372 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE BARËRE : Citoyens, il y a dans le discours que vous venez d’entendre, et dans le projet de décret qui le suit, trop d’idées utiles, trop d’idées révolutionnaires, trop d’idées favorables à la classe peu fortunée du peuple, pour que la Convention ne s’empresse pas, non seulement d’en ordonner l’impresion, mais encore de le renvoyer aux comités des Domaines et des Secours publics, en les chargeant, le premier de présenter un rapport pour faire une classe nombreuse de propriétaires des citoyens qui ne possèdent rien; le second de proposer des moyens d’exécution du décret qui a assigné 600 millions en domaines nationaux aux récompenses des défenseurs de la patrie. 11 faut aussi que le comité des Secours fasse une classe de propriétaires nouveaux des hommes mariés depuis vingt-cinq ans jusqu’à cinquante ans, et qui sont sans fortune. Il faut enfin établir des ateliers et des boutiques pour y établir les malheureux ouvriers. Il faut que, sans altérer la fortune publique, et en déclarant qu’elle veut porter au plus haut point l’industrie, la République dise qu’on ne poura acquérir au delà d’une certaine quantité de terres. Cette idée n’altère en rien les fortunes particulières, et ne détruit point cette ambition utile qui est l’âme du commerce et de l’industrie. Mais il est affreux de voir que, pendant que l’émigratioin des traîtres et la punition des conspirateurs ont démoli les fortunes énormes, et les ont fait tourner au profit de la liberté, des banquiers, des agioteurs, des fournisseurs des armées viennent, avec les fonds qu’ils ont volés au peuple, tenter de rétablir des fortunes colossales. Je demande que le comité des Domaines présente un projet de décret pour que les biens des émigrés soient divisés en petites portions qui soient acquises non par de nouveaux seigneurs, mais par de bons sans-culottes, et par des citoyens peu fortunés. (On applaudit). TALLLIEN : Personne ne peut s’opposer à l’impression du discours qu’on vient de lire. Déjà hier on avait demandé un projet de décret pour diviser les propriété nationales en petites portions. C’est à cela qu’il faut que la Convention donne sont attention la plus particulière. Je m’élèverai toujours de toutes mes forces contre ces hommes nouveaux qui viennent, avec des trésors amassés par des dilapidations, accaparer la fortune publique. Oui, la Convention aura un grand compte à faire rendre à ces voleurs qui ont pillé le peuple dans les armées, dans les charrois, dans les admnistrations; à peine sortis de leurs obscurs greniers, les voilà qui se rendent adjudicataires de domaines immenses, et qui insultent au peuple dont ils sont les sangsues et les ennemis. C’est par de bonnes lois que vous parviendrez à assurer le bonheur qui doit être le but constant de vos travaux et l’objet sublime de la révolution. Faites rendre compte aux fripons, aux dilapidateurs, disséminez les propriétés nationales. Je demande qu’en chargeant le comité des Domaines de présenter un projet de loi pour aliéner en petites portions les biens de la République, vous le chargiez en même temps d’en proposer un pour louer ces domaines, de manière qu’un homme ne puisse accaparer les subsistances et dire : je tiens dans ma main l’existence du peuple. Il faut enfin accorder aux défenseurs de la patrie les récompenses qu’ils ont le droit d’attendre, je ne dis pas de la générosité, mais de la justice nationale. BARÈRE : Voici ma proposition : les comités des Domaines, d’Agriculture, des Finances et des Secours publics présenteront, sous huit jours, un projet de loi sur toutes les idées qui viennent d’être développées. Cette proposition est décrétée (95) On demande l’impression du discours, et le renvoi aux comités des Domaines et des Secours publics. Décrété (96). 49 Un membre, au nom du comité de Salut public, rend compte de la perte d’une frégate et de deux corvettes qui se sont battues avec succès. Il annonce ensuite différentes prises faites par la marine française (97). BRÉARD : La République vient de perdre la frégate La Volontaire, qui, étant sortie de Rochefort pour se rendre à Brest fut assaillie par six frégates anglaises; elle se défendit vigoureusement pendant six heures, et fut ensuite se jeter à la côte. On est occupé à en retirer les principaux agrès, ainsi que l’artillerie, et nous ne perdrons que la coque du bâtiment. Les citoyens de la côte ont montré le plus grand zèle pour sauver les effets que portait cette frégate; elle n’a eu qu’un homme tué et quelques blessés. Dans le même temps, deux de nos corvettes ont été attaquées aussi par les Anglais. Le combat a été opiniâtre; l’une d’elles est rentrée dans le port, et l’autre a donné à la côte, d’où l’on espère la relever. Si quelque chose doit nous consoler de ces événements malheureux, c’est la prise de trente-cinq bâtiments ennemis, entrés dans les ports de la République depuis le 14 jusqu’au 21 fructidor. La même croisière qui nous a enrichis de ces captures a de plus coulé bas trente vaisseaux hollandais et huit anglais; de sorte que la perte totale de nos ennemis, dans ces six jours, se monte à soixante-quinze bâtiments. (Vifs applaudissements) (98). Voici la liste de ces prises : (95) Moniteur, XXI, 709. Débats, n° 718, 373-374; M. U., n° XLII, 363-364; J. Fr., n° 714; J. Paris, n° 617; Ann. R.F., n° 281; Ann. Patr., n° 615; C. Eg., n° 751; F. de la Républ., n° 429; Gazette Fr., n° 982, 983; J. S.-Culottes, n° 571; J. Mont., n° 132; J. Perlet, n° 716; Rép., n° 263. (96) P.-V., XLV, 165. Décret n° 10 808. Rapport attribué à Guffroy, secrétaire. (97) P.-V., XLV, 165. (98) Moniteur, XXI, 711. Débats, n° 718, 374-375; Bull., 23 fruct.