[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 avril 1791.] 723 vous annoncer qu’il a été accueilli par les acclamations d'un peuple immense. « Cette nouvelle soi a agréable aux pères de la pa’rie et les convaincra de notre civisme, du respect que nous inspire la constitution civile du clergé, clnff-d’œuvre de sagesse qui, en régénérant la religion, ramènera la pureté des mœurs, et avec elle l’ordre et la paix au sein des familles. « L’assemblée électorale sent tout le prix de la liberté que vous lui avez rendue : elle fait hom-maae à vos travaux de sa reconnaissance : elle redoublera - e zèle, de vigilance et de prudence contre les ennemis de la nation. Elle jure à vos décrets une fidélité inviolable. » ( Applaudissements réitérés.) M. Boissy-d’Angïas, secrétaire, donne lec-tu e d’une lettre de M. Duportail, ministre de la guerre, relative à la révolte des soldats du 67e régiment, ci-devant Languedoc , en garnison à Fi-geac. Cotte lettre est ainsi conçue : « Paris, le 12 avril 1791. « Monsieur le Président, « C’est avec une douleur profonde que je me vois obligé d’infoimer l’Assemblée nationale du renouvellement des scèn s que nous croyio-s ne plus avoir à redouter. Les soldats du régiment ci-devant Languedoc, en garnison à Figeao, après avoir établi certain s réclamations, viennent de s’emparer de l’argent contenu dans la caisse, et ont forcé le conseil d’administration d’envoyer à Montauban convertir en argent pour 10,200 livres de billets : le tout monte à 25,000 livres. * Les détails de cette affaire sont exposés dans les lettres de .\1. de Mari é, maréchal de camp, dont je joins ici des copies. L’Assemblée verra au moins avec plaisir que les officiers et sous-officiers ont fait les plus grands efforts pour rappeler les soldats aux sentiments de l’honneur. M-«is ils ont élé inutiles : l’avarice, ce vice si dangereux dans les troupes et si opposé à l’esprit militaire, l’aemp >rté sur leurs exhortations ; et le délit a été consommé. « Le roi m’a ordonné, Monsieur le Président, de communiquer tomes ces pièces à l’Assemblée, d’abord parco que l’importance extrême de l’affaire lui a paru ie mériter, et de plus parce que le pouvoir exéc ffif ne trouve pas de principes sur lesquels il puis e se diriger dans cette occasion. Les régiments qui précédera nent se sont rendus coupables d’un pareil crime, n’ont pas subi de punition qui puisse servir d’exemple. Il ne pa ait pas que les anciennes ordonnances aient urévu le cas présent, ni qu’elles aient rien statué à cet égard. Le nouveau Go ie pénal n’existe pas encore ; le gouvernement ne peut donc agir légalement, et U faut de toute nécessité que le Corps législatif prononce auparavant. « Je suis, etc. « Signé : DUPORTAIL. » (L’Assemblée renvoie cette lettre et les pièces annexées aux comités militaire et des rapports, pour en rendre compte incessamment.) M. de Sillery, au nom du comité de la marine , fait lecture d’un développement du projet de décret de ce comité sur l’organisation de la marine fran~ çaise (l) et dit (2) : Messieurs, je m’attends que le projet d’organisation qui vous est présenté par votre comité de la marine sera vivement combattu; il contrarie d’anciens préjugés, des prétentions que l’on n’a point e core abjurées de bonne foi et, à ces différents titres, il devait déplaire à beau-tou p de personnes. Un point essentiel à juger, le seul digne de votre attention, c’est d'examiner si, dans le plan qui vous est proposé, vos décrets constitutionnels ont été respectés et si le bien du service n’est pas compromis. Il était de notre devoir d’éviter ces écueils, et j'espère que la discussion de notre plan justifiera notre travail et vous fera juger qu ■ nous avons rempli l’objet que nous nous étions proposé. Des d scussions approfondies et contradictoires sur chacun des articles ont occupé votre comité pendant jurés de deux mois ; chacun de nous a opiné pour ie parti qu’il a cru le plus favorable au bien public; mais il est possible qu • nous ayons aperçu ce bien public sous nés points de vue différents. L’on vous dira que, si l’Assemblée nationale adopte le plan jui lui est proposé par son comité, la marin - militaire est désoigamsée, que cette alliance de la murine commerçante est impossible, que la marine cessera d’être instruite et que les marins qui y seront admis, y apporteront le génie commercial, au lieu d’y apporter des connaissances dans l’art de la guerre. Le service de la mer est connu de fort peu de personnes et plusieurs excellents patriotes peuvent être séduits par quelques opinions qui, avec l’apparence de plusieurs avantages pour la marine commerçante, la replongeraient par le fait dans cet état inférieur dont j’ai cru qu’elle devait être affranchie. Sa s doute, Messieurs, vous serez étonnés de vot ce projet contrarié par les membres de cette Assemblée les plus opposés aux opinions reçues et peut être par ceux dont les principes ont été regardés corn ue les plus purs, sans mettre en avantleurs prétentions; les uns 1rs laisseront cependant entrevoir dans le résultat ne leurs discussions, et les autres, entraînés parun sentiment que drs législateurs ne doivent point ecouter, chercheront à vous persuader que le bien public ne peut s’opérer qu’en faisant une réfurm.; générale dans les anciens usages. Que d’obstacles le comité de la marine n’a-t-il pas eu à vaincre le corps de la marine, la marine commerçante, les ingénieurs constructeurs, l'administration de la marine I tous ces corps ayant des intérêts différents, chacun d’eux a fait un plan qu’il préfère; et, en ies examinant séparément, on reconnaît aisément celui des corps qui ies a inventés. Que devions-nous faire dans une telle circonstance? Ecarter loin de nous les intérêts des individus, respecter l’égalité politique, qui est la base de notre liberté et n’avoir pour perspective que le bien de l’Etat. Une grande vérité, sur laquelle on n’a point encore assez réfléchi, c’est que, tous les citoyens étant égaux dans un Empire, qu’importe le poste qu’occupe dans la société tel ou tel individu, s’il est utile. Les uns éclairent leurs compatriotes par leurs connaissances et leurs écrits, les autres les défi) Voyez Archives parlementaires, tome XXII, pages 193 et 2U0, séance du 13 janvier 1791. (2) Le Moniteur ne donne qu’un extrait de ce document. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 avril 1791.] 724 fendent par le> armes, ceux-ci les enrichissent par leur industrie; le laboureur sillonne la terre et la nnd productive, et le marin, qui traverse les mors, fait fleurir le commerce; tous ensemble, ils forment la masse imposante d’une nation libre et que rien ne peut plus avilir. Nous avons cru, d'après ces principes, devoir écarter loin de nous ces distinctions de marrne militaire et demarinecommerçante; l’organisation de la marine française est le travail que nous soumettons à votre discussion; nous n’avons pas cru que quelques intérêts particuliers pussent arrêter notre marche. Nous ne nous sommes occupés que du salut de l’Empire. Vous allez être nos juges. Dans une question aussi importante que celle qui est maintenant soumise à votre délibération, il est néces air e de vous rendre compte des plus petits détails; si nous nous sommes égarés dans nos principes, votre sagesse s’opposera aux erreurs que nous aurions pu commettre, et l’organisation d’une force publique aussi intéressante ne peut être décrétée sans que la nation n’en ait examiné tous les articles. En parcourant rapidement tous les grades, vous serez à poitée déjuger que, étaut impérieusement obligés de suivre l’esprit de vos décrets et d’organiser le corps militaire, nous avons rempli ce double devoir, sans nous écarter des principes. Je ne vous rappellerai point, Messieurs, tous les abus qui existaient dans l’ancienne organisation du corps de la marine. Vos immortels décrets les ont abolis, et c’est sur l’égalité politique que vous avez prescrite, qu’est fondé le plan que votre comité vous propose. An moment actuel il existe deux collèges, l’un à Vannes, l’autre à Aleth, où les jeunes citoyens qui se destin nt au service de la marine sont élevés. L’on a établi un concours où tous les citoyens sont admis; les examinateurs prononcent sur la capacité des sujets, et ils sont reçus dans le corps des aspirants de la marine en soriant de ces collèges. Dès ce moment leur admission dans le corps est certaine, ils parviennent successivement dans h s difféi entes classes d’aspirants et deviennent officiers lorsqu’ils ont la quanti! é de mois de mer prescrits par l’ordonnance, et qu’ils ont subi les examens exigés. Votre comité a rejeté ce mode d’admission, qui n’était favorable qu’à quelques individus et qui privait des talents de cetie nombreuse jeunesse, qui se destine au métier pénible de la mer. Nous avons pensé que nous ne devions vous proposer d’admettre dans un service aussi intéressant que des officiers dont les talents seraient reconnus et que la faveur ne devait plus piésider aux choix des sujets. Nous avons pensé que le concours qui a lieu maintenant était insuffisant pour constater les connaissances du jeune aspirant, que l’on ne pouvait le comparer qu’à un prix de mémoire, et que souvent un jeune homme de 15 ans pouvait répondre aux questions de l’examinateur, et n’être qu’un sujet médiocre au service. Nous avons été persuadés que l’Etat ne devait plus courir ces hasards, et que les premiers grades de la marine devaient dorénavant être les écoles où se fermeront les marins expérimentés, dignes d’être choisis pour être les défenseurs de la patrie. Vous avez établi, Messieurs, une conscription militaire pour le service de la mer; et d’après cette loi, depuis le mousse jusqu’à l’amiral, la chaîne ne peut être interrompue ; tous les marins, | sans distinction, forment la masse imposante de la marine française, séparée en plusieurs sections ; l’une est employée au commerce, l’autre à l’hc-norable fonction de le protéger et de le défendre. Qui plus que le commerce est intéressé à la parfaite organisation de la marine? C’est par les lois que nous vous proposons d’adopter, qu’il aura la certitude que ses vaisseaux seront bien commandés et bien défendus. La conduite d’un vaisseau de guerre, ou celle d’un vaisseau de commerce, exige les mêmes connaissances théoriques, et quoique j’aie entendu combattre cette opinion, j’ai cru pouvoir être dispensé d’y répondre; c’est d’après ces idées qui ont été réfléchies par votre comité, qu’il a cru ne devoir faire aucune distinction sur le mode d’admission dans le service de la marine. La composition du corps militaire et permanent ne peut plus maintenant courir le hasard d’admettre des sujets peu propres à ce service pénible. L’admission dans ce corps était autrefois le prix de la faveur; elle se; a celui du mérite et des talents. Nous avons donc cru devoir vous proposer d’établir, dans tous les ports, des écoles gratuites d’hydrographie. Tous les citoyens qui se destineront au service de la mer y seront instruits des connaissances théoriques que l’on est dans l’obligation d’exiger de ceux qui veulent embrasser cet état. Ces établissements, dans tous les ports, donneront aux marins la facilité de donner à leurs enfants une éducation, qu’ils seraient dans l'impossibilité de leur procurer, si ces écoles étaient établies dans les seuls grands ports, ainsi que j’en ai entendu faire la proposition; 2 fois par an à des époques fixes, on fera un examen public; les citoyens de toutes les parties du royaume y seront reçus, et ceux qui auront les connaissances exigées seront admis dans la marine française, comme aspirants de la troisième clause. Leur carrière est commencée : l’égalité a présidé à cette première admission : la nation a les regards fixés sur eux, et désormais leurs talents décideront de leur avancement et de l’emploi qu’ils rempliront. Votre comité vous propose de faire embarquer les aspirants de la troisième cla-ee comme novices, et de leur faire faire sur les vaisseaux les fonctions de gabier et de timonier. Les jeunes citoyens qui préféreront une vie active et laborieuse à un état plus tranquille, et qui se destineront dès leur enfance à la navigation, sans vouloir étudier les sciences nécessaires pour la conduite des vaisseaux, en se dévouant entièrement à la pratique , sans y joindre la théorie à l’âge de 16 ans, seront novices dans les vaisseaux, et l’égalité devant être la base de nos lois, nos jeunes aspirants devraient, ainsi qu’eux, commencer leur carrière militaire dans le même grade. Votre comité a cru devoir exiger 18 mois de navigation pour faire passer les aspirants de la troisième classe dans la seconde. A cetie époque nous vous proposons de les faire passer par tous les grades d’officiers mariniers, celui de maître excepté; ce genre d’éducation leur apprendra tous les détails si nécessaires à savoir, pour être en état de juger un jour si leurs subordonnés s’acquittent exactement de leurs devoirs. Nous vous proposons de ne les recevoir aspirants de la première classe qu’après deux ans et demi de navigation et avoir subi d’une ma- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 avril 1791. | 725 nière satisfaisante un examen sur la théorie et la pratique. Un aspirant, parvenu à la première classe par les connaissances qu’il aura acquises, pourra être embarqué dans les vaisseaux de commerce comme officie: ; mais votre comité vous propose de fixer son rang dans les vaisseaux de l’Etat, après les maîtres d’équipage et les maîtres canonniers; l’aspirant n’est encore qu’un objet d’espérance po r la nation et le maître d’équipage l’a déjà réalisée. Dans le premier i lan qui vous avait été proposé par votre comité, on ne fixait point le nombre des aspirants de la troisième classe; mais le nombre de la premiè e classe était fixé, et c’est sur cette fixation que mes premièresobservations ont été faites. Celte opinion conserve encore des partisans, et je dois vous en détailler les inconvénients. On a perdu tout espoir de voir renaître ces formes d’admission; mais il existe encore bien des personnes qui conservaient l’espérance d’éluder la loi par les formes; par exemple, il est évident que, si l’on fixait la première classe des aspirants, ce serait l’établissement d’une compa-pagnie des gardes de la marine, sous une dénomination différente; qu’à ce grade commencerait la hiérarchie des gardes du corps militaire, et que ce mode adopté, on ne pourrait se dispenser, en fixant les rangs des officiers de la marine commerçante, lorsqu’ils seraient appelés sur les vaisseaux de. l'Etat, de distinguer deux corps de marine, projet que j’ai sans cesse combattu comme inconrtit itionnel, et qui vous se a présenté sous toutes les formes possibles, mais que sans doute vous aurez la prudence de ne point adopter. Souvent l’un m’a fait l’objection que, tous les citoyens étant admis au concours , les droits de tous étaient respectés ; je conviens du principe; mais vous allez juge:' vous-mêmes combien cette égalité, dont je n’enb. nds j amais réclamer les droits que lorsque l’on peut l’annuler, est illusoire. En fixant le nombre de la première classe des aspirants, il est évident que l’on a le projet d’établir les écoles dans les ports de guerre de l’Etat, ainsi qu’elles le sont maintenant. Les troisième et deux ème classes d’aspirants n’étant ni limitées ni entretenues, il est certain que très peu de citoyens seraient en état de fournir aux frais de l'éducation de leu: s enfants, éloignés de plus de cent h uns de leurs demeures. Les enfants des gens riches auraient tout l’avantage, et avec l'apparence de la justic ' par la forme, vous éloigneriez par le fait du service cette classe respectable de citoyens si longtemps et si injustement repoussée. Je dois égalera nt vous dire, Messieurs, que l’on peut m’objecte." que, lorsque je vous ai proposé un décret sur le mode d’admission, je fixais le nombre des aspirants. Je ne in’en défends pas; mais toutes les classes d’aspirants étaient en re-tenues, mais le grade d’aspirant était Je premier grade d’admission; les concours se faisaient dans tous les ports et toutes les écoles étaient dans le lieu du domicile des marins. Ils étaient en état d’entretenir leurs enfants pendant leur temps d’instruction, et, ayant respecté cette égalité dont je connais toute i’etendue, j’avais remplis vis-à-vis des citoyens tout ce que je leur devais. Mon projet et celui-ci sont également constitutionnels; mais ce dernier réunit l’avantage que l’Etat ne court aucun hasard dans les sujets qu’il adoptera à son service et qu’il peut être trompé en fondant ses espérances sur les dispositions qu’un jeune homme de 15 ans aura montrées. Certes, Messieurs, on ne vous reprochera jamais de manifester une opinion dangereuse, et c’est aux bons citoyens à donner l’exemple de la modération et de leur dévouement à la chose publique, en sacrifiant le petit avantage défaire prévaloir leur opinion peur se rallier à l’avis qu’ils croiront réunir le plus d’avantages. Les aspirants ne seront point à la" charge de l’Etat ; ils ont tous la faculté de se livrer à celui des deux services qu’ils voudront suivre ; chacun, dans leurs ports respectifs naviguera dans les vaisseaux de commerce, et ils seront appelés à leur tour dans les vaisseaux de l’Etat. Lorsqu’on fera un armement, on commandera le nombre d’aspirants de toutes les classes nécessaires pour i liaque vaisseau, et chacun, suivant la classe où il sera, remplira les fonctions qui y seront fixées. Nous avons jusqu’à présent, Messieurs, suivi nos jeun s aspirants dans les différentes classes ; votre comité a pensé que, lorsqu’ils seraient parvenus dans la première, et qu’ils auraient 4 ans de navigation, dans une au moins sur les vaisseaux de l’Etat, en qualité d’aspirants, après avoir satisfait à l’examen qui sera prescrit, ils seraient élevés au grade de vaisseau. Quoique votre comité vous propose d’établir des enseignes entretenus, il ne regarde cependant pas ce grade comme celui qui fixera pour toujours un marin au service militaire, et c’est pour cette raison qu’il n’a point fixé le concours pour l’obtention de ce grade. Il a eu particulièrement en vue, en vous proposant de décréter qu’il y aurait des enseignes entretenus, d’en faire la juste récompense des marins parvenus par leur mérite au rang de maîtres d’équipages. Au moment où nous nous occupons de réparer les anciennes injustice, auri ms-nons pu oublier nette classe de citoyens si estimables? Qui plus que moi, Messieurs, peut vous rendre compte de l’infatigable constance des braves ma ins? Les hasards de la mer, les combats multipliés où je me suis trouvé avec eux, chaque année de ma vie, me dictent les justes éluge-que je leur donne en ce moment; aucun travail, aucun service ne leur est étranger quand le bien public l’exige. J’ai acquis le droit de parler en leur faveur, et l’époque est enfin arrivée où les honneurs et les décorations doivent devenir le prix de leurs travaux et de leur dévouement à la chose publique. Plusieurs personnes sont de l’avis que le grade de capitaine de navire peut être obtenu sans l’obligation de passer par les grades d’aspirant et d’enseigne. Je m’oppose formellement à ce projet. A l’époque où nous sommes heureusement arrivés, chaque citoyen doit être soumis aux mêmes lois; l’Etat ne p ut être servi que par ceux qui auront rempli les règ'es que vous allez prescrire. En rendant tous les citoyens susceptibles de tous les emplois, vous pouvez et vous devez exiger de chacun d’eux les connaissances que vous avez crues nécessaires. Il ne vous échappera pas, Messieurs, que cette bonté que l’on veut avoir pour les marins, en leur ouvrant une porte plus facile pour arriver au grade de capitaine de navire, n’est autre chose, puisque l’on me force à le dire, qu’une prétention masquée. En effet, Messieurs, daignez considérer que, en donnant aux marins la facilité de devenir capitaine de navire par une route 720 [Assemblée nationale.] différente de celle que vous allez prescrire, vous formeriez, par le fait, deux cl isses de marins et vous détruiriez l’égalité qui doit exister dans la hiérarchie. Ne nous abusons plus, ouvrons le grand livre des destinées de la France; sans doute nos formes sévères auront quelques détracteurs; mais ceux qui ont tant fait de sacrifices personnels doivent-ils écouter quelques réclamations d’amour-propre, au milieu d’aussi giands intérêts que ceux de constituer tous les cmys suivant les principes que vous avez adoptés? Vous avez déjà vu, Messieurs, combien ce principe de la liberté et de l’égalité féconde toutes vos institutions, facilite tous vos travaux, simplifie tous vos décrets ; admettez des distinctions, les difficultés vont renaître, les prétentions vont se multiplier, et toutes les vertus civiques vont s’évanomr. C’est d’après ces principes que votre comité a cru devoir vous proposer de décréter qu’à l’avenir on ne pour; ait obtenir le commandement des vaisseaux de commerce, au long cours, que lorsque l'on aura obtenu, suivant, les formes que vous allez prescrire, le grade d’enseigne de vaisseau. Mais en même temps il vous propose de fixer à 24 ans l’âge de ceux qui pourront commander les vaisseaux de conmn rce. Jusqu’à ce moment, Messieurs, je ne vous ai rendu compte que de l’organisation des premiers grades de ta marine, je vous ai parlé de la première éducation des sujets qui se destinent à ce pénible métier, de leur admission dans le grade d’aspirant, du service que l’en exige d’eux, pour passer successivement de la troisième à la deuxième et à la première classe; enfin au grade d’enseigne de vaisseau, qui les rond susceptibles de commander lous les vaisseaux de commerce. Yoici l'époque où nous allons organiser la marine militaire, c’est-à-dire le corps d’officiers permanent, sans cesse entretenu aux dépens de l’Etat, abandonnant toute spéculation commerciale, uniquement occupé d’étendre ses connaissances, et destiné, dans tous fi-s temps, au commandement et à l’armement dos vaisseaux de guerre. Votre comité a pensé que ce corps devait être composé des officiers les plus instruits dans la théorie et la pratique. En conséquence, ayant fixé le grade de lieutenant de vaisseau pour le premier grade constamment entretenu, il a cru devoir vous proposer d'admettre au concours tous les enseignes de vaisseaux ayant 4 ans de navigation; ces concours auront lieu chaque année, et les enseignes qui auront montré dans la pratique et la théorie les connaissances les plus étendues seront admis. Il est évident qu’en adoptant cette forme d’admission, l’Etat ne court p s le danger de recevoir au nombre de ses défenseurs des officiers sans talents, puisqu’il aura constamment les sujets les plus instruii s de la marine nationale. Le comité a cru devoir réserver quelques places de lieutenants que l’on pourra obtenir sans concours, et elles sont destinées à l’avancement des maîtresd’équipagesquiauront obtenulegrade d’enseignes, et aux officiers qui, ayant fait quelques actions d’éclat, auraient un droit légitime aux récompenses de la nation. �Nous avons cru également qu’il fallait fixer l’âge où les enseignes pourraient se présenter au concours; et le motif qui nous détermine à vous proposer de ne les admettre que jusqu’à l’âge de 30 ans, est que nous avons senti la nécessité [12 avril 1791.] de faire arriver promptement aux grades supérieurs les officiers en état de commander, et qu’en les admettant passé cet âge, ils parviendraient trop tard au rang de capitaines de vaisseaux. Ce grade suivra immédiatement celui de lieutenant de vai-seau, et votre comité vous propose que les remplacements se fassent modié à l’ancienneté au choix du roi sans avoir égard à l’âge des sujets, mais cependant exigeant invariablement 2 ans de navigation dans le grade de lieutenant, avant de pouvoir être élevés au rang de capitaine. Nous avons cru devoir vous proposer de décider que l’ancienneté ne serait plus un titre pour 1 s lieutenanis de vaisseaux qui seraient âgés de 50 ans et qui ne seraient point encore parvenus au grade de capitaine. Sans doute, l’Etat doit des récompenses aux services de ces braves officiers; mais, je le répète, il faut parvenir dans ce service aux grades supérieurs dans l’âge de la force et de l’audace. Lorsqu’il y aura des places de contre-amiraux vacantes, votre comité vous propose d’en accorder un tiers à l’ancienneté et les deux autres au choix ou roi ; cependant dans aucun cas on ne pourra obtenir ce grade qu’après avoir commandé des vaisseax de l’État, au moins 12 mois dans celui de capitaine. Les vice-amiraux seront pris à l’ancienneté parmi les contre-amiraux, c'est le grade où l’on ne peut parvenir qu’après une longue et pénible carrière; et il nous a paru qu’il devait être. la récompense des fatigues et des travaux multipliés de nos braves marins. A l’égard des amiraux, grade éminent, qui ne peut être confié qu’à l’officier eu état de le remplir dignement, ies officiers qui y seront élevés étant destinés à commander les armées navales, votre comité a cru qu’ils pouvaient être également choisi' parmi les vice-amiraux et les contre-amiraux. Ils auront tous l’ambition de parvenir; et que ne duit-m pas attendre quand on présentera à des Français libres, pour objet d’émulation, la gloire et l’amour de la patrie? Voilà, Messieurs, le développement du plan que votre comité vous propose, daignez le peser dans votre sagesse. Songuz combien vous aviez d’abus à réformer, daignez réfléchir aux lois constitutionnelles que vous avez décrétées et dont, nous ne pouvions nous éca Mer. L’on vous dira peut-être qu,j, si vous ad optez ce plan, lamarineseradésorgunis e ; je m’élèverai contre ceux qui voudront soutenir un système aussi erroné. Remarquez bien, Messieurs, lorsque nous nous écartons un moment des anciennes opinions, on vient toujours vous annoncer que tout est perdu ; où en serions-nous si nous avions écouté tous les détracteurs de nos opérations? Heureusement la majeure partie de cette Assemblée veut le bien, écarte loin d’elle les intérêts particuliers et marche à grands pas de ns la roule que le bien public lui a tracée. Les travaux de l’Assemblée nationale doivent toujours avoir un grand caractère de justice et d’impartialité. La manne est, sans doute, une des parties les plus difficiles. Son administration était si vicieuse qu’elle exige une reforme presque totale. Cette grande partie de la force publique était, pour ainsi dire, le patrimoine du ministre qui en était chargé : il changeait, modifiait, bouleversait tout à sa fantaisie ; cependant, Messieurs, examinez un moment l’immensité des ARCHIVES PARLEMENTAIRES , [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 avril 1791] objets sur lesquels vous avez des décisions à prendre: 1° Vous devez examiner quelle puissance navale nous pourrons avoir à combattre, quels sont le nombreet la nature des forces de ces puissances et de quelle espèce de bâtiments nous devons être pourvus pour lutter contre elles ; 2° Quelles sont les possessions lointaines que nous avons habituellement à protéger ou à défendre; 3Ù Quelle est la quantité d’hommes de mer répandus sur nos côtes, ou navigant sur nos bâ? timents de commerce; 4° Quelle forme nous devons adopter pour que l’Etat soit assuré du service de ces hommes de mer, lorsqu’il en aura besoin pour sa défense; 5° Quels sont les ports où les bâtiments seront construits, mis à la mer, et munis d’hommes, d’armes et de vivres, et comment, en rentrant dans les ports, ils sont désarmés, réparés, conservés et gardés ; 6° Par quels hommes seront commandés ces bâtiments, et leurs équipages, et quelles connaissances nous devons exiger de ceux auxquels nous en confierons le commandement ; 7° Par quels hommes ferons-nous construire, approvisionner, réparer, garder, conserver ces bâtiments dans les ports, et Quelles instructions convient-il d’exiger de ces différents fonctionnaires; 8° Vous ne perdrez pas de vue que la force navale est instituée pour être tout entière en activité pendant la guerre; mais vous pèserez dans voire sagesse quelle partie de celte force navale vous devez tenir en activité pendant la paix, pour protéger constamment le commerce, et former des équipages et des officiers aux manœuvres guerrières ; Enfin combien cette force navale, constituée d’après ces données, coûtera-t-elle à établir ou à entretenir. Tels sont, Messieurs, les problèmes que vous avez à résoudre, et votre comité vous présentera sur ces differents objets les fruits de son travail et de ses recherches. Da s le projet que nous vous proposons d’adopter, tous les marins, sans distinction, forment la masse imposante de la marine française, séparée en sections; l’une est employée au commerce, l’autre doit le protéger et le défendre. Examinuns ces sections dans leurs véritables points de vue; nous ne sommes plus dans les siècles de l’illusion, et nos définitions auront maintenant un caractère de vérité qu’elles n’ont point encore eu. Plaçons la marine commerçante à la place où elle doit être; trop longtemps on a voulu lTiumi-lier et être injuste envers elle; l’équilibre est rétabli, et nous devons le conserver. Sans le commerce, tous les peuples séparés par l’océan seraient étrangers les uns aux autres; nulle relation entre eux, chacun vivant de ses pronu étions territoriales, et les peuples de la terre isolés ne formeraient que des hordes divisées d’intérêts, concentrant leurs besoins et leurs facultés dans le lieu qui les aurait vus naîire, et n'ayant aucune branche d’industrie, puisqu’ils n’auraient aucune possibilité d’échange. Le commerce réunit tous les habitants du monde; et, s’il existe encore des nations sauvages, chaque siècle ajoute par le commerce à la civilisation du genre humain, et nos descendants Uniront par voir la terre également instruite, et les nations réunies par les mêmes intérêts, commu-727 niquant entre elles pour se partager leur industrie, et ne formant qu’une famille habitant des lieux différents. C’est pour défendre nos braves concitoyens qui embrassent cet honorable métier, que la force navale a été établie. Aurions-nous pu, sans manquer à la plus sainte de vos lois, vous proposer une ligue de démarcation humiliante pour ceux qui se destinent à ce service pénible ? Vous nous auriez, avec justice, sévèrement réprimandés, et vous nous auriez dit, retirez-vous : la loi que vous nous proposez est injuste: tous les habitants de l’océan ne jouissent-ils pas tous également de son imm nse domaine? Un membre demande l’impression et la distribution du rapport de M. de Sillery. (Cette motion est décrétée.) M. le Président donne lecture de l’ordre du jour de la séance de ce soir. Un membre demande que le comité féodal fasse un rapport très instant sur le cours des eaux. (Ce rapport est mis à l’ordre de jeudi soir.) Un membre clu comité de marine se plaint d’une altération qu’il a remarquée dans la rédaction d’un décret rendu te sameli 9 à la séance du soir, relativement à la pêche aux bœufs, et demande qu’on ajoute ces mots qui ont été omis : la pêche pourra s'exécuter sur les côtes de Languedoc et de Roussillon. (L’Assemblée ordonne cette rectification.) M. le Président invite les bureaux qui n’ont pas fourni les scrutins pour la nomination d’un secrétaire de la trésorerie et de deux commissaires pour assister à l’installation du tribunal de cassation, de se rassembler afin d’y procéder. La séance est levée à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CIUBROUD. Séance du mardi 12 avril 1791, au soir ( 1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. M. SSoissy-d’Anglas, secrétaire , donne communication des adresses suivantes : Adresses du directoire du département de la Mayenne, des officiers municipaux de la ville de Vézelise, département de la Meurthe; de Rosny-sur-Seine; de Brive et de la garde nationale du canton de Lizy, district de Meaux, qui expriment les plus vifs regrets sur la mort de M. Mirabeau. Ils ont arrêté de prendre le deuil, et de faire célébrer un service solennel pour honorer sa mémoire. Adresses du même genre des municipalités de Nancy, de Sancerre, de la communauté de Nargis en-Gàlinois, et de la société des amis de la Cons - tituiion, séant à Caen. (1) Celte séance est incomplète au Moniteur.