[7 décembre 1789.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. térêt au profit du porteur, pour faire le remboursement pressant d’une portion de la dettenationale. 11 pense que l’on doit par préférence commencer par rembourser les effets les plus à chargea l’Etat, et ce dès le Ier janvier 1790 : les emprunts faits depuis 10 ans; c’est-à-dire : 1° Les primes provenant des billets de 1,200 livres ; 2° L’emprunt de 1782 ; 3° Les billets de 600 livres et de 400 livres en forme de loteries, faits en 1783; 4° L’emprunt de 125 millions fait en 1784; 5° Celui de 80 millions fait en 1785. Pour lever la difficultéde ce dernier, on pourrait évaluer la quittance de 1,000 livres à 950 livres en raison des intérêts de 50 livres qui sont échus au premier janvier 1790; et le bulletin qui en dépend, à ÎÔO livres, comme étant séparé de la quittance de finance. Il n’y a pas de propriétaire qui ne reçoive avec plaisir' son remboursement, d’autant plus que ces effets perdent en ce moment, 15, 20 et jusqu’à 25 0/0 sur la place. Il serait bien sage de faire ces remboursements de la manière qui suit, observant que la forme du papier que l’on propose, serait sûrement sortir l’argent des mains des capitalistes et spéculateurs, qui trouveraient un grand bénéfice dans la propriété de ces billets, au lieu de leurs numéraire en espèces qui ne leur rapportent rien. L’on pourrait fabriquer autant de papier-monnaie qu’il en faudrait pour faire le remboursement de la dette nationale, dite criarde, et remboursable au plus tard dans trois ans de la manière suivante : Ce papier peut se faire par cinquième en partie égales de 100 millions chacune, en supposant que 500 millions suffisent pour la totalité de ces remboursements. Les premiers 100 millions, en morceaux de 10,000 livres, à raison de 4 0/0. Les seconds, égalemen t de 100 millions, par morceaux de 4, de 5, ou de 6,000 livres, à raison de 3 1/2 0/0; Les troisièmes, également de 100 millions, par morceaux de 1,000 livres à raison de 3 0/0 (1) Les quatrièmes également de 100 millions, par billets de 100 livres, à raison de 2/1 0/0. Les cinquièmes, également aussi de 100 millions, par billets de 50 et de 25 livres, à 2 pour 0/0, ce qui porterait la totalité de l’emprunt à 3 0/0 à la somme de 45 millions d’intérêts. Le remboursement de ces billets en papier-monnaie pourrait s’effectuer de la manière suivante, à commencer au plus tard au Ier avril 1790, avec le produit des rentrées des finances, qui se feront du 1er janvier prochain à cette époque, suivant l’aperçu provenant tant du don patriotique que des impositions, ainsi que de la refonte de l'argenterie qui est en activité à la monnaie, de même que l’espoir des grandes rentrées d’une portion des biens du clergé et des domaines du Roi, qui viendront successivement à l’appui l’un de l’autre, à mesure que les besoins naîtront, soit par la vente ou l’aliénation de ces biens. On doit encore observer que cet intérêt ne se porterait jamais à 45 millions, il peut même très-bien ne se porter qu’à 20 millions en raison de la (1) Les billets au-dessus de 1,000 livres pourraient être assujettis à être passés à ordre, comme les lettres de change, afin d’éviter les grands malheurs des contrefaçons. 409 marche des remboursements annoncés ci-dessus. Les premiers remboursements commençant au 1er avril 1790 n’auraient que trois mois d’intérêts à payer, ainsi que les autres qui se succéderont par gradation jusqu’à parfait remboursement. Si ces billets-monnaie pouvaient être dignes du suffrage de Nosseigneurs les représentants de la nation, et qu’ils méritassent la peine d’être décrétés avec amendement ou sans amendement, ces billets pourraient porter le titre suivant : Billet national, décrété par l'Assemblée générale des représentants de la nation française, et sanctionné par le Roi. L’on suppose un billet de 1,000 livres (1). Je payerai à vue , au porteur, la somme de mille livres, avec l'accroissement des intérêts, à trois pour cent et remboursable au plus tard au premier janvier 1793. Paris , ce 1 janvier 1790. Nota : Ce papier-monnaie aurait cours dans toute l’étendue du royaume. 11 aurait bientôt acquis le crédit qui lui serait nécessaire, étant protégé et cautionné par la nation et la loyauté française. Les capitalistes et spéculateurs y mettraient Bientôt leur confiance, connaissant là sagesse et la bonté du Roi, la justice de cette grande et honorable Assemblée, et l’équité du ministre des finances. L’auteur se flatte que si le lecteur prudent, sage et éclairé, examine avec attention le plan proposé, il le trouvera le plus propre à remédier promptement et avec certitude à l’extinction de la dette nationale. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. FRÉTEAU DE SAINT-JUST. Séance du lundi 7 décembre 1789, an matin (2). M. de Boisgelln, archevêque d'Aix, près de quitter la présidence, ouvre la séance par le discours suivant ; Messieurs, il m’est permis encore un moment d’offrir à cette augute Assemblée l’hommage de mon respect et de ma reconnaissance. Si j’ai pu remplir avec exactitude la tâche honorable qui m’était imposée, votre bienveillance seule pouvait en aplanir toutes les difficultés. J’ai pensé que mon premier devoir était de consulter vos désirs, et j’ai fait mon unique étude d'en observer et d’en suivre tous les mouvements. J’ai vu l’amour de la patrie, digne et convenable passion des esprits raisonnables, éclater avec transport dans vos intéressantes discussions. J’ai vu vos décrets émanés du sein de cette utile effervescence des sentiments vertueux et des idées justes ; j’ai vu se former en un si court espace de temps ces administrations et ces municipalités qui doivent donner la durée à votre constitution ; j’ai vu prête à se terminer la grande question dont dépend le destin de l’Etat; et bientôt la nation entière achevant votre ouvrage, exercera sous l’empire des (1) Ce billet serait revêtu des signatures nécessaires. (2) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 décembre 1789.] m lois un pouvoir sans abus, des droits sans privilèges, et la liberté sans trouble et sans excès. Je remets à mon successeur, honoré par deux fois de vos suffrages, une place qui semble devenir la sienne par ses talents, comme par votre choix; il semble qu’il ne lui reste plus qu'à surmonter la prospérités avec le même courage qui l’a rendu supérieur à toutes les disgrâces. Ses premiers succès sont le gage de ceux qui lui sont encore réservés, et cette batteuse épreuve de ses propres forces doit lui donner, an milieu de ses travaux, l’activité, la confiance et le repos. M.Fréteau de Saint-Just, nouveau président, a pris place au siège, et après avoir annoncé que le port de Toulon était en danger et qu’il fallait se hâter d’y envoyer une force nationale il a dit: Messieurs, je voudrais vous entretenir de ma vive reconnaissance ; mais comment vous faire connaître par des paroles des émotions aussi vives et aussi profondes que celles que j’éprouve? Il est des sentiments qu’aucune expression ne sautait dépeindre, comme il est des témoignages de bienveillance, de confiance et d’estime, qu’une vie entière de travaux, de services et de zèle ne saurait payer. Telle fut, Messieurs, cette scène touchante du 24 octobre, qui sera, dans tous les instants de mon existence, présente à ma mémoire, ou plutôt à mon cœur, où vous daignâtes, avec un empressement si unanime, m’offrir la prorogation de ma séance dans le poste honorable auquel vos bontés m’élèvent une seconde fois. Tel est encore le choix inattendu qui m’autorise à vous présenter en ce moment mes remer-cîments et mes vœux. Ceux-ci seront comblés, Messieurs, si fidèles, comme vous voulez toujours l’être, à ces règles si sages que votre prudence a tracées, vous en respectez l’utile sévérité dans tous les instants de vo« délibérations. Il en est, je le sais, où l’aridité inévitable des matières, la longueur pénible des discussions, l’embarras et la. délicatesse des avis proposés, conduisent l’Assemblée à des positions difficiles, et semblent placer sa prudence entre des écueils à travers lesquels elle poursuit longtemps des résultats qui semblent la fuir. Daignez, Messieurs, daignez alors vous laisser uniquement guider par l’amour de la paix, par l’esprit d’union et de concorde, par le respect pour la liberté si désirable des opinions, par le souvenir enfin de ce que vous vous devez à vous-mêmes au milieu du grand et honorable spectacle que vous donnez au monde. Daignez penser qu’il est impossible d’obtenir tous les jours ces séances touchantes et consolantes, où les fruits du travail et du zèle, du talent et de l’étude vous sont offerts avec des développements qui saisissent l’admiration, et qui surprendraient en un moment l’unanimité de vos suffrages, si la multitude et la variété même des vues que le génie vous présente ne suspendaient votre choix. Vous retracerai -je, entre autres, le souvenir de l’une de ces séances, de celle de samedi où vos opinions semblèrent autant d’oracles destinés à revivifier dans le cœur des assistants tous les sentiments honnêtes et à épurer la morale de l’empire lui-même ; où leurs résultats préparèrent d’une manière spéciale le triomphe de la vertu de cette première vertu nationale, la droiture, la loyauté, le respect pour la foi publique. Poursuivez, Messieurs, au milieu de tels succès vos brillantes destinées, et préparez pour le plus juste des hommes et le plus respectable des rois le jour mémorable où, secondé de vos efforts, recueillant le fruit de vos communs travaux, il fera entrer, après tant d’orages, le vabseau de l’Etat au port de la justice, delà paix et d’une liberté durable, et où la plus belle et la plus légitime des couronnes, celie de ses vertus, en ornera la poupe , après une si périlleuse navigation. (Puis s’adressant à M. l’archevêque d’Aix, M. Fré-teau ajouta :) Après avoir exprimé ma reconnaissance à l’Assemblée, vous me permettrez, Monsieur, de vous témoigner ma sensibilité pour les choses trop flatteuses dont il vous a plu m’honorer; vos rares talents, exercés sur tant d’objets, et qui sont devenus sip'écieux pour nous, le zèle qui a doublé vos forces, cet amour inaltérable de ce qui est juste, et ce tact sûr et délicat, qui vous le fait discerner d’une manière si prompte à tous ces dons Imureux, ajoutés par le travail ; une extrême facilité; tels sont les avantages que vous venez de consacrer au bien de la patrie et à la gloire de l'Assemblée, qu’il paraît bien difficile de servir dignement après vous. Ces deux discours reçoivent de fréquents applaudissements. L’Assemblée vote des remercîmpnts à M. l’archevêque d’Aix pour la manière dont il a géré la présidence. Un membre a ensuite proposé d'envoyer une députation à la reine, pour faire à Sa Majesté des compliments de condoléance, à l’occasion de la mort de sa sœur ; à quoi l’on a procédé sur-le-champ. La lecture du procès-verbal a suivi; et sur ce qu’il s’est élevé une difficulté, pour savoir s’il contiendrait le précis de chacun des plans de finances, '.qui avaient occupé la précédente séance, l’Assemblée a décrété que l’extrait seul du plan qu’elle avait soumis à l’examen des 10 commissaires y serait inséré. L’on a lu les adresses de diverses villes et communautés dont suit la teneur : Adresse du comité électif de la ville de Bernay en Normandie, qui demande pour sa ville un corps administratif et un siège de justice royale; il présente à l’Assemblée, nationale sa soumission à ses décrets. Délibération du comité municipal de la ville de Lagnieu en Bugey, contenant une nouvelle adhésion à tons les décrets rendus et à rendre par l’Assemblé nationale ,et notamment à celui portant contribution du quart des revenus. Four présenter cette délibération, et demander que la ville de Lagnieu soit érigée en chef-lieu de district, la communauté générale adéputé M. Dupuy, maire de la ville. Adresse de félicitations, remercîmens et adhésion du corps municipal et de la garde nationale de Bar-le-Duc. Ils promettent solennellement d’employer tous les moyens qui sont en leur pouvoir pour assurer l’exécution des décrets de l’Assemblée. Délibération du même genre de la communauté de Lahacourt en Barrois. Elle offre pour sa contribution un don pairiotique d’une somme de 1,000 écus à prendre sur les deniers provenant de la vente de ses bois communaux, qui sont actuellement dans la caisse du receveur des bois de la province. Ils se soumettent en outre à fournir gratuitement et annuellement le service en bois présenté à Sa Majesté le jour du jeudi-saint, pour le repas de la Gène.