lAssrn.Ilte nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. J18 décembre 1790.) 556 mais il avoue que le sieur Monet esl allé chez lui le 9; que le sieur Guillien lui avait parlé de ce particulier comme d’un célèbre ouvrier de Lyon ; que celui-ci l’a entretenu de la détresse des ouvriers et lui a demandé quatre louis; mais qu’il s’est contenté de lui prêter un assignat de 200 livres. 11 avoue aussi qu’il lui a remis des exemplaires de la chanson sur la Bastille, de la lettre à l’auteur du journal et du mémoire de M. de Galonné ; mais il assure qu’il ne lui a pas parlé de contre-révolution. Cependant, Messieurs, la municipalité de Lyon recueille avec empressement toutes les lumières, toutes les preuves qu’il lui est possible de découvrir : déjà elle vous a annoncé qu’on avait trouvé, dans les papiers du sieur Terasse, une minute de la pétition qu’on devait lui faire, telle qu’elle est annoncée par les témoins ; chaque jour apportera ou la conviction des coupables, ou la justification des innocents. Mais il est temps, enfin, que vous fixiez vos regards sur la situation de la France, sur la nature et les causes des troubles qui l’agitent, et sur les dispositions des réfugiés français. On feignait d’attribuer à la Révolution l’anarchie qui désole, par intervalles, quelques parties de ce vaste Empire. Citoyens! on paraissait vous plaindre, on affectait de s’intéresser à vos maux ; voyez maintenant où sont vos amis. Les trouvez-vous dans ceux qui veulent vous égarer, perpétuer vos maux, vous armer les uns contre les autres, et qui pour gage de leur amour, pour prémices de leurs bienfaits, vous présentent toutes les horreurs de la guerre civile? Vous avez fait des pertes ; mais c’est à ce prix que vous avez acheté la liberté, que vous avez assuré le bonheur de vos enfants et la reconnaissance de la postérité. Vous avez fait des pertes; il faut maintenant les réparer par l’union, par une constante fraternité, par la soumission la plus absolue et le respect le plus profond pour les lois. Fermez l’oreille aux insinuations atroces de ces hommes qui ne feignent la pitié que pour envenimer vos plaies, que pour vous exciter contre vos frères de Paris. Quelle ville a fait d’aussi grandes pertes ? quelle ville les a mieux supportées? Depuis 18 mois vous combattez pour la liberté ; chaque jour vous a présenté de nouveaux obstacles à vaincre, de nouveaux dangers à éviter : vous avez détruit les uns, vous avez triomphé des autres ; chaque jour la Providence, qui veille avec tant besoin sur les destinées de cet Empire, a signalé sa constante protection par d’éclatants bienfaits. Vos ennemis, dans leur aveugle fureur, pensent-ils donc pouvoir triompher du ciel et de la terre armés contre eux? Quel étrange spectacle présentent à la réflexion ces hommes autrefois si vains d’une chimérique illustration, et qui se croient humiliés, parce qu’en les rendant à la dignité de l’homme, nous les avons fait véritablement grands ; ils parlent de grandeur, et ils colportent des libelles ! ils fuient les regards de leurs semblables I ils nous craignent, disent-ils! Ils craignent leurs frères I Ah! qu’ils sont à plaindre! Mais, non, qu'ils reviennent au milieu de nous. S’ils y rapportent des sentiments de paix, ils ne trouveront plus que des amis ; ils peuvent être encore l’objet de notre amour. Mais qu’üs doivent frémir en songeant qu’ils peuvent devenir l’objet de notre exécration ! Si l’ambition l’emporte dans leurs cœurs sur les droits sacrés de l’humanité, s’ils ne sont pas contents du rang d’hommes, s’ils veulent déchirer le sein de leur patrie, qu’ils fuient à jamais ses regards, elle les repousse avec horreur. M. Voidel présente un projet de décret tendant : 1° à ordonner la translation de MM. Guil-li jn, d’Escars et Terasse, du château de Pierre-Scise, où ils ont été transférés après un interrogatoire à 1a. municipalité , dans les prisons de Paris; 2° à faire prier le roi de faire remplacer M. La Chapelle, commandant à Lyon, ainsi que la garnison de cette ville; 3° à ordonner à tous les Français, fonctionnaires publics ou recevant des pensionsou traitements quelconquesde l’Etat, de rentrer dans le royaume dans le délai d’un mois, sous peine d’être suspendus de leurs pensions et traitements. M. l’abbé llayet, député de Lyon. Je n’entends en aucune manière défendre les accusés; je soumets seulement à l’Assemblée une observation qui est de nature à éclairer la délibération. Je suis fâché qu’elle ait échappé à l’impartialité du comité des recherches. Ce matin le comité à fait prier la députation de Lyon de venir entendre la lecture des pièces. Nous y avons trouvé le sieur Guillien fils, assisté de son conseil, lequel a dit qu’il était contre la justice et l’humanité, de faire transporter les trois accusés à Paris et que son père n’était accusé que par des témoins très reprochables : le premier, M. Mo-net, est encore dans les liens d’un décret de prise de corps, pour avoir voulu exciter une émeute; le second, huissier et record, a été attaché à son père en sa qualité de juge des comtes de Lyon. Je vous soumets. Messieurs, cette double considération qui motive l’amendement que je vous propose et qui consiste à ne pas faire transférer à Paris les prévenus et à faire continuer leur détention à Lyon dons la forteresse de Pierre-Scise jusqu’à cé que de nouvelles preuves justifient leur translation. Divers membres demandent la question préalable sur l’amendement. (La question préalable est prononcée.) M. l’abbé Maury. Je ne demanderais point la parole si vous adoptiez l’amendement du préopinant et si le rapporteur ne vous avait dit avec assurance : « Tout est découvert. » J’ai cru qu’il allait répandre une grande lumière sur cette affaire, et cette lumière rie m’a pas éclairé. Puisque tout est découvert, les citoyens doivent être tranquilles ; or rien n’est plus propre à alarmer que ces inquisitions judiciaires qu’on vous propose. Permettez-moi de faire le rapprochement de ce qui a été dit à cette tribune. Un membre vous a dit au commencement de la séance que trois personnes ont été pendues à Aix par le peuple, et dans le même instant le rapporteur vous propose d’ordonner à tous les fugitifs de rentrer en France... Lorsque les trois citoyens d’Aix ont été pendus, personne n’a été arrêté. Ici on vous propose de traîner en prison, comme criminelles, trois personnes accusées de complots imaginaires, et contre lesquelles il n’y a que des dépositions isolées. L’autorité de trois dénonciateurs n’est rien quand elle est individuelle. Il ne faut pas que deux ou trois personnes puissent déposer sur des faits de confidence. Alors ils deviennent dénonciateurs ; alors ils se dénoncent eux-mêmes comme traîtres à leurs conci- [Assemblée nationale#] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 décembre 1790.] toyens : ils doivent être punis avec sévérité. _ Ces témoins sont des hommes qui se sont faits complices des accusés, uisent-ils, pour découvrir leurs complots ; mais les accusés auraient-ils donc été assez absurdes pour se fier à de pareils témoins? Les ennemis de la Révolution sont déjà assez coupables pour qu’on ies accuse o’ètre absurdes ; il ne le sont peut-être pas tant... Les témoins sont déjà suspects -, l’un d’eux est dans les liens d’un décret... Mais j’ai tort de vous faire cette observation : vous n’êtes pas juges. Je ne traiterai donc point la question particulière, mais la question de droit public, et je vous proposerai un amendement. Ce n’est pas au nom des accusés que je vous parle,c’estenleur faveur ; et certes c’est une grande consolation pour les accusés, quand ils ne peuvent pas obtenir justice, de voir qu’au moins on la sollicite pour eux. (Il s'élève des murmures.) Voici mon amendement : si vous faites conduire dans les prisons de Pans les trois accusés, je demande que vous y lassiez conduire les trois dénonciateurs. Quels sont les coupables? Vous ne devez pas le préjuger. Dans une assemblée impartiale îi ne doit y avoir de présomption eu faveur de personne ni de prévention contre personne. Que faites-vous en ce moment? Vous vous écartez de la loi, car vous avez déjà décrété qu’aucun citoyen ne pourrait être déteuu qu’en vertu d’un décret d’un juge compétent; vous allez prononcer une exception à cette loi, à laquelle je ne m’oppose pa» ; vous allez faire traduire dans les prisons trois accusés ; s’ils sont calomniés, quels recours auront-ils contre leurs dénonciateurs? Est-ce leur faire grâce que de les mettre sur la même ligne avec trois dénonciateurs justement méprisés dans la ville de Lyon ? Est-ce donc une preuve qu’une dénonciation ? Sous l’ancienne police, lorsqu’une dénonciation extraordinaire était faite contre un citoyen, on le confrontait avec son dénonciateur. Il est important pour la liberté publique que ces formes soient observées; car vous savez que la liberté publique est composée des libertés individuelles. L’innocence, qui ne peut obtenir que son élargissement, serait-elle trop favorablement traitée quand elle serait en concurrence avec la calomnie ? Tout citoyen qui dénonce doit dire au juge : « Je demande qu'on arrête un tel citoyen, mais je demande qu’on m’arrête avec lui. » Voilà le langage de la probité, de l’honneur; voilà ce qui donne à tout citoyen le droit de dénoncer légitimement son concitoyen... Vous n’avez pas plus de raison de croire coupables les accusés que ies témoins. (Il s’élève des murmures.) J’ignore si dans cette partie de la salle où Ton m’interrompt il y a des lumières qui ne parviennent pas jusqu’à moi ; quant à moi, je déclare que, parfaitement impartial relativement aux accusés, relativement aux témoins, tout mon désir est de ne rien préjuger. Si vous aviez pris pour les dénonciateurs de M. de Lautrec les mêmes mesures que celles que je vous propose aujourd’hui, ils ne seraient pas restés impunis. La parité est parfaite ; les dénonciateurs de M. de Lautrec étaient aussi suspects que ceux des accusés de Lyon... Il y a une considération plus importante en faveur des accusés : l’interrogatoire n’a pas été fait par des juges. Les officiers municipaux sont des enquereurs d’estime et de patriotisme, mais ils ne sont pas préposés par la loi pour interroger les citoyens. Leux de Lyon ont fait le rôle ne caplureurs, car ils n’a-vaie/H pas le droit de décréter ; ils ont interrogé 557 les accusés sous charte privée, tandis que la publicité de l’interrogatoire a été ordonnée par vos décrets. Quand je vous propose de faire arrêter les dénonciateurs, ce n’est pas que je consente au décret qui vous est proposé; mais puisqu’il faut céder à la majorité, je dirai à cette majorité : « L’exemple de M. de Lautrec doit vous apprendre que les accusateurs ne sont pas infaillibles, que les accusés ne sont pas coupables. » M. Barnave. Le préopinant vous propose d’exercer des fonctions qui ne peuvent être remplies que par les juges. Vos fonctions doivent se réduire à la surveillance qu’exige la sûreté publique. Laissez aux juges le soin de capturer. Si les témoins doivent être arrêtés, c’est aux juges à le prononcer. Je passe à l’amendement que j’avais moi-même à proposer; ies deux derniers articles du projet de décret du comité sont trop faibles. La société a non seulement le droit de rappeler tous les fonctionnaires publics et tous les salariés, mais elle a encore celui de supprimer leurs offices s’ils n’obéissent pas à sa réquisition et s’ils refusent de lui prêter serment de fidélité. Je demande donc que les Français fugitifs, fonctionnaires publics ou salariés, soient tenus non seulement de rentrer dans le royaume, mais de prêter le serment civique, et qu’en cas de résistance ils soient privés de leurs pensions et traitements. Voici mon projet de décret : « Tous Français, fonctionnaires publics, ou recevant des pensions ou traitements quelconques de l’Etat, qui ne seront pas présents et résidents dans le royaume, et qui n’auraient pas prêté le serment civique dans le délai d’un mois après la publication du présent décret, sans être retenus dans les pays étrangers par une mission du roi pour les affaires de l’Etat, seront, par ce seul fait, déchus de leurs grades et emplois, et privés de leurs pensions, appointements et traitements. » M. le Président. L’Assemblée doit d’abord se prononcer sur l’amendement de M. l’abbé Maury. Plusieurs voix : La question préalable ! (La question préalable est prononcée.) M. de Cazalès. Ce n’est pas une chose facile que de déterminer jusqu’à quel point l’intérêt public peut autoriser le Corps législatif à entreprendre sur la liberté particulière, puisqu’il est incontestable que la liberté publique n’est que le résultat de toutes les libertés individuelles. La société a sans doute le droit d’imposer à tout fonctionnaire qu’elle salarie les conditions les plus convenables à l’intérêt public ; mais je sais aussi que, lorsque le législateur a changé entièrement les lois de la société il a dégagé tous les citoyens des liens qui les attachaient à leur patrie. Quand l’expression de la volonté générale a renversé la Constitution d’un pays pour en établir une nouvelle, la minorité a le droit de dire : « Donnez-moi ma propriété, et je m’expatrie; j’ai contracté avec vous sous une Constitution qui m’accordait le bienfait de la protection ; en détruisant la Constitution vous m’avez dégagé de mes serments ; je dois être libre de sortir d’une patrie dont les lois ne me plaisent plus. (On applaudit.) Ce principe, je le répète, ne peut être contesté par aucun de ceux qui m’interrompent, s’ils sont conséquents aux principes qu’ils ont 558 (Assemblée nationale.] établis ; je les invite à se rappeler qu’ils ont donné des éloges et des applaudissements à la mémoire des protestants qui ont quitté la France lors de la révocation de l’édit de Nantes, parce qu’ils ne voulaient pas se soumeitre à cet édit. J’adopterais le principe que le législateur peut imposer aux fonctionnaires publics et aux salariés toutes les conditions qu’il juge convenables ; mais sans détruire tout principe de justice, vous ne pouvez priver de leurs traitements ceux à qui ces traitements n’ont été donnés qu’en compensation d’une propriété. Les princes du sang ont un traitement, mais c’est une indemnité du patrimoine qui leur a été enlevé. (Il s'élève des murmures.) On ne soutiendra pas sans doute que les princes de la maison de France sont nés sans propriétés; on ne soutiendra pas que, si la nation n’avait pas voulu rendre le domaine indivisible et inaliénable, les princes n’eussent conservé chacun un domaine particulier ; on ne soutiendra pas sans doute que les apanages soient une compensation égale de ces portions de domaines dont on les a privés. Les apanages ou les traitements qui les remplacent sont donc, entre les mains des princes, non pas un salaire, mais une propriété ; ils doivent être soumis aux mêmes règles que les autres propriétés. Je pourrais ajouter une considération importante contre la proposition qui vous est faite de rappeler les princes ; je ne ferai que l’indiquer : seront-ils en sûreté dans ce royaume? (Il s'élève des murmures.) M. l’abbé Maury, s’avançant au milieu de la salle : Qui veut m’assurer de ma vie? M. de Cazalès. Je crois pouvoir me dispenser d’entrer dans les tristes détails qui pourraient appuyer l'observation que je viens de faire. Je me contente de demander l’ajournement concernant les réfugiés français. M. Ce Deist de Botidoux. La question n’intéresse pas un grand nombre de citoyens; elle n’est pas constitutionnelle ; on peut donc la traiter à pré.-ent. Tout le monde a le droit de quitter son pays et d’emporter sa propriété individuelle. Ainsi la question est simple : les apanages sont-ils une propriété individuelle? M. Barnave. Cette question lie doit pas être traitée en ce moment; je ne l’ai pas préjugée par le décret qui vous est proposé, puisqu’il n’y est question que de traitements et de salaires, et non pas d’apanages. M. de Mirabeau. M. Botidoux vient d’avancer un principe qu’il a dit plusieurs fois n’être contesté par personne. J’eû prends acte et je déclare que je le conteste. M. Eâfayette. Il est faux que les membres de la dynastie aient les mêmes droits que les autres citoyens. Quoique les projets des ennemis de la Révolution ne paraissent pas mieux conçus que leurs systèmes politiques, les désordres qmils excitent dans l’intérieur du royaume, les inquiétudes et les alarmes qu’ils produisent, tout me semble provoquer votre surveillance et votre sévérité; non que je craigne pour la liberté qu’une grande nation a acquise et que trois millions d’hommes défendent, mais, dans tous les cas, il est impossible que l’Assemblee ne s’occupe pas des propositions qui lui sont faites. C’est d’après (18 décembre 1790.J les principes mêmes de M. de Cazalès que je demande que le projet de décret du comité des recherches et l’amendement de M. Barflave soient adoptés. (V Assemblée applaudit.) M. d’Eslourmel. Je demande la parole... D’après les propositions qui vous ont été faites, rien ne me paraît plus simple que d’aller aux voix. (Une grande partie de l’Assemblée se lève pour demander qu’on aille aux voix.) M. d’Estourmel. Je demande à être entendu, L’Assemblée ferme la discussion. L’ajournement proposé par M. de Gazalès est écarté par la question préalable. M. de Virleu. Vous ne pouvez pas obliger les citoyens à une résidence perpétuelle dans le royaume. Il est des français qui, soit pour leur santé, soit pour leurs affaires, ont été obligés de quitter le royaume. Par exemple, je connais un respectable vieillard qui vient; d’aller chercher Je soleil du Midi. Il est malade, il ne peut pas faire une lieue... Faites attention qu’on tend Un piège à l’Assemblée, quand on lui propose des mesures attentatoires à la liberté individuelle. C’est précisément parce que ces français expatriés vous paraissent dangereux à la Révolution, qu’il faut bien se garder de les rappeler au milieu de vous. Je demande la question préalable. M. de Mirabeau. Je ne puis m’empêcher de remarquer que le projet de décret qui vous est présenté relativement aux fugitifs dit trop, exige trop dans un sens, dit trop peu, exige trop peu dans uu autre sens. Il y a trois classes decitoyens réfugiés ; les uns, de simples citoyens qui peuvent vivre où ils veulent; les autres, des fonctionnaires publics: ceux-ci doivent être privés de leurs salaires ; enfin, les membres de la dynastie. Je ne vois pas qu’il soit de l’intérêt public de les rappeler en ce moment en France. J’ai entendu dire que les membres de Ja famille royale ne doivent pas être distingués des autres citoyens: je réponds qu’lis sont des privilégiés : la substitution à la couronne est une munificence de la nation qui les soumet à des charges auxquelles ne sont pas soumis les autres citoyens. Quand l’auguste chef de la nation a accepté notre Constitution, il a lié toute sa famille. Tous les membres de la dynastie doivent, à son exemple, jurer la Constitution, puisqu’ils sont appelés à la couronne. Je propose d’ajuuter au projet de décret de vutre comité la disposition suivante: « L’Assemblée nationale déclare que les membres de la famille royale éventuellement appelés à succéder à la couronne sont tenus de jurer la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et déjà acceptée par le roi, et de prêter, en conséquence, le serment civique. « Décrète que le roi sera prié de notifier la présente déclaration à MM. d’Artois, Coudé et Bourbon, afin qu’ils aieut à satisfaire a cette obligation daus un mois. » M. Charles de Lameth. J’observe que la proposition du préopinant tient tellement à la Constitution qu’elle peut être regardée comme constitutionnelle elle-même. D’après cela elle ne doit pas être traitée dans une séance du soir ; elle semblerait même, si les intentions de M. de Mirabeau n’étaient pas conuues, avoir pour objet de détruire l’égalité des droits des citoyens. Je ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 539 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 décembré 1790. J crois que son exposé manque de justesse. M. de Mirabeau vous a dit qu’il y avait dans le royaume des citoyens privilégiés. Non, il n’existe que deux hommes privilégiés, le roi et le dauphin. Vous avez déjà déclaré, par un décret solennel cette sainte et précieuse égalité publique. M. de Mirabeau lui-même vous a parlé avec justesse et énergie au moment où il s’est agi d’établir cette égalité. Je préfère donc le projet de décret de votre comité, en ce qu’il consiste à rappeler en France tous les fonctionnaires publics. Il faut que tous ceux qui ont des grades, des distinctions, qui sont déjà une fortune puisqu’elles portent aux grades supérieurs, rentrent dans leur patrie. N’est-il pas scandaleux que la plupart des lieutenants-généraux soient aujourd’hui occupés à nous susciter des ennemis dans les cours étrangères et que cependant ils jouissent encore du droit de veuir prendre leurs rangs dans l’armée? Je ne vous engagerai jamais à faire de votre puissance un usage trop rigoureux ; mais il est temps que les ennemis de la patrie cessent de regarder vos décrets comme illusoires. Il faut que ceux qui ne s’y soumettent pas perdent au moins la considération dont ils jouissent. Quant aux princes, il n’y en a plus : M. de Mirabeau ne doit pas nous proposer pour eux des règles particulières. Il sait bien que vous avez repoussé la proposition qu’il vous lit au mois de juillet, relativement au ci-devant princede Gondé. Il faut rappeler indistinctement tous les fonctionnaires publics et tous ceux qui vivent aux dépens de l’Etat. U est temps de soulager le peuple des sacrifices qu’il ne cesse de faire pour ceux qui le trahissent et l’abandonnent. {On applaudit.) Je conclus en faveur de la motion de M. Barnave. M. de Mirabeau. Je prends les mêmes conclusions, mais je demande que l’article que j’ai proposé soit ajourné à un jour très prochain. Le principe étant faux, selon moi, que tous les prétendants à la substitution de la couronne ne soient pas ce sens des privilégiés, car ils sont une propriété nationale, je ne crois pas qu’une telle lacune doive rester sans être remplie. Quant à ceux qui me rappellent que ma motion sur M. de Gondé fut rejetée, je les invite à réfléchir et à considérer si cette motion décrétée alors ne nous aurait pas sauvé bien des inquiétudes et si ce que l’on propose aujourd’hui est autre chose que les débris, sinon les développements de ce que j’ai dénoncé. (La proposition de M. de Mirabeau est renvoyée au comité de Constitution.) L’Assemblée délibère successivement sur les divers articles du projet de décret du comité des recherches. Au moment où M. le président prononce l’adoption de l’article relatif au remplacement de la garnison de Lyon, M. Diilon observe que, bien loin qu’il n’existe aucune inculpation contre ces régiments, l’un d’eux (celui de Son-nemberg) a reçu des témoignages de satisfaction de l’Assemblée. Sur cette observation, appuyée par M. Barnave, l’Assemblée ordonne le rapport de l’article, et décrète, sur la proposition de M. de Noailles, que le roi sera supplié d’ordonner, relativement à la garnison de Lyon, les mesures les plus propres à assurer la tranquillité publique. Le décret en entier est définitivement adopté en ces termes : bÊCRËT. L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rappoit qui lui a été fait au nom de son comité des recherches, décrète ce qui suit : Art. 1er. Elle charge son président de se retirer de vers le roi pour le prier de donner les ordres nécessaires pour que les sieurs Guillien, dit de Pouge-lon ; d’Escars et Terasse, dit de Teyssonnet, soient transférés séparément et sous bonne et sûre garde, du château de Pierre-Scise, où ils sont actuellement détenus, dans les prisons de Paris. Art. 2. La municipalité de Lyon enverra incessamment au comité des recherches de l’Assemblée nationale tous les renseignements qu’elle aura pu se procurer sur la conspiration dont se trouvent prévenus lesdits sieurs Guillien* d’Escars et Terasse, ensemble leurs papiers. Art. 3. Le procès sera fait à ces particuliers par la haute-cour nationale, chargée de la connaissance des crimes de lèse-natloD* ou par tel autre tribunal provisoire que l’Assemblée nationale jugera convenable. Art. 4. Le roi setà prié de remplacer le siëur La Chapelle, commandant les troupes de ligne âLyon, et de donner tous les ordres nécessaires pour le maintien de la tranquillité dans cette ville. Art. 5. Décrète que tous français, fonctionnaires publics» ou recevant des pensions ou traitements quelconques de l’Etat, qui ne seront pas présents et résidents dans le royaume, et qui n’auront pas prêté le serment civique dans le délai d’un mois après la publication du présent décret, sans être retenus dans les pays étrangers par une mission du roi pour les affaires de l’Etat, seront, par le seul fait, déchus de leurs grades et emplois, et privés de leurs pensions, appointements et traitements. M. le Président. L’Assemblée se réunira demain dans ses bureaux pour la nomination d'un président. Les voix sé sont divisées entre M. de Bonuay et M. d’ Aiguillon, et il n’y a pas eu de résultat aujourd’hui. MM. Bion, Armand (de Saint-FJour) et l'abbé Latyl, prêtre de l’Oratoire, ont été élus secrétaires en remplacement de MM. Gastellanet, Salicetti et Poulain de Boutancourt, secrétaires sortants. La séance est levée à dix heures du soir.