|7 octobre 1790.) [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 495 M. Chasset propose ensuite un décret sur les ventes de domaines ecclésiastiques , faites depuis le 2 novembre 1789, qui est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité ecclésiastique, décrète ce qui suit : « Toutes les ventes qui auraient pu être faites en justice, ou autrement qu’en vertu des décrets de l’Assemblée, depuis la publication de celui du 2 novembre 1789, des biens du clergé, des fabriques, des établissements d’enseignement ou de charité, ou de tous autres établissements publics, sont déclarées nulles et comme non avenues, sauf aux acquéreurs leur recours contre les administrateurs et autres vendeurs, pour la restitution des sommes par eux payées. «Défenses sont faites à tous administrateurs de vendre, et à toutes personnes quelconques de faire vendre aucun desdits biens, à peine de tous dommages et intérêts, et de telle autre peine qu’il appartiendra. » Le sieur de Santo-Domingo, qui a commandé le vaisseau le Léopard, est introduit à la barre. M. le Président lui donne lecture du décret du 20 septembre, qui ordonne qu’il se rendra à la suite de l’Assemblée immédiatement après la notification de ce décret. M. de Santo-Domingo. Je me trouve dans une de ces positions rares où la conduite la plus pure a besoin d’être justifiée. Je rapporterai simplement les faits, et j’attendrai sans inquiétude la décision de l’Assemblée nationale et du roi. Le 29 juillet dernier au matin, M. de La Galis-sonnière, capitaine de vaisseau le Léopard , voulut appareiller pour s’éloigner du Port-au-Prince ; l’équipage s’y refusa, en disant qu’il savait que les citoyens devaient être massacrés, et qu’il devait rester pour les secourir : M. de La Galisson-nière observa que la partie française de Saint-Domingue était divisée en deux partis, dont l’un tendait à l’indépendance: « Eh bien ! dit l’équipage, restons pour conserver la colonie à la France. » Après avoir inutilement insisté pour le départ, le capitaine descendit à terre avec son état-major. Je me rendis au gouvernement pour prendre les ordres de M. de La Galissonnière; je voulus retourner à bord, comme le service l’exigeait: il m’ordonna de rester; j’obéis à cet ordre que je demandai par écrit. La dissolution du comité de l’Ouest ayant été effectuée, en vertu d’une proclamation du gouverneur, j’invitai l’équipage à rentrer dans le devoir, et je me rendis à bord, sur une permission du capitaine. L’équipage écrivit à M. de La Galissonnière, pour l’engager à reprendre le commandement; je lui écrivis moi-même dans cette vue, et il me répondit qu’ayant perdu la confiance de son équipage, il ne retournerait pas à bord, et qu’il me priait seulement de lui renvoyer ses effets. L’équipage s’opposa à ce renvoi. Mes officiers supérieurs restant à terre, et l’ordre du service m’appelant au commandement, je le pris et je partis. Etant par le travers de Saint-Marc, quatre commissaires de l’assemblée générale de Saint-Domingue me présentèrent un décret qui m’invitait à mouiller dans la rade pour protéger la ville. M. Vincent parut alors, à la tête de l’armée, pour dissoudre par la force l’assemblée générale, qui se détermina à passer en France. (M. de Santo-Domingo fait lecture d’un grand nombre de pièces, à l’appui des faits qu’il rapporte.) Ainsi dans toute ma conduite, je me suis couformé aux ordres de mon capitaine ; j’ai suivi ceux du roi, servi l’humanité, ramené un vaisseau à la nation : je crois avoir bien mérité de la patrie. M. le Président. L’Assemblée nationale pèsera dans sa justice l’exposé que vous venez de lui faire. M. Blin. Je demande que les pièces déposées sur le bureau par M. de Santo-Domingo soient renvoyées au comité colonial, M. de Vaudreuil. Il me semble convenable de faire ce renvoi aux comités de la marine et colonial réunis. (Cette dernière proposition est décrétée.) M. Malouet. Les ouvriers des arsenaux de la marine vous ont présenté une pétition, afin que les réparations nécessaires aux vaisseaux fussent faites désormais à la journée. Le comité a été d’avis d’accueillir cette demande et c’est en son nom que je viens yous proposer le projet de décret suivant : Art. lor. Tous ouvrages de réparations, radoubs et entretien, exécutés dans les arsenaux de marine, seront désormais faits à la journée. Art. 2. La main-d’œuvre des ouvrages neufs continuera d’être adjugée à prix faits, et sera donnée de préférence, à conditions égales, aux ouvriers divisés par sections ou brigades. (Ce décret est adopté.) M. le President annonce à l’Assemblée que M. l’abbé Saurine a été nommé membre du comité central par le comité des monnaies. M. le Président. Le comité d’agriculture et du commerce demande à faire un rapport sur une découverte de M. Chipart, graveur en métaux . M. Poncin, rapporteur. M. Chipart, graveur sur métaux, a découvert des poinçons inimitables par l’artiste même, après la matrice rompue. Cette découverte peut assurer le revenu public, en écartant la fraude sur les matières d’or et d’argent. Elle est applicable aux assignats, aux effet s de commerce, aux monnaies. M. Chipart a confié son secret à deux artistes qui lui ont donné des certificats satisfaisants. Il offre d’abandonner sa découverte à l’Etat, et demande une récompense de deux cent mille livres, qu’il annonce ne devoir rien coûter à l’Etat, d'après un plan qu’il présentera. Le comité, frappé des avantages que semble promettre une découverte de cette nature, pense qu'il faut s’assurer de sa réqlité, et propose de décréter qu’elle sera examinée et constatée en présence du comité par les artistes qui ont déjà donné des certificats, et par quatre commissaires de l’académie des sciences, nommés par le roi, et que dans le cas où le résultat serait fayqrable à M. Chipart, il abandonnera, s’il le juge à propos, sa découverte à l’Etat, et il recevra une récompense convenable. La proposition du comité est décrétée en ces termes : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait au nom de son comité d’agriculture et de commerce, de la proposition du sieur Chipart, graveur en métaux, demeurant à Paris, 'de donner à la nation un moyen de faire des poinçons inimitables pour la marque des ma-I ARCIllVES PARLEMENTA 1RES. |7 octobre 1790. J 496 [Assemblée nationale.} tières d’or et d’argent, et applicables aux papiers-monnaie, aux effets de commerce et aux monnaies , moyennant une récompense de 200,000 livres, qui ne lui sera payée que lorsque la vérité et la certitude de sa découverte auront été constatées, et sur le produit d’un abus qu’il dénoncera ; « Décrète que la découverte et les procédés du sieur Chipart seront examinés en sa présence par les sieurs Chevalier, Belsac et Gamot, qui ont donné l’acte du 23 août dernier, et par quatre commissaires de l’académiedes sciences ou autres nommés à cet effet par le roi, lesquels manifesteront leur opinion sur l’objet dont il s’agit; « Et que s’il résulte de cette manifestation que la découverte du sieur Chipart est réelle, il sera pris les mesures nécessaires pour lui assurer, en donnant son procédé, une récompense convenable. » M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion su r les biens nationaux à vendre et à conserver et sur leur administration, M. Chasset, rapporteur , donne lecture d’une nouvelle rédaction de l’article 4 du titre II. Après une discussion, dans laquelle plusieurs orateurs sont entendus, l’article est décrété en ces termes : Art. 4. « L’Assemblée nationale déclare, au surplus, que dans la disposition de l’article 9 du titre premier du décret du 14 mai dernier, qui défend aux acquéreurs d’expulser les fermiers ou locataires, ne sont compris que les baux dont les preneurs font valoir par eux-mêmes, ou par des colons partiaires, les biens qui en sont l'objet ; en conséquence, som et demeurent résiliées toutes les fermes ou admodiations générales de biens nationaux, quant àceux decesbiens, qui, n’étant pas actuellement exploités ou occupés eu vertu d’icelles par les preneurs ou leurs colons partiaires, n’ont pas été par eux sous-loués par baux passés en forme authentique antérieurement au 2 novembre 1789, ou suivis de prise de possession avant cette époque. » M. Chasset lit ensuite les articles 5 et 6. Ils sont adoptés sans débats ainsi qu’il suit : Art. 5, « Le coût des baux résiliés par l’article précédent sera remboursé aux preneurs par les receveurs des districts des chefs-lieux des bénéfices ou établissements publics dont dépendaient ci-devant les biens à eux affermés, et sur les mandats des directoires de ces districts, sans préjudice du recours desdits preneurs contre ceux à qui ils pourraient avoir donné despots-de-vin, ou fait d’autres avances. » Art. 6. « Dans le cas où parmi les biens compris ès dites fermes ou admodiations générales, il s’en trouverait qui fussent exploités ou occupés par les preneurs ou leurs colons partiaires, lesdites fermes ou admodiations seront exécutées à cet égard conformément à l’article 9 du titre premier du décret du 18 mai; à l’effet de quoi il sera procédé par des experts que nommeront lesdits preneurs et les directoiresue dislrictsdela situation de ces biens, à l’estimation des fermages qui devrout être payés annuellement pour raison d’iceux. » M. le Président lève la séance à neuf heures et demie. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 7 OCTOBRE 1790. Nota. Nous insérons ici un document imprimé et distribué à tous les membres de l’Assemblée nationale, concernant les forêts. L’auteur (probablement M. de Vismes) a gardé l’anonyme. Plan d’administration des forêts nationales PAR UN MEMBRE DU COMITÉ DES DOMAINES. L’administration des forêts, comme celle de toute autre espèce de biens-fonds, ne peut être suivie que par le propriétaire, ou par des régisseurs, ou enfin par des fermiers. La nation ne peut point administrer elle-même les forêts nationales; cela est constant. Doit-elle les faire administrer par une régie établie sous l’inspection des départements et des districts ? plusieurs raisons s’y opposent. 1° L’administration des maîtrises a été reconnue mauvaise, et cette administration n’était autre chose qu’une régie. Les officiers de ces sièges exerçaient à la fois, dans les provinces, les fonctions de juges et de régisseurs. Les grands maîtres résidant à Paris, en partaient toutes les années pour aller inspecter et visiter les opérations des officiers des maîtrises. 11 n’est pas possible d’établir une nouvelle régie sur d’autres bases ; ainsi à la place d'un nouveau régime d’administration des bois, décrété par l’Assemblée nationale le 6 août dernier, on ne trouverait précisément que la régie des maîtrises : de sojte qu’on peut assurer qu’à l’avenir, les forêts ne seraient pas mieux administrées que par le passé, par la raison que le régime serait identiquement le même. 2° En supposant l’établissement d’une régie, qui est-ce qui nommera les régisseurs? ce ne sera certainement pas le peuple ; car alors il voudrait disposer des forêts, et elles ne tarderaient pas à être complètement ruinées. Ce ne sera pas non plus les départements et districts, chargés spécialement par plusieurs décrets, de surveiller l’administration des forêts; car il serait inconstitutionnel de charger ces corp s administratifs de surveiller leur propre administration. En vain voudrait-on dire que l’administration des régisseurs ne serait pas celle des départements et districts. Tout le monde sait que ces corps administratifs composés de propriétaires, déjà chargés d’une immense quantité de détails, n’administreraient pas personnellement les forêts nationales, qu’ils les feraient administrer par des régisseurs, c’est-à-dire par des commis ou des représentants, de manière que ces corps concentreraient toujours en eux-mêmes les fonctions les plus opposées; ils administreraient les forêts nationales par des préposés ; de là la confusion de pouvoirs. De plus, il est bien prouvé dans deux ouvrages (i) connus de Messieurs les députés, que ces départements et districts, ainsi que les municipalités, ne peuvent pas se charger du soin de régénérer et administrer les forêts . 3° A ces inconvénients on peut en joindre d’autres également graves. Une régie serait très (1) Voyez le mémoire dressé en vertu d’ordres du ministre des finances, pages 31 et suivantes, et le rapport fait par M. Barrère de Vieuzac, à la séance au 4 août 1790.