SÉANCE DU 2 PRAIRIAL AN II (21 MAI 1794) - Nos 44 ET 45 509 tisme, espèrent toujours la ruine de la République. Il seront bien trompés dans leur attente, ceux qui, jaloux de l’opérer, se flattaient de voir enchaîner l’énergie des patriotes, et de couvrir d’un éternel opprobre les noms des amis de Challier. Nous les enchaînerons à notre tour. « Oui, Législateurs, comptez sur notre surveillance : la justice éclatante que vous nous avez rendue, les témoignages non équivoques de la joie du peuple, tout agrandit nos âmes et accroît notre courage dans la carrière qui nous est ouverte. «Le scrutin épuratoire occupe nos premières séance; les autres seront consacrées à l’instruction des sans-culottes qui viennent nous entendre, à la discussion des vérités morales et des grands intérêts de la patrie. Déjà la plus grande harmonie règne entre les représentants du peuple envoyés par vous dans cette commune, les administrations et nous. Les agents des factions liberticides, témoins de ce concert, sans doute ne formeront plus de complot dans notre cité, mais s’ils osaient en former encore, si la liberté y courait de nouveaux dangers, placez-nous au poste le plus périlleux; ce sera pour nous le poste d’honneur. » (Applaudi.) LE PRESIDENT : La Convention nationale vient d’entendre avec satisfaction l’expression des sentimens républicains de la Société populaire de Commune-Affranchie. Cette Société a saisi les véritables principes qui animent les représentants du peuple, lorsqu’elle leur rappelle que le mensonge hardi et artificieux ne pourra plus désormais écarter la vérité modeste. Ce n’est pas en vain que le peuple français a mis les vertus à l’ordre du jour : nos braves guerriers qui combattent aux frontières mettent chaque jour cette maxime en pratique par leur dévouement héroïque à la cause de la liberté. Pour vous, citoyens, en retournant dans vos foyers, vous direz à la Société populaire qui vous a envoyés qu’elle n’a pas une mission moins utile : celle d’achever par une énergie républicaine l’entière extirpation des crimes qui ont souillé le pays que vous habitez, mais dans lequel le patriotisme ne tardera pas à reprendre tout son éclat. La Convention nationale ne cessera de seconder vos efforts et ceux de tous les bons républicains de Commune -Affranchie elle vous invite à sa séance '(1). Mention honorable, insertion au bulletin de l’adresse et de la réponse du président. 44 Les administrateurs du département de la police de Paris envoient le nombre des détenus dans les prisons de cette commune; il s’élève à 7 089 i(2). (D Mon., XX, 530; Débats, n° 609, p. 20; M.U., L, 42. (2) P.V., XXXVIII, 29. 45 Une députation de la Société populaire et de la commune de Caudebec, département de la Seine-Inférieure, se présente à la barre et demande que le chef-lieu du district, transféré provisoirement à Yvetot, soit rétabli à Caudebec (1). L’ORATEUR de la députation : Dans la distribution des sept districts du département de la Seine-Inférieure, un fut placé à Caudebec. Elle n’avait été décrétée que provisoirement par l’assemblée constituante qui la renvoya au corps Electoral du département pour y donner son assentiment, ou faire les réclamations qu’il jugerait convenables; mais, sur son avis unanime, la distribution fut maintenue par un décret définitif. Caudebec eut donc un district. Des raisons puissantes en furent le motif. Cette commune qui était le chef-lieu du ci-devant grand bailliage de Caux, avait toujours eu un présidial, une maîtrise des eaux-et-forêts, une élection, un grenier à sel, possédait donc toutes les convenances nécessaires pour un semblable établissement, avec d’autant plus de raison encore que, peu avant la révolution, on y avait construit un tribunal qui avait coûté plus de 100.000 livres. Jamais les administrés n’ont réclamé contre la fixation du chef-lieu de leur administration à Caudebec; et cependant, par une fatalité qu’on ne peut concevoir, un décret rendu, il y a environ sept mois, par la Convention nationale, a provisoirement transféré ce district à Yvetot. Ce dernier endroit n’a pourtant aucuns édifices ni établis-semens propres à le recevoir; d’ailleurs il se suffit à lui-même, et se trouverait absolument sans ressources, s’il était toujours frustré de son district. Comme Yvetot n’a aucuns bâti-mens convenables, comme nous l’avons déjà dit, il faudrait au moins 500.000 livres pour les y construire, et Caudebec qui possède plus qu’il ne faut pour un établissement digne des corps constitués, a en outre d’immenses magasins : situé sur la rive de la Seine où il a un port, il lui est facile d’y faire arriver et d’en faire sortir tous les objets d’utilité publique. D’ailleurs encore, l’administration étant placée à Caudebec, se trouve à portée de surveiller la navigation, aussi bien que la forêt de Bretone qui est un objet de la plus haute importance pour le département de la Seine-Inférieure, où le bois est si rare et si nécessaire par rapport à ses manufactures et à son commerce. Nous n’ignorons pas qu’il existe des individus qui ont cherché à répandre des nuages sur le patriotisme des habitans de Caudebec, mais s’il était question de se justifier de cette calomnie, il ne nous serait pas difficile d’établir que, dans tous les temps, et dès le commencement de la révolution, ils ont fait tous les sacrifices que la chose publique exigeait d’eux, tant en hommes qu’en argent, si bien que sur 350 hommes qui étaient chez eux en état de porter les armes, il en était parti avant la lre réquisition plus de 180, et que, dans une levée qui fut précipitamment (1) P.V., XXXV III, 29. 34 SÉANCE DU 2 PRAIRIAL AN II (21 MAI 1794) - Nos 44 ET 45 509 tisme, espèrent toujours la ruine de la République. Il seront bien trompés dans leur attente, ceux qui, jaloux de l’opérer, se flattaient de voir enchaîner l’énergie des patriotes, et de couvrir d’un éternel opprobre les noms des amis de Challier. Nous les enchaînerons à notre tour. « Oui, Législateurs, comptez sur notre surveillance : la justice éclatante que vous nous avez rendue, les témoignages non équivoques de la joie du peuple, tout agrandit nos âmes et accroît notre courage dans la carrière qui nous est ouverte. «Le scrutin épuratoire occupe nos premières séance; les autres seront consacrées à l’instruction des sans-culottes qui viennent nous entendre, à la discussion des vérités morales et des grands intérêts de la patrie. Déjà la plus grande harmonie règne entre les représentants du peuple envoyés par vous dans cette commune, les administrations et nous. Les agents des factions liberticides, témoins de ce concert, sans doute ne formeront plus de complot dans notre cité, mais s’ils osaient en former encore, si la liberté y courait de nouveaux dangers, placez-nous au poste le plus périlleux; ce sera pour nous le poste d’honneur. » (Applaudi.) LE PRESIDENT : La Convention nationale vient d’entendre avec satisfaction l’expression des sentimens républicains de la Société populaire de Commune-Affranchie. Cette Société a saisi les véritables principes qui animent les représentants du peuple, lorsqu’elle leur rappelle que le mensonge hardi et artificieux ne pourra plus désormais écarter la vérité modeste. Ce n’est pas en vain que le peuple français a mis les vertus à l’ordre du jour : nos braves guerriers qui combattent aux frontières mettent chaque jour cette maxime en pratique par leur dévouement héroïque à la cause de la liberté. Pour vous, citoyens, en retournant dans vos foyers, vous direz à la Société populaire qui vous a envoyés qu’elle n’a pas une mission moins utile : celle d’achever par une énergie républicaine l’entière extirpation des crimes qui ont souillé le pays que vous habitez, mais dans lequel le patriotisme ne tardera pas à reprendre tout son éclat. La Convention nationale ne cessera de seconder vos efforts et ceux de tous les bons républicains de Commune -Affranchie elle vous invite à sa séance '(1). Mention honorable, insertion au bulletin de l’adresse et de la réponse du président. 44 Les administrateurs du département de la police de Paris envoient le nombre des détenus dans les prisons de cette commune; il s’élève à 7 089 i(2). (D Mon., XX, 530; Débats, n° 609, p. 20; M.U., L, 42. (2) P.V., XXXVIII, 29. 45 Une députation de la Société populaire et de la commune de Caudebec, département de la Seine-Inférieure, se présente à la barre et demande que le chef-lieu du district, transféré provisoirement à Yvetot, soit rétabli à Caudebec (1). L’ORATEUR de la députation : Dans la distribution des sept districts du département de la Seine-Inférieure, un fut placé à Caudebec. Elle n’avait été décrétée que provisoirement par l’assemblée constituante qui la renvoya au corps Electoral du département pour y donner son assentiment, ou faire les réclamations qu’il jugerait convenables; mais, sur son avis unanime, la distribution fut maintenue par un décret définitif. Caudebec eut donc un district. Des raisons puissantes en furent le motif. Cette commune qui était le chef-lieu du ci-devant grand bailliage de Caux, avait toujours eu un présidial, une maîtrise des eaux-et-forêts, une élection, un grenier à sel, possédait donc toutes les convenances nécessaires pour un semblable établissement, avec d’autant plus de raison encore que, peu avant la révolution, on y avait construit un tribunal qui avait coûté plus de 100.000 livres. Jamais les administrés n’ont réclamé contre la fixation du chef-lieu de leur administration à Caudebec; et cependant, par une fatalité qu’on ne peut concevoir, un décret rendu, il y a environ sept mois, par la Convention nationale, a provisoirement transféré ce district à Yvetot. Ce dernier endroit n’a pourtant aucuns édifices ni établis-semens propres à le recevoir; d’ailleurs il se suffit à lui-même, et se trouverait absolument sans ressources, s’il était toujours frustré de son district. Comme Yvetot n’a aucuns bâti-mens convenables, comme nous l’avons déjà dit, il faudrait au moins 500.000 livres pour les y construire, et Caudebec qui possède plus qu’il ne faut pour un établissement digne des corps constitués, a en outre d’immenses magasins : situé sur la rive de la Seine où il a un port, il lui est facile d’y faire arriver et d’en faire sortir tous les objets d’utilité publique. D’ailleurs encore, l’administration étant placée à Caudebec, se trouve à portée de surveiller la navigation, aussi bien que la forêt de Bretone qui est un objet de la plus haute importance pour le département de la Seine-Inférieure, où le bois est si rare et si nécessaire par rapport à ses manufactures et à son commerce. Nous n’ignorons pas qu’il existe des individus qui ont cherché à répandre des nuages sur le patriotisme des habitans de Caudebec, mais s’il était question de se justifier de cette calomnie, il ne nous serait pas difficile d’établir que, dans tous les temps, et dès le commencement de la révolution, ils ont fait tous les sacrifices que la chose publique exigeait d’eux, tant en hommes qu’en argent, si bien que sur 350 hommes qui étaient chez eux en état de porter les armes, il en était parti avant la lre réquisition plus de 180, et que, dans une levée qui fut précipitamment (1) P.V., XXXV III, 29. 34