074 FÉtats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Draguignan.] Art. 2. En conséquence de cette pétition, nous demandons l’abolition du - bureau des décimes, n’étant pas juste que nous payions deux fois pour le même objet, et si ladite pétition n’était point admise, que nous restions sous la direction du bureau imposant les décimes Art. 3. Nous demandons d’avoir des représentants dans ledit bureau, nommés par les seuls réguliers, pour concourir aux impositions à répartir et veiller à ce que les charges soient réparties avec égalité et proportion. Art. 4. Nous demandons d’avoir des représentants dans les assemblées du clergé toutes les fois que le clergé s’assemble par ordre de Sa Majesté à Paris, puisqu’il est de notre commun intérêt que nous nous trouvions partout où on traite des intérêts communs à tout le clergé, dans lequel nous sommes compris, et que ces représentans soient pris chez les réguliers et commis par eux. Art. 5. Nous demandons que nos droits sacrés de propriété et de fondation ne puissent, sous quelque prétexte et domination que ce soit, nous être contestés et enlevés, pour que nous puissions dans tous les temps contribuer aux charges et impositions susdites. Art. 6. Nous demandons que, conformément à la décision du saint concile de Trente et à J’arti-cle 28 des Etats de Blois tenus en l’année 1579, auquel les derniers Etats de 1614 n’ont de tout point dérogé, la profession religieuse soit dorénavant valablement et légitimement émise à l’âge de seize ans complets après un an et un jour de noviciat, nonobstant tous édits et déclarations contraires, étant de fait notoire et prouvé que, depuis l’époque de la profession fixée? a vingt et un ans, la plupart des sujets introduits dans le cloître sont onéreux au corps, inutiles à l’Eglise et à l’Etat par les funestes effets de la corruption des mœurs du siècle, du dépérissement et de la ruine prochaine du corps régulier en France, la cessation et la privation des secours qu’il donne en sa qualité d’auxiliaire à l’Eglise, et pour l’Etat d’un asile honnête qu’il présentait aux familles. Art. 7. Nous demandons que le Concordat passé entre le souverain pontife Léon X, et François Ier, roi de France, qui porte qu’il y aura constamment parmi les évêques du royaume cinq sujets pris dans le corps régulier de France soit exécuté selon sa forme et teneur, pour donner de l’émulation au cloître, et le rendre utile de plus en plus à l’Eglise et à l’Etat. Art. 8. Que tout recours à des tribunaux séculiers soit prohibé à tout régulier dans tous les cas de police et discipline domestique et régulière, jusqu’à ce qu’il ait été jugé par sentence claustrale de son corps, ou de tout, autre corps régulier à son choix, permis à lui de lever appel de la sentence qui sera intervenue au parlement du ressort, sous la réserve que son appel ne sera jugé qu’à huis clos et porte fermée ; pour cela, il serait établi dans chaque province de chaque corps régulier, un tribunal composé d’un promoteur, d’un président, de quatre conseillers, gens éclairés et intègres qui seraient choisis et élus ou confirmés tous les trois ans par le chapitre provincial de chaque corps régulier ou par la voie du scrutin, libre à chaque régulier de se pourvoir en premier ressort ou par-devant le tribunal de son corps, ou par-devant celui de tout autre corps régulier, au choix du demandeur; le tribunal serait tenu de se conformer aux ordonnances du royaume et aux règles usitées dans les officialités. Signé F. François Germain, syndic et député des mineurs conventuels de Garces. CAHIER Des doléances des communes de la sénéchaussée de Grasse (1). Les députés des communes de la sénéchaussée de Grasse, considérant que les Etats généraux, que le meilleur des rois, aidé d’un ministre vertueux a convoqués, vont être la restauration du royaume, la source de la paix et de la félicité publiques; Que Sa Majesté, dans l’arrêt de son conseil du 27 décembre 1788, a avoué les droits incontestables de la nation, pour l’assise et la durée des impôts et pour le retour successif des Etats généraux ; Qu’elle a promis d’écouter favorablement toutes les représentations qui lui seront faites relativement à la législation générale et à l’administration particulière de chaque province ; Que, par des règlements postérieurs, Sa Majesté a renouvelé les même dispositions, a invité toutes les communes de son royaume à déposer dans son cœur paternel leurs doléances et leurs demandes ; Considérant enfin qu’il est indispensable, non seulement pour toutes les communes du district, mais encore pour la sûreté de tous les individus formant la nation, que leurs droits soient établis sur des bases inébranlables ; Ont arrêté et chargé ceux qui seront élus dans la ville de Draguignan pour les représenter aux Etats généraux, d’exprimer le vœu de l’ordre du tiers de la sénéchaussée de Grasse, de la manière suivante : Que les Etats généraux seront à jamais la base des droits constitutifs de la France ; qu’à cet effet ils seront convoqués périodiquement de cinq en cinq ans et nécessairement dans le cas de ré-gence'et autres cas extraordinaires ; Que l’élection des représentants des trois ordres pour assister aux Etats généraux sera faite dans le sein de leur assemblée respective; Que l’ordre du tiers aura dans ses Etats généraux un nombre de représentans égal à celui des deux premiers ordres réunis, et qu’on y opinera, non par ordre, mais par tête; Que les différentes classes du clergé y seront représentées, non d’une manière relative à leur richesse, mais eu égard au nombre et à l’utilité de chaque classe ; Que la dette nationale sera acquittée de la manière que les Etats généraux détermineront ; Que Sa Majesté n’ordonnera la levée d’aucun subside qu’avec le consentement des Etats généraux, et qu’elle consultera son cœur paternel à l’effet que les impôts établis et à établir affectent le moins qu’il sera possible les classes les moins indigentes de la Dation; Que l’on établira pour les finances des formes de perception plus simples, plus uniformes, moins gênantes et moins onéreuses que celles qui existent ; Que tous les ordres seront obligés de contribuer sans restriction et sans réserve, pour le présent et pour l’avenir, à toutes les charges royales et locales mises et à mettre, dans la proportion la plus égale, nonobstant toute possession contraire; Que les droits de contrôle, insinuation et centième denier, seront modérés, et qu’il sera établi un tarif moins obscur, plus précis et plus pro-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Ai 'chivcs de l’Empire. [États gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Draguignan.] 275 ordonné aux facultés et qualités des contri-uables ; Qu’il sera fait aussi un tarif pour les droits d’entrée et de sortie, dans lequel les droits principaux et les droits additionnels seront réunis et ne formeront qu’un droit unique : Que les bureaux des douanes seront reculés aux frontières, et qu’en conséquence ceux de l’intérieur du royaume seront supprimés ; Que les gênes imposées par les règlements à la circulation des marchandises dans les quatre lieues limitrophes de l’étranger, ne s’étendront par eux qu’à quatre lieues de côte maritime ; Que les employés aux fermes ne pourront plus faire de visites domiciliaires qu'en présence d’un consul, quand même ils seraient assistés d’un capitaine général, à peine d’être poursuivis criminellement; Qu’un nouveau règlement mettra une juste proportion entre les délits pour la contrebande et les peines qui y sont attachées ; Que les employés étant crus jusqu’à inscription de faux, il est nécessaire qu’ils ne soient pourvus de commission qu’après information de vie et mœurs ; Que les droits sur les cuirs en vert seront payés non au poids, mais à la pièce, comme ils l’étaient avant l’édit du 30 juillet 1764 ; Que l’impôt désastreux sur les cuirs et peaux tannées sera aboli : Que tout traité de commerce nuisible à la nation sera révoqué ; Que la Compagnie des Indes sera supprimée; Que tout péage appartenant au Roi ou aux particuliers sera supprimé, sauf le dédommagement ; Que l’approvisionement de nos colonies appartiendra exclusivement aux nationaux • Que les lettres patentes du 5 mars 1779, qui admettent l’arbitraire dans la fabrication des étoffes grossières, seront supprimées, et qu’il sera fait un règlement général pour toute la sénéchaussée à raison de la fabrication des cuirs de couleur verte, sans préjudice des règlements particuliers qui existent pour la ville de Grasse ; Qu’à l’exemple de plusieurs provinces du royaume, on assignera une portion des dîmes pour la subsistance des pauvres des paroisses ; Que Sa Majesté sera suppliée d’améliorer le sort des curés congruistes et des vicaires, à la charge de renoncer à tout casuel ; Que suivant l’institution primitive, les cano-nicats des cathédrales et des collégiales seront remplis par les curés anciens ; Que, pour donner plus de consistance à l’éducation publique, on établira des collèges dans les villes principales, en considérant que ceux des villes frontières attireront l’argent de l’étranger ; Qu’il sera établi à Antibes, siège d’amirauté, un professeur d’hydrographie, attendu la trop grande distance de cette ville à celle de Toulon. Que les corps religieux seront conservés, comme vraiment utiles, surtout si plusieurs d’entre eux se dévouent à l’éducation publique ; Que la liberté de la presse sera érigée en loi,- sans préjudice des droits de la police générale contre tout ouvrage qui blesserait la religion, la personne sacrée du Roi et les mœurs ; Que les codes civil et criminel seront réformés: Que la vénalité des charges sera supprimée ; qu’elles seront données au mérite, et que la justice sera rendue gratuitemen t ; Que les juridictions seigneuriales et les tribunaux inutiles et onéreux seront supprimés, ainsi que les justices d’appeaux ; Que les causes qui ressortissent devant les commissaires départis juges des gabelles, traites, eaux et forêts, seront portées par-devant les juges royaux des sénéchaussées ; Qu’il sera donné aux sénéchaussées et aux lieutenants généraux de police une attribution de souveraineté, jusqu’à concurrence que Sa Majesté daignera déterminer dans sa sagesse, ce qui aura également lieu à l’égard des juges royaux. Que tous jugements rendus en vertu d’un contrat ou d’une obligation avérée pour telle somme ue ce soit, seront exécutés nonobstant appel en onnant caution ; Qu’il sera attribué aux lieutenants des sénéchaussées et aux juges royaux la connaissance de tout objet étranger aux matières de police et qui n'excédera pas 10 livres ; qu’à cet effet les parties comparaîtront par-devant eux, plaideront en personne, et il sera par lesdits juges statué sommairement sans frais et en dernier ressort ; Que les officiers municipaux connaîtront dans chaque lieu des causes qui étaient attribuées aux juges de seigneurs jusqu’à la concurrence de 10 livres, et les jugeront en dernier ressort ; et sur la peine et dommage il sera également statué sommairement et sans frais, sauf l’appel sur les derniers objets, en cas de contestation sur les droits de propriété ; Que les communautés nommeront elles-mêmes les officiers de justice pour remplacer ceux du seigneur, lesquels connaîtront de toutes les autres causes, statueront nonobstant appel jusqu’à la concurrence de 200 livres en donnant caution, sauf néanmoins et permis aux parties de se pourvoir par prévention et par évocation en tout état de cause par-devant le lieutenant du ressort. Que les conseils de toutes les communes du district statueront sur les causes de police à l’égal des consuls des villes. Qu’aucun citoyen ne pourra être mandé, ni détenu par un ordre ministériel, ou émané des commissaires départis, des procureurs généraux, et des cours de justice, mais qu’il sera remis entre les mains de ses juges naturels ; Que les lois qui fermaient au tiers-état l’entrée aux emplois militaires seront abrogées ; Que les droits qui portent l’expression de l’ancienne servitude, tels que l’hommage-lige aux seigneurs justiciers, seront anéantis comme flétrissants pour l’humanité et contraires à la liberté ; Que la pêche sur toute l’étendue de la mer, les étangs et les rivières sera permise; Que toutes les banalités féodales, droit de tàsque, cens, rentes foncières, pâturages et généralement tous les droits seigneuriaux, seront rachetables en tout temps, en indemnisant les seigneurs suivant la fixation qui en sera faite par Sa Majesté, comme elle l’a déjà ordonné pour les banalités acquises à prix d’argent ; Que le retrait féodal sera restreint à une année; qu’il ne sera point cessible, et que le payement du lot fait aux fermiers ou préposés du seigneur de même qu’à l’usufruitier du fief vaudra investiture ; Qu’il sera construit un pont sur la rivière du Var, pour faciliter le commerce entre la France et le comté de Nice ; Que Sa Majesté sera suppliée d’empêcher qu’on ne tue des veaux, agneaux et chevreaux pendant trois ans, sauf les cas de nécessité absolue, jusqu’à l’arbitrage des consuls des lieux. �76 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Rragulgnan.] Que toutes personnes qui perçoivent des droits et prétendent avoir des privilèges sur les communautés d’habitants seront tenus d’en exhiber les titres dans le délai qui sera prescrit par les Etats généraux, à l’effet de les racheter à prix d’argent s’ils sont justes, ou de les abolir, s’il est reconnu qu'ils sont injustes, oppressifs, attentatoires à la liberté et destructifs du commerce, et là où lesdits titres ne serontpoint communiqués, les prétendus privilèges seront abolis de plein droit ; Qu’il sera établi une uniformité de poids et de mesures dans tout le royaume ; Que les états-majors des places et des troupes, tant en quartier qu’en garnison, seront soumis au payement des revues et impositions des villes; Que les communautés soumises à des seigneurs jouiront du droit de mairie à l’égal des villes royales, les charges ayant été acquises en corps de province ; Que tous les autres privilèges des communautés seront conservés ou renouvelés s’ils étaient tombés en désuétude ; Que les savonneries de Provence seront affranchies des droits d’entrée sur toute matière à lessiver, à l’égal de celles de Marseille qui n’en payent point, et que les droits des savons au transport d’une province à l’autre seront diminués pour les rapprocher de l’avantage qu’ont sur eux les savons de Marseille qui ne payent aucun droit sur toutes les huiles qui viennent de l’étranger, tandis ue les mômes droits sont payés par les fabricants e Provence ; Que les savonneries seront obligées de se servir du charbon de pierre, en conformité des arrêts de règlement ; Que les consuls de Grasse et de Saint-Paul ne seront plus administrateurs-nés de leur viguerie respective; mais que ces mêmes vigueries nommeront chacune tel nombre de syndics qu’elles trouveront convenable, sous le bon plaisir de Sa Majesté, lesquels syndics s’assembleront périodi-uement dans lesdites villes de Grasse et de aint-Paul; Que les comptes annuels de vigueries seront imprimés; Que les communautés lèveront sur elles-mêmes les impositions de la manière qu’elles le trouveront bon, suivant leur droit. L’assemblée donne encore pouvoir à ses représentants aux Etats généraux de protester contre la constitution abusive des Etats particuliers de cette province, et de réclamer le droit imprescriptible d’être gouvernés par une constitution légitime et vraiment représentative, notamment que le président des Etats sera éligible et que la présidence ne durera que pendant deux ans ; Que le clergé sera représenté dans les Etats de la province par les évêques, les chapitres, les curés, les prieurs et les réguliers ; Que les nobles non possédant fiefs y seront admis. Que les magistrats des cours souveraines-et tous officiers attachés au fisc en seront exclus ; Qu’il sera accordé aux communes un syndic ayant entrée aux Etats avec voix délibérative, lequel aura le droit d’assembler les communes lorsqu’il le jugera nécessaire à leur intérêt ; Que la procure du pays sera désunie du consulat d’Aix ; Que les voix de l’ordre du tiers seront, dans les susdits Etats, égales à celles des deux premiers ordres réunis ; Qu’il en sera de même dans la commission intermédiaire ; Qu’il sera ordonné que les comptes de la province seront imprimés annuellement et mandés à chaque communauté ; Que les secours que Sa Majesté accorde, par une suite de sa bienfaisance au pays, seront répartis et arrrêtés dans l’assemblée des Etats ; Qu’il en sera de même de la répartition de l’imposition de 15 livres par feu de la haute Provence, laquelle sera également faite et arrêtée dans le sein des Etats. Demandes ‘particulières des communautés. La communauté de Grasse supplie Sa Majesté d’ordonner ou de faire ordonner l’établissement de huit vicaires dans la paroisse de la même ville, dont la population s’élève à environ 14,000 âmes, et qui n’est desservie que par deux curés. Un procès à ce sujet, qui est en instance depuis plus de quarante ans, est interminable, à cause des longueurs et des difficultés que l’on éprouve dans les juridictions ecclésiastiques. La même communauté demande que le papier, affranchi de tous les droits dans les villes qui l’avoisinent, le soit aussi dans sa propre cité. Elle supplie Sa Majesté de lui accorder une juridiction consulaire, eu égard à sa population et à son commerce. Les corporations des marchands parfumeurs, des marchands tanneurs, des cordonniers, des perruquiers et des maçons joignent leurs mémoires particuliers au présent cahier. La communauté des Carmes supplie Sa Majesté de vouloir déterminer un temps précis pour la construction d’un môle à sa plage ouverte au vent de S.-O. Il se fait par cette plage un commerce annuel qui s’élève au-dessus de 8 millions. 11 est joint au présent cahier un mémoire relatif à cet objet, pour établir les puissants motifs qui le sollicitent. Le corps des pêcheurs de Cannes réclame particulièrement la liberté de la pêche sans assujettissement à aucune redevance, et d’être constitué en corps de prud’hommes à l’égal des pêcheurs de Marseille et de Toulon. Leur mémoire est annexé aux présentes doléances. Les communautés de Gattières,Dosfraires, Fou-gassières, Bouyon, Lesferres, Cousegude, Roaues-teron et Puget-de-Theniers, échangées en 1760, demandent que la province se charge de leurs dettes passives, contractées avant l’échange, ou qu’elles soient elles-mêmes dispensées de contribuer au payement de celles de la province contractées avant la même époque. Leur mémoire relatif à cet objet, et qui contient aussi des doléances particulières de quelques-unes des dernières communautés, est annexé au présent cahier. Les communautés du Bar , de Gabrie et du Ti-guet, qui ont aussi des objets particuliers à demander, joignent leurs mémoires au présent cahier. Toutes les communes, jalouses d’encourager les agriculteurs et ceux qui font prospérer leurs bestiaux, supplient Sa Majesté de les autoriser à récompenser avec les précautions convenables des services vraiment utiles. Elle se réunissent encore pour demander la révocation des lettres d’attribution expédiées, et qui ne tendent qu’à distraire les justiciables de leurs juges naturels, et pour supplier Sa Majesté de ne plus en accorder a l’avenir. Et finalement, toutes les communes protestent solennellement que, malgré l’hiver désastreux qui a ruiné plusieurs territoires considérables de la sénéchaussée, elles ne redouteront point le sacri- [États gén. 1789, Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Draguignan.] 277 fice d’une partie de leur nécessaire, afin de manifester de plus en plus leur fidélité, leur amour et leur respect pour un Roi juste et bienfaisant. Paraphé ne varietur , signé Fauton d’Andou, lieutenant général, à l’original. Et plus bas, signé Mougine-Roquefort, maire de Grasse; L. Luce, Bonnet, Reille-Bouvon, Roubaud fils, Preyre, Euzière, Lavalette, J. Gautier , Olli-vier et Ghabert, commissaires nommés pour dresser les présentes doléances. Collationné par moi, greffier et secrétaire de l’ordre du tiers-état, soussigné, sur l’original à Grasse le 15 avril 1789. Signe Maubert, greffier et secrétaire. DOLÉANCES Des officiers de la sénéchaussée de Grasse , adressées h M. le garde des sceaux. Monseigneur, Plusieurs siècles de splendeur et d’éclat avaient couvert et envenimé les plaies de la France ; une longue chaîne d’années glorieuses avait sourdement préparé des jours de deuil ; la nation jouissait en apparence d’un bonheur solide et réel, au moment même où elle penchait vers l’abîme qui menaçait de l’engloutir; un sommeil profond, celui de la confiance, en lui présentant les illusions flatteuses d'un beau rêve, lui dérobait la connaissance du progrès rapide de ses maux; tel était notre état, lorsqu’une main hardie vint déchirer le voile qui le cachait à nos propres yeux et nous mit à même de sonder la profondeur de nos blessures. Le premier sentiment que fit naître ce réveil aussi salutaire qu’effrayant, fut celui de la terreur. Le peuple français s’indigna d’avoir été trompé ; il craignit un instant que son erreur ne lui eût préparé une infortune éternelle, et il regretta presque d’avoir été désabusé. Mais bientôt une flatteuse espérance vint effacer la crainte de tous les cœurs. Au premier regard que les Français jetèrent sur le trône, ils y virent leur salut, ils y virent, avec l’émotion de la joie, un Roi bon, juste, humain et généreux ; ils y virent avec admiration un monarque sage et profond dans sa politique, ferme et inébranlable dans ses projets pour le bien public. Tels furent les objets de consolation et d’espoir que le trône fit briller aux yeux de la nation affligée, qui cessa tout à fait de craindre le triste sort qui la menaçait, lorsqu’elle vit son illustre souverain faire reposer le précieux dépôt de sa confiance sur des ministres parfaitement dignes de sa sagesse et de sa vertu, et qui, portant le même degré d’affection au monarque et à la nation, s’efforcent, dans la pureté de leur zèle d’opérer le bien général. L’espoir que la France a conçu sur de si justes motifs, Monseigneur, n’a pas été vain. Déjà le jour n’est pas loin où ses représentants, aux pieds de leur souverain, lui exposeront les maux qu’elle souffre, les secours dont elle a besoin, et recevront de son auguste bouche la certitude d’un plus heureux avenir; déjà le sujet de nos craintes est devenu celui de nos espérances, déjà les intérêts obscurs déguisés sous des prétextes éclatants ne sont plus écoutés, déjà les brigues et les cabales particulières, ennemies du bonheur général, sont impuissantes ; tout concourt au bien de tous, et la lumière heureuse de la vérité a dissipé les nuages épais de l’opinion qui en interceptaient les rayons. Dans ces circonstances fortunées, dont nous goûtons d’autant mieux les charmes que notre impatience d’en jouir a été grande, nous prenons la liberté de vous adresser, Monseigneur, les doléances suivantes, et de vous supplier de vouloir bien les mettre sous les yeux de Sa Majesté ; nous osons nous flatter qu’elle daignera y avoir égard et ordonner : 1° Qu’aux Etats généraux qui suivront ceux de cette année, les magistrats formant le corps de chaque sénéchaussée seront admis à y dépu ter de telle manière qu’il plaira à Sa Majesté de fixer. Outre les motifs particuliers qui les engagent à réclamer un droit que le Roi vient d’accorder à tous ses sujets en général, un intérêt bien plus sacré, celui de leurs justiciables, dont ils sont, par la nature de leurs fonctions, à portée de connaître les besoins, leur fait une loi de solliciter cette représentation, dont ils ne pourraient être privés d’ailleurs sans injustice ; 2° Que le code civil et criminel, dont on reconnaît tous les jours les défectuosités et les imperfections, sera réformé; 3° Que la vénalité des charges sera abolie, et qu’elles seront désormais accordées au mérite; que les provinces seront chargées de payer aux titulaires actuels la valeur de leurs offices ; mais pour que ce remboursement soit moins onéreux auxdites provinces, elles ne seront astreintes à l’effectuer qu’au décès ou à la démission des anciens pourvus ; 4» Que la justice sera, à l’avenir, rendue gratuitement et qu’en conséquence, les provinces ayant un intérêt majeur à cette distribution gratuite, elles donneront aux officiers des émoluments tels qu’il plaira à Sa Majesté de les fixer dans le sein de sa prévoyance et de sa bonté. 5° Que puisque la province doit retirer tout le fruit de la suppression de la vénalité des charges et de la distribution gratuite de la justice, elle sera chargée d’acquitter dans un temps déterminé la dette de 8,000 livres dont la sénéchaussée de Grasse est grevée et qu’elle a été obligée de contracter, savoir : 6,000 livres pour fournir les diverses sommes que nos rois lui ont successivement demandées, et 2,000 pour le remboursement de l’office de juge royal réuni à la sénéchaussée; que la province acquittera, en outre, environ 10,000 livres d’arrérages qui se sont accumulés, malgré que les officiers de ce tribunal fassent depuis dix ans le généreux sacrifice du produit de leurs charges, en mettant en bourse commune toutes les épices et leurs émoluments pour payer les intérêts ; 6° Que la forme des procès sera simplifiée et tous les droits des greffes généralement supprimés; mais, comme il sera nécessaire d’établir un contrôle pour fixer la date des actes, il sera donné des appointements fixes à un contrôleur qui remplira ces fonctions gratuitement ; 7° Qu’il sera établi une brigade de maréchaussée dans cette ville, où elle est d’une nécessité absolue, tant à cause du voisinage de la frontière qu’à raison des commissions importantes que le siège est souvent dans le cas de lui confier. Elle est d’ailleurs nécessaire pour croiser sur les routes de la montagne qui sont très-fréquentées, et qui sont cependant peu sûres , la brigade la plus voisine étant celle de Cannes, dont les courses ne s’étendent pas jusque-là ; 8° Qu’aux Etats généraux qui suivront ceux de 1789, le ressort de la sénéchaussée de cette ville sera admis à députer directement et sans être réuni à aucun autre, prérogative dont il jouit aux Etats de 1588 et qu’il n’a pas dû perdre, puisque les motifs qui la lui méritèrent alors, sa po-