire les unes des autres , sans réquisition et, à plus forte raison, contre la volonté de la municipalité du lieu; forfaiture qui est moins excusable encore, d’après l’exemple de la garde nationale de Bordeaux qui avait informé l’Assemblée nationale de sa marche, et a attendu ses ordres et ceux du roi. S’il y a des coupables, ne sont-ils pas du côté de ceux qui, ayant abandonné la veille jusqu'à deux fois le drapeau rouge et les magistrats qu'ils forçaient à le déployer et qu’ils ont osé accuser de crainte et de pusillanimité , n’ont senti renaître leur courage que lorsque, dès les 4 heures du matin et successivement dans la matinée et la journée du lundi, il fût arrivé, avec une rapidité incroyable, une telle quantité de milices étrangères que l’imagination se refuse à le croire et tellement dévouées à leur parti et à leur haine qu’ils n’eurent plus, avec une telle supériorité de forces, qu’à marquer leurs victimes ! S’il y a eu des complots, ils sont du côté de ceux qui, peu contents de se servir d’une force anticonstitutionnelle si supérieure et si redoutable pour contenir leurs ennemis et les prétendus ennemis de la patrie, s’assurer de leurs personnes et les livrer à la loi s’ils étaient coupables, ne s’en sont servis, au contraire, que pour les livrer impitoyablement, eux et leurs possessions, aux proscriptions, au pillage, à la mort!... La mort... qui, pendant 3 jours, était encore le partage de ceux qui n’opposaient aucune résistance, partout où on les rencontrait . La mort... Et quelle mort encore! La mort la plus horrible, la plus affreuse, la plupart des malheureux qui ont perdu la vie ont souffert les plus cruels supplices. On leur coupait les poignets, les pieds, le nez, les oreilles; on leur ouvrait le ventre et on leur arrachait les entrailles pour leur en battre le visage; le nommé Violet est accroché par la gorge au crochet de fer auquel on appendait la viande; on le suspend en l'air, on le laisse pendant une heure dans cet état affreux, et ce n’est que lorsque ses cris déchirants fatiguent et importunent ses infâmes bourreaux, qu’ils tirent sur lui plusieurs coups de fusil et le tuent. Les nommés Tribes, Gas, Lerouge... Mais je m’arrête... Non; je ne vous retracerai pas tant d’atroces circonstances; les détails affreux du double assassinat de MM. Maigre, également chers, également regrettés des deux partis, ces détails déchirants, exposés exclusivement avec l’art le plus touchant par M. le rapporteur, ont excité dans toutes les âmes la plus juste et la plus profonde sensibilité; que serait-ce si je vous retraçais une multitude de morts (1) cent fois plus terrible encore, où la haine a épuisé tous les ralinements de la cruauté et de la perfidie. Ah! sans doute, je ne m’exposerai pas au reproche d’une sanglante récrimination ; mais non..., je n’imiterai pas l’exemple de M. le rapporteur; non..., je ne flétrirai pas vos cœurs... Non.., je ne donnerai pas des leçons de barbarie au bon peuple qui nous écoute. Je ne me permettrai qu’une réflexion sur les atrocités commises en juin. La population de Nîmes est de 53,000 âmes, 40,000 catholiques, 13,000 protestants. Plus de 300 citoyens ont péri; vingt et un seulement sont protestants, dont 7 ont été assassinés, hors des murs, par des étrangers cruellement égarés. Le reste des morts est catholique; toutes les maisons pillées, les propriétés dévastées, au nombre de plus de 100, appartiennent à des catholiques et les dégâts se portent à plus 760,000 livres, et c’est sur les catholiques (appelés contre-révolutionnaires) qu’on ose rejeter le projet d’un complot, eux qui, dominant naturellement dans Nîmes par une population presque quadruple, n’avaient pas besoin de crimes pour y être les plus forts, tandis que le parti opposé ne pouvait obtenir cette domination qu’en invoquant des secours étrangers, dont l’irruption subite et préparée d’avance a causé les malheurs affreux dont nous aurons longtemps à gémir. S’il y a eu des complots, ne sont-ils pas du côté de ceux qui, après avoir admis tant de milices étrangères et affidées, voulaient, sous de vains prétextes qui leur avaient réussi pour la légion de Beaucaire, empêcher l’arrivée de la généreuse milice de Montpellier, la seule qui soit venue avec des intentions pures et amicales, avec le désir de rétablir l’ordre, la seule enfin dont l’impartiale et fière constance ait fait cesser le carnage et les dévastations ! Ne sont-ils pas enfin du côté de ceux qui, forcés de mettre un terme à tant d’horribles excès, n’en ont mis aucun à l’usage ou plutôt à l’abus de leur victoire, qui en recueillent, sans modération comme sans pudeur, les détestables fruits que s’en était promis leur ambition, qui régnent en tyrans armés sur la multitude du peuple désarmé; qui, réunissant dans leurs mains toutes les autorités civiles, administratives et militaires, ont détruit dans leur malheureusé patrie jusqu’à l’ombre même de la liberté et de l’égalité; qui, après avoir léduit le nombre des compagnies de la légion à 24, ont fait, sur 24 capitaines, nom-(I) Qu’on lise les détails circonstanciés, imprimés depuis S mois et non contredits. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1791.J 485 mer (1) 21 protestants, quoique ces derniers ne forment que le cinquième de la population; qui ne laissent plus apercevoir parmi des hommes naguère tous égaux et concitoyens, que comme jadis à Sparte, des maîtres et des esclaves; quelques despotes se croyant des Spartiates , et se disant patriotes, et une multitude de citoyens traités ignominieusement en ilotes, abreuvés d’opprobre et d’humiliation! En effet, on arrêtait les citoyens sans aucune forme légale; on les entassait dans les prisons de l’hôtel de ville; on en renfermait jusqu’à 40 dans une chambre étroite; on ne leur donnait ni lit, ni chaise pour se reposer, pas même un peu de paille; des vieillards de 60 ans, un ecclésiastique, un chanoine, ont été enterrés vivants dans ce séjour empesté; l’un de ces infortunés, suffoqué par les exhalaisons méphitiques, tombe; vainement ses compagnons demandent un verre d’eau pour le rappeler à la vie; on le refuse; il expire faute de ce faible secours. On laisse pendant 4 jours consécutifs son cadavre infect au milieu des 39 autres prisonniers; tel le tyran Mezence faisait attacher un cadavre à ses malheureuses victimes, afin qu'elles expirassent mille fois. Enfin, après 14 jours, on a rendu la liberté aux uns, et on a mis les autres dans les prisons du palais, où 14 gémissent encore depuis 8 mois, sans qu’ils aient pu se faire admettre à leurs justificatifs. Postérieurement les sieurs Gensanne, Talagran, Viala, Fages, Hubv, les demoiselles Rose, Rouvierre, et une inimité d’autres citoyens catholiques, ont été insultés, menacés et frappés (1), et quand ils ont porté leur plainte, on a refusé constamment de les entendre, et on leur a dit qu'il ne fallait pas faire attention à ces misères. Le 17 août, le sieur Froment l’aîné, contre lequel il n’y a pas eu moyen de lancer aucun décret, revient chez lui, après qu’on lui a assuré qu’il peut le faire sans danger. Bientôt sa maison est investie; 200 hommes disent hautement qu’il faut le pendre; on Je fait évader par-dessus les toits; un autre frère et ses gendres revenaient de la foire d’Uzès : on a poussé les vexations jusqu’au point d’arrêter les marchandises de ces honnêtes négociants, sous prétexte que M. Artois était caché dans leurs malles. On a arrêté un convoi funèbre en disant que la bierre renfermait des armes et de la poudre. Non seulement les officiers municipaux ont été excédés de coups, poursuivis avec le fer et le feu, pendant les jours de massacre, on a fait contre eux, postérieurement, les motions les plus incendiaires; un membre du club y disait hautement : que ce ne serait pas assez de pendre les officiers municipaux, qu’il fallait les faire expirer sur une roue de charrette. On a intercepté les lettres qui leur étaient adressées, et le secret (2) en a été violé. Un valet de ville, chargé de porter à 4 lieues des dépêches retardées de la municipalité, a été arrêté par la garde nationale ; et c’est ainsi que l’on abuse de la force armée. Pour mettre le comble à la ruine des habitants de Nîmes, on veut leur faire payer leur propre malheur; on veut imposer sur eux le remboursement des pillages et des dévastations qu’ils ont souffert, en leur faisant supporter les dépenses occasionnées par le grand nombre d’étrangers (1) Appert les signatures de l’adresse de la garde nationale à l’Assemblée nationale. (2) Les verbaux ont été remis et passés sous silence par M. le rapporteur. armés qui ont séjourné dans Nîmes, contre le vœu exprès et malgré les réquisitions contraires de la municipalité. Si les officiers municipaux représentent qu’une pareille surcharge est au-dessus des forces de la commune, le directoire du département, dérogeant le pouvoir judiciaire, les condamue personnellement au payement de ces frais exorbitants ; et en conséquence les meubles de M. Ferrand De Missols, officier municipal, sont saisis et déplacés, au grand scandale des citoyens; on en indique même la vente; et cependant un tel abus d’autorité n’a été ni dénoncé (1) par M. le rapporteur ni, par conséquent, improuvé par l’Assemblée. Des volontaires armés se permettent des proscriptions, altèrent le repos des familles, imposent l’exil aux uns, menacent chaque jour les autres et troublent dans ses fonctions le sieur Vimont, conseil et défenseur bienfaisant des accusés, qu’ils forcent à fuir sous peine de perdre la vie, dans le moment où sa présence est aussi utile qu’indispensable pour ses infortunés clients. Il est un dernier fait esseniiel qu’aucune partie ne conteste; sur 18 compagnies à pouf rouge, des volontaires de trois compagnies seulement se sont réfugiés dans la cour et dans la maison du sieur Froment; les 15 autres compagnies n’ont pris aucune part aux troubles : ce fait est constaté par le rapport, et prouveinvinciblement qu’il n’existait de la part des victimes aucun complot. Gette vérité se trouve confirmée parla proclamation faite, au nom du comité militaire électoral du département du Gard, le ô juin ; elle annonce que les troubles qui ont eu iieu ont été occasionnés par des querelles particulières entre des compagnies de la légion. Cependant les membres de ces quinze compagnies n’ont pas été requis de prendre les armes par les chefs de la légion; cependant ils ont été enveloppésdans laproscriptionetungrand nombre en a été la victime. Cependant ces quinze compagnies ont été désarmées, ensuite supprimées, et leurs armes ont été distribuées à des étrangers. Cependant il n’y a pas aujourd’hui 250� catholiques armés dans la garde nationale de Nîmes, composée de 1400 volontaires. Cependant le parti le moins nombreux a toute la force et toute l’autorité, tandis que h s trois quarts des citoyens sont soumis au plus dur esclavage. Il est donc nécessaire de rapprocher les esprits, de procédera une nouvelle formation de la milice, et d’y admettre (2) tous les citoyens actifs, conformément aux décrets. Il est nécessaire que tous jouissent également de la sûreté et de la liberté, sous la protection des lois. C’est sans doute dans la vue de ramener la paix que le comité propose une amnistie; mais, si elle n’est que partielle, ce n’est plus une amnistie, c’est grâce et impunité. L’impartialité exige que la procédure soit continuée indifféremment contre tous, ou que nul ne soit excepté; en un mot, jugement pour tous ou amnistie pour tous, telle est la suprême justice. En exceptant ceux qui s’étaient réfugiés dans la tour et dans la maison du sieur Froment, c’est excepter tous ceux d’un parti, puisqu’il est convenu que les autres n’ont pris aucune part à l’action, et sont exempts de tout reproche comme de tout soupçon; c’est faire jouir exclusivement de i’amnistie les vainqueurs , que l’on convient (1) Il y a 11 pièces qui constatent ces faits. (2) Le décret du 26 février n’a rien statué à cet égard. Et l’on se flatte de ramener la paix. 486 [Assemblée nationale, J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1791. J s’être livrés, pendant 3 jours, aux plus affreux désordres et aux plus criminels excès. C’est une gran de faute, sans dou te, d’avoir enlevé le drapeau rouge, et ceux-là sont coupables qui ont violé le respect dû à la loi et au signe qui la représente ; mais si on considère que la loi martiale n’avait pu être publiée conformément aux décrets, que ceux qui ont enlevé ce signe redoutable étaient témoin s des violences exercées contre l’officier municipal qui la proclamait, et que l’on accablait de coups au point de lui faire vomir le sang; alors cette insurrection ne paraîtra plus un crime, mais un excès de compassion de la part de ceux qu’on veut exclure de l’amnistie. D’ailleurs, ceux-là ne sont-ils pas aussi (1) coupables qui avaient empêchés les officiers municipaux de se rassembler pour délibérer librement sur la nécessité de proclamer la loi martiale ; qui avaient fait de l’acte le plus terrible de la puissance civile et administrative l’objet d’une délibération purement militaire, et qui, par les violences qu’ils exerçaient contre l’ofticier municipal, ôtaient au signe de la loi ce caractère imposant, propre à faire la plus profonde impression sur l’esprit des citoyens. D’aprèsles détails immenses (2) mais nécessaires dans lesquels je suis entré, vous pressentez, Messieurs, quelles devraient être nos conclusions, sans doute les mêmes que je n’ui cessé de vous présenter tant en mon nom qu’en celui de mes collègues : continuation d’information contre les coupables, sans exception; élargissement provisoire des prisonniers, à la charge de donner caution ; renvoi de l’instruction au tribunal de Montpellier. Mais je sens personnellement que tout doit céder à la nécessité impérieuse des circonstances; les nouveaux troubles arrivés dans le bas Langue loc, pouvant avoir les suites les plus fatales ; le danger imminent que la tranquillité n’y soit altérée sans retour; les détails affligeants qui ont été mis ce matin sous vos yeux ; voire décret de ce jour pour prier le roi d’envoyer des commissaires pacificateurs à Uzès, tout méfait une loi de changer aujourd’hui mes conclusions. Je sais qu’un grand nombre de victimes ne cesse de réclamer une justice éclatante, je sais que tantde sang innocent, inhumainement répandu, tant de dévastations et de pillages commis à main armée, appellent la vengeance de la loi sur leurs barbares auteurs; je sais qu’une troisième adresse du sieur Folacher, prisonnier depuis 6 mois, sollicite, et un tribunal où l’on daigne enfin lui prêter son premier interrogatoire, et le jugement des brigands et des assassins. Comme maire de Nîmes, j’ai dû soutenir la cause des catholiques seuls opprimés, seuls accusés, seuls poursuivis, seulsdécrétés, seulsdétenus dans les fers, tandis que les assassins connus, tirent gloire du nombre de leurs crimes, et fiers de i’impunité se permettent chaque jour de nouveaux excès ; j’ai dû manifester hautement les vices d’une information inique et partiale, dans (1) M. le maire de Nîmes avait oublié sans doute,, dans ce moment, que parmi ceux qui ont injurié et excédé de coups les officiers municipaux pour les forcer à publier la loi martiale, on comptait divers membres du club des amis de la Constitution. (2) Pour réparer les nombreuses omissions de M. le rapporteur, qui ne devait, dans aucun cas, passer sous silence trente-deux pièces plus importantes les unes que les autres. (3) Un courrier extraordinaire avait apporté, dans la nuit du 22 février, les plus fâcheuses nouvelles. laquelle on a admis exclusivement les témoins d’un partien rejetant ceux de l’autre, daoslaquelle les dénonciateurs même ont été entendus en témoignage. J’ai dû surtout employer mes faibles moyens pour faire connaître aux représentants de la nation de grandes et de terribles vérités; j’ai rempli ce devoir sans crainie et sans partialité ; mais je sais aussi que rien n’est plus instant que d’éteindre l’étincelle qui peut occasionner le plus violent incendie, dans un pays où la chaleur du climat, nature des aliments donnent le plus grand degré d’énergie aux passions des habitants; mais je sais qu’il faut cicatriser, sans retard, des plaies vives et saignantes, en y versant abondamment le baume salutaire des bienfaits; mais je sais que le triomphe de la religion chrétienne est le pardon des offenses. Ce précepte sublime digne de son divin auteur a étonné, a converti des idolâtres. Les catholiques de Nîmes doivent faire encore au besoin de la paix, aïs retour d’une tranquillité durable, le sacrifice héroïque du plus juste ressentiment , mais, en même temps, la nation doit s’empresser de réparer complètement les torts et les dommages immenses, éprouvés par les seuls catholiques et qui se portent à plus de sept cent soixante mille livres. Ces deux opérations sont indivisibles, car l’ur?e ne peut avoir lieu sans l’autre. 11 ne m'appartient pas, comme maire de Nîmes, de présenter à l’Assemblée nationale un projet de décret, j’ai seulement l’honneur de lui soumettre les observations suivantes : Oui, Messieurs, il est peut-être un moyen de rendre la paix à la ville de Nîmes, d’éteindre les haines et de rapprocher les esprits et les cœurs ; et ce moyen se trouve dans l’ensemble des clauses suivantes qu’il est essentiel de ne pas désunir, car toutes sont nécessaires pour réparer quelques torts, ou prévenir de nouvelles causes de division. Il faut que tout abus de la force armée soit sévèrement puni; il faut qu’une justice exacte soit rendue dorénavant à chacun, sans distinction même des sentiments politiques, sans aucun égard à ces qualifications usurpées de patriotes et d 'antipatriotes ; il faut que le roi soit prié de prononcer une amnistie générale, relativement aux excès de tous les genres, aux abus d’autorité commis dans la ville de Nîmes jusqu’à ce jour, et de défendre à l’accusateur public de continuer les informations commencées, qui seront regardées comme non avenues. Je demande, au nom de mes collègues et au mien, que la conduite des officiers municipaux ne soit point comprise dans cette amnistie; eux seuls doivent en être exceptés ; les commissaires, choisis par le roi, doivent être chargés de prendre les renseignements les plus exacts sur la conduite individuelle de chaque membre de la municipalité, avant, pendant et depuis les troubles ; et cependant, pour que la chose publique ne soit pas en souffrance, il faut accepter, dès ce moment, les démissions si souvent réitérées (1) des officiers municipaux et des notables et prier Sa Majesté de faire procéder sans retard à une nouvelle élection de la municipalité et du conseil général de la commune; il faut recommander aux commissaires de prendre, le plus tôt possible, connais-(1) En juin, en juillet, en août, en novembre 1790, en février 1791, M. le rapporteur n’a pas jugé à propos d’en faire mention, parce que l’on aurait senti l’injustice de destituer, en février 1791, des magistrats dont les fonctions avaient cessé en novembre 1790, et dont quelques-uns n’en ont continué l’exercice que pour ne pas laisser la chose publique en souffrance. [24 février 1791. j 487 {Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. fiance exacte des dommages essuyés et des réparations immenses dues à divers citoyens, corps ou communauté, ensemble des secours abondants à accorder aux nombreuses familles dont les chefs innocents ont péri dans les fatales journées du mois de juin. La nation doit se charger de supporter tous les frais de ces indemnités et réparations, quand elles auront été fixées et réglées par MM. les commissaires. C’est le seul moyen d’éteindre à jamais de douloureux souvenirs; car il ne serait pas juste que tant de victimes infortunées fussent tenues de contribuer encore pour le payement de leur propre ruine. Sans doute, la justice de l’Assemblée ne souffrira pas non plus que l’assassin du père et de l’époux continue d’insulter impunément au malheur de la veuve et de l’orphelin, et affecte de porter en triomphe, et sous leurs yeux , les dépouilles sanglantes des proscrits. En conséquence, les brigands seront tenus de faire déposer secrètement dans un délai de 3 mois, soit aux directoires des districts, soit à celui du département, les effets pillés et volés, et tous ceux qui s’en trouveront nantis après ce terme fatal seront poursuivis et punis selon h rigueur des ordonnances. S’il en était autrement, ce serait encourager, ce serait récompenser le vol et le brigandage. L'Assemblée doit prononcer à cet égard, et ne peut garder un silence approbatif. Il est encore une disposition bien importante; c’est d’ordonner que toutes les armes de la garde nationale de Nîmes, même celles enlevées aux 15 compagnies désarmées , qui sont à l’abri de tout soupçon, seront habituellement déposées à la maison commune, et sans s’arrêter aux changements survenus clans la garde nationale de Nîmes, pendant et depuis les troubles, c’est de faire procéder à une nouvelle formation; les citoyens actifs qui se sont fait inscrire et ceux qui depuis le commencement de la Révolution ont fait le service de la garde nationale, doivent être indifféremment admis. Vous ordonnerez encore la restitution des meubles de M. Ferrand De Mis-sols, saisis et déplacés, en vertu d’une ordonnance inconstitutionnelle du directoire du dé-artement; enfin vous inviterez les citoyens de îmes à vivre en frères, à oublier leurs torts respectifs, et à ne jaunis perdre de vue que, sans l’union et la fraternité, il ne peut y avoir de prospérité publique ni particulière. Voilà, Messieurs, le dernier acte que j’ai dû faire en ma qualité de maire de Nîmes. Ces nouvelles conclusions qui me sont personnelles sont uniquement dictées par l’amour de la paix et par la nécessité urgente de prévenir les plus grands malheurs. Satisfait d’avoir démontré les calomnies de mes dénonciateurs, et la surprise faite à la religion de l’Assemblée, quand elle m’a mandé à la barre; jaloux de ne séparer dans aucun temps mes intérêts de ceux de mes collègues, empressé de suivre leur exemple, convaincu que la présence du chef de la commune de Nîmes est nécessaire dans ces circonstances critiques; retenu dans l’Assemblée comme représentant de la nation, et n’ayant point de suppléant je remets entre ses mains ma démission de la place de maire, et, dès ce moment, je m’interdis toutes fonctions. Telles sont les vérités que j’ai dû mettre sous vos yeux. J’ose vous supplier de les peser dans votre sagesse, car votre justice frapperait un trop grand nombre de coupables (1); mais quel (1) Pour épouvanter l’Assemblée, M. Barnave a porté, dans son opinion, à quinze mille le nombre de ceux que soit le décret qui sera rendu dans cette affaire, il restera toujours aux officiers municipaux de Nîmes le témoignage d’une conscience irréprochable, le souvenir d’une administration pure, paternelle et bienfaisante, l’amour et lare-connaissance de 40,000 de leurs concitoyens, témoins de leur zèle et de leurs travaux; il leur restera sans doute la haine de quelques factieux, mais, par conséquent, l’estime des gens de bien. (La suite de 1-a discussion est renvoyée à la séance de demain soir.) M. le Président lève la séance à dix heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DUPORT. Séance du jeudi 24 février 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du malin. M. Camus, au nom du comité dé aliénation, présente un projet de décret relatif au calcul des annuités pour accélérer la vente des domaines nationaux. Plusieurs membres proposent quelques amendements aux articles 3, 4 et 6. M. Camus, rapporteur, adopte ces amendements. Le projet de décret est adopté en ces termes : « L’Assemblée, désirant faire cesser les difficultés que plusieurs acquéreurs ont élevées au sujet du calcul des annuités et accélérer de plus en plus la vente des biens nationaux, ne laissant aucun doute sur les questions que cette importante opération fait naître dans plusieurs circonstances diverses, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les acquéreurs des domaines nationaux auront la faculté, au lieu des annuités qu’ils sont qui se sont rendus coupables de pillage et de massacres. Ce calcul paraît inculper mal à propos tous les étrangers qui se sont rendus à Nîmes et dont un grand nombre a manifesté hautement son indignation pour les atrocités commises; mais en admetlant le calcul de M. Barnave, en continuant l’information, il en résulterait ces deux grandes vérités : 1° 21 protestants seulement ont péri en juin, et plus de 300 catholiques ont été assommés; 2° Dans les 15,000 coupables indiqués par M. Barnave, on transcrit plus de 14,000 protestants, et à peine 300 catholiques, en y comprenant les réfugiés chez Froment et les étrangers qui ont commis des assassinats dans les campagnes. Aussi, comme il ne faut pas, dit M. Barnave, être rigoureux envers les bons, amnistie pour les 14,000, mais exception pour quelques catholiques qui, témoins des violences exercées sur les officiers municipaux par l’escorte qui accompagnait le drapeau rouge, se sont permis (avant la publication de la loi martiale) d’enlever l’officier municipal portant le drapeau rouge du milieu de ceux qui V accablaient de coups, au point de lui faire vomir le sang, ces derniers sans doute sont du nombre des bons envers lesquels il ne faut pas être rigoureux, car ni le rapport, ni le décret n’en parlent, pas même pour les improuver. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.