652 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 septembre 1791.] seconde classe, a exigé des distinctions et des décisions particulières. À l’égard de ces fonds il a fallu, dans l’exécution, distinguer : 1° les fonds nationaux qui ont été aliénés par bail emphytéotique, ou à rente, non perpétuel, à des particuliers ; 2° les fonds nationaux aliénés à des bénéficiers ou des corps dont les droits forment des propriétés nationales ; 3° les fonds aliénés au même titre par des particuliers à des bénéficiers ou à des corps dont les droits forment des propriétés nationales. Enfin, à l’égard de tous ces fonds, il a fallu distinguer le cas où les fonds étaient sous la mouvance de fiefs appartenant à des particuliers, et celui où ils étaient sous la mouvance de fiefs nationaux. Toutes ces hypothèses exigeant des décisions spéciales et particulières, le comité a divisé en deux sections le décret qu’il a l’honneur de présenter. La première concerne les fonds 'patrimoniaux des particuliers , aliénés à bail emphytéotique , ou à rente, non perpétuel. La seconde concerne les fonds nationaux , soit aliénés à titre de bail emphytéotique , ou à rente , non perpétuel , soit possédés au même titre par la nation , comme subrogée au lieu et place des bénéficiers , corps et communautés séculières ou régulières. La première section contient les règles communes à ces 2 espèces de fonds. La seconde contient l’application de ces mêmes règles aux fonds nationaux, avec les distinctions et les modifications que cette seconde nature de biens exigeait. Ces modifications ne paraissent pas avoir besoin d’un développement particulier, leur motif se faisant sentir de lui-même à la seule lecture des articles. Voici notre projet de décret : Section I. Des fonds patrimoniaux des particuliers, aliénés à bail emphytéotique , ou à rente perpétuelle. Art. 1er. « Il sera libre, soit au preneur, possesseur actuel du fonds à titre de bail emphytéotique, ou à rente non perpétuelle, soit au bailleur propriétaire de la rente et ayant droit à la propriété réversible, de racheter les droits ci-devant seigneuriaux, fixes ou casuels, dont ledit fonds se trouvera chargé, et dont lesdits bailleur et preneur sont respectivement tenus, en se conformant pour chacun d’eux aux règles ci-après.» (Adopté.) Art. 2. < Le preneur, possesseur actuel du fonds, qui voudra ne racheter que les droits dont il peut être tenu pendant sa jouissance, sera tenu de faire le rachat des droits fixes et annuels, eu égard à leur valeur totale et perpétuelle, d’après le mode et les taux prescrits par le décret du 3 mai 1790 ; et au moyen dudit rachat, il demeurera subrogé au droit du ci-devant seigneur, quant à la propriété de ladite rente seulement, dont il pourra se faire payer, après l’expiration du bail, par le bailleur qui sera rentré dans son fonds, si mieux n’aime celui-ci rembourser au premier la somme qui lui aura été payée pour ledit rachat. « Quant aux droits casuels dont le preneur peut être tenu pendant sa jouissance, pour en liquider le rachat : 1°, il sera fait une évaluation du prix auquel le fonds pourrait être vendu, déduction faite de la rente ou canon emphytéotique, eu égard au nombre des années de jouissance qui resteront à courir ; 2°, le rachat desdits droits casuels sera ensuite fixé d’après ledit capital, conformément au mode et aux taux prescrits par le décret du 3 mai 1790 ; 3°, au moyen dudit rachat, le ci-devant seigneur, pendant la durée du bail, ne pourra plus jouir des droits casuels, que vis-à-vis du bailleur, et en cas de vente ou autre mutation de la rente et du droit à la propriété réversible, dans les pays et les cas où ladite vente et lesdites mutations donnent ouverture à un droit ; 4°, après l’expiration du bail, le propriétaire, qui sera rentré dans son fonds, demeurera chargé de la totalité des droits casuels, en cas de mutation, jusqu'au rachat d’iceux. » (Adopté.) Art. 3. « Le preneur, possesseur actuel du fonds, pourra néanmoins, s’il le juge à propos, racheter les droits casuels, eu égard à leur valeur entière et perpétuelle ; auquel cas, il sera tenu de les racheter sur le pied de la valeur totale du fonds, sans déduction de la rente annuelle portée au bail emphytéotique, ou de la rente non perpétuelle ; audit cas, le premier sera et demeurera subrogé au droit du ci-devant seigneur, pour exercer lesdits droits casuels contre le bailleur; savoir : pendant la durée du bail, en cas de vente ou mutation de la rente, dans les pays, et les cas dans lesquels cette vente ou mutation donne ouverture auxdits droits, et après l’expiration du bail, en cas de vente ou mutation du fonds, conformément à la coutume, ou aux titres particuliers, et ce, jusqu’au rachat que le bailleur en pourra faire, ainsi qu’il sera dit ci-après. » (Adopté.) Art. 4. « Si le bailleur, propriétaire de la rente et du droit de la propriété réversible, se présente au rachat avant que le preneur ait fait les rachats qui lui sont permis par les articles 2 et 3 ci-dessus, le bailleur sera tenu de racheter tant les droits fixes que les droits casuels en totalité, et de la même manière que s’il était rentré dans la pleine propriété, conformément au mode et aux taux prescrits par le décret du 3 mai 1790; et en ce faisant, il sera subrogé au droit du ci-devant seigneur, soit quant aux droits fixes, soit quant aux droits casuels, pour les exercer contre le preneur pendant la durée du bail seulement, dans les mêmes cas et de la manière que le ci-devant seigneur aurait pu les exercer contre ledit preneur. » (Adopté.) Art. 6. « Si le bailleur, propriétaire de la rente et du droit de propriété réversible, ne se présente au rachat qu’après que le preneur aura lui-même uséde la faculté qui lui est accordée par l’article 2 ci-dessus; audit cas, le bailleur ne sera tenu de racheter au ci-devant seigneur que les droits casuels ; et sur l’estimation qui en sera faite, conformément à l’article 4 çi-dessus, il lui sera fait déduction de la somme qui aura été payée par le preneur pour le rachat desdits droits casuels relatifs à la durée de sa jouissance. « A l’égard des droits fixes et annuels qui auront été rachetés par le preneur, aux termes de l’article 2 ci-dessus, le bailleur, après l’expiration [Assemblée nationale. | ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 septembre 1791.] 653 du bail, et lorsqu’il sera rentré dans la propriété, sera tenu d’en continuer ia prestation audit preneur, si mieux il n’aime rembourser la somme qui aura été payée par le preneur pour le rachat desdils droits fixes et annuels seulement. » {Adopté.) Art. 6. « Si le bailleur, propriétaire de la rente et du droit de propriété réversible, se présente au rachat après que le preueur aura acheté la totalité des droits fixes et casuels, en vertu de la faculté qui en est acordée par l’article 3 ci-dessus, audit cas, le bailleur sera tenu de rembourser au preneur la somme qui aura été par lui payée pour le rachat des droits casuels� à la déduction de celle qui se trouvera être a la charge du preneur, conformément à ce qui est prescrit par l’article 2 ci-dessus ; après l’expiration du bail, le bailleur sera tenu de continuer au preneur la prestation des redevances fixes et annuelles que celui-ci aura remboursées, si mieux il n’aime alors rembourser la somme qui aura été payée par le preneur pour le rachat desdits droits. » {Adopté.) Art. 7. « Si le preneur, possesseur actuel du fonds, ne se présente au rachat qu’après que le bailleur aura racheté (ous les droits fixes et casuels, en vertu de la faculté qui lui en est accordée par l’article 4 ci-dessus; audit cas, le preneur ne sera tenu d’en rembourser au bailleur que les droils casuels dont il est personnellement tenu pendant la durée du bail, et l’évaluation desdits droits se fera conformément à ce qui est prescrit parla seconde partie de l'article 2 ci-dessus. « A l’égard des droits fixes annuels qui auront été rachetés par le bailleur, le montant annuel en sera ajouté à la rente portée au bail emphytéotique, ou à rente, pour être payée par le preneur au bailleur, eu sus de ladite rente, pendant la durée de son bail. » {Adopté.) Art. 8. « Lorsque le preneur se trouvera subrogé au droit du ci-devant seigneur, quant aux redevances fixes et annuelles seulement aux termes et dans les cas prévus par les articles 2 et 6 ci-dessus, lesdites redevances ne pourront emporter aucuns droits casuels, et ne formeront qu’une simple rente foncière, rachetable ainsi qu’il est dit aux articles 2 et 6. » {Adopté). Art. 9. « Le preneur qui aura remboursé la totalité des droits ci-devant seigneuriaux, tant fixes que casuels, en vertu de la faculté qui lui en est accordée par l’article 2, sera tenu de le dénoncer au bailleur ; et réciproquement le bailleur sera tenu de faire la même dénonciation au preneur, lorsqu’il aura remboursé la totalité desdits droits en exécution de l’article 4 à peine des dommages et intérêts, s’il y a lieu. » {Adopté.) Section II. Des fonds nationaux , soit aliénés à titre de bail emphytéotique , ou à rente non perpétuelle, soit possédés au même titre par la nation , comme subrogée au lieu et place des bénéficiers , corps et communautés séculières ou régulières. Art. 1er. « Lorsque les ci-devant bénéficiers, corps ou communautés ecclésiastiques ou laïques, dont les biens et les droits ont été déclarés nationaux, auront été donnés en tout ou partie, à des particuliers à titre de bail emphytéotique ou de bail à rente non perpétuelle, le payement des droits seigneuriaux fixes ou casuels et le rachat des droits seront faits d’après les règles et les distinctions ci-après. » {Adopté.) Art. 2. « Si lesdits fonds relevaient d’un ci-devant fief patrimonial et non déclaré national, et si l’indemnité en avait été payée au ci-devant seigneur, ou était prescrite, le preneur possesseur actuel du fonds demeurera seul chargé, pendant la durée de son bail, du payementdes redevances fixes et annuelles, ainsique des droits casuels dont il peut être tenu dans les pays et les cas où les mutations de la part du preneur donnent ouverture auxdits droits, sans préjudice de la faculté qui lui est réservée de racheter lesdits droits casuels seulement, conformément à l’article 2 de la section première du présent décret. « Dans le cas où la nation vendrait le droit à la rente et à la propriété réversible, conformément au décret du 18 avril 1791, sanctionné le 27 du même mois, elle ne sera tenue d’aucun rachat envers le ci-devant seigneur, qui ne pourra exercer, pendant la durée du bail, que les droits dont il jouissait vis-à-vis du preneur. » {Adopté.) Art. 3. « Si l’indemnité, due au ci-devant seigneur à raison de l’acquisition faite par la mainmorte, n'avait été acquittée que par une rente annuelle, ou par une prestation d’un droit de quint, lods, mi-lods ou autre redevance payable tous les 20, 30, 40 ans ou autre révolution périodique; audit cas, et lors de la vente seulement du droit à la rente et à la propriété réversible, la nation sera tenue de racheter lesdits droils au ci-devant seigneur; et ledit rachat se fera conformément à ce qui est prescrit par les articles 11 et 12 du décret d’hier et de ce jour. » {Adopté.) Art. 4. « Si, lors de l’acquisition faite par la mainmorte des fonds désignés aux articles précédents, il n’a été payé aucune indemnité au ci-devant seigneur, et si ladite indemnité n'est point prescrite, en cas de vente de droitàla rente et àla propriété réversible, la nation demeurera chargée de racheter tant les droits fixes que les droits casuels dont le fonds peut être tenu, au taux et suivant le mode prescrits par le décret du 3 mai 1790. Au moyen dudit rachat, la nation percevra à son profit, pendant la durée du bail, tant les droits fixes quelesdroits casuels qui pourraient être dus parle preneur, lequel sera tenu de continuer à la nation, pendant la durée du bail, le payement des droits annuels fixes, et demeurera chargé, envers la nation, des droits casuels, dans les cas auxquels il en est tenu, jusqu’au rachat d’iceux, qu’il en pourra faire en forme prescrite par l’article 2 du présent décret. » {Adopté.) Art. 5. « Dans le même cas, prévu par l’article précédent, jusqu’à ce que la nation ait vendu le droit à la rente et à la propriété réversible, le preneur, possesseur du fonds, demeurera seul chargé, envers le ci-devant seigneur, de la prestation des droits fixes et des droits casuels, dans les cas où il en est tenu, sauf le rachat qu’il 654 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 septembre 1*791.] pourra faire desdits droits, conformément à l’article 2 de la première section du présent décret, et sauf son recours contre la nation pour la prestation ou pour le remboursement des droits fixes seulement. » {Adopté.) Art. 6. « Si les fonds nationaux, ci-devant aliénés par bail emphytéotique, ou bail à rente non perpétuelle, à des particuliers, étaient ci-devant sous la mouvance d’un ci-devant fief national ; audit cas, lors de la vente du droit à la rente et propriété réversible, la nation ne sera chargée d’aucun rachat des ci-devant droits seigneuriaux; et la nation, pendant la durée du bail, percevra, sur le preneur, tant les droits fixes que les droits casuels seulement, ainsi qu’il est dit en la deuxième partie de l’article 2 de la première section du présent décret. (Adopté.) Art. 7. « Si le fonds national mouvant d’un autre fonds national a été cédé à titre de bail emphytéotique, ou à rente non perpétuelle, à un des ci-devant bénéfices, corps ou communautés ecclésiastiques ou laïques, dont la vente des biens a été ordonnée, soit que l’indemnité ait été payée ou non, que les deux fonds soient situés ou non dans le même district ou le même département, le bail sera et demeurera résolu, la pleine et entière propriété du fonds sera vendue libre de toutes charges quelconques, et, jusqu’à la vente, les revenus en seront administrés en la forme prescrite par le décret du 20 août, et il ne pourra être exercé aucune action d’un district sur l’autre, à raison des arrérages de la rente échus pour le passé. » (Adopté.) Art. 8. « Il en sera de même, encore que le fonds soit possédé audit titre de bail emphytéotique, ou bail à rente non perpétuelle, par l’un des corps ou communautés ecclésiastiques ou laïques qui ont été conservés provisoirement dans la jouissance de leurs biens ; lesdits fonds pourront être vendus, et, après la vente, il sera provisoirement payé, au corps ou à la communauté qui possédait le fonds, l’intérêt à 4 0/0 du prix de la vente, à la déduction du capital au même denier de la rente portée au bail. Jusqu’à la vente, le corps ou la communauté qui possédait le fonds payera la rente annuelle portée au bail. » (Adopté.) Art. 9. « Si le fonds qui était possédé par un bénéficier, ou par un corps ou communauté ecclésiastique ou laïque, audit titre de bail emphytéotique, ou à rente non perpétuelle, appartenait à un propriétaire particulier, mais était sous la mouvance d’un ci-devant fief national; en cas de vente du droit de jouissance temporaire résultant du bail, ladite vente sera faite purement et simplement, à la charge seulement par l’acquéreur de payer au bailleur la rente portée au bail pendant sa durée, et sans aucune charge des ci-devant droits seigneuriaux fixes et casuels, desquels le bailleur sera seul tenu après sa rentrée dans la propriété et jusqu’au rachat d’iceux. » (Adopté.) Art. 10. « Si le fonds donné à titre de bail emphytéotique, ou à rente non perpétuelle, par un propriétaire particulier, à un bénéficier, ou à un corps ou communauté ecclésiastique ou laïque, était sous la mouvance d’un ci-devant fief non national, en cas de vente du droit de la jouissance temporaire résultant du bail, il sera seulement payé par la nation au ci-devant seigueur un droit de vente au prorata du prix d’icelle; sauf à ce ci-devant seigneur à exercer, soit vis-à-vis de l’acquéreur, pendant la durée du bail, soit vis-à-vis du bailleur, les droits fixes et casuels, tels que de droit, jusqu’au rachat d’iceux. » (Adopté). (L’Assemblée ordonne l’impression du rapport de M. Tronchet pour servir d’instruction à ce décret.) ( M. Tronchel, rapporteur , rend ensuite compte d’une pétition des habitants de Cusset, tendant à faire excepter du rachat permis par le décret du 18 décembre 1790, pour les rentes foncières, les baux de concession, connus sous le titre de concession de vigne sà conditions. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur cette pétition.) Une députation de l'assemblée électorale du département de Seine-et-Oise est admise à la barre . L'orateur de la députation s’exprime ainsi : Messieurs, le grand ouvrage de la régénération française vient d’être heureusement terminé par vos soins et votre courage. Le pacte qui unit pour jamais une nation libre et généreuse est consolidé par l’acceptation du roi. Le corps électoral du département de Seine-et-Oise, en obéissant à la loi qui ordonne de nommer vos successeurs, ne s’est consolé de la nécessité de vous remplacer que par l’idée de rendre à chaque département des hommes dont le repos si bien mérité peut être encore utile à la patrie. Illustres fondateurs de notre liberté, vos noms seront immortels comme le grand ouvrage que vous venez de terminer si glorieusement en dépit de vos détracteurs et de vos ennemis. Vos successeurs imiteront votre courage ; ils profiteront de votre exemple, surtout ceux de notre département ; ils se souviendront qu’ils viennent d’être élus dans l’enceinte même où la liberté prit naissance; ils se ressentiront de ce transport sublime de patriotisme, dont il nous a semblé que les murs et les voûtes retentissaient encore autour d’eux; ils sont dignes enfin de notre choix. Messieurs, qu’il nous sera doux d’entendre dire ; la première législature eût été l’Assemblée constituante sans le hasard de la primauté, mais elle est digne d’elle, et si la Constituante lui servit de modèle, celle-ci doit en servir à son tour à ses successeurs, parmi lesquels la faculté de la réélection placera sans doute nos illustres créateurs de la Constitution. C’est cet espoir qui adoucit encore le regret qu’éprouvent en ce moment les corps électoraux de ne pouvoir plus tôt vous témoigner leur reconnaissance. M. le Président répond ; L’Assemblée nationale reçoit avec satisfaction l’hommage des sentiments de l’assemblée électorale du département de Seine-et-Oise. Le bonheur des Français a été l’objet des travaux de l’Assemblée; les expressions de la satisfaction du peuple sont sa plus douce espérance et sa plus glorieuse récompense. L’Assemblée vous invite à assister à sa séance. (Applaudissements.)