571 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 décembre 1789.] diviser en sections à raison de la diversité des parties d’administration, afin que chaque section puisse être chargée plus particulièrement du soin de sa partie; mais elle sera toujours tenue de soumettre les objets de délibération à l’assemblée générale du corps municipal. Tous les citoyens actifs du royaume sont appelés, en ce moment, à poser dans leurs municipalités les fondements de la régénération de l’empire; en recueillant ce premier fruit de la constitution, ils se prépareront à l’établissement des assemblées administratives de département et de district, qui suivra immédiatement. La nation reconnaîtra que ses représentants se sont attachés à consacrer tous le principes qui peuvent assurer l’exercice le plus étendu du droit de cité, l’égalité entre les électeurs, la sûreté et la liberté des choix, la prompte tansmission des places et des fonctions : principes sur lesquels reposent la liberté publique et l’égalité politique des citoyens. Tous sentiront que la jouissance de ces biens précieux est attachée à l’esprit de concorde, et aux sentiments patriotiques nécessaires pour accélérer l’exécution des décrets constitutionnels. Ces sentiments exprimés d’une manière si touchante dans toutes les adresses des villes et des communes du royaume à l’Assemblée nationale, sont ceux d’un peuple raisonnable et bon qui sent le prix de la liberté, et qui, digne d’en jouir, n’a plus d’efforts pénibles à faire pour s’en assurer la possession. Il ne lui reste qu’à consommer avec courage et tranquillité ce que son Roi et ses représentants, unis par les mêmes vues, et tendant au même but, lui présentent pour première base de la prospérité nationale et du bonheur des particuliers. Signé : Fréteau, président, le vicomte de Beauharnais, Volney, Dubois de Crancé, le baron de Menou, Chasset, le comte Charles de Lametu, secrétaires. M. le Président lit une lettre de M. le garde des sceaux, qui annonce que les membres de la chambre des vacations du parlement de Rennes ont refusé de se charger des fonctions qui leur étaient attribuées par la déclaration du 3 novembre, portant prorogation des parlements. Il annonce aussi que le Roi a donné des ordres pour l’exécution du décret du 10 octobre présenté à Sa Majesté, le jour d’hier, concernant le serment à prêter par les officiers supérieurs de la garnison de Metz. Sa Majesté a accordé sa sanction au décret du 11 de ce mois, pour la conservation des bois. Elle a pareillement donné les ordres nécessaires pour la délivrance du sieur de la Richardière, détenu dans les prisons des Sables-d’Olonne. Enfin, elle a prescrit l’exécution du décret relatif à la municipalité d’Amiens. M. le Président fait ensuite donner lecture de la pièce suivante : Mémoire des ministres du Roi sur la non-exécution des décrets de l'Assemblée dans les Trois-Evê-chés. Par son décret du 23 septembre , l’Assemblée nationale a chargé les administrations provinciales, les juridictions et les municipalités de veiller aux moyens d’assurer le recouvrement des impositions ; et elle a supplié le Roi de donner les ordres les plus exprès pour le rétablissement des barrières et des employés, et le maintien de toutes les perceptions. Les ministres du Roi se sont occupés du soin d’exécuter ce décret, et presque partout ils éprouvent des résistances, des obstacles, qui viennent à la fois de l’esprit d’insurrection auquel la multitude est généralement livrée, et de la timidité de ceux qui pourraient employer les moyens de la contenir. Dans les Trois-Evêchés, les barrières ont été généralement détruites, et les employés obligés, par la crainte, à prendre la fuite. Quand on a voulu les rétablir dans leurs fonctions, il n’a été que trop facile de juger que les mêmes excès allaient se renouveler. Il fallait obtenir main-forte des milices nationales et des commandants des troupes ; la réquisition a été faite au président du comité municipal de la ville de Metz et aux maires des différentes villes de la province. Le premier a répondu que la mission du comité était remplie par l’enregistrement des décrets de l’Assemblée nationale, et que ce n’était point à lui à rétablir les employés dans leurs fonctions. Les autres n’ont pas fait un refus aussi formel; mais iis s’excusent sous différents prétextes dont la véritable cause n’est autre que la crainte de donner une réquisition positive aux milices et aux troupes. Alors le régisseur général, chargé du soin de cette opération, s’est adressé au parlement de Metz. Il a pensé qu’il en obtiendrait, pour tout le ressort, la réquisition de main-forte qu’il sollicitait, et le parlement a rendu un arrêt qui le renvoie aux municipalités pour en être fait droit. Ainsi l’assistance absolument nécessaire, et sans laquelle la perception ne se rétablit pas, est partout refusée. Les ministres du Roi ont cru devoir donner connaissance de ces faits à l’Assemblée nationale, parce qu’ils arrêtent le recouvrement des droits du Roi dans une province entière; ils pourraient réunir un grand nombre de faits particuliers, et dans la plupart des villes de France les mêmes inconvénients se font sentir. L’Assemblée nationale en pèsera toute l’importance, et sa sagesse lui dictera sans doute les moyens d’y subvenir. Mais si les municipalités se refusent à seconder les mesures du gouvernement, si la crainte les arrête, si-la diversité des systèmes qu’elles adopteront forme un obstacle à l’unité du plan, et produit même entre elles une division funeste, le pouvoir exécutif sera réduit à l’impossibilité de veiller au maintien des décrets et au recouvrement si nécessaire des impôts. M. le Président. J’ai entre les mains une adresse que je ne puis vous dissimuler, quelque affligeante qu’elle soit ; elle est signée du président et des membres du bureau municipal de Senlis. Je demande d’abord si M. Leblanc, député de cette ville, est dans l’Assemblée? Sur la réponse négative, M. le président lit cette lettre. « Ce jour dimanche, 13 décembre, étant destiné à la bénédiction des drapeaux de la garde nationale, tous les corps se réunirent à l’hôtel de ville. Le cortège, sorti pour se rendre à l’église, a à peine fait quarante pas, qu’un tambour est atteint d’un coup de fusil tiré d’une croisée; une nouvelle décharge part de la même maison. Le sieur Leblanc, bis d’un des membres de l’Assemblée 572 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 décembre 1789.] nationale, est blessé au bras ; le commandant de l’arquebuse reçoit une balle à travers le corps. Les soldats citoyens enfoncent la porte de la maison d’où les coups sont partis ; ils trouvent des barricades dans l’intérieur ; des sapeurs surviennent ; ces obstacles sont rompus ; on arrive à un appartement qui paraît en feu ; on court chercher des pompes. A l’instant la maison saute en l’air, et soixante personnes sont ensevelies sous ses décombres. Quelques-unes ont été retirées vivantes, mais cruellement mutilées. » Le coupable de ce crime affreux paraît être le nommé Billon, propriétaire de cette maison, et ui, peu de temps auparavant, avait été chassé e l’arquebuse. Ainsi cet événement est l’effet d’un ressentiment particulier, et n’a nul rapport aux affaires publiques. On fait ensuite l’annonce de divers dons patriotiques. Les citoyens du district des Filles-Saint-Thcf-mas ont présenté à l’Assemblée, par leurs députés résents à la séance, 111 marcs d’argent et 3 onces gros d'or. M. le duc de Villeroi déclare faire remise au Roi, pour droits de lods et vente, de la terre et seigneurie de l’Isle-Dieu, acquise par Sa Majesté, et pour droits d’indemnités résultant de cette acquisition, d’une somme de 300,000 livres qu’il offre à titre de contribution du quart, quoique, ajoute-t-il dans sa lettre, cette somme excède, non-seulement le quart, mais même une année entière de son revenu , déduction faite des charges. Les religieux Bernardins de l’abbaye de Saint-Maurice ont, par acte capitulaire du 30 novembre, offert, en don patriotique , huit grands chandeliers d’argent, deux croix d’argent, une crosse, une aiguière, un bénitier et son goupillon d’argent, pesant 96 marcs 7 onces, et ils ont remis ce don en dépôt à la municipalité de Quimperlé. Ils ont déclaré avoir au bureau de la recette des domaines et bois, à Rennes, la somme de 24,017 livres, restant d’une adjudication de bois autorisée par le Roi , et faite au mois de décembre 1779. Ils ont offert sur cette somme, dont une partie est à leur disposition, et l’autre partie destinée à des réparations qui ne sont pas urgentes et euvent être plutôt considérées comme des em-ellissements, une somme de 18,000 livres pour verser dans le Trésor public, comme contribution du quart des revenus ; ce qui excède trois fois le taux auquel pourrait s’assujettir un particulier qui jouirait des mêmes revenus que les religieux de Saint-Maurice. Ils ont offert, en outre, de donner à la ville de Quimperlé 4,000 livres, pour l’aider dans les dépenses auxquelles elle a été forcée, comme toutes les autres villes de la province, par les circonstances actuelles. Enfin, les religieux de Saint-Maurice ont offert de donner aux pauvres, très-multipliés, de ce canton, une somme de 2,017 livres 8 deniers, ce qui fait en total la somme déposée à Rennes. La ville de Quimperlé supplie l’Assemblée nationale de vouloir bien approuver ces dispositions, et d’ordonner, en conséquence, que la somme déposée au bureau du receveur des domaines et bois à Rennes, sera versée tant au Trésor public qu’au receveur de la municipalité et des pauvres de Quimperlé, et de charger son trésorier des dons patriotiques de donner à cette municipalité des ordres pour qu’elle envoie à Paris, ou qu’elle remette à un hôtel des monnaies l’argenterie dont elle est dépositaire. L’Assemblée accorde en totalité les demandes de la ville de Quimperlé. Le sieur Vincent, ci-devant major provisoire au district de l’Abbaye Saint-Germain-des-Prés, et sans interruption servant dans la garde nationale parisienne non soldée dudit district, offre à la nation la somme de 96 livres, montant de l’ordonnance qu’il a reçue en 1772, lorsqu’il est entré dans le régiment du Roi, dragons. M. Saunier de Lac, conseiller, avocat du Roi honoraire au bailliage de Forez, donne 2,000 sacs de charbon menu, nouvellement extrait, à prendre dans sa carrière de Villars, à commencer du mois de décembre 1789. Les habitants de Bossise-la-Bertrand, près Melun, sur la motion faite par le sieur Jean-Nicolas David, pêcheur, et premier membre de la municipalité, ont déclaré que malgré le peu de facultés de leur paroisse, désirant donner au Roi et à l’Assemblée nationale des témoignages de leur profond respect et de leur vive reconnaissance, ils offraient à la patrie ce qui devait leur revenir en moins imposé sur les six derniers mois de 1789, à raison de la taxe des ci-devant privilégiés de leur paroisse, sans préjudice de la contribution du quart du petit nombre d’habitants qui ont un revenu au-dessus de 400 livres. M. le comte de la Marck et M. le vicomte de Laqueuille demandent l’agrément de l’Assemblée pour s’absenter quinze jours ; l’Assemblée le leur accorde. M. Malouet. Messieurs, les officiers détenus dans les prisons de Toulon ont été resserrés de plus près que jamais sur un bruit faux, mais accrédité parmi le peuple, qu’il y avait une conspiration pour livrer le port aux Anglais. On croit dans cette ville qu’il y a dans la Méditerranée une flotte combinée de vaisseaux anglais et hollandais, prête à fondre sur ce port dès que les ennemis de l’Etat pourront leur fournir une occasion de le faire. M. d’André, commissaire du Roi, m’a écrit et a écrit aux ministres des lettres où il fait un tableau frappant des mouvements et de l’agitation qui régnent à Toulon. limande que malgré l’estime générale que l’on a pour lui, il a eu toutes les peines du monde à empêcher d’envaser six vaisseaux ; qu’il ne peut se promettre d’empêcher les mouvements des malintentionnés; que tout le succès qu’il peut attendre de sa prudence est de faire incorporer d’honnêtes citoyens parmi les volontaires, pour les amener à la raison; que ceux-ci lui demandent impérieusement des armes et qu’il croit qu’il ne pourra mieux faire que de capituler. Enfin, les ouvriers de l’arsenal demandent la résiliation des marchés faits avec les entrepreneurs. Il est bon de remarquer que vingt-six ouvriers des entrepreneurs font l’ouvrage de cinquante-huit à la journée, lorsqu’ils travaillent au compte du Roi. Au reste, il y aurait peut-être autant de dangers, dans les circonstances actuelles, à acquiescer à la demande des ouvriers qu’à s’y refuser. Je demande donc, que M. le président écrive aux officiers municipaux de Toulon, qu’on ne pourra s’occuper de la pétition des ouvriers que lorsque le calme et la paix seront