50 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 30 frimaire an H 20 décembre 1793 II. en masse pour réclamer la liberté de leurs époux ou de leurs parents. Compte rendu du Mercure universel (I). Des citoyennes de Paris, en très grand nombre, se présentent à la barre. Elles réclament la liberté de leurs époux qui, disent-elles, sont de bons citoyens dont la plupart ont servi la Révolution. « Nous réclamons, disent-elles, leur liberté pour leurs enfants, dont la plupart manquent de subsistances. Nous demandons, votre comité de sûreté générale ne pouvant suffire pour exa-miner les milliers d’arrestations faites dans la République, qu’il soit établi deux commissions pour examiner les causes de ces arrestations et rendre la liberté à ceux qui doivent l’obtenir. Le Président. Tandis que les perfides espé¬ rances des égoïstes... (Suit le texte du discours du Président que nous avons inséré au cours de la séance d’après le procès-verbal. Voy. ci-dessus, page 38 j Robespierre. Si vous voyez une telle affluence de femmes dans cette enceinte, pouvez-vous croire que leurs maris sont tous patriotes? Non sans doute, et vous devez en conclure an con¬ traire que ce sont des aristocrates, (Cris de ces femmes. Le Président ordonne que les huissiers arrêtent celles qui feront du bruit.) Il se peut que parmi ces femmes, il y en ait beaucoup dont les maris ne soient pas des contre-révolutionnaires. Le titre d’épouse est cher; mais des femmes répu¬ blicaines ne sont-elles pas des citoyennes avant que d’être épouses; et lorsque la patrie est en guerre avec les puissances coalisées, ne orai-gnent-elles pas, ces femmes qui se présentent ici en si grand nombre, de donner l’éveil aux mo¬ dérés, aux aristocrates. Le patriote timide réclame modestement et en particulier. On a cru, parce que nous avons publié des vérités, que le moment était venu de nous faire rétrograder; l’on s’est trompé, et nous devons poursuivre avec plus d’activité que jamais les conspirateurs et les contre-révolutionnaires. Peut-être y aurait-il une mesure à prendre; ce serait de former une commission qui recherchât dans le silence quels sont les patriotes que l’on doit remettre en liberté. Et surtout que les membres de cette commission restent inconnus et ne prononcent que collectivement. Leurs arrê¬ tés n’auront d’exécution qu’avec l’avis de vos comités de Salut public et do sûreté. L’Assemblée décrète cette proposition. III. Compte rendu du Journal de Perlet (2). Une cinquantaine do citoyennes se présentent (1) Mercure universel du 2 nivôse an II (dimanche 22 décembre 1793), t. 35, p. 23. col. 2. (2) Journal de Perlel [n° 455 du 1er nivôse an II (samedi 21 décembre 1793), p. 162]. La Convention passe à l’ordre du jour, Robespierre, S’il y avait autant de patriotes détenus qu’il y a de femmes qui réclament leur liberté, la voix publique nous en eut averti-Je crois que ce sont des aristocrates qui s’inté¬ ressent pour d’autres aristocrates. Il est possiblo, cependant, que, parmi les femmes, il y en ait qui demandent la liberté de patriotes incarcérés par l’aristocratie elle-même; mais elles auraient du séparer leur cause et ne pas se joindre aux avocates contre-révolutionnaires. Ëst-ce ainsi que des républicaines réclament auprès des législateurs la liberté des opprimés? Parce que nous nous sommes élevés ici opatre les mesures ultra-révolutionnaires, les aristo¬ crates ont pensé que le moment était venu de réunir leurs efforts pour nous ramener au modé¬ rantisme et à la faiblesse ; ils se sont trompés. Il serait peut-être une mesure à prendre pour les arrestations, qui séparât le patriotisme de l’aristocratie, fit taire les calomniateurs et ne laissât aucune espérance aux coupables-Je demande qu’il soit nommé des commis¬ saires par les comités réunis de Saint public et de sûreté générale, dont les fonctions seront de rechercher, dans le silence et avec impartialité, dans quel lien une injustice a pu être commise, dans quel lieu peut gémir un patriote. Je de¬ mande en outre que leurs noms soient inconnus au public, afin de les mettre à l'abri des sollici¬ tations, et qu’ils soumettent le résultat de leurs recherches aux deux comités qui prononceront définitivement . Ces propositions sont décrétées. IV. Compte rendu du Journal de la Montagne (1). Un grand nombre de femmes réclament la liberté de leurs maris, détenus comme suspects, malgré le patriotisme dont ils n’ont cessé, disent-elles, de donner des preuves. Robespierre a peine à croire qu’il y ait autant de patriotes que de réclamantes. Il craint que P aristocratie n’ait grossi le groupe plaintif, et pour évjtqr à l'avenir de pareils rassemblements, dont la malveillance pourrait faire son profit, il propose et la Convention adopte la mesure suivante : Les comités de Salut public et de sûreté énérale nommeront des commissaires, pris ans leur sein, pour rechercher les moyens de remettre en liberté les patriotes qui auraient pu être incarcérés. Le» commissaires apporteront, dans l’exer¬ cice de leurs fonctions, la sévérité nécessaire pour ne point énerver l’énergie des mesures révolutionnaires commandées par le salut de la patrie. (1) Journal de la Montagne Fn0 38 du 1” nivôse an II (samedi 21 décembre 1793), p. 303, col. 2].