261 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 septembre 1791.] les 7,U00 toises qui traversent le pays de Montbéliard, opération que l’ingénieur n’a pu faire, faute des négociations nécessaires avec le prince de Montbéliard ; et qui d’autre part peuvent encore être devenues indispensables par les changements qui ont pu s’opérer depuis la levée des plans faite en 1779. Ces nouvelles opérations pourront coûter environ 20,000 livres. Les résultats avantageux et économiques qu’elles doivent produire n’ont pas fait hésiter votre comité à vous les proposer d’après l’avis de la commission, qui les a regardées comme d’une nécessité absolue. Il me reste encore un mot à dire sur la demande faite par M. La Chiche de lui confier la direction du travail. Votre comité rend justice à son zèle ; mais vous avez déjà rejeté sa proposition par la loi du 19 janvier dernier, et, quand même cette loi n’aurait pas été portée, comment pourrait-on confier à un particulier isolé la conduite d’un ouvrage aussi important ? Quelques talents qu’on lui suppose, quelque connaissance qu’il ait du local, ils disparaîtront avec lui, et son âge avancé ne lui permet pas, d’ailleurs, l’espoir de voir la fin de cette entreprise : aussi il ne peut exister aucune difficulté sur cet objet, et votre comité croit les avoir toutes enlevées en vous proposant d’accorder à M. La Chiche une indemnité qui lui a paru juste. D’après cette loi du 19 janvier, peut-on renvoyer à d’autre qu’à l’administration centrale des pouts et chaussées l'exécution du projet? C’est un inspecteur qui en est l’auteur ; ce projet est le seul reconnu praticable par la commission .- celui de M. La Chiche, au contraire, suivant cette même commission, est opposé à toutes les règles de la navigation ; il rendrait celle du Doubs impraticable, excepté dans les crues d’eaux ; il est destructeur des usines qui existent sur cette rivière, et qui font la richesse de cette contrée ; il augmenterait considérablement la dépense, soit par la suppression de celles qui appartiennent à la nation, soit par les indemnités qui seraient dues aux propriétaires des autres. Personne enfin ne peut mieux que cet inspecteur, qui en a fait tous les détails, perfectionner ce projet, et en suivre l’exécution, sauf à examiner dans une assemblée mixte des ponts et chaussées et du génie militaire les parties d’ouvrages qui pourront intéresser la sûreté des places et celle des frontières. Votre comité doit encore vous faire observer, en terminant ce rapport, que la dépense de ce canal sera encore infiniment moindre par l’aug mentation réelle qu’il donnera aux domaines nationaux dans les départements qu’il traversera : la certitude seule de voir enfin terminer cet important ouvrage fera naître des spéculations de tout genre. Les établissements religieux occupent des emplacements vastes, commodes et propres à des manufactures et aux magasins qu’exigerait un commerce plus étendu qu’il ne l’a été jusqu’à présent dans ces départements. Cette navigation une fois décrétée, les nouvelles spéculations commerciales rendront ces emplacements infiniment intéressants, doubleront et peut-être tripleront l’aperçu de leur valeur, de sorte que, par l’aug-mentatinn du prix de ces domaines nationaux, le Trésor public recouvrera une grande partie des avances que cet établissement doit coûter. Ce serait abuser de vos moments, Messieurs, ce serait ne pas vouloir connaître votre patriotisme, que de s’attacher davantage à vous démonirer que l’intérêt de la nation entière exige que vous ne tardiez pas plus longtemps à la faire jouir des avantages que cet établissement procurera à son commerce, tant intérieur qu’extérieur. Vous ne laisserez pas à vos successeurs l’avantage d’élever un tel monument à la gloire et à la prospérité des Français. Par ces considérations, j’ai l’honneur de vous proposer le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d’agriculture et de commerce, décrète ce qui suit : « Art. 1er. Les travaux commencés pour établir le canal de jonction du Rhône au Rhin, dans la partie entre la Saône et le Doubs, depuis Dole à Saint-Symphorien, au-dessus de la ville de Saint-Jean-'de-Losne, seront continués jusqu’à leur entière perfection, en conformité et aux termes de l’arrêt du conseil du 25 septembre 1783. « Art. 2. Le surplus dudit canal par les rivières du Doubs, de l’Haleine, la Largue et d’IU, avec une branche pour joindre le Haut-Rhin, depuis Mulhausen jusqu’à Bâle, par Huningue, sera entrepris aux frais de la nation, d’après les plans et devis commencés par le sieur Bertrand, inspecteur général des ponts et chaussées, ensuite des ordres à lui adressés par le gouvernement, le 5 septembre 1773 ; sauf, néanmoins, les corrections et changements qui pourront être jugés nécessaires. « Art. 3. Attendu que lesdits plans et devis n’ont pu être faits avec toute la précision nécessaire dans toute l’étendue dudit canal, dont une partie doit traverser les Etats du prince-comte de Montbéliard, en suivant la rivière de l’Haleine sur une longueur totale d’environ 7,000 toises, il lui sera fait fonds par la trésorerie nationale, sous la responsabilité du ministre de l’intérieur, d’une somme de 20,000 livres pour l’entière exécution du projet général de ladite navigation, et le roi sera prié de donner les ordres nécessaires pour entamer et suivre toutes négociations avec le prince-comte de Montbéliard, pour que ladite partie du canal soit comprise dans le projet général de jonction, et que la liberté du commerce et du transmarchement y soit réciproquement assurée. « Art. 4. Le devis et détail estimatif des ouvrages à faire successivement par parties et en différents endroits dudit canal sera présenté par l’administration des ponts et chaussées à l’Assemblée nationale législative, qui déterminera chaque année les fonds à y employer. « Art. 5. En ce qui concerne les parties d’ouvrages dépendant dudit canal, qui pourront intéresser la sûreté des places ou celle des frontières, les projets en seront examinés dans une assemblée mixte des ponts et chaussées et du génie militaire, pour le résultat de cet examen, porté aux comités militaire et des ponts et chaussées de l’Assemblée nationale, et, sur le rapport desdits comités, être statué ce qu’il appartiendra. « Art. 6. Ce canal sera dénommé Canal du Rhône au Rhin. « Art. 7. L’Assemblée nationale charge son président de témoigner aux sieurs La Chiche et Bertrand la satisfaction de l’Assemblée, de leur zèle à avoir suivi un projet aussi important, et attendu que le sieur La Chiche a fait de grands frais pour se procurer les connaissances nécessaires à la perfection de cette entreprise, il lui sera payé, en vertu du présent décret, par la Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 septembre 1791.) 262 trésorerie nationale, une somme de 12,000 livres, par forme d’indemuité. » ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. VERNIER. Séance du mercredi 7 septembre 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du lundi 5 septembre au matin , qui est adopté. Un membre observe que dansledécretdu 26 avril dernier d’après lequel la paroisse de Saint-Clair a dû être unie au département de l’Isère, il a été écrit la paroisse de Serres au lieu de celle de Saint-Clair; il demande la rectification de cette erreur et propose, en conséquence, le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale a décrété que l’erreur qui s’est glissée dans le décret du 26 avril, sanctionné le 4 mai dernier, sera réformée; en conséquence, qu’il sera dit que la paroisse de Saint-Clair sera unie au département de l’Isère et non celle de Serres, qui reste au département de la Drôme. >. (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. le Président. Dans plusieurs départements, les électeurs des campagnes refusent de procéder à la nomination des députés à la législature, jusqu’à ce qu’on ait ordonné qu’ils soient payés; ce fait se présente notamment dans le département de Maine-et-Loire dont les électeurs ont envoyé ici un courrier extraordinaire. Je crois qu’il est nécessaire de renvoyer cette question au comité de Constitution qui répondra avec sa sagesse habituelle. M. d’André. Il est très certain que, dans plusieurs départements, les électeurs non seulement demandent un payement mais encore se font payer, et que les directoires de département, qui ont envie d’être élus, n’osant pas contrarier le vœu des électeurs, donne t des mandats sur les caisses des trésoriers, alin de faire payer les électeurs : j’en ai un exemple et j’en suis sûr. Je suis étonné que le comité de Constitution, malgré nos fréquentes réclamations, ne prononce pas sur cet objet-là. Si l’Assemblée pense qu’il faut payer les électeurs , ils seront payés dans tout le royaume d’une manière unilorme et vous fixerez un taux qui ne sera pas onéreux au peuple. Dans certains pays, on les paye 6 livres par jour et 25 sous par lieue pour leur voyage, de manière qu’à 800 électeurs, cela coûte plus de 4,000 livres par jour. A ce compte-là, on fait durer les élections pour avoir ces 6 livres par jour; des paysan* qui sont envoyés des campagnes et qui gagnent 24 sous chez eux, sont très enchantés d’avoir 6 livres par jour. Ainsi je demande que le comité de Constitution fasse son rapport ce malin là-dessus, parce que cela ne peut pas faire une longue question ; et dans le cas où le comité de Constitution n’aurait pas fait ce rapport à l’Assemblée à deux heures, nous discuterons la matière et nous prendrons une décision. (L’Assemblée, consultée, décide que le comité de Constitution fera son rapport à deux heures sur la question de savoir si les électeurs seront payés.) M. le Président fait lecture d’une lettre de M. Doulceron , qui réclame des indemnités à raison de la perte d’une habitation qu’il avait dans les possessions françaises du fort Dauphin, et qui se trouve enclavée dans le territoire espagnol, par les nouvelles limites qui furent établies en 1775 et 1776 entre les deux cours de France et d’Espagne. (Cette réclamation est renvoyée au pouvoir exécutif.) Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du lundi 5 septembre au soir, qui est adopté. M. Arnoult , au nom du comité de féodalité, fait la relue des articles précédemment décrétés relativement aux domaines congéables. M. Lanjuinais fait lecture d’une lettre de M. Boullé , commissaire de l’Assemblée nationale dans les départements du Mord, par laquelle il instruit l’Assemblée des mesures que prend le général de l’armée du Nord pour le rétablissement de la discipline militaire. Cette lettre est ainsi conçue : Valenciennes, le 3 septembre 1791. « Monsieur le Président, v La loi nouvelle provoquée par l’esprit de révolte qui s’est introduit dans quelques régiments a été adressée de suite au général en chef de l’armée du Nord, qui a aussitôt chargé M. Fléchin, maréchal de camp, de la faire promulguer dans la garnison d’Arras, et d’employer tous les moyens qu’elle peut fournir pour rétablir la subordination et le b m ordre da is le 2e bataillon du 68e régiment d’infanterie. Les premières dépêches de cet officier général nous ont déjà annoncé que les soldats de ce bataillon rentraient dans l’obéissance et elles nous font espérer le succès de toutes les opérations ultérieures dont il est chargé. Mais, en attendant qu’il soit eu état d'en rendre compte, je ne puis m’empêcher de témoigner à l’Assemblée nationale que je n’ai pas lu sans peine le précis de la discussion à laquelle a donné lieu, dans son sein, la proposition de la loi. J’y ai remarqué, d’une part, des expressions exagérées, sans doute, puisque les officiers du 2° bataillon du 68° régiment reconnaissent eux-mêmes, dans leur mémoire, qu’il se trouve encore dans ce bataillon des sujets recommandables, des soldats fidèles, de braves et respectables militaires qui connaissent les devoirs de leur état, et qui sont disposés à les remplir. J’y ai vu, de l'autre, qu’on avait omis les principaux faits, ceux qui avaient principalement et immédiatement déterminé la translation de ce bataillon de la ville de Laridrecies dans la citadelle d’Arras : j’avais cependant instruit le comité militaire de tous ces faits; mes lettres et les pièces que j’y avais jointes pouvaient le mettre en état d’en rendre compte. Je regrette qu’il ne l’ait pas fait, parce que la nécessité de la loi n’en eût été que mieux démontrée ; et qu’il ne faut jamais priver (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.