[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 août 1790.] 645 ville prouve que les carabiniers allient tout à la fois le devoir de citoyens et ce qu’ils doivent à leur état. Contents des habitants de cette cité, les citoyens le sont également d’eux ; et ils font, en même temps, le bonheur des officiers qui les commandent. « D’après ces observations, on pense que, pour conserver à la nation un corps qui peut, dans l’avenir, lui être utile plus qu’il ne l’a jamais été, il serait de la sagesse et de la bienveillance de l’Assemblée nationale de ramener le corps des carabiniers au principe indiqué ci-dessus, en le faisant entretenir par toutes les troupes à cheval d’un fonds d’hommes de choix par les bonnes mœurs et le physique. Il serait à désirer que le déeret à rendre à cet égard présentât aux troupes à cheval leur incorporation dans les carabiniers, comme une récompense ; elle deviendrait alors un titre d’honneur. Messieurs les officiers généraux et les chefs de corps seraient certainement portés à ne faire qu’un bon choix. On ne pense pas qu’il dût porter absolument sur la taille, mais de préférence sur la valeur et les bonnes mœurs, lorsque l’un et l’autre se rencontreraient. C’est alors seulement que les carabiniers doubleraient leurs avantages. On pe sise qu’un homme de cinq pieds cinq pouces, bien constitué, et surtout taillé en force, est véritablement l’homme qui convient pour le genre de service des carabiniers. On pourra dire que çe corps s’est plus attaché à la taille qu’aux autres considérations ; si c’est un reproche, les autres troupes le partagent avec lui. Il n’est aucun régiment de l’armée qui ne se soit efforcé de recruter de cette manière depuis la paix de 1763; et quoique les carabiniers soient d’une taille plus élevée que le le reste de l’armée, on croit pouvoir avancer, sans être contredit, qu’ils n’en sont pas moins bons et valeureux. « Il a été proposé plus haut de faire recruter les carabiniers par toutes les troupes à cheval, pour deux motifs également puissants. « Le premier et le plus valable, celui d’admettre ses frères d’armes qui auraient l’amour du bien et le désir de servir dans ce corps. « Le second, de ne point surcharger la cava-1 lerie qui pourrait dire qu’on énerve sa composi-| tion; de cette manière, elle ne s’en apercevrait pas; deux hommes annuellement par régiment, sur les soixante, suffirait pour entretenir ce corps par l’effet des engagements; et les troupes achevai (les carabiniers n’engageant plus) retrouveraient, dans les provinces, les belles recrues que lui enlève ce corps. Si on trouvait encore que deux hommes par régiment fussent une charge, on pourrait faire, comme le pratiqua l’empereur pour les carabiniers qu’il forma à son retour de France en 1777 : Jes tirer sur toute l’armée, en prenant annuellement un grenadier dans chaque régiment, ce qui n’aurait pas plus d’inconvénient que ce qui se pratiquait pour les grenadiers à cheval lors de leur existence. Il serait nécessaire seulement, pour l’infanterie, d’indiquer l’âge où le grenadier pourrait être admis dans les carabiniers, un homme trop ancien de service n’étant pas toujours propre à se plier aux principes d’équitation. « A toutes ces considérations, il s’en réunit encore une des plus puissantes : celle de conserver à la nation un corps solide, susceptible de toute espèce de service à la guerre, de former une réserve pour les coups de main et pour les actions d’éclat. Toutes les puissances de l’Europe ont de pareilles réserves. Les carabiniers, dans les batailles, en ont toujours fait partie; et l’infanterie a souvent dû son salut à ce corps, dont elle aime beaucoup à être appuyée. « Dans le cas où l’on s’éloignerait d’adopter cette proposition pour ramener les carabiniers au principe de leur création, on pourrait y parvenir, également, en n’admettant dans ce corps que des hommes qui auraient servi dans l’armée, et qui seraient porteurs d’un congé en bonne forme; alors les individus qui y entreraient ne pourraient être regardés comme recrues, et le corps des carabiniers, en ne recevant que des hommes faits, trouverait un avantage et ne dérogerait point à sa primitive institution. » Il est donné lecture d’une adresse delà ville de Montcenis, qui porte don patriotique de la contribution des ci-devant privilégiés, pour les six derniers mois de 1789. M. Alquîer, secrétaire , donne lecture d’une lettre du pracureur du roi au Châtelet de Paris. L’Assemblée en ordonne l’insertion au procès-verbal, ainsi qu’il suit : « Monsieur le Président, dans la séance de l’Assemblée nationale du lundi 2 de ce mois, j’ai été personnellement inculpé comme ayant négligé de procéder sur la dénonciation qui m’avait été faite par M. le procureur-syndic de la commune, en conformité d’un arrêté du comité des recherches de l’Hôtel de Ville de Paris, de MM. Des-marest de Maiilebois, Bonne-Savardin et Guignard de Saint-Priest. J’attache une trop grande importance à ce que aucun des membres de l’Assemblée nationale ne puisse conserver l’idée quej’aie négligé mon devoir, pour que je n’aie pas l’honneur de vous supplier, Monsieur le Président, de vouloir bien permettre que je prenne la liberté de vous exposer ma conduite. « Sur la dénonciation qui m’avait été faite par M. le procureur-syndic de la commune, il y a plus de quinze jours que j’ai rendu plainte, et cette plainte relate tous les faits qui étaient compris dans l’arrêté du comité des recherches de l’Hôtel de Ville, et est. dirigée contre toutes les personnes qui y étaient dénommées. Il y a dix jours que l’information ordonnée sur cette plainte est commencée; plusieurs témoins ont été entendus. Hier, M. le procureur-syndic de la commune m’a remis, de la part de MM. du comité des recherches, une liste de témoins qui vont être successivement assignés à ma requête, pour déposer. Il m’a en même temps dénoncé hier, en vertu d’un arrêté du comité des recherches, l’évasion de M. Bonne-Savardin des prisons de l’Abbaye, et j’ai rendu plainte ce matin des faits contenus dans cette nouvelle dénonciation. « Tel est, Monsieur le Président, l'état exact de la procédure; j’ose espérer que vous n’y verrez aucune négligence de ma part. Daignez, je vous en conjure, prendre la peine de donner connaissance de cet exposé à l’Assemblée nationale. L’inculpation publique qui m’a été faite dans une de ses dernières séances, et qui m’affecte d’autant plus, qu’elle paraît également dirigée contre tout le tribunal du Châtelet, se trouve déjà consignée dans un grand nombre de feuilles périodiques qui circulent tous les jours dans Paris, et se répandant dans tonte la France; je ne peux pas sans doute me flatter que ma justification acquierre le même degré de publicité ; mais je n’aurai rien à désirer, si l’Assemblée nationale veut bien l’accueillir avec bonté, et ne pas douter du zèle constant d’un tribunal qui, dans tous [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 août 1790.] 61 J les temps, s’est distingué par l’attachement le plus inviolable à ses devoirs. « Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur, « De Flandre, « Procureur du roi au Châtelet. » Paris, ce 4 août 1790. M. Bonche. Je propose de donner à M. de Flandre, procureur du roi au Châtelet, connaissance du décret du 2 août qui restreint ses poursuites à la feuille de M. Marat, intitulée : « C'en est fait de nous, » et déclare que le décret du 31 juillet n’a pas d’effet rétroactif. (L'Assemblée charge M. le Président d’écrire dans ce sens à M. de Flandre.) M. Georges. Les habitants de la partie du département de la Meuse, counue sous le nom de Clermontois, refusent d’acquitter les impositions qui ont été perçues jusqu’à présent au profit du prince de Condé, en vertu d’un acte de donation à lui faite. L’animosité est devenue tellement grande, que le peuple ne veut plus souffrir aucun des agents ou des gardes qui portent la livrée de ce ci-devant prince. Je demande que le comité des domaines soit chargé d’examiner : 1° la validité de la donation, et 2° si un particulier peut légitimement lever des impôts sur une partie de la nation. (L’Assemblée renvoie cette affaire au comité des domaines.) M. le Président. L'ordre du jour est la suite de la discussion sur l'organisation judiciaire. M. Thouret , rapporteur. L’Assemblée, dans sa dernière séance, a adopté l’article premier du titre VIII, intitulé: des Greffiers. Je donne lecture de l’article 2 : « Art. 2. Il y aura un greffier pour chaque tribunal de première instance; chacun de ces greffiers pourra présenter aux juges, et faire admettre au serment, un commis qui le remplacera, en cas d’empêchement légitime. » M. Lanjuinais. Je présente trois amendements à cet article, et je demande : 1° que le greffier demeure garant des faits du commis qu’il nommera; 2° que le commis du greffier soit âgé de 25 ans; 3° que le greffier présente un nombre de commis suffisant. M. Martineau. Les garanties demandées par M. Lanjuinais sont trop naturelles pour qu’il y ait lieu de les exprimer dans la loi ; en effet, j’observe que souvent les praticiens argumentent d’une clause exprimée dans une loi pour prouver que telle autre qui est naturelle, mais qui n’est pas exprimée, ne doit pas être exécutée . (On demande à aller aux voix.) Les amendements de M. Lanjuinais sont adoptés. L’article 2 est ensuite décrété en ces termes : « Art. 2. Il y aura en chaque tribunal un greffier âgé au moins de 25 ans, lequel sera tenu de présenter aux juges et de faire admettre au serment un ou plusieurs commis également âgés au moins de 25 ans, en nombre suffisant, pour le remplacer en cas d’empêchement légitime, desquels il sera responsable. » M. Thouret, rapporteur. Voici les dispositions de l’article 3 : « Art. 3. Les greffiers seront tenus de fournir un cautionnement de 10,000 livres. » M. Lanjuinais. Je propose de décider que le cautionnement sera fourni en immeubles. M. Mougins. Un cautionnement de 10,000 livres est tout à fait insuffisant; je propose de le porter au moins à 12,000 livres. Ges amendements sont adoptés et l’article est décrété ainsi qu’il suit ; « Art. 3. Les greffiers seront tenus de fournir un cautionnement de 12,000 livres en immeubles, qui sera reçu par les juges. » M. Thouret, rapporteur , lit les articles 4 et 5. Ils sont décrétés, sans discussion, en ces termes : « Art. 4. Us seront nommés à vie, et ne pourront être destitués que pour cause de prévarication jugée. « Art. 5. Le secrétaire-greffier, que le juge de paix pourra commettre, prêtera serment devant lui et sera dispensé de tout cautionnement ; il sera de même inamovible. » M. Thouret, rapporteur. Nous arrivons maintenant au titre IX, intitulé : des bureaux de paix et du tribunal de famille. Avant de lire les articles, j’ai à vous présenter quelques courtes observations. Ce titre présente deux institutions très intéressâmes par leur objet. La première est annoncée par le titre même: bureaux de paix; elle tend à calmer les passions de ceux qui s’engagent trop inconsidérément dans les procès. Il existe beaucoup de causes qui provoquent les plaideurs : il faut balancer cette maligne influence par une institution salutaire. C’est une vérité démontrée que tel plaideur qui pourrait aisément se désister de ses prétentions, avant que le premier exploit ait été délivré, continue ensuite, uniquement parce qu’il a commencé : les deux plaideurs ne peuvent plus se rapprocher, dès qu’il y a pour six francs de frais. Il faut que les bureaux de paix soient en même temps bureaux de jurisprudence charitable , afin de procurer aux pauvres, qui auraient de véritables objets de litige, des lumières et des défenseurs gratuits, et defes faire ainsi participer à la protection des lois. La seconde institution estcelle du tribunal de famille: elle est nécessaire pour étouffer sans éclat les contestations de deux époux ou proches parents, qui, sans cela, après avoir scandalisé la société, finissent quelquefois par opérer la ruine d’une famille entière. L’autre objet de cette institution est de parvenir à corriger, par des voies légales, les jeunes gens qui, encore sous l’autorité de leurs pères ou de leurs tuteurs, méconnaissent cette autorité et donnent les plus justes sujets d’alarmes sur l’abus qu’ils peuvent faire de leur liberté. Les six premiers articles sont relatifs aux bureaux de conciliation ; le septième jusqu'au douzième, à la jurisprudence charitable, et les autres présentent l’institution du tribunal de famille. M. Gossin. Je vous demande la permission de vous soumettre une motion sur le titre IX : Je serai très court (1). Messieurs, la série des articles du nouvel ordre judiciaire vous a conduits à une question du plus (1) Cette motion n’a pas été insérée au Moniteur.