[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mars 1790.] question du privilège de la compagnie des Indes et qui n’aurait aucun intérêt dans la décision qui serait rendue. M. l’abbé Maiiry pense que la formation d’un comité nouveau est superflue, parce que ce comité ne pourrait transmettre à l’Assemblée les nouvelles notions qu’il aurait acquises, que par un rapport ; qu’après ce rapport on voudrait, comme de raison, en discuter les arguments et que, par conséquent, l’Assemblée se retrouverait au même point où elle est aujourd’hui, mais avec une grande perte de temps. Il demande que l’affaire soit discutée dès demain avec faculté d’entendre contradictoirement à la barre les administrateurs de la compagnie des Indes et les députés des villes de commerce. M. Rœderer s’oppose également à la formation d’un comité nouveau : il fait l’éloge des lumières et de l’impartialité des membres du comité d’agriculture et de commerce qui ont déjà fait un rapport considérable et auxquels on ferait une grave injure en leur substituant d’autres commissaires. M. Hernoux, rapporteur, déclare que le comité a reçu les mémoires des deux parties intéressées et qu’il considère la question comme suf-lisamment étudiée pour être mise en discussion. M. de VIrieti, au contraire, se prononce pour la formation d’un nouveau comité; M. Prieur demande la question préalable sur cette proposition. M. de Croix estime que cette question est très difficile et très majeure pour le commerce français. Pour la traiter dans tous ses détails, l’Assemblée devrait lui consacrer un temps beaucoup plus long que celui dont elle peut disposer en ce moment, vu les besoins urgents auxquels il faut faire face. Il demande l’ajoiirnement jusqu’à la fin de la Constitution. Cette proposition vivement, appuyée, est mise aux voix et adoptée. M. le Président lève la séance à dix heures du soir. PREMIÈRE ANNEXE à la séance de V Assemblée nationale du30 mars 1790. Nouveau plan de finances et d’ impositions , formé d’après les décrets de l’Assemblée nationale , par M. Vernier, député d’Aval en Franche-Comté. (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale.) Tous les plans de finances, quels qu’ils soient, doivent désormais être réglés et réformés sur les décrets de l’Assemblée nationale. Il n’est plus possible de s’écarter des bases qu’elle à fixées ou préjugées; mais heureusement ces bases reposent sur les principes immuables de la justice. Le patriotisme, et quelquefois l’intérêt particulier, ont fait éclore un nombre infini de plans sur les finances ; mais la plupart n’offrent que des notions partielles et, pour ainsi dire, fugitives sur chaque objet (1) : à peine peuvent-ils servir à combiner un plan général, tant ils diffèrent entre eux. Ils se choquent, se heurtent, et se détruisent les uns par les autres. De leurs oppositions naît une infinité de questions ; voici les principales : Les impôts seront-ils établis sur ia valeur intrinsèque des propriétés mêmes , ou sur les revenus seulement? Se restreindra-t-on à un seul et unique impôt, ou en adoptera-t-on plusieurs? Dans le premier cas, cet impôt unique sera-t-il jeté sur les fonds, pour être perçu réellemeut et en nature, ou seulement en argent, par une taxation équivalente, et représentative du produit? Cet impôt, sera-t-il levé sur toutes les espèces de consommations de dépenses, et dans tous les lieux sans exception, ou de préférence sur quelques denrées désignées, et dans quelques lieux seulement? Se décidera-t-on pour une taxe par feux et ménages, arbitrairement classés, ou pour une capitation personnelle et par individu? Divisera-l-on les citoyens en dix, vingt, trente classes? ou prendra-t-on pour règle les revenus de chaque contribuable, de quelque part que ces revenus proviennent? Dans le second cas, et si l’on admet plusieurs impôts, adoptera-t-on cumulativement la contribution territoriale et personnelle? Réunira-t-on à ces deux contributions principales, ou à i’une d’elles seulement, quelques droits détachés de nos anciens revenus? Etablira-t-on des impôts pour atteindre le luxe directement ou indirectement ? Quels seront les impôts les plus justes et les moins onéreux au peuple? Quelles seront leurs proportions, soit relativement aux différentes espèces de produits, de revenus et de richesses, soit entre eux, et des uns aux autres? Telles sont les questions qui divisent tous les publicistes. Mais il faut se décider, le temps presse, l'incendie gagne le faîte. Dans le péril extrême où se trouve la chose publique, le moindre délai peut devenir fatal et irréparable. Le besoin est si urgent, qu’un mauvais choix, susceptible cependant d’être rectifié pour l’avenir, serait préférable à une funeste lenteur. C’est dans cette crise des choses, qu’après m’être occupé longtemps à combiner, à rapprocher tous les systèmes et les différents plans (2), j’ose essayer d’en présenter un moi-même. Son seul mérite sera dans sa simplicité : l’éloquence, en cette partie, n’est que l’exactitude, la clarté et la précision (3). Ce plan se réduit à dire que nous devons adopter deux contributions principales ; ia territoriale et la subvention personnelle et d’indus-(1) On en excepte ceux de M. le baron de Cormeré, si connu par ses talents en finances : à la suite de nombre d’ouvrages, il vient de donner un mémoire sur les finances et le crédit, imprimé par ordre dé l’Assemblée ; mais nous différons sur des points essentiels, et nos discussions n’ont rien de commun que de tendre au même but. (2) C’est en les combinant que j’ai rédigé des éléments de finances, publiés il y a quatre mois ; toutes les questions qui s’agitent aujourd’hui y ont été prévues plutôt que discutées. (3) Les grands génies sont plus propres à créer des plans qu’à les rédiger. Ils franchissent les intermédiaires et manquent le but.