642 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 avril 1790.] présentent un caractère odieux de fiscalité, les sols pour livre des droits domaniaux, et enfin les droits d’usage, n’ont pas paru à votre comité de nature à être placés dans la classe des objets qui peuvent être aliénés et mis en vente. Nous terminerons notre rapport en vous annonçant les ressources immenses que la nation peut retirer de la rentrée de tous les domaines, engagés à vil prix, donnés ou aliénés à toutes sortes de titres, dans des temps où la faveur et l’intrigue, entourant Je trône, ont tant de fois trompé les vertus mêmes des rois. En 1781, un arrêt du conseil d’Etat avait ordonné aux engagistes de faire des déclarations, et offres de supplément de rente, pour acquérir une confirmation pendant la durée du règne. On espérait de cette opération une grande augmentation de revenus ; mais comment se serâit-il présenté des engagistes à qui l’on n’offrait qu’un nouveau titre aussi précaire que le premier? Comment pouvait-on attendre des offres du juste prix, sans la concurrence des autres citoyens ? la nation, donnant aujourd’hui un autre caractère à ces engagements, verra la véritable valeur de ces domaines s’établir par le concours des acquéreurs. Le comité vous propose, en conséquence, de recevoir toutes personnes à faire des offres ; c’est le seul moyen de parvenir à la connaissance des divers” domaines engagés, et de leur véritable valeur. PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale, considérant que la nation est seule propriétaire des domaines de la couronne et de ceux qui lui ont été unis et incorporés, et que la maxime qui les a déclarés inaliénables ne peut être révoquée que par elle ; Que l’ancien patrimoine de la couronne est tellement diminué par des abus de tous les genres, qu’il ne reste plus dans cette nature de biens, que les propriétés les plus onéreuses et les moins productives ; Que les réclamations des états généraux et les nombreuses ordonnances rendues contre l’abus de l’aliénation des domaines et sur la nécessité d’en arrêter les progrès, n’ont pu empêcher leur diminution sensible et leur perte presque totale ; Qu'un des plus grands moyens de soulager les peuples, est de les délivrer des embarras "et des contestations que fait naître si souvent le seul soupçon de la domanialité, et de procurer aux engagistes, détenteurs des domaines, et à tous les citoyens, la facilité d’acquérir des propriétés à titre incommutable ; Que le moyen le plus assuré de pourvoir au bien de l’Etat, à l’amélioration des finances, à la libération de la dette publique, à l’accroissement de l’agriculture et du commerce, est de vendre en détail les biens domaniaux qui en sont susceptibles, et d’admettre dès à présent au rachat des rentes et redevances foncières des droits féodaux casuels, et de toutes autres charges, ceux qui voudront en affranchir leurs propriétés ; Voulant donner au roi un nouveau témoignage de son attachement et de son désir de contribuer à ses jouissances personnelles, autant qu’à tout ce qui peut relever la diguité du trône ; A décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er Les domaines de la couronne, corporels et incorporels, sont aliénables, à titre perpétuel et incommutable, par la nation seulement, en vertu d’un décret de ses représentants accepté par le roi ; abrogeant, en tant que de besoin, toutes lois et ordonnances contraires. Art. 2. Les propriétés foncières du prince qui parvient au trône, et celles qu’il acquiert pendant son règne, à quelque titre que ce soit, sous la seule exception comprise en l’article suivant, sont de plein droit unies et incorporées au domaine de la couronne; et l’effet de cette réunion est perpétuel et irrévocable (1). Art. 3. Les acquisitions faites par le roi à titre singulier, et non en vertu des droits de la couronne, sont et demeureront, pendant son règne, à sa libre disposition; et ledit temps passé, elles se réunissent de plein droit, et à l’instant même, au domaine de la couronue. Art. 4. Décrète, en conséquence, qu’à l’exception des bois et forêts, ainsi que des terrains incultes qui se trouvent dans l’enceinte et sur les bords desdites forêts, dans l’étendue fixée par les ordonnances, il sera procédé incessamment, suivant les formes décrétées, à la vente et aliénation des domaines territoriaux, qui sont actuellement dans les mains du roi, et qui sont régis par ses fermiers. Art. 5. Seront néanmoins exceptés de ladite vente et aliénation tous les châteaux, domaines, maisons royales et autres objets qu’il plaira à Sa Majesté de se réserver ; à l’effet de quoi il lui sera fait une députation pour la supplier d’indiquer tous ceux desdits objets qu’elle trouvera à propos de conserver, ainsi que les objets d’agrément et de convenance qu’elle désirerait y réunir. Art. 6. H sera établi dans chaque département une caisse d’amortissement, dans laquelle seront versés les deniers provenant du rachat des rentes foncières, albergues, redevances seigneuriales des droits féodaux et casuels, ainsi que de toutes les autres charges dues au domaine, sous quelque dénomination qu’elles puissent exister, ouïes assignats qui seront donnés en paiement; et Je produit de ce rachat sera également versé dans la caisse de l’extraordinaire. Art. 7. Ne seront néanmoins comprises dans le rachat ci-dessus, les rentes dues par les engagistes et les concessionnaires, à titre d’emphy-téose à temps ; celles dues par les communautés et autres particuliers, pour droit d’usage dans les bois, pâtures et autres fonds appartenant au domaine, sur lesquels objets il sera statué d’après des rapports particuliers que le comité des domaines fera à l’Assemblée. (I l Les articles 2 et 3 sont tirés du projet de décret, proposé par M. Enjubault de la Roche, au nom du comité. (Voy. ce projet, page 655.)