548 [Convention nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. f « brumaire an] H 1 J (7 novembre 1793 Amar. C’est au nom du ermite que je tous ai proposé le décret d’arrestation contre Le-eointe-Puyraveau. Basire. Je m’oppose à cette mesure. Je ne connais point Lecointe-Puyraveau, je ne lui ai peut-être pas parlé dix fois dans ma vie ; mais si aujourd’hui tous décrétez d’arrestation un de tos collègues sur un pareil titre, il n’y a pas un de tous ici présents, qui soit libre, pas un de tous contre lequel on ne puisse provoquer une semblable mesure. Atcc un déeret tel que celui S’on vous propose, la contre-révolution serait te demain. La lettre dont on vous parie est certainement anonyme, et je ne sais pas pour¬ quoi nous nous écarterions aujourd’hui de ce grand principe que vous avez consacré, de ne point délibérer sur des lettres anonymes. Où T accusé trouve-t-il son dénonciateur pour le confondre? Un chiffon de papier suffirait donc pour conduire Lecointe-Puyraveau au tribunal révolutionnaire, à ce tribunal nécessaire, mais redoutable, auquel vous ne devez traduire que les traîtres bien reconnus. Je demande la ques¬ tion préalable sur la proposition du comité de sûreté générale. La Convention décrète qu’il n’y a pas lieu à débbérer. Amar. C’est une section qui a envoyé le pro¬ cès-verbal. Le comité pouvait-il se dispenser... Lecointe-Puyraveau. Il a fait son devoir. Amar-Nous sommes détestés par les aristo¬ crates et les mauvais citoyens, parce que nous remplissons avez zèle les fonctions que la Con¬ vention nous a confiées. Vous faites votre devoir, s’écrie-t-on de toutes parts, continuez. (On applaudit.) Amar. Je demande que la consigne soit levée. (Décrété.) Amar descend de la tribune au milieu des applaudissements. i Un citoyen de Rouen s’est présenté à la barre, et a dit que la paix régnait dans cette commune, quoique les subsistances y fussent très rares (1). Compte rendu du Moniteur universel (2). Un citoyen de Bouen se présente à la barre. J’étais, dit-il, dans le sein de la Convention, lorsqu’on a fait lecture d’une lettre de Rouen à U) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 47. (2) Moniteur universel [n° 49 du 19 brumaire an II [samedi 9 novembre 1793), p. 200, col. 1}. ETautre part, le Journal des Débats et des Décrets (brumaire an II, n° 415, p. 244) et le Journal de la Montagne [n° 159 du 18e jour du 2e mois de l’an II (vendredi 8 novembre 1793), p. 1172, col. 1} rendent compte «le l’admission à la barre de ce citoyen de Rouen dans les termes suivants t I. Compte rendu du Journal des Débats el des Décrets. Cto annonce un citoyen de Rouen,) membre du comité de surveillance' de cette commune. Il se présente à la barre» « J’étais, dit-il, à la, tribune lorsqu’on a donné lecture d’une lettre de Rouen, dont l’adresse était l’ adresse de Lecointe-Puyraveau. J’ai vu aven peine qu’on semblait annoncer dans cette lettre que la ville de Rouen était en. insurrec¬ tion. J’en suis parti il y a trois jours, et elle ne m’a pas paru disposée à s’insurger. Je dirai plus, les sans-culottes y sont réduits à un quarteron de pain; les riches trouvent du soulagement dans leurs moyens ; mais les sans-culottes n’en sont pas moins soumis aux lois; ils escortent eux-mêmes les subsistances des¬ tinées pour Paris. (On applaudit.) J’ai reçu aujourd’hui une lettre de mon épouse, elle ne m’annonce aucun trouble; elle me dit qu’une partie de la garde nationale est partie pour se réunir à l’armée qui doit exterminer les restes des brigands de la Vendée. On fait lecture d’une lettre du citoyen Parent, curé de B oissise-Ia-Bertrand, à la Convention nationale, datée de Boissise-la-Bertrand, chef-lieu de canton, district de Melun, département de Seine-et-Marne, le 14 brumaire, l’an H de la, République française une et indivisible, dont la teneur suit : « Citoyens représentants, « Je suis prêtre, je suis curé, c’est-à-dire char - latan. Jusqu’ici, charlatan de bonne foi, je n’ai trompé, que parce que moi-même j’avais été trompé; maintenant que je suis décrassé, je vous avoue que je ne voudrais pas être charlatan de mauvaise foi; cependant la misère pourrait m’y contraindre; car je n’ai absolument que les 1,200 livres de ma cure pour vivre; d’ailleurs je ne fais guère que ce qu’on m’a forcé d’apprendre, des oremus. « Je vous fais donc cette lettre pour vous prier d’assurer une pension suffisante aux évêques, curés et vicaires sans fortune et sans moyen de subsister, et cependant assez honnêtes pour ne vouloir plus tromper le peuple, auquel il est temps enfin d’apprendre qu’il n’y a de religion vraie que la religion naturelle;, et que tous ces rêves, toutes ces mômeries, toutes ces pratiques à Lecointe-Puyraveau. J’ai vu avec peine qu’on y voulait faire croire que la commune de Rouen était en insurrection. J’en suis parti il y a trois jours; je n’y ai vu aucun mouvement. Je dirai plus; les sans-culottes n’ont par jour qu’un quarteron de pain chacun; les riches y sont abandonnés à leurs propres moyens, et cependant les sans-culottes de Rouen, qu’on a voulu calomnier, exportent eux-mêmes les subsistances de Paris. Il semblerait que l’on eût voulu déprécier ici cet acte vraiment civique qu’fis font avec générosité. (Applaudissements O Le citoyen qui est à la barre lit une lettre qu’il a reçue aujourd’hui de sa femme. Elle n’annonce au¬ cun trouble. IL Compte rendu du Journal de la Montagne . Un membre du comité de surveillance de Rouen , sorti de cette ville depuis trois jours, dément les insinuations de la lettre communiquée par Amar. Loin de songer à se révolter, les sans-culottes de Rouen, qui n’ont qu’un quarteron de pain par jour, escortent les subsistances pour Paris, et s’en pro¬ cure qui peut, car la municipalité n’en fait pas déli¬ vrer davantage. [Coüveruioü nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. M9 qu’on décore du nom de religion, ne sont que des contes de la Barbe-Bleue , « Plus de 'prêtres. Nous y parviendrons avec le temps; pour se hâter, il me semble qu’il serait bon d’assurer le nécessaire à ceux qui veulent rendre justice à la vérité, et qui sont disposés à descendre d’un rang auquel l’ignorance, terreur et la superstition ont pu seules les faire monter. « Plus de prêtres, cela ne veut pas dire plus de religion. Sois juste, sois bienfaisant, aime tes semblables, et tu as de la religion, parce qu’ayant toutes les vertus qui peuvent te rendre heureux, en te rendant utile à tes frères, tu as tout ce qu’il faut pour plaire à la divinité. « Si je pouvais ne prêcher que cette morale, à la bonne heure; mais mes paroissiens veulent que je leur parle de neuvaines, de sacrements, de cent mille dieux... Ce n’est pas plus mon goût que le vôtre; je vous prie donc de me per¬ mettre de me retirer, en m’assurant une pen¬ sum. « Parent, curé de Boissise-la-Bertrand. » Mention honorable, insertion au « Bulletin » et renvoi au comité des finances (1). Suit la lettre du citoyen Parent, d'après le document des Archives (2) : A la Convention naUonale, salut. « Bois sise-la -B ertran d, chef-lieu de can¬ ton, district de Melun, département de Seine-et-Marne, le 14 brumaire, l’an III de la République française une et in¬ divisible. « Citoyens représentants, « Je suis prêtre, je suis curé, c’est-à-dire charlatan ; jusqu’ici, charlatan de bonne foi, je n’ai trompé que parce que moi -même j’avais été trompé; maintenant que je suis décrassé, je vous avoue que je ne voudrais pas être char¬ latan de mauvaise foi; cependant la misère pourrait m’y contraindre car je n’ai absolument que les 1,200 livres de ma cure pour vivre; d’ailleurs je ne sais guère que ce qu’on m’a forcé d’apprendre, des or émus. « Je vous fais donc cette lettre pour vous prier d’assurer une pension suffisante aux évêques, curés et vicaires sans fortune et sans moyens de subsister, et cependant assez hon¬ nêtes pour ne vouloir plus tromper le peuple auquel il est temps enfin d’apprendre qu’il n’y a de rehgion vraie que la religion naturelle, et que tons ces rêves, toutes ces mômeries, toutes ces pratiques qu’on décore du nom de rehgion, ne sont que des contes de la Barbe bleue. « Plus de prêtres, nous y parviendrons avec le temps,; pour le bâter, il me semble qu’il serait bon d’assurer le nécessaire à ceux qui veulent rendre justice à la vérité et qui sont disposés (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 47. (1) Archives nationales, carton C 280, dossier 766. Supplément au Bulletin de la Convention nationale du 7e jour de la 2e décade du 2® mois de l’an II (jeudi 7 novembre 1793). à descendre d’un rang auquel l’ignorance, Ter¬ reur et la superstition ont pu seules les faire monter. « Plus de prêtres, oela ne veut pas dire plus de religion. « Bois juste, sois bienfaisant, aime tes semblables, et tu as de la religion, parce qu’ayant toutes les vertus qui peuvent te rendre heureux en te rendant utile à tes frères, tu as tout ce qu’il faut pour plaire à la divinité. » « Si je pouvais ne prêcher que cette morale, à la bonne heure; mais mes paroissiens veulent que je leur parle de neuvaines, de sacrements, de cent mille dieux, ce n’est pas plus mon goût que le vôtre; je vous prie doue de me permettre de me retirer en m’assurant une pension. « Parent, curé de Boissise-la-Bertrand, par Mélun. » Compte rende du Moniteur universel (1). Un secrétaire fait lecture de la lettre suivante : ( Suit le texte de la lettre que nous reproduisons ci-dessus.) On applaudit. Sergent. Je demande l’ordre du jour sur cette lettre. Un prêtre qui dit qu’il était hier dans (1) Moniteur universel [n° 49 du 19 brumaire an II (samedi 9 novembre 1793), p. 198, col. 2). D’autre part, le Journal des Débats et des Décrets (brumaire an II, n° 415, p. 236) et le Journal de la Montagne [n° 159 du 18e jour du 2e mais de l’an II (vendredi 8 novembre 1793), p. 1171, col. 1] rendent compte de la lettre du curé de Boissise-la-Bertrand dans les termes suivants i 1. Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets . On lit une lettre de Parent, curé de Boissise. (Suit le texte de la lettre que nous reproduisons ci-dessus. ) La lecture de cette lettre a souvent été interrom¬ pue par de vifs applaudissements. Léonard Bourdon convertit en motion la péti¬ tion du ci-devant curé de Boissise. Thuriot s’y oppose. U s’applaudit de voir ia philosophie et la raison triompher de la superstition et du fanatisme; mais il veut que l’opinion se venge elle-même de l’erreur où on l’avait entraînée et que la Convention mûrisse bien les mesures par lesquelles elle voudra la seconder. On applaudit, et le renvoi au comité des finances est décrété. II. Compte rendu du Journal de la Montagne . Un curé enfin convaincu que la profession qu’il a exercée jusqu’ici n’est qu’un métier de charlatan, et que ses confrères et lui n’ont enseigné que des contes bleus, envoie ses lettres de prêtrise, mais de¬ mande une pension qui lui donne les moyens d’en¬ tretenir sa femme et ses enfants. Sergent réclame l’ordre du jour et se fonde sur ce qu’un homme, qui a menti si longtemps à sa •cons¬ cience, pourrait bien n’être encore qu’un hypocrite. Tiiuriot observe qu’il est des patriotes de bonne foi parmi les prêtres, que la superstition aveuglait encore et qui, ne s’éclairent que par l’élan sublime de la nation, lequel, depuis quelques jours, semble présager la chute totale du fanatisme. II demande le renvoi de la pétition au comité des finances pour être examinée sous un aspect général.