SÉANCE DU 13 VENTÔSE AN II (3 MARS 1794) - Nos 57 A 59 29 la tyrannie, et le vice avec la vertu. En rejetant ces offres insidieuses, vous avez exprimé les vœux de tous les Français sans-culottes ; ils -ne consentiront à aucune proposition de paix, jusqu’à ce que le sol de la République ne soit plus occupé par les valets des rois, et que les gouvernements avec lesquels ils traiteront, puissent leur offrir une garantie assurée pour la foi des traités. Mention honorable, insertion au bulletin (1) . 57 Le citoyen Charlet (2), électeur de Paris, et actuellement membre du conseil général de la division de Mont-Libre, envoie à la Convention une médaille d’or : Elle porte Vimage d’un traître , je ne veux plus la garder. Insertion au bulletin (3) . [Puigcerda, 17 pluv. II. Aux repr. près VA. des Pyr. -Orient.] (4). En 1782, le 5 7bre, j’ai eu l’avantage de me rendre utile à ma patrie en sauvant à la mer plus de cent de mes frères malades prêts à périr dans un naufrage (5). J’ai reçu pour récompense une médaille d’or qui m’étoit précieuse à ce titre, mais elle porte l’image d’un traître ; je ne veux plus l’avoir, ni la porter. J’en fais don à la patrie, à qui j’ai offert mon bras pour aider à exterminer tous les tyrans coalisés. J’en ai fait le serment, certes je ne serai pas parjure. S. et F. » Je vous prie de faire passer cette médaille la Convention. Charlet. à BARÈRE demande que la conduite de Charlet soit mentionnée honorablement au procès-verbal, et que le président lui écrive une lettre de satisfaction. MERLIN (de Thionville) s’y oppose. Le président, dit-il, auroit une infinité de lettres pareilles à écrire tous les jours. Il faut aussi, dit BOURDON (de l’Oise) , que le président adresse une lettre de satisfaction aux trois batteliers qui sauvèrent sous mes yeux plusieurs citoyens. L’assemblée décrète la mention honorable de la conduite de Charlet ; l’insertion au procès-verbal dont un extrait lui sera envoyé (6) . (1) P.V., XXXm, 427-28. Bin, 13 vent.; J. univ., n° 1562. (2) Charlet (Et.) gal de brigade, né à Dijon en 1756 et mort en 1795 (Cf. G. Six, Dictre cité. I, 223-24) . (3) P.V., XXXIII, 428. Bin, 18 vent. (2e suppl‘). La médaille aurait été déposée par Barère. (4) C 293, pl. 966, p. 16. Débats, n° 530, p. 181. Mention dans J. Fr., n° 527, Audit, nat. n° 527; Rép. n° 74 ; J. Sablier, n° 1176. (5) Ce naufrage aurait eu lieu près de Cadix en 1782. Il s’agissait de la frégate «La Flore» (F. S. P., n° 244). (6) Batave, n° 382. 58 L’agent national et les membres du directoire du district de Lauzun font connoître à la Convention leur fidélité aux principes et à leurs devoirs ; ils demandent quelques explications sur la loi du 17 frimaire, qui séquestre les biens des pères et mères dont les fils sont émigrés. Mention honorable, insertion au bulletin, renvoi aux comités des domaines et de liquidation (1) . [Lauzun, 30 pluv. II. Au repr. Bouission] (2) « Fidèle dans mes principes comme dans mes devoirs, je dois faire connaître à la Convention nationale, les communes qui marchent dans la voye de la Révolution, comme celles qui s’écartent de la ligne. Je te prie, en conséquence, de luy faire part que la petite commune de Loubès, dont la population n’est que 1024, a fait un don pour les défenseurs de la patrie, consistant en 323 chemises, 44 draps de lit, 7 nappes, 3 matelas de laine neufs, 18 paires de bas de laine neufs, 450 1. en assignats. Elle avait en outre donné à des volontaires qui passaient, allant joindre leur bataillon, 7 chemises et 10 1. en assignats ; elle a aussi remis à son percepteur 96 1. en or pour être échangées en assignats. Je te prie aussi de luy observer que cette commune est très pauvre, presque tous cultivateurs, et très zélée pour l’exécution des lois républicaines. Veuille aussi luy annoncer que le district envoie au représentant du peuple Monestier, actuellement à Marmande, 380 marcs d’argent provenant de l’ancien fanatisme. Ramonde. 59 Les commissaires du district de Marennes, envoyés près de la commission des subsistances, retracent l’histoire de la Convention nationale, soit pour l’abattement du trône et du monstre hideux du fédéralisme, soit pour l’établissement du gouvernement révolutionnaire (3). Mention honorable, insertion au bulletin. L’ORATEUR (4) . Citoyens Représentans, chargés par le district de Marennes, d’une mission auprès de la commission des subsistances, nous apportons à la Convention l’hommage de la reconnaissance de nos concitoyens. La monarchie détruite, l’établissement de la République, une constitution républicaine fondée sur les bases de la Liberté et de l’Egalité, l’anéantissement du fédéralisme, la punition des traîtres et des conspirateurs, la destruction de l’infernale Vendée et des villes rebelles, la répression de l’agiotage et de l’accaparement, des victoires nombreuses sur nos ennemis l’expulsion des esclaves du despotisme, loin du territoire de la liberté, le fanatisme abattu, (1) P.V., XXXIII, 428. (2) C 293, pl. 966, p. 10. (3) P.V., XXXIII, 428. Mon., XIX, 618; J. Fr., n° 526. Mention dans F.S.P., n° 244; Débats, n° 530, p. 177. <4) Il s’agit de M. Bertrand fils aîné ou de J. Vignaudit, signataire de l’adresse. 30 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE le triomphe de la raison, une éducation publique basée sur les mœurs et les vertus républicaines, enfin l’affranchissement des hommes de couleur tels sont vos titres immortels à notre reconnaissance. Quant à nos vœux les voici, que la Convention reste à son poste, jusqu’à ce que les despotes coalisés soient entièrement vaincus, point de paix,, point de trêve avec eux ; il n’en peut exister d’autres entre les hommes libres et les tyrans et leurs esclaves, que le triomphe complet de la Liberté et la destruction totale de la tyrannie. Glorieuse Montagne, demeure immuable comme tu l’as toujours été et la Liberté placée sur ta cime verra se briser à ses pieds les spectres et les talismans du despotisme et de la superstition, ces deux oppresseurs du genre humain. Citoyens Législateurs, s’il nous est permis maintenant de vous parler de nous ; nous vous dirons que les citoyens du district de Marennes, constamment attachés aux vrais principes, ont toujours été au pas révolutionnaire ; lorsque la Vendée se révolta, nous nous levâmes en masse pour la réduire, et nous avions contribué à étouffer dès le commencement cette guerre désastreuse, sans la lâcheté et la perfidie de Marcé, L. de Biron, dont la guillotine républicaine nous a depuis fait justice. A peine le signal a-t-il été donné que nous avons abattu les idoles et brûlé les hochets du fanatisme, l’argenterie de nos églises a grossi le trésor public, le cuivre et le fer ont été portés aux fonderies et convertis en armes, ils nous serviront bientôt à combattre la superstition avec nos propres dépouilles. Le préjugé, l’horreur nous avaient divisés en deux partis, l’un dit catholique, l’autre dit protestant. La Raison et la vérité nous ont réunis, nous sommes tous frères, tous français, nous n’avons qu’un seul Temple, nous l’avons consacré à la Liberté. Cette divinité tutélaire défendra nos droits, les vaines idoles des prêtres nous les avaient ravis. Tremblez tyrans, tremblez anglois perfides, notre beffroi qui vous servoit de balise n’est plus couvert par l’instrument de la superstition. La croix a été remplacée par une pique surmontée du bonnet de la Liberté. Ce signe terrible pour vous, vous écartera de nos côtes jusqu’au moment où réunis à nos frères, nous irons porter chez vous la Liberté ou la mort. Déjà nous apprêtons la foudre qui va vous anéantir, chaque citoyen est devenu un fabricateur de salpêtre, chaque maison un atelier où se forgent des armes. Nouveaux titans, nous n’entasserons pas Montagne sur Montagne, pour vaincre des dieux imaginaires, mais protégés par celle qui déclara nos droits nous traverserons la mer, et irons s’il le faut au bout du monde pour terrasser les tyrans, détruire les trônes, briser les sceptres, anéantir le fanatisme, et assurer à jamais le triomphe de la Liberté, de l’Egalité, et de la Raison. Vive la République, vive la Montagne. » (1). 60 Le bataillon marseillais du 10 août se plaint, dans une adresse, des actes arbitraires des real C 295, pl. 988, p. 15. présentants du peuple, qui leur ont fait enlever leurs armes encore teintes du sang des fédéralistes ; ce que les tyrans, les Cobourg et les Pitt n’auroient osé tenter, vos délégués l’ont fait, parce qu’ils nous ont parlé au nom de la loi et de cette sainte montagne pour laquelle nous sacrifierons nos vies (1) . L’ORATEUR. Représentans du peuple, vos délégués dans les départements méridionaux, dans l’imprudent exercice du pouvoir arbitraire qu’ils s’étoient arrogé, n’ont pas craint de nous désarmer, et ont choisi, pour consommer cet acte d’oppression, le moment où nous étions ensevelis dans le plus profond sommeil et dans le silence de la nuit. Tous nos frères, c’est-à-dire la section 11 ; tous les membres de la société populaire, tous les républicains (car il n’y en avoit pas d’autres armés dans cette commune) ont éprouvé le même sort que nous, dans le même instant et à la même heure. Nous avons fait à ce sujet des adresses et des députations à vos collègues ; les unes n’ont pas été écoutées ; et lorsque les autres ont reçu la faveur d’être admises, elles l’on été avec dédain. On n’a répondu à nos prières que par de nouveaux outrages, en incarcérant nos meilleurs citoyens et en les traduisant au tribunal révolutionnaire de Paris ; en un mot, sans faire la moindre attention à nos services, à notre amour pour la République, à notre attachement pour vous, dont nous avons donné tant de preuves: il ne nous est trop longtemps resté que le doute affligeant de savoir si vous avez manqué de volonté pour mettre un terme aux maux qui nous ont accablés et accablent encore. Quels sont nos crimes pour avoir essuyé un aussi vil châtiment ? ou, si vos collègues nous en supposent, quelle autre preuve en fourniront-ils, que leur imputation ? N’avons-nous pas fait de ces armes et dans tous les temps, l’usage le plus juste et le plus utile à la Patrie ? A l’époque où les sections se réunirent à Marseille ; nos drapeaux nous furent enlevés par surprise par le soi-disant comité général des sections, mais une poignée de nos camarades fit aussitôt un rempart de son corps à nos drapeaux Les braves amis, sans autres armes que leurs bras, eurent le courage d’enlever les trophées aux rebelles ; et quoique ces derniers eussent sans cesse huit mille satellites armés à leurs ordres, nous ne craignîmes pas de célébrer cette nouvelle victoire par un triomphe éclatant et de purifier avec des parfums l’autel de la Patrie, tous les lieux que les fédéralistes avoient soufflés de leur présence, tout ce qu’ils avoient pollué de leurs mains ! Quel fut le prix de notre zèle ? Les fers, les cachots, le dernier des supplices que subirent plusieurs de nos camarades ! Nous n’étions que cent trente, tous pères de famille ; tous les autres de nos frères, nos meilleurs citoyens, étaient fugitifs, incarcérés ou aux frontières ; nos ennemis avoient préparé, attendu et choisi ce moment pour opérer la contre-révolution. Représentans, la République ne pourra jamais croire que nous ayons été couverts d’un pareil opprobre ; et vos délégués dans les départements (1) P.V., XXXIII, 428. Btn, 15 vent.; J. Lois, n° 522.