SÉANCE DU 5 FRIMAIRE AN III (25 NOVEMBRE 1794) - N08 31-32 169 d’une quatrième à laquelle ils ne pour-roient satisfaire, malgré tout leur désir d’être utiles à la patrie ; ils attendent de la justice nationale une décharge de toute réquisition jusqu’à la récolte prochaine. Renvoyé au comité de Salut public (83). 31 Les citoyens composant la société populaire de la même commune [Mandres, Seine-et-Oise] paraissent à la barre pour féliciter la Convention sur son Adresse au peuple français, qu’ils regardent comme le dernier coup porté aux anthropophages qui, depuis trop long-temps, se sont abreuvés de sang humain, et qui voudraient encore ramener ce règne d’abomination. Mention honorable, insertion au bulletin (84). [La société populaire de Mandres à la Convention nationale, Mandres, le 30 brumaire an III\ (85) Citoyens représentons, Votre adresse au peuple français porte le coup de la mort aux monstres antropophages qui trop long tems se sont abbreuvés de sang humain et qui voudraient ramener ce rège d’abominations, incomparable par ses atrocités aux règnes des plus féroces tyrans de l’histoire. Les principes qu’elle renferme sont les nôtres ; ils doivent être ceux de tous les hommes de bien. La société populaire de Mandres, s’étant pénétrée de cette vérité, après plusieurs lectures de votre adresse, a unanimement arrêté d’en témoigner sa reconnaissance à la Convention nationale, en l'assurant de son entier dévouement. Soyez courageux, législateurs, soyez toujours le bouclier impénétrable du peuple qui vous a confié ses destinées, et contre lequel viendront se briser les poignards aigus de ses assassins. Continuez à poser d’une manière solide et inébranlable les bases et les principes qui doivent assurer le bonheur de la prospérité. Mais si vous voulez y parvenir, faites sans cesse gronder le tonnerre national sur les têtes coupables de tous les tigres carnassiers, de tous ces hommes tarés et flétris avant la Révolution, qui depuis se sont déguisés sous le masque hipo-crite du patriotisme, pour remplir de deuil le sol de la République, et qui, s’ils n’étoient réprimés par des mesures sévères et vigoureuses, achèveraient de le couvrir de sang, pour ensuite jouir paisiblement des dépouilles de leurs victimes, car tel a toujours été, n’en doutez pas, leur véritable but. (83) P.-V., L, 100. (84) P.-V., L, 101. (85) C 328 (2), pl. 1455, p. 20. Bull., 6 frim. (suppl.) ; Débats, n° 793, 925 ; J. Perlet, n° 793. Quant à nous, citoyens représentans, nous jurons de mourir, s’il le faut, pour le salut de la République et la défense de la liberté. Vive la Convention nationale ! Fait et signé en la salle des séances de la société populaire, ce trente brumaire l’an 3ème de la République française et indivisible. Suivent 70 signatures. 32 Les citoyens de la section de l’Indivisibilité [Paris] sont admis à la barre ; ils félicitent la Convention nationale sur les mesures énergiques qu’elle a prises pour briser le sceptre de fer qui écrasoit les meilleurs citoyens, les amis les plus sincères de la liberté, les plus ardens prosélytes du gouvernement républicain. Ils ne sont plus, disent-ils, ces tigres altérés de sang des Français, ces dominateurs féroces qui pré-tendoient s’élever au-dessus de la représentation nationale, qui vouloient perpétuer le règne de la terreur, parce qu’elle leur assurait les richesses nationales, parce qu’elle leur garantissoit l’impunité. Mention honorable, insertion au bulletin (86). [Les citoyens de la section de l’Indivisibilité à la Convention nationale, le 30 brumaire an un (87) Citoyens représentans, Il est enfin brisé ce sceptre de fer qui écrasoit les meilleurs citoyens, les plus sincères amis de la liberté, les ardens prosélytes du gouvernement républicain. Ils ne sont plus ces tigres altérés du sang des françois, ces dominateurs féroces qui prétendoient s’élever au dessus de la représentation nationale, qui vouloient perpétuer le règne de la terreur parce qu’elle leur assuroit les richesses nationales, parce qu’elle leur garantissoit l’impunité, leur destruction est votre ouvrage. La probité respire, la justice a repris la marche imposante et majestueuse, la nature a recouvré ses droits, le père ne craint plus d’avouer ses enfans, l’ami ose embrasser son ami, le soldat valeureux qui combat pour notre liberté ne tremble plus sur le sort des auteurs de ses jours, c’est là encore votre ouvrage. Bientôt tous les complots déjoués, toutes les factions abattues, tous les tyrans anéantis, tous les dilapidateurs de la fortune publique, tous les sicaires, tous les assassins de la patrie recherchés et punis, la France deviendra l’heureux azile de toutes les vertus et ce sera encore votre ouvrage. (86) P.-V., L, 101. (87) C 328 (2), pl. 1455, 18. Bull., 6 frim. (suppl.). Rép., n° 66 (suppl.) ; F. delà Républ., n° 66 ; J. Fr., n° 791. 170 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Conservez donc, législateurs, cette attitude fière et imposante qu’il vous a suffi de prendre pour faire renaître les beaux jours de la liberté, cette attitude qui doit caractériser les représen-tans d’un peuple souverain. La section de l’Indivisibilité fut et sera toujours une des premières à se rallier autour de la représentation nationale, à ne reconnoître qu’elle pour centre unique de réünion, de force et d’autorité, elle vous en renouvelle le serment, il ne sera jamais violé. Régnault, président, ÜELATERRE, commissaire, SOMANE, cy-devant juge de paix, J ABEL, juge de paix, BOURGUOIN, secrétaire-greffier de la justice de paix, et 159 autres signatures. 33 Les citoyens de la section de la Cité [Paris] sont aussi admis ; ils félicitent pareillement la Convention d’avoir frappé une société qui, long-temps égarée par le dernier tyran Robespierre, dirigée depuis sa chûte par ses lâches courtisans, vouloit rivaliser de pouvoir avec la représentation nationale. Ses séances sont suspendues, disent-ils, et le calme dont nous jouissons est la preuve la plus notoire de la sagesse de vos mesures. Ils se félicitent à leur tour de venir en masse apporter le vœu libre de la section; ils observent que souvent une douzaine de factieux paroissent à la même barre pour applaudir à des lois rendues sous le régime de la terreur. Mention honorable, insertion au bulletin (88). L’ORATEUR : Législateurs, si tant de fois des députations des sections, qui ne vous apportaient que le vœu d’une douzaine de factieux, vinrent vous féliciter des lois rendues à une époque où la terreur pesait sur vos têtes comme sur les nôtres, ils est aujourd’hui du devoir des hommes pour qui la république ne fut jamais un vain nom de vous présenter le tribut de leur reconnaissance pour le proscription de ce système affreux, et nous vous l’offrons. Une Société trop longtemps égarée par le dernier tyran, dirigée depuis sa chute par ses lâches courtisans, voulait rivaliser de pouvoir avec vous; ses séances sont suspendues, et le calme dont nous jouissons est la preuve la plus certaine de la sagesse de vos mesures. [En vain, des tigres altérés de sang ont fait des tentatives pour égarer des habitans du Faubourg Antoine. Ils n’ont trouvé chez ces hommes vraiment révolutionnaires, qu’amour pour la liberté, attachement pour la représentation nationale. Citoyens, le premier supplice des méchans est le bonheur des hommes vertueux ; occupez-vous donc sans cesse des moyens de l’assurer à la por-(88) P. -V., L, 101. tion la plus intéressante et la plus nombreuse du peuple, et bientôt de nos discussions réfléchies nous verrons naître un code civil, dont tous les articles combinés sur les principes de la justice serviront de modèle à la législation des autres peuples.] (89) LE PRÉSIDENT : Les Sociétés populaires n’ont pas été instituées pour rivaliser d’autorité avec la représentation nationale ; la propagation des principes de justice, d’humanité, de vertu, et corriger les mœurs, voila leur tâche: ce devoir consolant pour l’homme de bien ne pourra jamais sympathiser avec ces êtres ambitieux, corrompus, à caractère farouche, qui ne connaissent que le désordre et l’anarchie. Citoyens, sachez distinguer et donner votre confiance à ces hommes modestes, désintéressés et laborieux; défiez-vous des intrigants qui ont sans cesse les mots vertu, liberté, dans la bouche, pour mieux vous tromper et vous entraîner plus sûrement à la tyrannie. La Convention nationale vous invite à assister à sa séance (90). L’orateur de la section de la Cité reprend la parole (91). L’ORATEUR (92): Offrir à des législateurs sensibles le tableau déchirant des souffrances qu’éprouvent dans leur captivité les défenseurs de la patrie, c’est leur donner à remplir une tâche bien douce pour leur cœur, celle de briser leurs chaînes. Déjà les citoyens et les citoyennes que vous voyez à votre barre, se sont présentés pour solliciter un prompt échange de leurs époux, de leurs enfans, de leurs frères, fait prisonniers au Ques-noy. Vous aviez renvoyé leur pétition au comité de Salut public, mais vous connoissez depuis les atrocités commises par les Anglais envers nos prisonniers : les détails vous ont été donnés par un de nos défenseurs échappé de leurs mains, et ce récit douloureux a renouvelé nos craintes. Et qui ne sait pas en effet, que de tous les tyrans couronnés de l’Europe, les despotes de l’Autriche furent toujours les plus inhumains pour les prisonniers. Que ne doivent donc pas souffrir ceux dont nous sollicitons la liberté? relégués dans le fond de la Hongrie, dans les lieux affreux où le paysan malheureux, esclave né d’une caste privilégiée, ne travaillant que pour elle, n’a pour habitation que des souterrains, nos frères n’éprouvent les traitemens les plus durs de la part de ces hommes que leur profonde misère et le malheur de leur condition ont rendus féroces. Des garnisons entières, des bataillons faits prisonniers sur nos ennemis, sont sur notre territoire et y jouissent de toutes les douceurs de la vie. Loin de nous un système de représailles ; loin (89) Débats, n° 793, 922-923 ; F. de la Républ., n° 66 ; J. Fr., n° 791 ;M.U., n° 1353. (90) Moniteur, XXII, 601. Rép., n° 66 (suppl.). (91) Débats, n° 793, 923. (92) Débats, n° 793, 923-924.