478 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 décembre 1790.] défense directe, et qui, sans augmentation _ de dépenses, ne puisse être transformé en fortification effective. D’après ces réflexions, je propose les articles additionnels suivants, en forme (l’amendement au projet de décret du comité des finances : Art. 1er. Dans les départements des frontières, tous projets de routes, canaux, ponts, jetées, levées, ports et autres travaux public-, seront communiqués aux directeurs des fortifications desdits départements, pour en être par eux rendu compte aux inspecteurs généraux des fortifications, qui en donneront connaissance au ministre de la guerre, alin de pouvoir toujours concilier les intérêts dr l’agncuhurc et du commerce avec fa défense de i Etat ; et lesdits directeurs seront tenus de vérifier, dans l’étendue de leurs directions respectives, si les projets s’exécutent conformément aux plans arrêtés. Ait. 2. Dans les départements des frontières, les canaux de dessèchement, d’irriga ion ou de navigation, lis redressements et curements de rivières, seront exécutés sous la direction des officiers du corps du génie. Art. 3. Les ports du royaume seront divisés en deux classes : l’une des ports militaires et l’autre des ports de commerce. Les travaux de ceux de la première classe seront cou liés à la surveillance et à la direction des officiers du co�ps du génie; ceux de la st coude classe continueront d’ètre sous la direction des ingénieurs des ponts et chaussées, et l’Ascemblée nationale fixera les époques auxquelles les travaux commencés seront remis par ceux qui en sont actuellement chargés à ceux qui devront dorénavant les diriger. (Ces j roposilions sont renvoyées à l’examen des comités d’agriculture, de commerce et des finances.) Les articles 2, 3, 4 et 5 du projet de décret sont adoptés eians la forme suivante : Art. 2. « Il y aura un premier ingénieur garde des plans, projets et mouèl s; huit inspecteurs généraux ; un premier commis et le nombre de commis nécessaire. » (La première partie de cet article dans le projet imprimé, portant ces mots : qu'à la tôle sera un directeur général, a été ajournée.) Art. 3. <( L’assemblée des ponts et chaussées sera formée du premier ingénieur, de huit inspecteurs généraux, des ingénieurs en chef des departements et des sous -ingénieurs qui seront à Paris ; les sous-ingénieurs n’auront que voix consultative. » (Sur cet article, un membre avait demandé que fe nombre de huit inspecteurs lût réduit à quatre; mais la question préalable ayant été demandée et mise aux voix, il a été décidé qu’il n’y avait pas lieu à délibérer.) (ün a répété sur cet article l’ajournement prononcé sur ce qui pouvait a\oir rapport au directeur général dans le projet imprimé en tête de i’aiticie premier.) Art. 4. « Cette assemblée sera chargée de l’examen de tous les projets généraux de routes dans les différents départements, ainsiquede ceux d’ouvrages d’art en dépendant, de ceux des canaux de navigation, construction, entretiens et réparations des ports de commerce. » (Un membre a proposé quatre autres articles additionnels, dont il demandait !e renvoi aux comités des finances, d’agncuüure et de commerce, pour y être examinés. Cette proposition mise aux voix, l’Assemblée a décidé qu’il n’y avait pas lieu au renvoi.) Art. 5. « Cette assemblée, durant les sessions do Corps législatif, se tien ira sous les yeux du comité de l’Assemblée nationale, chargé des ponts et chaus-sées, lorsqu’il le jugera convenable ». Une députation de MM. les électeurs de Paris est annoncée et admise à la barre. M. liersaiul, président des électeurs. L’assemblée électorale nous dépuLe vers vous; elle voudrait se présenter tout entière : impatiente d’une démarche que lui commun iait de, mis longtemps son amour pour nos nouvelles lois, sa reconnaissance pour les régénérateurs de l’E npire, elle ne se la permet cependant qu après avoir accompli le plus pressant, le plus saint de ses devoirs : les lois ont des minisire-, l’innocence un appui, le peuple des magistrais; les juges composant les tribunaux du département de Paris sont élus. C’est après avoir répondu à ce premier de vos vœux, que l’Assemblée a pen-é que vous lui permettriez de vous exprimer le sien. Un de nos collègues va vous faire lecture de son adresse. M. Larivc, acteur du Théâtre-Français, orateur de la députation. Messieurs, en restituant au peuple 'français, dans leur intégrité primordiale», les titres originels qu’il avait perdus dans les siècles de l’ignorance, et qu’il a reconquis dans l’âge dos lumières, vous lui avez rendu le premier droit du souverain, celui d'élire les magistrats qui doivent le gouverner. Ces magistrats ne seront plus les mendiants de la fortune : ils seront les nobles concurrents de l’est. me ou les clients honorables de la renommée. Appelés par le peuple du département qui est le premier à recevoir, à écouler vos lois ; appelés pour choisir ceux qui doivent les détendre et les exécuter, nous nous {-réparions à remplir la mission électorale qui nous a élé confiée. Un decret, appuyé sur des convenmces trompeuses, divisa une assemblée qui, par sa nature, devait former un seul corps. L’esprit public s’alarma et travailla so idain à la réunir. Un nouveau décret, digue de votre sagesse, se bâta de rassembler les urnes éparses dans lesquelles l’intrigue espérait glissur son suffrage. Le jour de la réunion fut pour nous un jour de triomphe, et notre premier mouvement a été un vœu de reconnaissance pour les créateurs de la liberté française. Ce vœu sacré, ce vœu unanime, nous venons l’accomplir. Députés de l’assemblee électorale, représentants des assemblées primaires, nous venons jurer au nom du département de Paris, nous venons jurer, à l’exemple de la monarchie entière, que nous adhérons irrévocablement, que nous obéirons religieusement à l’immortelle Constitution, qui est le fondement inébianlable de noire liberté. Paris a fait connaître qu’il ne comptait pour rien la fortune, au prix de la liberté ; mais plus elle nous a coûté de sacrifices, et plus nous ché- [li décembre l7J0.j (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. lissons sa conquête. Nous la voulons entière ; nous la voulons telle que vous l’avez co açue, environnée partout de Légalité civile; nous la voulons telle que la dignité de l'homme ne soit déshonorée par aucun vestige de ces institutions outrageantes, restes impurs et corrupteurs de la tyrannie féodale : nous la voulons telle enfin que la philosophie l’a promise, et que la Constitution nous l’a donnée. Nos principes sont les vôtres, Messieurs. Votre génie nous a inspirés dans nos premières fonctions. En élisant les trente juges que nous veuons de proclamer, nous avons consulté l’opinion publique et la mémoire des services rendus à la patrie. Nous avons consulté l'instinct de ia liberté, c’est-à-dire le mépris puur l’orgueil des noms, et la méfiance pour l’esprit fanatique des corps. Nous avons consulté l’intérêt des tribunaux, et cherché, jusque dans la sphère que nous redoutions, les connaissances judiciaires auxquelles ia vertu même ne supplée pas. Nous avons consulté enfin l’honneur d’une cité généreuse, qui, théâtre de la Révolution, mérite de recueillir le bienfait des talents qu’elle a vus éclore, et de ceux qu’elle a tait triompher. Paris, s’étant voué à tout l’Empire, doit être considéré désormais comme ia cite commune des Français. Voilà les règles de notre conscience. Pour prouver que nous les avons fidèlement suivies, il suffit de montrer les jurisconsultes que nous avons choisis parmi vous. Nous avons pris l’élite des juges dans l’élite des Français. Lorsque le moment sera venu de composer le sénat de l’administration, nous ferons entrer d ns nos recherches une considération de plus. Lïxercice du pouvoir est plus sujet à se pervertir que celui delà justice. — Le jugesera contenu lui-frêne par ie génie austère de sa profession, et par la borne inamovible de son état. — Les lin ites de l’administration, quoique immuables, semblent plus mobiles ou plus flexibles. — Ses instruments du moins sont plus exposés aux impulsions de l’intérêt et à l’action des circonstances. — Pour affermir la Constitution naissante, s’il faut des hommes intègres dans les tribunaux, il faut des citoyens intrépides dans l’administration. Faits pour élire, au nom du peuple, les pasteurs qui doivent lui donner le précepte et l’exemple des devoirs religieux, nous chercherons la preuve, la caution de leurs vertus, dans leur attachement aux lois suprêmes de l’Etat ; et nous regarderons tout pontife qui sera contraire ou inlidèie au serment national, comme s’exilant iui-mèmedu temple de la patrie, et comme trahissant ie dieu qu'il annonce et le peuple qu’il enseigne. Vous le savez, Messieurs, des protestations scandaleuses errent dans tous les diocèses, pour y soulever la piété crédule. Ressuscitant une doctrine morte depuis un siècle, on l’arme contre vos décrets : on essaie de relever cette puissance sacerdotale qui lutta autrefois avec tant de furie contre la puissance des souverains. Ce mot puissance détourné, par l’ambition, de son sens véritable, a seul produit cette longue et désastreuse querelle. La religion, sans doute, a de la puissance sur nos esprits par la sainteté de son cuite. Eiie a de la puissance sur nos mœurs par la sainteté de ses exemples. Mais elle n’a d’ailleurs aucune puissance législative, exécutrice ou judiciaire. Le peuple, de qui dérive toute puissance semblable, n’en délégua jamais la moindre portion aux ministres des autels. Le fondateur du christianisme n’a point m donné à ses apôtres le monde à gouverner, mais le monde à consoler et instruire. Lu un mot l’opposition de la puissance spirituelle à la puissance tem porelle, n’est qu’une dispute de l’ignorance, une hérésie en politique, un blasphème contre l’Évangile. En adhérant. Messieurs, à tous Rs décrets émanés de votre justice, nous adhérons solennellement à cette constitution civile du clergé, si analogue, si ressemblante à celle de la naissante Eglise; à cette Constitution civile, qui, sans toucher aux maximes sacrées de l’Eglise gallicane, ne change que sa géographie ; à" cette �Constitution civile qui, conservant l’unité du catholicisme et de la communion romaine, nous affranchit de la domination d une cour étrangère; à cette Constitution civile enfin, que la pié'é sincère applaudit, que la ferveur publique attend avec impatience, et dont l’erreur peut seule, ou contester la sagesse, ou retarder l’exécution. Nous avons cru devoir manifester ici la pureté de nos opinions religieuses, pour annoncer d’avance que nous ne choisirons jamais que des pasteurs, digues tout ensemble, de la nation et des autels, et que nous regarderons toute élection contraire comme une apostasie électorale. Mais nos principes les plus sévères, mais nos attentions les plus rigoureuses se montreront, Messieurs, dans le choix des législateurs. Il sera le plus important et le (dus difticile : car nous vouions que vos successeurs vous ressemblent. Nous voulons qu’ils joignent l ‘étendue des lumières à l’énergie du courage. Nous voulons qu’à ce courage indomptable, ils associent une retenue magnanime qui se borne à défe aire la Constitution, et qui n’aspire point à l'ébranler. Dans l’impuissance d’opérer une contre-révolution, quel est ie dernier espoir des malveillants? C’est d’amener une révision prématurée et orageuse de la Constitution, et de faire ainsi rétrograder la France vers l’abîme dont elle est à peine sortie. Gardons-nous d’encourager cette espérance séditieuse. Français ! le secret des lois est dans ie temps: Français! attendez avec une tranquille constance que l’oracle des années vous révèle et les biens et les maux cachés dans vos nouvelles institutions. La félicité des Empires dépend de la bonté et de la stabilité de leurs lois. Les nôtres sont dignes d’ètre éternelles. EU -s ne sont point un système de règlements éventuels ou de principes variables. Elles sont l’assemblage hardi et la liaison savante des premiers droits de la nature et des premiers vœux de la société. Un E at, constitué de cette sotte, est doué de l’immortatité sociale. Vous avez éternisé le trône, en le plaçant au centre des volontés et des regards populaires. Vous avez éternisé Je Corps législatif, en lui donnant la permanence et eu appelant autour de lui le public pour juge et pour témoin. Vous avez éternisé la monarchie, en délivrant les provinces de leurs privilèges discordants, en partageant ces masses inégales par ia même mesure de territoire et eu les liant par les mêmes rapports de fraternité. Vous avez éternisé le christianisme, en enracinant chaque métropole dans chaque département, eu ramenant l’épiscopat dans ie sanctuaire de ses fonctions, en rappelant les pasteurs aux droits de Légalité évangélique, en dégageant eutin l’œuvre de ia divinité de tout alliage humai i. Ce ne soûl pas là vos seuls bienfaits, vos seuls miracles. Vous avez raffermi pour toujours le crédit pu- 480 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 décembre 1790.] blic, en l’appuyant sur trois bases immuables qui lui manquaient : la foi nationale, l’impôt proportionnel et l’i conomie administrative. Vous avez assuré pour jamais la paix intérieure ne cet Empire, en transformant tous les citoyens en soldats et tous les soldats en citoyens; en faisant, pour ainsi dire, de chaque famille une forteresse, et de ces familles, ralliées au premier signal, un mur d’airain qui environne chaque cité, qui entoure chaque hameau, et qui les rend impénétrables au 1er des conspirateurs. Vous avez assuré de même la paix extérieure en ouvrant une nouvelle carrière à ces rares orgueilleuses qui ne voulaient s’illustrer que par les batailles; en abdiquant celte ambition des conquêtes qui, du char de la gloire, semait les calamites dans les triomphes, et la stérilité dans la magnificence; en enchaînant ce mécanisme ministeriel, qui, sous le nom de politique, se jouant des alliances, des potentats et des nations, était une conspiration impunie contre le genre hun ata. Vous avez consacré enfin l’esprit philosophique, et tous les arts qu’il éclaire, et tous les principes qu’il a rectifies, et la dignité humaine qu’il a rétablie, et la majesté du peuple qu'il a fait reconnaître; vous avez consacre ces idées sublimes, en les gravant avec vos lois dans toutes les tètes, dans celles mêmes qui leur semblaient inaccessibles. Un grand problème historique occupera la postérité. C’est le parallèle de deux phénomènes contemporains, du congrès qui a sauvé l’Amérique, et de I Assemblée qui a délivré la France. Si le premier a eu des armées à combattre, la seconde avait des obstacles plus uifiictn s à surmonter, un long amas de préjugés à détruire, un long rempart de privilèges à démolir. Treize républiques naissantes ont dompté une monarchie antique et iormidable : mais cette monarchie était éloignée de leurs muradies, et l’Océan était en quelque sorte et leur barrière et leur allié. Nous avons terrassé ou plutôt désarmé un despotisme dominant dans nos murs, et tout puissant encore sur des miaginairotis longtemps asservies. L’Amérique présentait un peuple nourri des sentiments de l’indépendance, et qui soutenu par elle s’est avancé fièrement et régulièrement vers sa conquête. — Plus éloig ésd’un terme si heureux, dans un clan sublime, nous avons franchi d’un seul pas l'intervalle immen-e de l’esclavage à la liberté. — Nous avons détrôné en un jour cent mille tyrans, nous avons chasse d’un regard nulle imposants fantômes. Enfin si l’Amérique a devancé la France, la France a peut-être surpassé l’Amérique : l’une a eu la supériorité d’un grand exemple, et vous avez donné à l’autre la supériorité d'une législation plus accomplie. Le plus hardi des géomètres disait : Donnez-moi de la matière et du mouvement, et je crée un monde. — Il dirait aujourd’hui : Donnez-moi des hommes et la Constitution française, et je je crée une nation. Signé : Kersaint, président ; Pastoret, secrétaire. M. le Président. Messieurs, l’Assemblée nationale voit avec une vive satisi action , mais sans surprise, l’attachement inviolable que le corps électoral de Paris manifeste pour la Constitution. Choisi par des citoyens amis de la liberté, qui ont tout sacrifié pour elle, qui ont bravé les dan gers les plus menaçants pour conquérir des droits si longtemps méconnus et outrages, il a dû se pénétrer de cet esprit civique et de ce saint amour de la patrie. Vous êtes chargés, Messieurs, d’une mission importante et redoutable. Le peuple vous a confié le plus précieux de ses droits, celui qui consiitue essentiellement sa liberté politique, celui qu’il ne peut sans péril exercer par lui-même. Combien vous seriez coupables de le tromper! mais que vous méritez d’éloges pour avoir si dignement seconde ses vœux ! Le trait le plus frappant dans les choix que la sagesse et la justice vous ont inspiiés, c’est que vous n’avez pas borné vos regards à l’horizon qui vous environne, vous les avez étendus sur toute la France; et partout où vous avez aperçu des talents, et surtout des vertu-, vous les avez accueillis, vous les avez appelés avec fraternité au sein de cette cité, le centre de l’Empire. Continuez, Messieurs, à répondre toujours aussi glorieusement à la confiance dont vous êtes honorés. Les principes qui vous animent, et que vous venez d’exposer avec tant de noblesse et d’énergie, sont de sûrs garants qui nous répondent de l’avenir. Ces principes sont maintenant ceux de tons les bons français : et il est bien doux, bien consolant pour l’Assemblée nationale, de pouvoir rendre ici un hommage éclatant aux diverses assemblées électorales de France. Partout (des exceptions rares ne doivent pas être comptées), partout ceux à qui le peuple a remis ses înieiêts, ont senti combien ce dépôt était sacré ; partout ils ont été pénétrés de l’importance et de la nécessité de n’élever aux places que ceux qui en étaient dignes. Les fonctions de la société reposant ainsi entre des mains pures et fidèles, que pourront faire les ennemis du bien public? Leurs efforts impuissants viendront se briser au pied de l’édifice que nous avons élevé à la liberté. Ce monument fera l’étonnement de nos neveux: puisse-t-il servir de modèle aux nations! et le temps, il faut l’espérer, ne fera qu’ajoulerà sa majesté. (L’Assemblée accorde à la députation l’honneur de la séance et ordonne l’impression des discours et adresse.) (L’Assemblée décide ensuite que le projet de décret des comités des finance, d’agriculture et de commerce, et du comité militaire, sur les messageries, ne sera pas soumis à la discussion avant d’avoir été imprimé et distribue.) M. le Président lève la séance à dix heures et demie. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 14 DÉCEMBRE 1790. MANDEMENT de Monseigneur Tarchevêgue prince-électeur de Trêves. Clément Wenceslas, par la grâce de Dieu, archevêque de Trêves, prince-électeur du Saint-Empire, etc., etc.