[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juin 1791.] 447 Hier (22 juin), vers une heure du 'matin, il entra à Yarennes, ville du district de Clermont, département de la Meuse, une voiture que l’on était bien éloigné de soupçonner renfmner le roi et la famille royale; elle était escortée par-un détachement de hussards de Lauzun, et accompagnée de quelques personnes qui servaient de courriers. Le maître de poste de Sainte-Mene-hould, qui avait eu des soupçons sur cette voiture, et qui l’avait suivie jusqu’à Clermont, où les courriers avaient déclaré aller à Verdun, s’aperçut qu’elle prenait la route de Varennes : il devança alors la voiture, et vint crier dans la ville S'arrêter une voiture qui allait passer. Deux jeunes gens (nommés Paul Le Blancet Joseph Ponsin) qui se trouvèrent sur la place, s’opposèrent au passage : les postillons voulurent continuer la route ; mais ces deux jeunes gens ayant dit qu’ils allaient tirer dans la voiture si elle n’arrêtait, on ordonna d’arrêter. Pendant cet intervalle, plusieurs personnes qui s’étaient assemblées, sonnèrent l’alarme. A l’instant, toute lagardenationale fut sur pied. Ces personnes forcèrent celles qui étaient dans la voiture de descendre; ce qu’elles firent sans résistance. La garde nationale arrêta le détachement des hussards de Lauzun, qui ne tirent aucune résistance. Le procureur de la commune lit entrer ces personnes chez lui, où elles demandèrent à se rafraîchir. Jusque-là on ignorait qui elles étaient, lors-u’étant entré, je reconnus le roi, la reine, le auphin, Madame Royale, Madame Elisabeth. Je sors, et je déclare à tous mes concitoyens que c’étaient le roi et la famille royale ; ils témoignent le plus grand zèle pour s’opposer à leur départ, et écarter certains officiers de hussards et de dragons, qui essayaient de le favoriser. La bonne contenance des gardes nationales et la fermeté des officiers municipaux tirent échouer tous leurs efforts. Le roi donna ordre alors à une personne de sa suite d’avertir le détachement des dragons à Clermont, de ne pas s’avancer. Je monte à l’instant à cheval, ainsi que 12 autres de mes concitoyens ; nous courons de village en village chercher du secours; et en moins d’une heure, nous étions plus de 4,000 hommes de gardes nationales, sans compter les hussards et les dragons qui se sont joints à nous, et se sont comportés en bons patriotes. Lorsque je vis que nous pouvions répondre de l’arrestation du roi et de sa famille, je m’empressai de voler vers la capitale pour tranquilliser les bons citoyens et les représentants de la nation : je partis vers les 4 heures du matin ; j’arrivai à la barrière de Paris à 7 heures du soir. Le peuple de la capitale, auquel j’ai fait part (chemin faisant) de ma mission, m’a empêché de paraître plus tôt devant cette auguste Assemblée, par l’empressement qu’il a mis à s’assurer des faits que je viens d’avoir l’honneur de vous exposer. ( Vifs applaudissements.) M. Populus. Je demande, Monsieur le Président, que vous témoigniez à ce brave citoyen la satisfaction de l’Assemblée. M. le Président. M. Palloy, citoyen de Paris, que son patriotisme a dirigé sur les traces du roi, et qui arrive également de Yarennes, demande à être entendu. {Oui! oui!) M. Palloy. J’ai à apprendre à l’Assemblée que M. Mangin a fait réunir seul 12,000 hommes pour garder le roi; et son cheval, avec la rapidité qu’il a mise, est tombé mort sous lui. M. Mangin. Il n’est pas mort. M. Palloy. C’est vrai; il n’est pas mort, mais il est tombé sous mon brave camarade. M. Mangin. Nous avons fait partir à l’instant même différents courriers pour Verdun, Charle-ville et Mézières, pour que ces villes nous envoyassent des forces suffisantes. Ce qu’il y a d’important, Messieurs, c’est que depuis une semaine environ , il y avait à Varennes huit à dix chevaux de relai qui y étaient sous prétexte d’attendre M. de Bouillé qui devait passer pour aller faire la revue des troupes postées sur la frontière ; mais, il est probable que ces chevaux étaient là pour attendre le roi. ( Applaudissements .) M. le Président. L’Assemblée nationale, par ses applaudissements, vous a témoigné toute la satisfaction que lui inspirent le zèle et l’activité avec lesquels vous êtes venus lui faire part des nouvelles que vous lui avez communiquées. Elle ne peut qu’approuver votre patriotisme sur lequel elle a encore de grandes espérances à fonder. {Applaudissements.) M. de La Rochefoucauld. Je demande que la déclaration de M. Mangin soit imprimée et annexée au procès-verbal. (La motion de M. de La Rochefoucauld est mise aux voix et adoptée.) M. le Président. M. Christin, un des commissaires chargés de l’inventaire du garde-meuble, a la parole. M. Christin. Messieurs, vous avez chargé MM. Bion, Delattre et moi de faire l’inventaire des diamants, perles, pierreries, pierres gravées et tableaux du garde-meuble. La personne qui est essentiellement chargée de ce dépôt est M. Thierry de Ville-d’Avray. Nous demandâmes hier où il était, et les commis nous dirent qu’il était à Versailles ; nous leur recommandâmes de lui écrire de revenir sur-le-champ, Ce matin, un de ces messieurs, qui s’appelle M. Chantereine, est passé chez moi, comme le commissaire logé le plus près. Il m’a fait voir une lettre de M. de Ville-d’Avray, où il dit qu’il s’est rendu à Versailles, au département et à la municipalité, pour leur demander un passeport afin de se rendre à Paris, et d’être en état de nous représenter les diamants, les bijoux, et nous donner les moyens de faire notre opération; mais il mande que le département et la municipalité n’ont point voulu lui accorder de passeport sans un ordre de l’Assemblée. Sur cela, Messieurs, je demande que M. le président soit chargé d’écrire au directoire du département de Seine-et-Oise, de laisser partir M. Thierry. Plusieurs membres : Et de le faire conduire. M. Christin. Il suffit que M. le Président soit chargé d’écrire au département de donner les ordres nécessaires pour faire arriver M. Thierry en sûreté. Deux commissaires de l’Assemblée ont fait la visite du garde-meuble, ont examiné pierre par pierre. On a représenté d’abord le gros bijou appelé « le Régent », qui est estimé à 6 millions.