[Assemblé® nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 août 1790.] à ces augustes cérémonies, où nous avons appelé Ja religion, pour fortifier, de plus en plus, les liens que le civisme avait déjà formés entre tous les citoyens de Paris ; qu’on lui dise donc qu’elle ne devait ni reconnaître ni accueillir ce comité de recherches, la terreur des ennemis de la patrie, qui nous doit son existence, qui est notre ouvrage et notre gloire, qui n’est qu’une émanation de notre assemblée, et qui se fait un devoir de nous rendre compte de ses opérations ; dont tous les membres votent et délibèrent, tous les jours, avec nous, comme ils correspondent habituellement avec le comité de recherches de l’Assemblée nationale. On nous accuse ensuite d’avoir excédé nos pouvoirs; ce qui est avouer que nous en avons, et par conséquent que nous existons légalement; nous aurions dû rapporter l’adhésion des sections, et nous ne l’avons pas fait. Nos pouvoirs ne sont point illimités, nous en convenons. Il est des objets sur lesquels, dans l’état provisoire où nous sommes, nous ne pouvons rien, sans l’adhésion de nos commettants: mais il en est d’autres sur lesquels nous pouvons tout, sans eux; autrement nous ne serions plus une assemblée de représentants. S’agit-il de faire contracter un grand engagement à la ville de Paris, de statuer sur une proposition importante sur laquelle les opinions soient divisées, alors nos pouvoirs sont limités : nous nous sommes toujours fait un devoir de le reconnaître ; nous ne citerons ici que nos arrêtés sur le département de Paris, sur l’état civil des juifs, et sur la fédération de la Bretagne et de l’Anjou, que nous avons envoyés aux 60 districts, avant de les présenter à l’Assemblée nationale, Mais, s’agit-il d’un bien évident, d’une chose qui n’engage en rien la commune, et sur laquelle il ne peut y avoir diversité d’opinions, alors nous pouvons, nous devons agir par nous-mêmes. C’est ainsi que nous avons obtenu plusieurs décrets importants, sans aucune réclamation des sections, qui n’avaient pas été consultées. C’est ainsi que le seul bureau de ville a obtenu le réglement provisoire de police. Appliquons ces principes à notre dernière pétition. Elle ne tend point à faire contracter un engagement à la commune de Paris ; elle n’est point susceptible de diversité d’opinions. Est-il un citoyen qui ne désire voir cesser la contrebande ? voir la classe indigente infiniment soulagée ; voir laconsommation doublée, et le trésor national et municipal faire, au moins, la même quotité de recette ? Quand nous avons présenté ce vœu à l’Assemblée nationale, pour le prendre en considération, dans l’organisation prochaine des impositions indirectes, nous avons donc certainement présenté le vœu de toute la commune; nous n’avons donc point excédé nos pouvoirs. Cependant il est bon qu’on sache que notre zèle a été excité par une délibération formelle du district de St-Etienne-du-Mont, imprimée et envoyée à tous les districts, et que cinq d’entre eux y ont adhéré : nous n’avons pas dû prendre le silence des autres pour une réclamation. On nous a encore objecté que le maire n’était pas à la tête de notr*j députation. Nous répondrons que souvent M. Bailly a présidé nos députations ; que souvent elles ont été reçues et accueillies sans lui; que toujours nous avons désiré qu’il en fût le chef ; et, sans nous permettre de plus amples détails, nous ajouterons que l’absence, ou forcée ou volontaire, d’un maire ne peut frapper de nullité et de paralysie l’administration ou l’assemblée générale des représentants d’une commune. Enfin, on nous reproche d’avoir choisi, pour présenter notre pétition, un moment peu favorable, même dangereux. Nous remarquerons, d’abord, que ce reproche suppose que nous avons raison au fond, et que nous n’avons péché que dans la forme. Nous remarquerons ensuite que le reproche est contradictoire en lui-même ; car, sur le fond, c’est que notre demande ne porte point sur la suppression des impositions indirectes ; c’est qu’elle n’a pour but que de faire adopter, pour la nouvelle organisation de la contribution nationale, un mode plus facile à supporter, et au moins aussi productif. Où peut être alors le danger de présenter une pétition soumise et respectueuse, qui renferme de pareilles vues? Yoit-ou dans cette pétition le plus léger rapport avec le refus criminel de payer les impositions actuellement existantes? Notre démarche n’a point été précipitée; deux mois s’éiaient déjà écoulés depuis que le district de Saint-E:ienne-du-Mont avait pris et envoyé sa délibération ; nous ne pouvions la différer, Nous savions que le comité des impositions touchait au terme de son travail ; que bientôt ce travail si désiré allait être présenté, discuté, décrété ; fallait-il attendre que cette opération fût entièrement consommée, pour fixer l’attention de l’Assemblée nationale sur des objets aussi intéressants pour la ville de Paris ? Vous connaissez actuellement, Messieurs, les principes, les vues, le grand objet de notre pétition. Nous vous l’avons présentée avec d’autant plus de confiance, qu’elle ne peut altérer la soumission de la ville de Paris à tous vos décrets, ni son inébranlable résolution de continuer de marcher de sacrifices en sacrifices au terme heureux de la Constitution. Nous savons encore, que si notre patriotisme pouvait nous laisser tomber dans une erreur, la pureté de nos intentions la rendrait excusable, comme votre profonde sagesse la dissiperait bientôt. Nous n’avons donc mérité, sous aucun rapport, l’insupportable qualification de mauvais citoyens , qu’on s’acharne à nous prodiguer depuis trois semaines. Nous, de mauvais citoyens! Ah! Messieurs, c’est de vous-mêmes que nous avons reçu, cent fois, les témoignages honorables de notre civisme. Nous n’avons pas tout à coup changé de sentiments et de conduite; nous n’en changerons jamais. L’Assemblée générale des représentants de la commune de Paris a donc toujours les mêmes droits à votre estime et à votre confiance, Extrait des délibérations de l'assemblée générale des représentants de la commune de Paris. Du jeudi 19 août 1790. L’assemblée, après avoir entendu la lecture de la rédaction de la nouvelle Adresse à V Assemblée nationale, arrêtée dans ses précédentes séances, l'a adoptée à l’unanimité, et arrêté qu’elle serait portée à M. le président de l’Assemblée nationale par trois commissaires qui seront spécialement chargés de le prier d’en faire donner lecture, à l’Assemblée nationale, soit par un de Messieurs les secrétaires, soit par la voie de son comité du rapports. Que la pétition, présentée le 10 de ce mois, ainsi que la délibération du district de Saint-Euenne-du-Mont, et les comptes rendus par les départements du domaine et dgs impositions de la ville de Paris, seraient joints A la nouvelle 168 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 août 1790.] adresse, et que M. le président de l’Assemblée nationale serait, en outre, prié de faire passer au comité des impositions la pétition du 10 août. Et pour l’exécution du présent arrêté, l’Assemblée a nommé M. Labiée, admi dstrateur, et MM. Cousin et Beetolio, tous trois membres de l’assemblée générale des représentants de la commune. Signé : l’abbé Fauchet, président ; Demars, Bonneville, Letellier, Ballin, Desprez, secrétaires. M. Arnouït, député de Dijon. Messieurs, le tribunal provisoire établi à Dijon, composé de deux chambres, est extrêmement surchargé de procès par écrit en matière civile; la première chambre peutseuleen connaître, tandisquelasecondecharn-bre, suivant le décret de son institution, ne peut connaître que des matières criminelles, ce qui est contraire à l’usage où était la chambre de la Tournelle de Dijon de juger les procès par écrit. Afin de ne pas retar der le cours de la justice, j’ai l’honneur de vous soumettre le projet de décret qui suit : « L’Assemblée nationale décrète que la seconde chambre de la cour provisoire établie à Dijon demeure autorisée à juper les procès par écrit en matières civiles sans retardation des jugements des procès criminels, lesquels seront instruits et jugés sans interruption, et préférablement aux procès civils. » (Adopté.) M. Regnau d (de Saint-Jean-d' Angely). Des écrits incendiaires publient en ce moment que la garde nationale s’est déshonorée, en arrêtant des soldats du régiment du roi, par ordre deSa Majesté. Le commandant de la marine de Toulon a été sur le point d’être assassinédans une émeute occasionnée par des libelles; il est temps que les représentants de la nation s’occupent à mettre un frein à ces désordres. Je demande que les comités de Constitution et de jurisprudence présentent incessamment le projet de décret que l’A-semblée leur a demandé sur la liberté de la presse. (L’Assemblée décrète que ce projet de décret sera présenté dimanche prochain à midi.) M. le President annonce la réception de deux lettres de M. de la Tonr-du-Pin, qui lui fcmt part d’une insurrection à Metz et d'une émeute nouvelle à Toulon. — On fait lecture des deux lettres incluses dans celles du ministre, et qui donnent les détails de ces nouveaux troubles. — La première est de M. de Jau�ourt, colonel du régiment de Gondé; en voici l’extrait : — Le régiment de Salm a voulu s’emparer de sa caisse; M. de Bouillé s’y est opposé : comme les grenadiers se préparaient à employer la force, les officiers ont environné M. de Bou lié sur l’escalier pour le défendre; les grenadiers les ont enveloppés pendant que le reste du régiment s’emparait du dehors. Les grenadiers ont chargé leurs armes et ont couché les officiers en joue. Nous avons aperçu cette scène du quartier; j’ai exhorté les soldats qui étaient autour de moi à aller à leur secours. Soixante m’ont paru êîre de bonne volonté. J’ai sauté à cheval, et j’ai obtenu de la municipalité l’ordre de marcher; mais à mon remur j’ai trouvé tous mes soldais absents, les officiers et un dragon étaient seuls disposés à marcher; les brigadiers qui avaient annoncé le même dessein avaient été n enacés d’être j�tés par les fenêtres... Je demande la division de mon régiment; je donne ma démission, l’honneur me défend de rester dans un corps qui ne sait plus obéir... Les 22,000 livres injustement demandées à M. de Bouillé ont été remises par les officiers pour sauver M. de Bouillé. La seconde lettre est de M. de Glandèves; en voici l’extrait: — M. Castelet, neveu deM. le bailli de Suffren, à son arrivée à Tou'on, avait prévenu la n unicipalité du désir qu’il avait de prêter le serment civique en présence du peuple assemblé... Au moment de me mettre à table, j’ai appris que M. Castelet avait été poursuivi, arraché d’une guinguette où il s’était réfugié, et qu’on se disposait à le pendre... Cet officier n’a dû son salut qu’à l’intrépidité de deux officiers du régiment de Barrois qui, sans armes, l’ont sauvé et amené à l’hôpital... Que doit faire un commandant sans force contre des hommes égarés par de fausses idées de liberté, qui se permettent de telles atrocités? M. Duqnesnoy (1). Messieurs, je ne chercherai pas à aggraver l’impression douloureuse que vous éprouvez; mais avant d’ouvrir mon opinion sur tes circonstances présentes, j’appellerai voire attention sur des faits, sur des observations qui me paraissent la mériter tout entière. Tant qu’tl ne s’est agi que de flatter le peuple, de lui parler sans cesse de ses droits, et jamais de ses devoirs, je, n’ai pas brigué levain honneur d’être applaudi par les tribunes et célébré par les journaux. Mais il est un honneur plus solide et plus durable que je ne veux céder à personne, c’est celui de sauver le peuple de lui-même, de le rappeler à l’ordre, qui est son premier besoin. Le peuple est toujours bon, toujours juste, toujours sage quand il n’est pas égaré, mais ceux qui l’agitent par des récits mensongers de complots, auxquels ils ne croient pas; ceux qui, par des écrits atroces , lui conseillent des assassinats ; ceux qni osent défendre les auteurs de ces écrits, qui avilissent les dépositaires de toute autorité: voilà les vrais, les seuls coupables; voilà ceux qu’il faut punir, ceux contre lesquels doiveut se réunir tous les amis de la patrie. Ce n’est pas à Toulon, ce n’est pas à Metz, ce n’est pas à Nancy qu’il y a du désordre; c’est à Paris, c’est à votre porte. Ce matin, on voulait arracher de l’Hôtel des Invalides les soldats du régiment du roi, que le roi, chargé de votre décret, y a fait mettre. Tout le courage, toute la prudence, l’inébranlable patriotisme de la garde nationale suffisent à peine pour prévenir les plus grands malheurs; on travaille, par tous moyens, à indisposer le peuple coatre cette garde qui le protège contre ses propres égarements. Et qui sait où peut s’arrêter une telle impulsion? C’est le même jour, à la même heure que se manifestent, dans tous les points du royaume, des révoltes de même nature. Il y a lieu de croire qu’elles sont dirigées par un même mouvement, qu’elles partent d’un même point. Vous avez des comités de recherches, et ils ne vous donnent, sur les causes de ces mouvements, aucune lumière. Le comité des recherches de la ville de Paris va faire arrêter au loin MmeJumillac et une Mme Thomassin, et de méprisables et ridicules somnambules ; et le commandant gé iéral a dit, dans une proclamation imprimée, qu’il y a eu de l’argent distribué dans Paris. Et le comité des recherches de Paris ne vous dit pas qui a distribué cet argent. J’invite tous les amis de la liberté à bien réfléchir sur notre position, à sentir que l’ordre public (1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse du discours de M. Duquesnoy.