[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 juin 1791.] 235 ne sont-ils pas livrés à leurs remords et couverts d’un éternel opprobre? L’exécration contemporaine ne devancera-t-elle pas à leur égard l’exécration de la postérité? Ensevelissez dams un oubli profond tous les ressentiments de la haine, goûtez le plaisir délicieux de faire du bien à vos oppresseurs, et même, réprimez les élans trop marqués d’une joie qui, en rappelant leurs torts, aiguiserait contre eux la pointe du repentir. Religieusement soumis aux lois, inspirez-en l’amour à vos enfants; qu’une éducation soignée, développant leurs facultés morales, prépare à la génération qui vous succédera des citoyens vertueux, des hommes publics, des défenseurs de la patrie. Gomme leurs coeurs seront émus quand, les conduisant sur vos rivages, vous dirigerez leurs regards vers la France, en leur disant : Par delà ces parages est la mère patrie ; c’est de là que sont arrivés chez nous la liberté, la justice et le bonheur; là sont nos concitoyens, nos frères et nos amis; nous leur avons juré une amitié éternelle. Héritiers de nos sentiments, de-nos affections, que vos cœurs et vos bouclies répètent nos serments; vivez pour les aimer, et, s’il le faut, mourez pour les défendre. Signé : GRÉGOIRE. Paris, le 8 juin 1791. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DAÜCHY. Séance du mercredi 15 juin 1791, au matin (1). ! I La séance est ouverte à 9 heures du matin. Un de les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance de lundi, qui est adopté. M. «le Tracy. Messieurs, vous avez décrété daDs l’organisation du Corps législatif l’incompatibilité des fonctions municipales, administratives, judiciaires et de commandant de la garde nationale avec celles de député au Corps législatif. Un doute s’est élevé sur la question de savoir si cette incompatibilité porte sur les membres de l’Assemblée nationale actuelle. Mais, comme je suis certain que l’Assemblée n’a pas voulu donner à son décret un effet rétroactif en privant de leurs fonctions plusieurs de ses membres, je demande qu’il soit consigné dans le procès-verbal que l’incompatibilité décrétée n’aura son exécution que pour les prochaines législatures. M. Gauliier-ttlauzat. Les membres du directoire du département de Paris, qui se trouvent membres de l’Assemblée nationale, ont crn devoir donner leur démission au directoire. Leur conduite a été applaudie, et il paraît de plus en plus sensible que de pareilles fonctions sont incompatibles avec celles de la législature et que la loi doit avoir pour des fonctions aussi intéressantes un effet rétroactif. M. Audrleit. Les députés à l’Assemblée ac-! tuelle, membres du directoire du département de Paris, ont fait en se retirant une action louable, j mais la disposition de l’article dont il s’agit ne porte que sur les prochaines législatures. M. Darnaudat. Je représente à l’Assemblée que, si elle se déterminait à accueillir l’opinion de M. Gaultier-Biauzat, elle exposerait infiniment la sûreté publique; et pour le prouver, je demande quel membre voudrait que M. La Fayette fût obligé, dans les circonstances, de quitter le commandement de la garde nationale; voilà pourtant quel serait le résultat de votre délibération, si on parvenait à vous faire déclarer que votre décret doit s’appliquer à la législature actuelle. L’Assemblée a voulu incontestablement prononcer le contraire; les lois, d'ailleurs, ne peuvent pas avoir un effet rétroactif, à moins qu’elles ne le déclarent expressément. Cependant, puisqu’il s’est élevé des doutes, je demande que l’Assemblée prononce que les dispositions des décrets rendus n’auront lieu que pour les législatures à venir. MM. Bourdon et de Traey demandent que ces explications soient consignées dans le pracès-verbal. (L’Assemblée, consultée, décide que les incompatibilités prononcées par elle dans l’organisation du Corps législatif ne s’appliqueront qu’aux prochaines législatures, et elle décrète que ces observations seront consignées dans le procès-verbal.) M. Camus, au nom du comité central de liquidation, rend compte du retard que son travail est sur le point d’éprouver, dans la liquidation de l’arriéré du département des bâtiments du roi, par L’absence de M. d’Angivilier, dont il a été instruit hier par une lettre et un mémoire de M. Cuvillier, premier commis du département, adressés au directeur général de la liquidation; et après avoir exposé la nécessité qu’il existe une personne responsable de l’exécution des lois faites pour l’administration des bâtiments du roi, ainsi que les inconvénients qui doivent résulter de l’absence de M. d’Angiviller au moment de la liquidation de l’arriéré du département dont il a toujours été chargé, il propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité central de liquidation, qui lui a rendu compte de l’absence de M. d’Angiviller, directeur et administrateur général des Bâtiments du roi, décrète : Art. 1er. « Le roi sera supplié de commettre incessamment une personne pour remplir les fonctions dont le directeur général et administrateur de ses bâtiments est chargé par l’édit du mois de septembre 1776, à l’égard de tous les objets de créance concernant ses bâtiments, antérieurs au 1er juillet 1790. Art. 2. « Les biens et immeubles que M. d’Angiviller possède dans le royaume seront saisis à la requête de l’agent du Trésor public, et il sera établi à leur gouvernement et administration, des commissaires comptables, pour sûreté de la responsabilité dont ledit d’Angiviller est tenu relativement à l’exercice de ses fonctions, et à l’exécution de l’édit du mois de septembre 1776. » (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.