(Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Nancy.) 91 qui en absorbent le profit et qui seraient plus utiles à l’agriculture. OBSERVATIONS ET SACRIFICES FAITS PAR LA PROVINCE. 51° Observeront, nosdits seigneurs, à Sa Majesté que la province de Lorraine serait dans le cas de demander à n’être admise à payer sa quote-part des dettes de l’Etat que depuis sa réunion à la monarchie française; mais par un dévouement entier à la patrie, elle consent d’entrer dans la totalité de la dette, en prenant cependant en considération la quantité des routes que cette province frontière est forcée d’entretenir. Nota. 52° La ville de Roziéres demande le rétablissement de ses ponts enlevés en 1778, ainsi que le rétablissement de ses chaussées au compte de l’Etat. 53° Bayon demande le rétablissement de sa prévôté bailliagère réunie à Chaumont, par la raison que la rivière qui sépare les villages de l’ancien arrondissement de Bayon les tient souvent, pendant plusieurs semaines, dans l’impossibilité de se rendre au siège. Fait et rédigé par MM. les commissaires soussignés, le 19 mars 1789, en l’une des salles de l’hôtel de ville de Roziéres, en présence et assistance du greffier en chef du bailliage, soussigné avec nous. Signé le chevalier de Boufflers, bailli; Cha, curé d’Haussonville ; F. Lapierre, curé de Froville ; Lambert de Bouvron, de Ghâtillon, le baron de Saudoucq, Pitoux, lieutenant général ; Thiery, lieutenant particulier; F. Cbanot, Lambert, Crand-Mengin, Drouot et Thiery, greffier. CAHIER Des doléances et remontrances des trois ordres réunis du bailliage royal de Roziéres (1). Les trois ordres du bailliage de Roziéres, réunis par les sentiments d’affection réciproque et mutuelle d’intérêt commun et surtout d’amour sans bornes pour le Roi et pour la patrie, croient ne pouvoir donner une preuve plus authentique de la reconnaissance, de l’obéissance et de la confiance dont ils sont pénétrés, qu’en exposant respectueusement devant la nation assemblée les propositions qu’ils font d’un commun accord pour le bien du royaume et celui de la province. 1° Que la France soit, à l’avenir et à jamais, administrée par ses Etats iibres et généraux, les trois ordres y réunis dans la forme et proportion fixée par la sagesse de Sa Majesté; que le retour périodique de ses Etats soit invariablement et régulièrement fixé au terme de quatre ans. Que chaque province soit de même administrée dans son intérieur par ses Etats particuliers librement élus, où les trois ordres seront de mêmes forme et proportion que celles fixée pour les Etats généraux de France ; le nombre des membres des dits Etats doit être proposé par les provinces, et le tiers de ces membres remplacé, chaque année, par une libre élection. Lesdits Etats provinciaux se rassembleront tous les ans, à une époque qui sera fixée par la sagesse de nosseigneurs des Etats généraux. Dans l’intervalle des tenues des Etats généraux, il existera toujours une commission intermédiaire composée de députations des Etats provinciaux, dans la proportion fixée par les trois ordres; que (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. chacun desdits députés soit amovible, et sur le champ remplacé à la seule volonté de ceux des Etats provinciaux dont ils dépendront, en observant néanmoins que cette volonté doit être manifestée dans lesdits Etats par une pluralité des deux tiers pour le rappel et par la majorité pour le remplacement. Il existera de même, entre les tenues des Etats provinciaux, une commission intermédiaire toujours subsistante dont, les membres, dans la proportion fixée pour les trois ordres, seront élus, au choix et du sein desdits Etats, dans le nombre qu’il leur plaira de fixer. Les municipalités des villes et campagnes faisant, sous la surveillance des Etats provinciaux, fonction d’Etats particuliers pour lesdites villes et campagnes, seront de même élues librement et auront une organisation analogue à celle des Etats provinciaux, et seront composées, s’il est possible, de membres des trois ordres dans la proportion fixée. Cette proportion entre les ordres devant être désormais regardée comme le type de la constitution française, on demande qu’elle règne jusque dans les tribunaux supérieurs et même inférieurs, en sorte qu’il y ait dans tous ces tribunaux nombre égal de clercs et de nobles, et nombre du double du tiers-état, librement élus dans leurs assemblées et sévèrement examinés pour leur admission dans la magistrature, observant cependant quecette demande ne puisse avoir lieu qu’après la vacance des offices occupés dans chacun des tribunaux. 2° Qu’à l’avenir et à jamais il ne puisse être levé d’impôts ni ouvert d’emprunts, qu’ils n’aient été librement consentis par la nation représentée par nosseigneurs des Etats généraux, les trois ordres réunis, opinant par tête, et que ledit consentement ne soit valable que jusqu’à l’époque du retour desdits Etats, et que les sommes imposées cessent d’être perçues au delà des trois mois qui suivront l’ouverture de la nouvelle tenue, laquelle ouverture se fera toujours à un jour préfix, par un règlement exprès des Etats généraux antérieurs. La contribution de tous les sujets aux charges du royaume, l’impôt territorial affectant également toutes espèces de possessions de ce genre et payable en argent, et la capitation proportionnelle' à tous genres de richesses connues ou raisonnablement présumées. La somme totale de cesdits impôts sera déterminée par nosseigneurs des Etats généraux sur les besoins reconnus du royaume, d’après la connaissance précise qu’u-a laborieux et sérieux examen leur aura procurée sur l’état actuel des finances, et ces besoins ne seront fixés qu’après déduction et suppression faites sur-le-champ, de toutes dépenses abusives, soit dans la perception des deniers, soit dans la distribution des grâces, soit dans la multiplication des emplois. Toutes fermes et régies quelconques doivent être incessamment supprimées; la collection de tous ces deniers et la répartition des deux impôts devant être confiées aux soins des Etats provinciaux qui pourvoiront dans leur sagesse au mode de perception le plus convenable dans leur province, et ils feront droit sur toutes les plaintes particulières relatives à l’administration; ces objets tenant toujours essentiellement à la répartition plus ou moins égale de la charge publique. 3° Nosseigneurs des Etats généraux sont suppliés de représenter à Sa Majesté que, pour asseoir dans la plus juste proportion l’impôt territorial, il est absolument essentiel de connaître les-propriétés de toutes les villes et de tous les 92 • [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Nancy.] villages; que cette connaissance ue peut sortir que d’un arpentage exact de toutes les terres et de tous les héritages, auxquels les .propriétaires appelés représenteront leurs titres, en justifiant les droits de leurs propriétés; d’obtenir en conséquence, de Sa Majesté, qu’il soit fait un remboursement général dans chaque ville et habitation de la Lorraine, et qu’après les propriétés remplies, s’il s’y trouve de l’excédant, il sera vendu en enchère; sur le prix il sera perçu les frais des opérations ; sur le surplus il sera distrait le tiers au seigneur, les deux autres tiers resteront aux communautés. 4° Nosdits seigneurs demanderont que les receveurs généraux et particuliers des finances, des domaines et bois de la province, dont les gages diminuent considérablement la masse des impôts et le produit des ventes de bois, soient également supprimés; que les impôts soient versés par l’assemblée municipale aux Etats provinciaux, sans retenue quelconque et par ces derniers au trésor royal. 5° En conséquence des deux impôts universels consentis, nosdits seigneurs supplieront Sa Majesté de rendre le sel et le tabac marchands, et aussi. l’abolition de deux des trois salines de Lorraine; les avantages que présentent ces réformes sont : 1° une grande consommation de sel qui est nécessaire à l’éducation du bétail et dont le prix excessif emporte tout l’usage de cette denrée: 2° les bois si rares en Lorraine, dans certaines parties, le deviendront moins par la suppression de deux salines; l’une des trois peut fournir une quantité suffisante de sel à la province. 6° Demanderont, nosdits seigneurs, que les prévarications des ministres de Sa Majesté soient poursuivies, jugées et punies par le parlement de Paris, sur la dénonciation d’aucun des Etats généraux, et qu’aucun particulier français ne puisse être emprisonné que par un décret de ses juges ordinaires. 7° Les intendants, subdélégués et autres officiers de ce genre d’administration devenant désormais inutiles, doivent être remplacés par des délégués des Etats provinciaux ; il en sera de même des ingénieurs, sous-ingénieurs et inspecteurs des ponts et chaussées, les connaissances que demandent ces travaux étant actuellement trop répandues dans la province, pour que les communautés ne trouvent pas toujours dans leur voisinage et souvent dans leur sein, les ouvriers artistes qui leur sont nécessaires. Lesdits Etats pourvoiront de même au tirage de la milice ainsi qu’au règlement à faire sur les exemptions, suivant la proportion invariablement fixée pour chaque province par un rescrit des Etats généraux, lesquels, sans doute, prendront en considération la charge cruelle et souvent inutile de cet impôt sur les communautés, et aviseront aux moyens de détruire les préjugés du peuple à ce sujet, en attribuant à l’état de milicien l’honneur et le payement qui lui sont dus. 8° Nosdits seigneurs sont aussi suppliés d’obtenir de la bonté du Roi que les Etats provinciaux soient autorisés à imposer, dans leurs provinces respectives, les sommes nécessaires pour la suppression si 'désirée de plusieurs sortes d’offices dont l’exercice est un fléau dans les villes et les campagnes, et plus particulièrement pour les veuves et les orphelins des plus pauvres familles: tels sont les offices de jurés-priseurs, des huissiers trop multipliés, des procureurs, dont les fonctions peuvent être suppléées par les avocats, à la grande satisfaction du public. Pour les autres charges dont les fonctions sont généralement utiles, on pourrait de même en supprimer la vénalité par un remboursement, ou l’éteindre graduellement par une diminution imposée également à chaque mutation pareille à celle qui est adoptée pour l’extinction de la vénalité de certains emplois militaires. On suppliera Sa Majesté d’accorder à la magistrature et à tout ce qui y est attaché, un traitement honorable, fixe et suffisant pour la mettre à portée de rendre la justice gratuitement; en sorte que la fortune, et souvent l'existence de la magistrature, ne dépendent plus du nombre des procès et autres opérations; qu’ils pourront, sans aucun sacrifice, se livrer au plaisir d’arranger les affaires, au lieu de les instruire, et de faire régner dans le royaume l’esprit de paix à la place de celui de la discorde qu’on les a si souvent et si injustement accusés de répandre. Enfin, le Roi sera supplié d’attribuer aux officiers royaux le contentieux des affaires civiles et criminelles dans les hautes justices seigneuriales, où les frais deviennent considérables aux plaideurs par le défaut de résidence des juges, officiers et avocats, et particulièrement à Sa Majesté dans les matières criminelles, en laissant cependant aux seigneurs hauts justiciers, pour les bois et forêts de leurs hautes justices seulement, et les bois et forêts de leurs vassaux, la confection des inventaires chez leurs justiciables dont les frais seront moins considérables que s’ils étaient faits par les officiers des bailliages royaux. De représenter à Sa Majesté que l’administration des forêts des domaines étant confiée à ’ des tribunaux d’exception, des officiers desquels le payement diminue considérablement le qirix des ventes des bois, et l’éloignement desdits officiers de la situation des forêts empêche leur surveillance, particulièrement celle des grands maîtres, le défaut de laquelle fait naître la détérioration des bois et une déprédation totale; il est plus profitable de supprimer ces tribunaux et de rendre cette administration aux bailliages royaux, sous la surveillance des Etats provinciaux, particulièrement la réformation des forêts affectées aux salines de Moyenvic, Dieuse et Château-Salins, et nosdits seigneurs des Etats généraux suppliés de statuer sur la manière et le temps du remboursement des finances desdits offices. 10° De demander au Roi que les notaires, qui sont juges cartulaires, disposant, par la rédaction des actes, de la fortune , ou de la ruine des contractants, sou ven t par leur impéritie ou l’omission des lois qu’ils ne connaissent pas, qu’ils ne sont pas capables de connaître, ne soient admis à cet office qu’à l’âge de trente ans, reçus avocats et ayant exercé pendant six ans ; que leurs droits et honoraires soient invariablement fixés, plus particulièrement ceux des minutes ; qu’il soit établi dans chaque siège une communauté entre ces officiers et une solidarité sur eux tous, après un examen scrupuleux fait par les officiers1 du siège et des deux plus anciens jurisconsultes. llo Que l’on prenne en considération l’inutilité et la cherté de l’administration des maîtrises des eaux et forêts. Cette administration pourrait être confiée aux Etats provinciaux et régie par des moyens plus simples et moins dispendieux. l’2u La cumulation des grâces, pensions et bénéfices sur une même personne, les traitements excessifs de nombre de places, et l’inutilité de celles qui sont sans fonctions, ne pouvant résul- 93 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Nancy.] ter que d’une surprise faite à la religion et à la justice du Roi; nous désirons que MM. nos députés s’occupent d’obtenir, pour l’avenir, un règlement sage et économique sur ces objets. 13° lis concourront aussi à l’expression du vœu que nous croyons général de voir augmenter le traitement dès curés à portion congrue et des vicaires ; cetle portion nombreuse et respectable de l’ordre du clergé, fixée dans les campagnes, a à peine le nécessaire le plus strict et se trouve dans l’impossibilité d’ajouter, dans des circonstances urgentes et nombreuses, quelques secours aux consolations de leurs morales et de leurs exemples. 14° Ils solliciteront la suppression de la gabelle, impôt unanimement reconnu désastreux pour tout le royaume, mais plus particulièrement encore pour cette province, puisque le sel, au lieu d’être pour elle un produit territorial et avantageux, lui devient excessivement à charge par le renchérissement que sa formation occasionne dans le prix des bois. C’ést aux Etats de la province à juger s’il lui serait avantageux de supprimer totalement ces usines et d’y suppléer par le sel marin ; mais il est indubitable que les bois de cette province sont absorbés et détruits par la fabrication excessive du sel, qui a doublé au moins depuis quelques années pour fournir aux étrangers et uniquement au profit du fermier; il faut donc insister pour obtenir au moins une diminution considérable dans le nombre des poêles. 15° Si l’on agite quelques questions relatives à l’administration ou aliénation des domaines du Roi, ils proposeront s’il ne serait pas juste de revendre une partie de ceux dont l’acquisition récente a nécessairement contribué à l’augmentation de la dette actuelle, et si les fonds ou intérêts qui en résulteront, ne devront pas être employés à son extinction; ils insisteront surtout sur la convenance de l’aliénation des usines domaniales ; les frais d’entretien, de reconstruction de bâtiments , ceux de régie, etc., absorbent leurs produits, et l’abus est inévitable dans les détails ; elles sont particulièrement multipliées dans cette province, où elles ont porté le prix des bois à un taux excessif ; et si l’on proposait de retirer les domaines engagés dans cette province, ils observeront que ces anciennes concessions ont été le prix des services rendus à nos anciens souverains, et que cette opération ne pourrait pas être consommée sans opérer la ruine d’une grande partie de la noblesse et des citoyens. 16° Quant aux objets locaux et particulièrement relatifs à cette province, et à sa portion contributive, nos députés feront observer : 1° sa position sur la frontière qui l’expose à des charges extraordinaires en temps de guerre ; 2° la facilité que cette situation fournit à ses habitants, de se retirer et de domicilier chez les princes voisins, où des charges plus modérées et l’attrait de l’idiome allemand les appelle sans cesse; 3° que la quantité de routes dont elle est percée et qui ont toutes une utilité directe pour le royaume, nécessite pour leur entretien une dépense exorbitante, et qu’il serait juste qu’elle fût regardée comme charge du royaume, et qu’il fût assigné un secours pour y subvenir, et dans le cas où elles devront être à la charge de la province exclusivement, ce sera au moins une forte considération à faire valoir, pour alléger sa portion contributive aux charges générales de l’Etat ; 4° que, réunie seulement au "royaume depuis 1737, cette province a acquitté non-seulement les dettes contractées par ses anciens souverains, mais qu’elle a contribué encore à payer celles contractées par la, France, antérieurement à sa réunion, et qu’il est d’une justice rigoureuse qu’elle soit dispensée de prendre part à celles créées avant cette époque. Tels sont les points principaux sur lesquels nous chargeons notre député de se réunir à ceux choisis pour représentants de la province aux Etats généraux, afin d’obtenir l’établissement constitutionnel, notamment des sept premiers; et c’est à cette condition et non autrement que nous déclarons donner auxdits députés, tous pouvoirs suffisants et assez étendus, pour aviser, proposer et consentir à tout ce qui pourra contribuer à la prospérité du royaume et au bonheur de tous et chacun des sujets de Sa Majesté. 17° Et afin de servir la délicatesse de celui d’entre nous qui obtiendra nos suffrages pour la députation, et pour le mettre à l’abri de tous soupçons injurieux, nous arrêtons expressément et nous nous promettons, sur noire honneur, que celui d’entre nous qui sera honoré de la confiance de notre ordre et qui pourra, en conséquence, devenir notre représentant aux Etals généraux, ne pourra recevoir (s’il est député aux Etats) aucune grâce ou faveur quelconques de la cour, pendant la durée des Etats généraux, et même un an après la clôture, sans notre agrément, et qu’il réunira son vœu à celui de nos autres députés, pour que le traitement pécuniaire de leur séjour aux Etats généraux soit réglé de manière à offrir à toutes les provinces du royaume un modèle de patriotisme et de désintéressement. Signé le comte de Coyvillers, le baron de Ma-luët, de Fourico, Bourlon Doriancourt de Lixières, Armand de Rouot, de Fourico, de Bacourt, Dan-glards, de Feydeau, Dubois de Riocourt, le comte François de Toustain-Viray, M. de Cœur de Roy, par M*. Dubois de Riocourt; M. de Marcot, par M. de Lixières; M.de Sylly, par M. de Bacourt; M. le marquis de Raigecoùrt, par M. de Bacourt; M. de Domgermain, par M. de Fourico;M. le marquis de Toustain, par M. le comme François de Toustain.