464 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 janvier 1790. | M. Diiquesnoy. J’observe que dans toutes les villes les municipalités se sont toutes occupées de l’installation des tribunaux; je ne vois pas pourquoi l’Assemblée s’occuperait de ceux de Paris. Si la commune entière veut former l’installation de chaque tribunal, elle ne fera que suivre l’ordre établi et il n’est pas nécessaire pour cela de faire un décret; la commune fera ce qu’elle trouvera plus analogue aux principes. Je demande l’ordre du jour sur cet article, l’ajournement du reste du décret à mardi soir et l’impression du projet de décret du comité. (Cette motion est décrétée.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les jurés (1). M. Duport, rapporteur, Messieurs, vous avez ajourné hier l’article 13 du titre Vil; voici la nouvelle rédaction que je vous propose : Art. 13. « L’accusé pourra faire entendre des témoins pour attester qu’il est homme d’honneur , et de probité, et d’une conduite irréprochable. Les jurés auront tel égard que de raison à ce témoignage. (Adopté.) Art. 14. « Pendant l’examen , les jurés et les juges pourront prendre note de ce qui leur paraîtra important, pourvu que la discussion n’en soit pas interrompue. » M. Carat l'aîné. Pourquoi ne pas dire que les jurés et les juges pourront suspendre un mopent la discusûon, jusqu’à ce qu’ils aient écrit deux ou trois lignes ? Met-on un si grand prix à la chaleur de la discussion pour craindre qu’à la moinure interruption qu’on lui fera subir, la vérité s’échappe? M. Duport, rapporteur. Il est aisé de sentir nos motifs : nous avons craint que les jurés et les juges ne soient conduits à l’idée qu’ils doivent écrire exactement tout ce qui se passe dans le débat. (L’article 14 est décrété.) M. Duport, rapporteur , donne lecture de l’article 15, qui est ainsi conçu : « Ne pourront être entendus en témoignage un père et une mère contre leurs enfants, ni les enfants contre leur père et mère, aïeul ou aïeule; un frère et une sœur contre leur frère ou sœur, un mari contre sa femme ou une femme contre son mari. » M. Goupil-Préfeln. Il me semble indispensable oe mettre au nombre des personnes qui ne peuvent pas déposer les unes contre les autres les gendres et les beaux-pères. Le mari de ma fille, le père de mes petits-enfants sont des personnes qui doivent m’être sacrées et contre lesquelles il ne peut pas m’être permis de déposer. M. Tliéveuot de Maroise. Je propose de borner la réduction de l’article aux ascendants et aux descendants. (1) Le Moniteur ne donne que le texte des articles décrétés dans cette séance. M. Lanjuinais. Je demande qu’on mette les alliés au même degré. M. Duport, rapporteur. On pourrait rédiger ainsi l’article : Art. 15. « Ne pourront être entendus en témoignage les ascendants contre leurs descendants, et réciproquement, les frère et sœur contre leur frère et sœur, un mari contre sa femme, ou une femme contre son mari, et les alliés au même degré. » (Adopté.) M. Duport, rapporteur, donne lecture de l’article 16: « Du moment qu’un homme sera arrêté, il est défendu à qui que ce soit de rien imprimer ou rien publier contre lui, sous peine de punition infamante contre les contrevenants. » M. Malouet.On a eu pour objet, par cet article, de mettre l’accusé sous la sauvegarde de la loi; mais il faut prévoir le cas où l’accusé pour sa propre défense récriminera contre moi d’une manière dangereuse. Par là il me met dans la nécessité indispensable de soutenir qu’il est voleur, qu’il est assassin, qu’il est calomniateur, etc. Je n’entends pas comment les principes de la sûreté publique et individuelle pourraient permettre d’excepter de l’article la partie plaignante. Je demande cette exception pour elle. M. Duport, rapporteur. C’est justement contre la partie plaignante que l’article porte principalement. L’observation du préopinant est très juste dans le cas où il serait lui-même attaqué, et ce sera une chose à examiner que de savoir si dans le cas où l’accusé aurait eu l’imprudence d’écrire, il ne faudrait pas donner à la partie plaignante le droit de répondre. Mais voici, Messieurs, l’intention de l’article : Vous avez établi des jurés pour juger du fait ; il est nécessaire qu’ils arrivent au tribunal sans aucune impression, relativement à l’affaire pour laquelle ils sont assemblés. Si cependant la partie plaignante avait le droit, pendant que l’accusé est en prison, d’imprimer contre lui et de corrompre ainsi l’opinion publique, enfin d’environner directement ou indirectement ceux qui seront appelés à juger cet accusé, il est évident que vous perdriez le grand avantage des jurés, qui est de prendre au sein du peuple des hommes entièrement désintéressés sur l’affaire dont il s’agit. M. Malouet. Aussitôt qu’un homme est inculpé, il a le droit et intérêt d’éclairer le public sur son accusateur, et, s’il était arrêté, en conséquence de ma dénonciation, il est très probable qu’il s’adressera à moi, qu’il cherchera à me discréditer dans l’opinion publique. Il faut que j’aie le droit de me défendre à mon tour; si j’ai eu celui de rendre plainte, il faut que je puisse soutenir ma plainte. Je demande donc que l’article soit rédigé dans cet esprit. M. Mougïns de Roquefort. Il est impossible de permettre à un accusé de faire imprimer ses défenses sans que la même faculté soit accordée à l’accusateur public. M. Garat l'aîné. Il faut que, d’un côté, les coupables soient mis à découvert aux yeux de tous les citoyens, et que, de l’autre, l’homme ver- [Assembléa nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 janvier 179I.J 465 tueux, qui, par attachement à ses devoirs, a le courage de dénoncer les ennemis de l’ordre et de la sûreté particulière et publique, doit conserver, sous la protection de la loi, les moyens de repousser la calomnie qui pourrait souiller la pureté de ses intentions. Je demande que la défense d’imprimer ne puisse avoir pour objet que ceux qui n’ont aucun intérêt dans la cause. M. Barrère. Rien n’est plus intéressant que le principe qui a dicté l’article. Dès qu’un homme est l’objet dmne accusation, il devient un être sacré et respectable; c’est pour cela qu’on vous propose de ne point imprimer contre lui. Il y a cependant une objection qui est forte, je ne me la dissimule pas : c’est celle de la partie plaignante. Un fils, par exemple, poursuit la vengeance de la mort de son père : comment lui interdirez-vous le droit qu’il a d’imprimer dans cette affaire? il est partie civile. Voici la limitation que je vous propose : Du moment qu’un homme est accusé, il est défendu à qui que ce soit, même à la partie civile, à moins qu’elle ne soit inculpée dans les écrits publiés contre elle par l’accusé, de rien imprimer ou publier contre lui, sous peine de punition infamante contre les contrevenants. M. Duqnesnov. Avant de prendre aucun arti sur cet article , je voudrais que vous vous ssiez rendre compte de la manière dont l’accusé pourra se défendre et de la marche qu'il pourra suivre. Je demande donc qu’on ajourne l’article. M. Lanjulnats. Je demande que la permission d’imprimer soit étendue aux témoins et même à toutes personnes inculpées dans les écrits de l’accusé. M. Garat l'aîné insiste sur son opinion et demande que la partie civile puisse imprimer à son gré. M. Goupil de Préfeln demande la question préalable sur l’amendement. Un membre : Je propose, par amendement, de supprimer toute espèce d’imprimé, soit par l’accusateur, soit par l’accusé; car les imprimés tendent à substituer l’opinion publique à celle du juge. M. Chabroud. Je demande la permission de soutenir l’ajournement. C’est au moins une grande question; car si vous permettez à l’accusé de se défendre par écrit, l’essence même de la procédure par juré est attaquée; chaque jour on imprimera les dires des témoins, et finalement on forcera le juré à juger sur une procédure civile. {Applaudissements.) M. de Montlosier. Dans les crimes publics qui intéressent la société, je crois qu’il n’est pas Ïiossible que non seulement les écrivains journa-istes, mais que toute espèce d’écrivains ne s’emparent d’un fait, ne l’entourent de toutes les couleurs qui leur sont propres : or, vous feriez une chose qui serait contre toutes les lois de l'équité, si vous condamniez un accusé au silence, et laissiez imprimer les calomnies atroces qu’on répandrait contre lui quand ce serait la vérité même. Je crois que, sous ce point de vue, cette question lre Série. T. XXII. mérite toute votre attention. J’appuie l’ajournement. (L’Assemblée ajourne l’article.) M. Dnport, rapporteur. Vos comités vous demandent que la suite de la discussion sur les jurés ne soit mise à l’ordre du jour ni demain, ni après-demain. (Cette motion est adoptée.) MM. Prévôt, Lavie, de Menon et Bout-tevIlle-Duinetz, au nom du comité d’ aliénation, proposent la vente de biens nationaux à diverses municipalités. L’Assemblée rend le décret suivant : « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l’aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux, dont l’état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret, savoir : A la municipalité de Marsillac, département de la Corrèze, pour la somme de ........... 799 1. • s. » d. A celle de Saint-Mar-30