[2 août 1790.] [Assemblée nationale.] Responsabilité des ministres. La responsabilité est le dernier objet dont j’ai parlé dans la séance du 25 juillet. J’ai dit qu’on nous endormait par les assurances d’une responsabilité qui n’aurait rien de réel, si on ne l’exerçait pas d’après les faits mêmes dont je venais de rendre compte. 11 faut distinguer ici deux choses : l’action ou la provocation à l'action contre les ministres, pour les faire déclarer responsables; et le jugement qui, intervenant sur cette action, déclarera qu’il y a lieu ou qu’il n’y a pas lieu à la responsabilité. Le jugement est un événement dépendant de la comparaison à faire entre les moyens qui seront proposés par celui qui intentera l’action, et les défenses qui seront données par les ministres : cet événement sera dans la main de ceux qui seront constitués juges. Par rapport à la provocation de l’action à intenter pour faire prononcer la responsabilité, je demeurerais au-dessous de la vérité si je me contentais de dire qu’il appartient à toute personne, persuadée qu’un ministre a donné ou exécuté un ordre contraire à la loi, de provoquer contre lui l’action de la responsabilité; je dois dire que c’est une obligation rigoureuse pour tout citoyen, une obligation infiniment plus stricte pour tout homme que ses concitoyens ont chargé de les représenter, de provoquer contre les ministres l’action de la responsabilité, lorsqu’il est convaincu, après un sérieux examen , que les ministres ont fait une opération contraire à la loi. Sans doute, ce n’est pas légèrement qu’on doit prendre une pareille détermination. S’il y a des risques pour le ministre qui se défend, il en est également pour celui qui l’attaque; car, si son accusation porte à faux, il doit être puni. Mais il faut aussi que le citoyen, et à plus forte raison le représentant de ses concitoyens, sache qu’il a deux écueils à éviter : celui de se laisser tromper par les fausses apparences d’un délit, et celui de ne pas avertir lorsqu'il voit un délit. S’il ne doit pas parler imprudemment, iJ ne doit pas se taire par indifférence ou faiblesse; et il serait coupable d’un grand crime, s’il se taisait par intérêt ou par crainte. La responsabilité des agents publics est la base de la liberté du peuple; la liberté sera en danger dès qu’on hésitera à exercer la responsabilité, toutes les fois qu’on la croira fondée. Pénétré iniimement de ces vérités, je déclare que je suis convaincu qu’il y a lieu d’intenter l’action de la responsabilité contre le ministre quelconque qui a fait passer à M. d’Artois, en pays étranger, après le décret du 5 janvier, sanctionné le 14, des fonds, autres que ceux de son apanage; contre le ministre quelconque qui, après les déclarations faites par l’Assemblée nationale, sur l’emploi des fonds publics, a employé ces fonds à payer les dettes d’un particulier. Je suis persuadé qu’il serait contraire au bien de la nation d’intenter, dans le moment actuel, l’action de responsabilité que je crois fondée, et dont je viens de parler. L’Assemblée nationale n’a pas encore décidé devant qui l’action de la responsabilité devait être portée; par qui elle doit être jugée; ni même par qui elle doit être intentée. Quelque importante que soit l’exécution rte la responsabilité, les questions qui occupent en ce moment l’Assemblée nationale sur l’ordre lr* Série. T. XVII. 497 judiciaire, le militaire et particulièrement sur l’impôt, sont tellement urgentes, que ce serait, à mon avis, un délit grave envers la patrie d’en suspendre lu discussion; mais, en même temps, je crois qu’il est indispensable d’annoncer hautement ce que l’on se dispose à faire un jour, etde le déclarer authentiquement, afin qu'on ne vienne plus dire, comme on l’a fait dans le mémoire du premier août : J’ai tout annoncé, et tout a été approuvé; car nulle objection , nulle critique , nulle observation na été faite de la part de personne. Je déclare donc que, dès que les grandes occupations de l’Assemblée nationale lui auront permis de déterminer, où, par qui et comment la responsabilité des ministres pourra être poursuivie, je provoquerai, autant qu’il sera en moi, l’action de responsabilité pour raison des faits que j’ai dénoncés dans la séance du 25 juillet dernier. Je signe ma déclaration, et je n’oublierai pas mon engagement. A Paris , le 6 août 1790. Signé : Camus. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. D’ANDRÉ. Séance du lundi 2 août 1790, au matin (1). M. le Président ouvre la séance à neuf heures et demie du matin. Quelques membres font remarquer que la salle est presque vide. M. Goupilleau donne lecture d’une pétition des citoyens-réunisde la section de la Croix-Rouge de la ville de Paris, tendant à ce qu’il soit ordonné que ceux qui, lors de la formation de la garde nationale, ne consultant que leur zèle, ont fait la dépense, énorme pour eux, a’un équipement, et se sont livrés sans réserve au service militaire, jouissent des droits de citoyens actifs, pourvu qu’ils soient Français ou naturalisés, âgés de 25 ans, qu’ils ne soient pas en état de domesticité, et qu’on ne puisse leur reprocher aucune faillite. L’Assemblée décrète que cette pétition sera renvoyée au comité de Constitution pourenêtre rendu compte incessamment. M. de Lannoy, député de Lille, demande à s’absenter pendant un mois pour des affaires de famille. M. Pernel, députe d’ Amont, demande un congé sans spécifier de terme. Ces congés sont accordés. M. de Kyspoter, secrétaire , fait lecture d’une lettre de M. l’évêque de Saint-Claude, qui a pour objet de faire tomber les imputations qmon a données à une instruction pastorale qu’il a faite pour son diocèse, de justifier les expressions dont il s’est servi, et de manifester à l’Assemblée le plus grand respect pour ses décrets et le zèle le plus ardent dont il est animé pour la tranquillité publique. (1) Cette séance est incomplète an Moniteur. 32 ARCHIVES�PARLEMENTAIRES. 498 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 aoilt 1790- L’Assemblée décrète que cette lettre sera renvoyée au comité des rapports. M. Chabrond, au nom du comité des rapports , expose que la ville de Loudun s’est partagée eu deux sections pour procéder à la nomination de son maire. Le premier scrutin n’a donné aucun résultat. Avant de passer au second, le peuple, par une acclamation tumulteuse, a proclamé le sieur Lemaître, et les anciens officiers municipaux ont dû dresser procès-verbal de cette opération. L’élection est irrégulière; d’ailleurs, le sieur Lemaître paraît être comptable de la commune et par conséquent inéligible. Le comité propose un projet de décret ainsi conçu : «'L’Assemblée nationale, après avoir ouï le compte que lui a fait rendre son comité des rapports, des procès-verbaux du 11 juillet dernier, relatifs à l’élection du maire de la ville de Lou-dun, et des acclamations tumultueuses par lesquelles le sieur Lemaître a été proclamé maire, sans avoir réuni la majorité absolue, a décrété et décrète : « 1° Que le sieur Lemaître n’a pu être proclamé maire de la ville de Loudun ensuite d’un premier scrutin qui n’a pas donné une majorité absolue, et que défenses sont faites audit sieur Lemaître d’en prendre le titre et d’en faire les fonctions ; « 2° Qu’il sera procédé, dans les formes prescrites par les articles 16, 18 et 19 du décret concernant la constitution des municipalités, à un second scrutin, et successivement, le cas échéant, à un troisième, pour la nomination du maire de ladite ville; « 3° Qu’il est fait défenses à foutes personnes d'apporter empêchement ni trouble à la confection et recensement desdits scrutins, à peine d’être poursuivies comme perturbateurs du repos public. # Il est ordonné, au surplus, que toutes les autres dispositions des décrets concernant lechoix des officiers municipaux seront exécutées suivant leur forme et teneur. » Quelques membres prétendent que cette difficulté doit être renvoyée au département pour être jügée. M. Chabrond répond que les pouvoirs des administrations du département ne s’étendent pas jusque-là et que, dans l’espèce, le renvoi n’est pas possible, puisque celle du département, dans le ressort duquel se trouve la ville de Loudun, n’est pas encore organisée. {Le projet de décret est adopté.) M. "Vernier, membre du comité des finances , fait un rapport sur le mémoire adressé à l'Assemblée par M. Necker, le 25 juillet dernier. Avant de passer à l’examen, dit le rapporteur, du mémoire de M. Necker, je crois devoir présenter au peuple, perpétuellement abusé sur la véritable situation de ses affaires, un aperçu de ce qu’il payait avant que la nation fût assemblée et de ce qu’il payera, d’après le nouvel ordre de choses. Avant la convocation des étais généraux, les imiiositions qui devaient rentrer dans leTrésor royal s’élevaient à 585 millions ; mais dans cette somme n’étaient pas comprises celle nécessaire pour le logement des gens de guerre et autres dépenses de nette nature, ûn n’y comptait pas l'impôt occasionnel de la contrebande. Je les évalue à 6 millions. On n’y comptait pas non plus les frais du recouvrement auquel on emploie plus de 200,000 hommes, qui coûtaient plus que l’armée de ligne entière. Ces impositions sont incalculables ; elles ne pesaient pas moins sur 1«* p*-u-n le, que celles qui rentraient dans leTrésor public. Nonobstant cette énorme charge, il se trouvait chaque année auTrésor public un déficit de plus de 50 mil ions. J’ai cru cette digression nécessaire, parce qu’on affecte de répandre que les ! euples sont plus que jamais accablés sous le faix des impôt'’. Il y aura une diminution de 200 millions, malgré la dette viagère contractée pour le clergé et le payement des honoraires des officiers de justice. Le peuple sera délivré des aides, de la gabelle, de la féodalité et de la servitude. Je passe à l’examen du mémoire du ministre ; il comptait recevoir 4 millions des receveurs généraux : mais il leur a été impossible de faire ce payement, parce que les receveurs particuliers sont en arrière. Les aides et le tabac, en mai et en juin, et dans les trois premiers mois de l’année, ont éprouvé une diminution considérable. Les40 millions pour le remplacement des droits de gabelle, et de ceux sur les cuirs et autres droits, n’étant pas répartis, ne peuvent être perçus. La contribution patriotique n’est point encore rentrée; le payement des anticipations a absorbé des sommés considérables. Le décret, qui acèorde 2 million? pour la mendicité, nécessite u te nouvelle émission de fonds... Il n’y a rien dans la demande du ministre qui puisse alarmer, puisqu’il ne s’agit quede suppléer, pardesavances, à un payement qui sera bientôt effectué. Je crois devoir rendre hautement justice aux vertus du mipistre; c’est un fort qu’on attaque de tout côté, et qui est imprenable. Le seul reproche qu’oq puisse lui faire, c’est d’avoir voulu substituer des impôts à d’autres impôts; c’est d’avoir présenté des idées conformes à une longue expérience, qui ne permet guère de s’élever à la hauteur des conceptions nouvelles. On sait que M-Colmar s’est engagé à prouver un déficit de 600 millions dans les comptes du ministre. Le comité, conformément à vos décrets, a nommé des commissaires pour examiner cotte dénonciation, et en instruire M. Colmar par une lettre. lia répondu qu’il ne yopiait avoir affaire qu’à une commission externe, quoique le comité ait consenti à examiner cette affaire en sa présence et en celle de telle autre personne qu’il lui plairait d’amener. ' ' Divers membres demandent l’impression dp rapport de M. Vernier. M. de Dîeuzîe. Comme il est possible qu’il y ait plus de 550 millipns d’impôts à asseoir, puisque M. Vernier ne comprend pas, dans cette somme, 20 millions nécessaires pour les corvées; comme le peuple pourrait croire également que les aides sont supprimées, quoiqu’il n’y ait rien de statué à cet égard et que notre collègue préjuge l’extinction totale d’une contribution dont l’Assemblée conservera peut-être quelque partie ; je demande, si le rapport est imprimé, que le rapporteur se borne à dire que l’impôt sera .diminué de 150 millions, M. Vernier. Ces observations sont fort justes et j’en tiendrai compte. M. Gaulljer de BianjtfJt. Je remarque, rela-tiyèjnênj auf anticipations, que, d les paye-r eppneés, ij d’eo esjlte pîp que pour