[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er septembre 1790.] témoins, ils applaudissent : je me retire. Nous étions chezM. de Noue avec les officier-!, on nous apprend que M. de Malseigne est retenu au quartier des Suisses; je dis qu’il nVst qu’un moyen à prendre, c’est de faire marcher le régiment du roi : on dit que cela n’est pas possible ; moi seul je connaissais bien le régiment du roi et j’assure que cela est possible. On envoie un domestique au quartier, nous apprenons que M. de Malseigne avait voulu soi tir : il venait de faire un commandement; il avait l’épée à la main, un grenadier lui dit : « On ne sort pas. — Mais je suis votre général, je suis l’inspecteur. — Ou ne sort pas. _ Qui a donné la consigne? — Les soldats. » Alors le grenadier met la baïonnette sur la poitrine deM. de Malseigne, qui fait trois pas en arrière; il détourne la baïonnette et porte un coup d’épée au grenadier; cet homme n’a été blessé que légèrement ; je lui ai parlé le lendemain. Un autre soldat porte un coup de sabre à M. de Malseigne, qui pare et blesse cet homme. Son épée se casse sur le chien d’un fusil ; il prend celle du prévôt de la maréchaussée. Nous étions accourus : M. de Malseigne se fait jour à travers les soldats il se retire comme un officier doit se retirer, tranquillement et sans marcher trop vite. Les soldats se pressent ; une ordonnance suisse suit le général en ordre et sans l’abandonner. Je rentre avec lui à la maison deM. de Noue, que les Suisses environnent. Je cours au quartier du régiment du roi : « Grenadiers, à moi, aux armes : j’ai eu l’honneur de vous commander hier, aujourd’hui j’obéirai avec vous ..... un fusil, une giberne. » On me les donne, et je me mets à mon rang de taille. (U Assemblée interrompt par de nombreux applaudissements .) Nous parions : M. de Gouvernet m’aperçoit; il me fait un signe d’approbation; il suit mon exemple ; et il montre qu’on n’a pas besoin de taille, et qu’on a son rang parmi les grenadiers quand on a du courage. Nous marchons contre les Suisses ; nous apprenons que les officiers du régiment du roi, en défendant rentrée de la maison de M. de Noue, ont été forcés. Nous envoyons à cette maison : notre député nous assure que tout est arrangé. M. Laujamais dit : « Soldats, tout est arrangé : demi-toür à droite. » Nous faisons un demi-tour à droite, et tout est fini : il fallait obéir. Le soir, des cavaliers de rnestre de camp courent la ville avec des soldats suisses. M. de Noue se rend à la maison commune pour se mettre sous la sauvegarde de la municipalité. Il revient chez lui ; et, comme il craint les mauvais sujets, il m’engage à rester avec lui : je reste. Les Suisses disaient ; « Nous ne sommes pas Français : nous sommes Suisses; il nous faut de l’argent. » Je me suis servi de ces expressions auprès des autres soldats de la garnison, en leur rappelant qu’ils sont Français. M. de Malseigne crut devoir partir le lendemain à midi. Il ne m’a pas dit : Je vais partir; je lui aurais représenté que son départ alarmerait la garnison. It est parti, il a cru le devoir. Cependant sa maison n’a pas été attaquée; je le sais, j’ai passé les nuits, car on ne dort pas dans ces occasions-là. U part, on court après lui à crève cheval ; on l’atteint sur la route. Une compagnie de carabiniers de Lunéville arrivait ; il se met à leur tête; il charge les soldats qui le poursuivaient, et parmi lesquels .neuf sont, difion, blessés. Les autresrevienuent, ils orienté latrahison. On tombe sur les officiers ; cinq sont blessés ; leurs blessures ne doivent pas donner d’inquiétudes. Vingt autres sont arrêtés; ou les met dans la chambre de discipline sur de la paille. On arrête M. de Noue, on 471 le déshabille, ou le revêt d’une redingote de police et on le met au cachot. Je cours à la caserne du régiment du roi; je parle aux soldats, les cœurs sont bons, mais ils étaient trompés. On dit que je suis un traître-, qu’il faut m’arrêter... « Non, leur dis-je, on ne m’arrêtera pas; je ne veux pas que U régiment du roise déshonore ; je veux rester avec vous, j’y serai bien. » On me donne deux soldats pour me garder. Je leur persuade que je ne suis pas arrêté. (L'Assemblée applaudit.) Mon épée m’est toujours restée. Ou m’a gardé pendant 30 heures. On continue à crier à la trahison. On dit que les Anglais, que les Autrichiens, que les ennemis sont snr la frontière, qui est dégarnie ; que M. de Malseigne lésa rejoints; qu’il vient avec les carabiniers. On part; il faisait nuit ; on voit des arbres sur lesquels on tire, parce qu’on les prend pour des carabiniers. Les traîneurs viennent annoncer que la garnison a été battue. Les soldats qui me gardaient disent qu’il faut marcher, On me donne un fusil et une giberne, et nous partons. Je suis arrêté à la porte de la ville; je me rends à la maison commune, et on me met sous la sauvegarde du département. Les troupes de la garnison arrivées à Lunéville trouvent les carabiniers sous les armes : on capitule; il est arrêté que M. de Malseigne reviendra avec douze carabiniers ; ensuite, par un malheureux quiproquo, on a tiré sur des députés de la garnison. Cet événement a été la cause des accidents que je vais raconter. Le régiment du roi, de retour, était désolé; je cherche à le tranquilliser sur tout ce qui s’est passé ; je demanda aux soldats s’il faut que je parte, s’ils ont besoin que je les serve à Paris : mais je sollicite la liberté des vingt officiers. La crainte de la trahison ne subsistait plus. Cette liberté est accordée, ainsi que celle de M. de Noue. Le dimanche je prends mon passeport à la municipalité. Le lundi je suis retenu jusqu’à une heure, parce que je ne puis trouver ma voiture. Les carabiniers arrivent alors : le régiment du roi veut les charger, mais on porte des paroles de paix ; les carabiniers annoncent qu’on va emmener M. de Malseigne. Je pars, je vais à Toul prévenir M. de Bouillé de ce qui se passe. Ce général envoie en avant, on lui rapporte qu’on a vu M. de Malseigne entrer à Nancy, dans sa voiture, en robe de chambre et en bonnet de nuit, ayant à côté de lui un grenadier du régiment du roi et un carabinier, et qu’on a eu de la peine à le sauver des mains du peuple. J’ajouterai que M. de Bouillé a changé ses dispositions et qu’il va se rendre entre Pont-à-Mousson et Toul. En Officier général, il ne compromettra pas ses forces, et en citoyen, il fera fidèlement exécuter vos décrets. (U Assemblée et les spectateurs applaudissent à plusieurs reprises.) M. le Président. L’Assemblée nationale à qui votre patriotisme et votre loyauté sont connus, satisfaite des détails dans lesquels vous venez d’entrer, vous accorde les honneurs de sa séance. M. le Président. Le comité militaire et le membre qui lui a été adjoint pour la proclamation à faire à la garnison de Nancy demandent à être entendus. M. Barnave. Voici la proclamation que l’Assemblée a ajournée hier; elle vient d’être définitivement rédigée d’après les principes que l’Assemblée a manifestés. 472 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |l,r septembre 1790 ] PROCLAMATION. « L’Assemblée nationale s’étant occupée avec affection du sort des soldats : l’assurance des droits de citoyen, l’affranchissement des jugements arbitraires, l’augmentation de la paye, avaient été décrétés ; il restait à leur ouvrir la carrière des grades et des honneurs militaires, et l’Assemblée, qui en avait fait la promesse, était prête à l’effectuer. Avec quelle surprise n’a-t-elle pas dû. entendre le récit des événements qui se sout passés dans la garnison de Nancy 1 Si les régiments de cette garnison avaient des réclamations à représenter, les voies régulières leur étaient ouvertes, et la confiance en l’Assemblée nationale était pour eux un devoir d’autant plus sacré, qu’ils n’avaient cessé d’en éprouver la justice et la bienveillance. « Gomment des guerriers peuvent-ils oublier que si la valeur donne des titres à la gloire, l’obéissance aux lois est le premier de tous ; qu’elle est le véritable signe du patriotisme, le seul auquel on puisse reconnaître le soldat citoyen ? « L’Assemblée nationale, à la première nouvelle des désordres, a voulu les atttribuer à l’erreur; elle n’a pas pu croire que des soldats français fussent capables de manquer aux engagements les plus saints, et d’avilir par un sordide intérêt la profession des armes, si les ennemis de la patrie n’étaient parvenus à les abuser par de perfides suggestions. « Toujours lente à condamner ceux que la nation a comptés parmi ses défenseurs, elle a voulu que toutes leurs plaintes fussent entendues ; que toutes les demandes des soldats fussent examinées ; que la vérité fût mise dans son plus grand jour; elle a voulu remonter aux premières causes des troubles, en connaître les auteurs, et les faire punir sans distinction de personnes, de rang, de grade et de dignité : tels sont les principes qui l’ont dirigée ; tel était l’objet des décrets qu’elle a rendus le six et sept du mois d’août; telle est son invariable volonté. « Pourquoi faut-il qu’au moment où le calme semblait rétabli, de nouveaux désordres lui soient dénoncés, et que, par une fatale erreur, ces mêmes soldats, qui avaient juré de répandre leur sang pour la Constitution, deviennent aujourd’hui l’inquiétude des bons citoyens, et l’espoir des ennemis de la nation ! « L’Assemblée nationaleveut croire encore que les alarmes sont exagérées ; mais elle l’annonce formellement, aucun examen, aucune justice, aucune grâce n’est possible avant que l’ordre soit rétabli. « Le premier acte des régiments doit donc être de rentrer dans l’ordre. Soldats , obéissez à la loi; l'Assemblée nationale le veut; elle l'ordonne. « Ceux à qui leurs devoirs sont chers, et qui n’ont pas oublié leur serment, ne balanceront pas ; dès lors, aucune peine arbitraire n’est à redouter pour eux : et jusqu’au moment où la justice la plus impartiale pourra prononcer, ils resteront en sûreté sous la sauvegarde de la nation. « Mais si, rebelles à la voix de l’honneur et de la patrie, il en était qui pussent résister encore à ces paternelles invitations, le salut public exige, et l’Assemblée nationale veut que toutes les forces protectrices des lois soient déployées pour les réduire. « En conséquence, pour assurer la justice à tous, pour faire arriver jusqu’à elle la vérité, pour rétablir enfin la discipline dans la garnison de Nancy, l’Assemblée nationale a décrété que des commissaires, nommés par le roi, seraient chargés d’y porter ses paroles, et que toutes les forces publiques commandées par le général à qui le roi a confié l’exécution du décret du 16 août, seraient uniquement soumises à leur réquisition. « L’Assemblée nationale donne sa confiance à ces commissaires: elle veut qu’obéissance etres-pect leur soient portés ; elle entend que toutes les mesures qu’ils adopteront pour le maintien de l’ordre et de la tranquillité soient fidèlement observées. Elle ordonne aux troupes de la garnison de Nancy de s’y conformer immédiatement. « Elle ordonne également à toutes les troupes de ligne et gardes nationales d’agir à leur réquisition, sous le commandement du général nommé par le roi ; enfin, elle déclare qu’elle reconnaîtra le patriotisme et la fidélité de tous, au zèle qu’ils témoigneront, en secondant ses vues pour le prompt et entier rétablissement de la paix et de l'ordre public. » M. de llontlosier. Cette proclamation n’est pas de nature à faire rentrer les troupes dans le devoir, ni à les ramener à la discipline. J’en propose le rejet. M. Malouet. Je demande que la proclamation contienne une approbation formelle de la conduite du général de JBouillé-M. l’abbé Gouttes. Nous perdons un temps précieux à discuter et les événements se précipitent. La proclamation est peut-être imparfaite, malgré le talent de son auteur, mais comme il faut aboutir, je demande que la discussion soit fermée et qu’on aille aux voix. (La proclamation est adoptée sans changement.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les traitements des administrateurs et des officiers de justice. M. Thouret, rapporteur. Dans votre séance d’hier, vous avez adopté la partie de l’article 3 qui concerne le traitement des membres des directoires de district. Il vous reste maintenant à statuer sur la partie relative aux procureurs-syndics et aux secrétaires. Yoici le complément de l’article : Suite de l’article troisième. « Le traitement sera dans les villes au-dessous de 20,000 âmes, savoir : « Pour les procureurs-syndics. . . 1,600 liv. « Pour les secrétaires ....... 1,200 Dans les villes, depuis 20,000 âmes, jusqu’à 60,000 savoir : « Pour les procureurs-syndics . . 2,000 liv. « Pour les secrétaires ...... 1,500 « Dans les villes au-dessus de 60,000 âmes, savoir : « Pour les procureurs-syndics . . . 2,400 liv. « Pour les secrétaires ....... 1,800 Après quelques courtes observations, les propositions du comité sont adoptées. En conséquence, l’article 3 reste tel qu’il a été rapporté dans la séance du 31 août.