g{Q [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14mail790.] L’amendement de M. de Richier est adopté et devient disposition principale. L’Assembîée, en conséquence, rend un décret en deux articles ainsi conçus : « Art. 1er. L’entrée du sel étranger, déjà prohibée par l’ordonnance de 1680, le sera dans toute l’étendue du royaume, et provisoirement sous les peines prescrites par les ordonnances, relativement aux autres marchandises prohibées, à l’exception néanmoins de toutes peines afflictives. « Le transport et le cabotage des sels destinés à la consommation du royaume ne pourront être faits que par vaisseaux et bâtiments français, dont le capitaine et les deux tiers au moins de l’équipage soient Français. « Art. 2. Les sels chargés avant le 1er avril et expédiés depuis, jouiront de l’exemption des droits de traite sur le sel destiné à la consommation du royaume. » ' M. Anson, membre du comité des finances, demande, au nom du ce comité, à faire un court rapport sur les assignats et dit : Le 22 de ce mois, le payement des rentes sera ouvert en entier*, au lieu d’un semestre qui devait être payé, aux termes du décret sur les assignats, on en paiera deux à la fois. On ouvrira, depuis la lettre A jusqu’à la lettre I exclusivement, le payement des renies au-dessous de 100 livres, dont les fonds ont été faits par la caisse des dons patriotiques. — Il a été décrété, article 7 du décret des 16 et 17 avril, que les débiteurs seront obligés de faire l’appoint lorsqu’ils donneront des assignats en payement. Le comité s’est occupé de prévenir des abus qu’on a quelque raison de craindre. Il y aura beaucoup de cotes d’impositions au-dessous de 100 livres; le contribuable apportera de l’argent; cet argent sera nécessaire à l’Etat pour payer des objets de détail et pour le prêt des troupes. Il est nécessaire de prendre des précautions pour que ce numéraire soit versé au Trésor public. II est indispensable de prévenir la conversion de l’argent en assignats, à laquelle les receveurs pourraient être disposés à raison de l’intérêt que portent les assignats, quoiqu’ils ne soient que dépositaires des deniers publics. Le comité des finances vous propose en conséquence de décréter : 1* que les contributions pourront être acquittées en assignats ou en argent, en se conformant à l’article 7 du décret des 16 et 17 avril; 2° que les premiers percepteurs des contributions, tant directes qu’indirectes, remettront les espèces qu’ils auront reçues, sans pouvoir convertir l’argent en assignats dans l’intervalle qui s’écoulera entre la recette et le versement dans la caisse du receveur; 3° les régisseurs, fermiers et receveurs, auxquels les premiers percepteurs auront remis des sommes en argent, seront tenus de mentionner sur leurs registres la quotité de ces différentes sommes remises en espèces, et les époques auxquelles ces paiements auront été faits. M. d’Ambly. Je propose un amendement. Il a pour objet de consulter les départements, afin de savoir s’ils croient qu’il soit bon ou non d’obliger les receveurs des deniers publics à faire leurs versements dans les mêmes espèces qu’ils auront reçues. M. de Noailles. L’amendement de M. d’Ambly ne peut être accepté, parce qu’une loi du royaume ne peut souffrir quatre-vingt-trois modifications. M. de Richier. Je demande la question préalable sur le projet de décret, parce qu’il est contraire aux intérêts des villes manufacturières. En effet, elles se trouveraient bientôt épuisées de numéraire, si les négociants n’avaient la possibilité de convertir les assignats en numéraire, dans les provinces, pour le service des manufactures. M. le comte Charles de Lameth. Une question de cette importance ne peut être éconduite par la question préalable, puisqu’elle tend à faire cesser le payement des troupes et à provoquer l’anarchie, qui serait le fléau le plus redoutable que le royaume pûtéprouver. Je demande l’ajournement à jour fixe pour une plus mûre délibération. M. le Président consulte l’Assemblée, qui prononce l’ajournement à dimanche prochain. M. le Président. M. de Montmorin m’a adressé, de la part du roi, une lettre qui se rapporte au différend survenu entre l'Espagne et V Angleterre, à raison de leurs possessions d’Amérique, différead qui donne lieu à des armements dont le roi croit devoir instruire l’Assemblée nationale. Cette lettre est ainsi conçue : « Monsieur le président, « Les armements qui viennent d’avoir lieu chez une puissance voisine, la presse des matelots qui y a été ordonnée et exécutée avec la plus grande activité; enfin, les motifs que l’on donne de mouvements aussi marqués ont fixé l’attention de Sa Majesté. Elle a pensé que son premier devoir étant de veiller à la sûreté de l’Etat, elle ne pouvait différer de prendre toutes les mesures propres à remplir cette obligation. Elle va, en conséquence, se mettre en état d’avoir incessamment quatorze vaisseaux de ligne armés dans les ports de l’Océan et de la Méditerranée. Elle prescrira en même temps aux commandants de la marine dans ces différents ports, de préparer les moyens d’augmenter les armements maritimes, si les circonstances l’exigent. « Sa Majesté, en m’ordonnant, Monsieur le président, d’informer, par votre organe, l’Assemblée nationale de ses dispositions, a désiré qu’elle fût également instruite qu’elles sont purement de prudence et de précaution. Le roi conserve les espérances les plus fondées que la paix ne sera pas interrompue. Sa Majesté y est autorisée d’après les assurances qui lui ont été données par la cour de Londres, que ces préparatifs n’avaient pour objet qu’un différend qui s’est élevé entre cette uissance et l’Espagne, différend que Sa Majesté ritannique désirait sincèrement voir se terminer par une négociation ; et en effet, M. de Fitz-Her-bert, ambassadeur d’Angleterre en Espagne, est en chemin pour se rendre à Madrid. Cette communication a été accompagnée d’assurances du désir de Sa Majesté Britannique de conserver avec la France la bonne intelligence qui règne si heureusement entre les deux nations. « Mais quelque rassurant que soit ce langage, il ne peut dispenser Sa Majesté de prendre les mesures qu’exige la prudence. Il n’est personne qui ne soit convaincu que, lorsque l’Angleterre est armée, la France ne peut ni ne doit rester désarmée; et il nous importe de montrer à l’Europe que l’établissement de notre Constitution e6t loin d’apporter aucun obstacle au développement de nos forces. Nous ne pouvons d’ailleurs nous dissimuler que la reconnaissance et notre propre intérêt nous prescrivent, dans cette circonstance, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 mai 1790.] g{4 une marche dont l’Espagne nous a donné l’exemple dans toutes les occasions qui nous ont intéressées. « Le roi va employer tous les moyens qui dépendent de lui pour effectuer entre les cours de Madrid et de Londres un rapprochement qu’il désire avec ardeur. Sa Majesté connaît trop la justice et la modération du roi d’Espagne, pour n être pas persuadé qu’il se prêtera avec empressement a toutes les voies de conciliation qui seront compatibles avec la dignité et les véritables intérêts de sa couronne. Les dispositions qu’annonce la cour de Londres donnent une égale espérance que, de son côté, elle n’exigera rien qui ne soit conforme à la justice et aux convenances réciproques. « Le roi m’a ordonné de témoigner à Sa Majesté Britannique toute sa sensibilité à la communication amicale dont elle a chargé son ministre plénipotentiaire auprès de lui, et de lui donner les assurances lés plus fortes et les plus positives de .con extrême désir que la bonne harmonie entre les deux nations ne soit troublée ni dans cette occasion ni dans une autre. « Enfin, quelle que soit la confiance de Sa Majesté dans les efforts d’une grande nation qui ne souffrirait sûrement pas que les premiers moments de sa régénération fussent flétris par une conduite que l’honneur national désavouerait, elle est si frappée des malheurs de tout genre qu’entraînerait la guerre, qu’elle n’épargnera ni soin, ni démarche pour l’éviter. Ce serait avec une douleur inexprimable que le roi verrait la nation entraînée; et c’eslessentiellement pour éloigner d’elle un semblable malheur, que Sa Majesté croit devoir envoyer dans les ports les ordres dont j’ai eu l’honneur de vous donner connaissance au commencement de cette lettre. Les dispositions qui en sont l’objet exigeront nécessairement quelques secours extraordinaires pour le département de la marine. Sa Majesté est trop convaincue du patriotisme des représentants de la nation pour n’être pas assurée d’avauce dé leur empressement à décréter des secours, lorsque le tableau en aura été mis sous leurs yeux. « J’ai l’honneur d’être, etc. » « Signé : DE MONTMORIN. « 14 mai 1790. >< Quelques membres demandent la parole. M. le Président annonce qu’il y a déjà une liste. M. Charles de Larneth. Gomment est-il possible que la liste soit déjà formée? On ne sait pas quellé proposition pourra être faite, et l’on ne peut établir une liste que pour ou contre telle ou telle proposition. Si, avant même qu’un objet soit connu de l’Assemblée, on vient ici avec une opinion arrêtée; si, avant que cet objet soit connu, une liste est déjà formée, que devient la liberté des opinions? M. le comte de Crillon. Ce matin, vingt personnes sont venues demander qu'on les inscrivit pour l’ordre de la parole sur une lettre qui devait, pendant le cours de la séance, être remise au président. Cette forme est un usage constant de l’Assemblée. (On demande la lecture de la liste.) M. le comte de Mirabeau. Je ne comprends pas à quoi peut servir la lecture de cette liste] car la défaveur qu’une si singulière méthode doit jeter sur la liste faite ne doit pas influer sur la question de savoir si une autre liste sera substituée à celle qui existe. Il est singulier que cette Assemblée, qui s’est fait une règle de ne discuter aucune matière qui n’ait été annoncée, laisse une initiative si subite à une lettre ministérielle. Nous devons décider, pour l’avénir, que les messages du roi ne seront délibérés que le lendemain; mais comme cette loi n’est pas établie, et que le présent message est très important, je ne vois nul inconvénient à ce qu’on commence la discussion. Alors il faut que la parole se donne sur des demandes successives, et sur la décision volontaire et successive de M. le président. C’est le seul moyen de sortir de ce débat. M. de Cazalès. Ce message est d’une telle importance, qu’il n’y a pas d’inconvénient à l’ajourner. Cet ajournement sera très utile; parce que les membres qui n’étaient pas prévenus pourront diriger sur cet objet toutes leurs réflexions. M. de Lafayette. Pour que chacun de nous ait le temps de réfléchir sur cette importante lettre, je fais la motion d’ajourner la discussion à demain. M. le marquis dé Foucault. Il est étonnant qu’on élève de semblables difficultés. Je ne suis pas grand politique, et je sais cependant quatre jours d’avance les délibérations que prendra l’Assemblée. Je pense que la discussion doit commencer dès à présent. M. Ilewbell. Je prie M. le président de demander à M. de Foucault quelle délibération l’Assemblée prendra sur la discussion de l’objet intéressant qui va l’occuper : cette connaissance abrégera beaucoup la discussion. M. de Toulongeon. En appuyant le renvoi à demain, je pense qu’il est de la dignité de la nation que nous manifestions un assentiment subit aux mesures prises par le roi. (L’ajournement à demain est ordonné.) La séance est levée à deux heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. THOURET. Séance du vendredi 14 mai 1790, au soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. M. Kspic, député du Vivarais, donne lecture d’une délibération de la municipalité de la ville de Vernoüx portant que lecture ayant été faite d’un imprimé qui a pour titre : Délibération des citoyens catholiques de la ville de Nîmes,, en date du 20 avril dernier et adressée à la ville de Vèr-noux , la municipalité de Vernoux, loin d’adhérer à cette délibération, la désapprouve, comme contraire au respect dû à l’Assemblée nationale, et surprise par les ennemis de l’Etat et de la religion. M. Lucas, député de Moulins, fait lecture d’une (1) Cette séance est simplement mentionnée au Moniteur.